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Date : 20071123

Dossier : T-1707-03

Référence : 2007 CF 1233

ENTRE :

JOHN RUSSELL M. MCKAY

demandeur

défendeur reconventionnel

et

 

 

WEATHERFORD CANADA LTD.

défenderesses

demanderesses reconventionnelles

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

 

 

LE JUGE CAMPBELL :

 

 

[1]               Le matériel utilisé dans l’industrie pétrolière au Canada, aux États-Unis et à l’échelle mondiale présente comme caractéristique de contenir du caoutchouc fixé à du métal au moyen d’un adhésif capable de résister à d’énormes pressions. Lorsque le caoutchouc de cet équipement est usé et doit être remplacé, il convient d’utiliser une méthode économique, sans danger pour l’environnement, pour briser l’adhésif afin de retirer le caoutchouc usé sans abîmer le métal. La présente action porte sur un brevet délivré au demandeur (M. McKay) qui décrit une telle méthode de rupture de l’adhésif par refroidissement, et dans laquelle le demandeur soutient que les défenderesses (Weatherford) ont utilisé l’invention dans leurs activités de remise en état à grande échelle.

 

[2]               Le brevet canadien 2 371 155 (le brevet), accordé le 10 juin 2003 à M. McKay, est joint aux présents motifs dans sa forme originale comme annexe A et il y est désigné comme (brevet 155). Le brevet vise un type particulier de pompe. En substance, la pompe est composée d’un tube métallique (la cavité) sur la surface interne duquel est collé par un adhésif un manchon creux en caoutchouc appelé stator ou élastomère (l’élastomère) et d’un arbre tournant à l’intérieur de l’élastomère afin d’y faire circuler des fluides. Au fil du temps, l’élastomère s’use sous l’action de l’arbre et il doit être retiré pour pouvoir insérer et coller un nouvel élastomère dans la cavité.

 

[3]               Le brevet revendique une méthode d’enlèvement de l’élastomère usé en utilisant une certaine technique de refroidissement qui provoque la rétraction de l’élastomère et son détachement de la cavité. Dans la partie du mémoire descriptif du brevet intitulée « Description détaillée de la réalisation préférée », il est déclaré que l’enlèvement de l’élastomère est « extrêmement simple » après l’opération de refroidissement parce qu’il s’est détaché du tube; en effet, il se réalise en exerçant une force sur le stator pour le faire « glisser hors » de la cavité, ou en basculant la cavité de sorte que l’élastomère « glisse hors » de la cavité par gravité (brevet 155, p. 3).

 

[4]               Weatherford utilise le refroidissement pour enlever les élastomères des cavités statoriques, mais affirme que les températures appliquées ne sont pas celles revendiquées dans le brevet et que, en tout état de cause, leur procédé ne dépend pas de la rétractation et du détachement de l’élastomère de la cavité, mais se fonde seulement sur le fait que l’élastomère atteint sa « température de transition vitreuse » où il devient alors fragile et peut être enlevé par broyage mécanique. En plus de nier l’allégation de contrefaçon formulée par M. McKay sur ce point et soutenue par d’autres motifs, Weatherford fait valoir que le brevet est invalide pour cause d’évidence; à savoir, les techniques revendiquées dans le brevet étaient bien connues du public avant le dépôt de la demande de brevet (date de la revendication).

 

[5]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que le procédé de Weatherford ne constitue pas une contrefaçon du brevet, mais je conclus également que le brevet n’est pas invalide pour cause d’évidence.

 

I.          L’interprétation des revendications du brevet

            A. Les règles de droit

[6]               Les règles de droit régissant l’approche sur l’interprétation des brevets sont bien établies et elles sont exposées en termes succincts dans Bourgault Industries Ltd. c. Flexi Coil Ltd. [1998] A.C.F. no 264 (C.F.) aux paragraphes 109 et 110 :

[traduction] L'interprétation des revendications doit précéder en toute indépendance l'étape où il faudra déterminer si la défense de l'invalidité est fondée. Le rôle d'interprétation d'une revendication de brevet appartient exclusivement au juge de première instance. Les témoins experts, les personnes versées dans l'art, ont pour tâche de fournir au juge la connaissance technique nécessaire pour interpréter un brevet comme s'il était lui-même une personne versée dans l'art. Lorsque les experts ne s'entendent pas, c'est au juge de première instance qu'il appartient de trancher de façon définitive.

Dableh c. Ontario Hydro (1996), 68 CPR (3d) 129, le juge Robertson, aux p. 143 à 145 (C.A.F.) [70]


Le mémoire descriptif d'un brevet s'adresse à une personne versée dans l'art en cause. Il faut considérer l'ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l'invention et son mode de fonctionnement, sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public.

Consolboard c. Macmillan Blodel (Sask) Ltd. [1981] 1 R.C.S. 504, le juge Dickson, aux p. 520 et 521.

Si le titulaire d'un brevet définit et limite avec précision, dans un libellé qui est clair et non ambigu, ce qu'il prétend avoir inventé les tribunaux n'ont pas à restreindre, élargir ou qualifier la portée d'une invention en se référant au corps du mémoire descriptif, ce qui signifie que ce recours ne doit servir qu'à aider à comprendre le sens dans lequel sont employés les mots ou les expressions figurant dans la revendication. Les termes doivent être pris dans leur contexte, de sorte qu'il est bien souvent risqué de conclure qu'un terme est simple et non ambigu.

Nekoosa Packing Corp. c. AMCA International Inc. (1994), 56 CPR (3d) 470, le juge Robertson, aux p. 481 et 482 (C.A.F.)

Le tribunal doit interpréter les revendications; il ne peut les récrire. Lorsqu'un inventeur a clairement déclaré dans les revendications qu'il tenait un élément pour essentiel à son invention, le tribunal ne saurait en décider autrement pour la seule raison qu'il se trompait. Je me permettrai également d'ajouter que le tribunal, dans l'interprétation des revendications, essaie simplement de dégager l'intention de l'inventeur; il ne saurait donc conclure que la stricte conformité avec un mot ou une expression utilisés dans une revendication ne constitue pas une exigence essentielle de l'invention, sauf si de toute évidence, l'inventeur savait que le fait de ne pas s'y conformer n'aurait aucun effet important sur le fonctionnement de celle-ci.

Eli Lilly & Co. c. O'Hara (1989), 26 CPR (3d), le juge Pratte à la p. 7 (C.A.F.)

                     

 

[7]               Dans l’arrêt Free World Trust c. Électro Santé Inc. [2000] 2 R.C.S. 1024 (C.S.C.), le juge Binnie expose aux paragraphes 14 et 15 la nécessité de définir clairement les éléments essentiels de la revendication d’un brevet :

14. Les revendications d’un brevet sont souvent comparées à des « clôtures » et à des « frontières » qui délimiteraient clairement les « champs » faisant l’objet du monopole. Ainsi, dans la décision Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines, Ltd., [1947] R.C. de l’É. 306, le président Thorson s’exprime dans les termes suivants, à la p. 352 :

 

[traduction] En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

 

15. En réalité, les « clôtures » sont souvent constituées d’une superposition complexe de définitions de différents éléments (ou « composants » ou 

«  caractéristiques » ou « parties intégrantes ») dont la complexité, l’interchangeabilité et l’ingéniosité sont variables. Un ensemble de mots et d’expressions définit le monopole, met le public en garde et piège le contrefacteur. Dans certains cas, les éléments précis de la « clôture » peuvent être cruciaux ou « essentiels » au fonctionnement de l’invention revendiquée; dans d’autres, l’inventeur peut envisager que des variantes puissent aisément être employées ou substituées sans que cela ne modifie substantiellement le fonctionnement de l’invention, et la personne versée dans l’art qui prend connaissance de la teneur de la revendication peut le constater. Il incombe au tribunal appelé à interpréter des revendications de distinguer les cas les uns des autres, de départager l’essentiel et le non‑essentiel et d’accorder au « champ » délimité dans un cas appartenant à la première catégorie la protection juridique à laquelle a droit le titulaire d’un brevet valide.

 

 

            B. L’interprétation des revendications en litige

[8]               Le brevet comprend trois revendications; cependant, il est entendu que seules les revendications 1 et 2 sont litigieuses (brevet 155, p . 5 et 6). Le point de désaccord principal concerne le « refroidissement cryogénique » des revendications 1 et 2.

 

[9]               En cours d’instance, il a été convenu que les mots suivants de la revendication 1 constituaient une déclaration de fait et dont on ne devrait pas tenir compte pour décider de l’interprétation de la revendication : [traduction] « de façon à ce que la cavité tubulaire métallique et le stator en élastomère se rétractent à des rythmes très similaires »; et, qu’en conséquence, le mot « et » suivant les mots à ignorer doive se lire comme « à ».

 

[10]           Par conséquent, le libellé de la revendication 1 exprime que trois caractéristiques essentielles de l’invention jouissent de la protection conférée par le brevet :

 

[traduction]

(1) soumettre au refroidissement cryogénique une cavité tubulaire contenant un élastomère usé fixé à sa face interne jusqu’à ce que l’élastomère se rétracte et se détache de cette face de la cavité

[Non souligné dans l’original],

 

et

 

afin d’éviter les chocs thermiques,

(2) la température de la cavité est abaissée graduellement à une température cryogénique,

et

(3) ensuite augmentée graduellement à la température ambiante.

 

(Non souligné dans l’original)

 

[11]           La revendication 2 est une revendication dépendante étant donné qu’elle identifie comme essentielle [traduction] « la méthode telle que définie dans la revendication 1 » et, partant, qu’elle englobe toutes les caractéristiques essentielles de la revendication 1. Cependant, la revendication 2 limite la protection de la température à laquelle la cavité doit être soumise. Par conséquent, voici une interprétation raisonnable et équitable de la revendication 2 :

[traduction]

a) soumettre une cavité, ayant une face interne à laquelle est collé au moyen d’un adhésif un élastomère usé, à un refroidissement cryogénique compris entre -150 °C et -200 °C jusqu’à ce que l’élastomère se rétracte et se détache de la face interne de la cavité;

 

et

 

b) pour éviter un choc thermique, la température de la cavité est abaissée graduellement à la température cryogénique, entre -150 °C et -200 °C, et ensuite augmentée graduellement à la température ambiante.

 

(Non souligné dans l’original)

 

[12]           La thèse que propose M. McKay pour l’interprétation qu’il invoque au soutien de son action est fondée sur une interprétation bien différente du « refroidissement cryogénique » des revendications 1 et 2. Cette interprétation se précise dans le passage suivant du plaidoyer écrit de M. McKay :

[traduction]

La revendication 2 contient tous les éléments essentiels de la revendication 1 et ajoute un élément essentiel additionnel, à savoir, la cavité doit être soumise à des températures comprises entre-150 °C et

-200 °C, ce qui ne signifie clairement pas que la cavité elle-même doive se situer entre ces températures. La revendication 1 précise que la cavité « doit être soumise » au refroidissement cryogénique et ajoute ensuite que la température de la cavité doit être réduite à un niveau cryogénique. La revendication 1 établit une distinction nette entre la température à laquelle la cavité est soumise et la température à laquelle la cavité doit être réduite. La revendication 2 utilise l’expression « soumise à » en faisant référence à la cavité. La gamme de température ajoutée dans la revendication 2 peut dès lors être attribuée exclusivement à la température de l’environnement et non à la température de la cavité elle-même.

 

[Non souligné dans l’original]

 

(Argumentation écrite du demandeur, p. 11)

 

[13]           Je ne peux accepter l’argument de M. McKay parce que l’antécédent sur lequel il repose n’apparaît pas dans la formulation des revendications en question. En d’autres termes, la revendication 1 ne précise pas que la cavité doive être soumise au refroidissement cryogénique [traduction] « et ajoute ensuite que la température de la cavité doit être réduite à un niveau cryogénique ». La revendication 1 précise que la cavité doit être soumise au « refroidissement cryogénique [...] jusqu’à » ce qu’un évènement survienne; cet événement survient au moment de la rétractation de l’élastomère et de son détachement de la cavité. 

 

[14]           Si l’argumentation de M. McKay soulève une ambiguïté, j’estime que cette dernière est dissipée par le passage suivant tiré de la section du mémoire descriptif intitulée « Description détaillée de la réalisation préférée » (brevet 155, p. 3) :

[traduction]

La gamme de températures cryogéniques débute à environ -50 °C. Il est entendu que la méthode fonctionne grâce à une combinaison de température et de temps. Au fur et à mesure que la température baisse au sein de la gamme de températures cryogéniques, moins il faut de temps pour que le stator usé se rétracte suffisamment et se détache de la face interne 14. Pour les expériences, on a utilisé une gamme de température comprise entre -150 °C et -200 °C.

 

En me fondant sur ce qui précède, je suis d’avis que la signification des termes « refroidissement cryogénique » dans la revendication 1 se retrouve dans le brevet; ils désignent la gamme des températures égales ou inférieures à -50 °C. Le mémoire descriptif indique aussi clairement que la signification à donner aux termes « soumette une cavité métallique tubulaire » dans la revendication 1, et à ceux « la cavité métallique tubulaire étant soumise à » dans la revendication 2, est celle qui confère la protection du brevet à un procédé au cours duquel une température, au-dessous de -50 °C, est appliquée à une cavité jusqu’à ce qu’un événement donné se produise, c'est-à-dire la rétractation de l’élastomère et son retrait de la cavité.

 

[15]           En conséquence, je conclus que l’interprétation des revendications 1 et 2 est celle que je viens d’exposer.

 

II.        La preuve soumise lors de l’instruction

            A. L’admissibilité des éléments de preuve portant sur l’historique du brevet

[16]           La date de dépôt initiale du brevet 155 est le 8 février 2002 (pièce P1, onglet 1) et la date à laquelle il a été accordé et délivré est le 10 juin 2003 (pièce P1, onglet 2). Après la date de dépôt

M. McKay a déposé une modification à la demande initiale. Il n’est pas contesté qu’une modification avait été requise par l’examinateur de brevets pour traiter de l’état antérieur de la technique révélé par l’existence de deux brevets et, en conséquence, M. McKay a produit une réponse. Au cours de l’instruction, l’avocat de Weatherford a fait valoir que la réponse (pièce A), qui constitue des demandes révisées, devrait être admise en preuve au dossier d’instruction. L’avocat de M. McKay s’y est opposé en invoquant que la conduite de M. McKay face à l’examinateur de brevets n’est pas pertinente parce que sa pertinence n’a pas été soulevée comme telle dans les actes de procédure de Weatherford.

 

[17]           L’argumentation de M. McKay concernant l’admissibilité des éléments de preuve est fondée sur l’allégation portant qu’après la date de dépôt du brevet, le demandeur, M. Russell McKay, a pris connaissance en détail du procédé de Weatherford et, qu’en conséquence, en présupposant que ce procédé soit une technique antérieure, il en a donc alors appris l’existence, et que de plus il connaissait d’autres techniques antérieures qui n’ont pas été portées à l’attention de l’examinateur de brevets lors du dépôt des demandes révisées. Bien qu’il ait été initialement soulevé que les intentions de M. McKay étaient pertinentes, en fin de compte l’argumentation en faveur de l’admissibilité n’est pas fondée sur le fait que le brevet devrait être vicié parce que M. McKay n’a pas divulgué sa connaissance de la technique antérieure, mais bien sur le fait que la réponse est pertinente pour étayer la technique antérieure, soumise à l’examinateur, qui peut, si elle est admise en preuve, être comparée à la preuve d’antériorité produite au procès. Les avocats conviennent que la technique antérieure soumise à l’examinateur de brevets peut s’avérer pertinente dans un procès et, qu’en conséquence, les documents de la demande de brevet relatifs à cette question peuvent être jugés pertinents (Foreco Trading A.G. c. Canadian Ferro Hot Metal Specialties Ltd. (1991) 36 C.P.R. (3rd) 35, 46 F.T.R. 81 (C.F.).

 

[18]           Étant donné que les brevets en vigueur soumis à l’examinateur et qui sont à l’origine de la réponse sont connus, que la teneur du brevet initialement déposé ainsi que celle du brevet modifié et accordé est connue, et que ni la conduite, ni les intentions de M. McKay au moment de la modification de la demande ne sont en litige, je conclus que la pertinence de la réponse n’a pas été établie. En conséquence, la pièce A n’est pas versée comme élément de preuve au dossier du procès.    

 

B. Les experts

[19]            M. Glen E. McIntosh a témoigné pour M. McKay en qualité d’expert apte à opiner sur le transfert de chaleur et la thermodynamique et, plus particulièrement, sur le comportement des matériaux à basse température. M. McIntosh est un ingénieur professionnel agréé dans l’État du Colorado, il détient un baccalauréat en génie mécanique de l’Université d’État du Dakota du Nord et un doctorat de l’Université Purdue (Indiana), avec une spécialité principale en transfert de chaleur et en thermodynamique. À titre de concepteur d’appareils cryogéniques et de produits spécialisés destinés à des utilisations scientifiques, il se doit d’étudier le comportement des métaux à très basse température. M. McIntosh a travaillé dans ce domaine depuis 1953, date à laquelle il s’est joint au National Bureau Standards Cryogenic Laboratory , à Boulder (Colorado). Actuellement, il est employé de la société Cryogenic Technical Services, une filiale d’Eden Cryogenics.

 

[20]           M. Michael C. Williams a témoigné pour Weatherford en qualité d’expert apte à opiner sur les polymères, les élastomères et le transfert de chaleur. Il détient un baccalauréat ès sciences, une maîtrise et un doctorat en génie chimique avec une spécialité secondaire en chimie physique de l’Université Wisconsin-Madison; il possède une vaste expérience universitaire dans le domaine : d’abord professeur à l’Université de Berkeley (Californie) de 1965 à 1989, il est allé occuper un poste à l’Université de l’Alberta où il y a travaillé de 1990 jusqu’à sa retraite en 2002. Depuis lors, il y a poursuivi ses activités à titre de professeur émérite de génie chimique. Spécialiste des matériaux polymériques, il a publié de nombreux articles universitaires et il a témoigné en qualité d’expert sur ce sujet dans plusieurs instances judiciaires. 

 

            C. Les démonstrations

[21]           En préparation pour l’instruction, la Cour a intimé, le 1er mars 2007, à M. McKay et à Weatherford [traduction] « de faire en sorte que leurs experts analysent les procédés utilisés ». En conséquence, l’essentiel des éléments de preuve soumis lors de l’instruction ont porté sur les démonstrations de la réalisation privilégiée du brevet et sur celles du procédé de Weatherford. De concert, M. McKay et Weatherford ont invité leurs experts à assister aux démonstrations et à formuler des opinions fondées sur leurs observations. L’interprétation de M. McKay du brevet et son argumentation portant sur les éléments essentiels de l’invention revendiquée ont été l’élément moteur de l’examen très serré de la preuve par démonstrations.

 

[22]           Comme je l’ai exposé précédemment, je n’accepte pas l’interprétation du brevet proposée par M. McKay et, en conséquence, je n’accorde que peu de poids à une très grande partie des éléments de preuve découlant des démonstrations. Toutefois, comme certains éléments de cette même preuve, et la preuve d’expert s’appuyant sur ceux-ci, sont pertinents à l’égard d’une contrefaçon, les démonstrations exigent dans une certaine mesure d’être analysées.

 

[23]           La preuve de M. McKay comprend les vidéos de deux démonstrations effectuées par M. McIntosh, du 4 au 6 avril 2006. Chaque démonstration utilise un appareil de refroidissement où de l’azote liquide coule par un tube. À l’intérieur de l’appareil se trouve une petite portion de tube statorique, d’une longueur approximative de deux pieds, auquel se rattachent deux sondes thermométriques appelées thermocouples. Un des thermocouples mesure la température au niveau de l’adhésif entre l’élastomère et la cavité tubulaire et l’autre mesure celle dans l’appareil de refroidissement. Les résultats de ces mesures s’affichent sur un ordinateur. À l’intérieur de l’appareil de refroidissement, la portion de cavité est placée sur un bloc de bois pour éviter qu’elle ne baigne dans l’azote liquide, et une plaque métallique la surplombe pour empêcher l’azote d’atteindre directement la cavité.

 

[24]           La première expérience effectuée par M. McIntosh (pièce P1, onglet 6, disque un) montre le refroidissement graduel de l’air jusqu’à -196 °C dans l’appareil, et celui de l’adhésif jusqu’à ‑184 °C. Après avoir atteint cette température, le tube est retiré de l’appareil de refroidissement et l’élastomère est enlevé avec quelques coups de marteau. L’élastomère sort facilement de la cavité tubulaire, en un seul morceau ne présentant que quelques fissures superficielles.

 

[25]           La deuxième expérience (pièce P1, onglet 6, disque trois) est semblable à la première, sauf qu’après avoir retiré l’élastomère de l’appareil de refroidissement, il est laissé libre cours à son réchauffement jusqu’à la température ambiante; comme ce réchauffement s’est déroulé pendant la nuit, il n’a pas été enregistré sur la vidéo. Une fois porté à la température ambiante, l’élastomère est enlevé à nouveau de la cavité tubulaire, cette fois au moyen d’un treuil muni d’une plaque métallique et d’une rondelle. Comme dans le premier cas, l’élastomère est enlevé presqu’en une seule pièce ne portant que quelques fissures superficielles.

 

[26]           La preuve de Weatherford comprend les vidéos de démonstrations effectuées à son usine le 15 février, ainsi que les 9 et 14 mai 2007. En outre, le 18 mai 2007, les experts des deux parties se sont rendus à l’usine de Weatherford et ont observé son procédé d’enlèvement de l’élastomère.

 

[27]           La vidéo du 15 février (pièce P1, onglet 5) montre le matériel d’enlèvement d’élastomère d’une cavité tubulaire chez Weatherford. Ce matériel comprend un long réservoir métallique cylindrique muni d’un couvercle sur toute sa longueur qui peut aussi contenir plusieurs cavités tubulaires de pleine longueur. Pour cette démonstration, le réservoir contient plusieurs cavités et on y envoie de l’azote liquide par des buses reliées à une grande unité de stockage d’azote liquide située à l’extérieur. Les cavités sont refroidies pendant un certain temps et ensuite la température de l’une d’elles est vérifiée avec une sonde thermométrique manuelle. Lorsque la température atteignait ‑ 47 °C, le tube était retiré du réservoir au moyen d’un treuil et déposé dans un appareil face à une barre rotative munie à son extrémité d’une mèche semblable à celle d’une perceuse pour les métaux. Les techniciens de Weatherford ont surnommé cette mèche le « mangler ». Il a été convenu lors du procès que le « mangler » n’était pas vraiment un foret, mais servait plutôt à travailler ou à briser l’élastomère; cependant, il a souvent été identifié comme un foret par toutes les parties.

 

[28]           La vidéo du 15 février se poursuit avec une vue du « mangler » s’avançant vers le tube. Lors de la première expérience, le tube commence à tourner et l’élastomère n’en sort pas; la vidéo est interrompue, puis reprend avec un autre tube placé sur l’appareil. La mesure de la température de ce tube indique -66 °C et, cette fois, le « mangler » réussit à rompre l’élastomère. La plus grande partie de l’élastomère est enlevée du tube en petits morceaux, sauf pour un morceau rond qui s’est détaché, d’un diamètre identique à celui du tube, long de plusieurs pouces et dont les extrémités circulaires sont demeurées intactes. Ce morceau est enlevé du tube, du côté opposé à celui où le

 

« mangler » a été inséré.

 

[29]           La vidéo du 9 mai (pièce P1, onglet 12) est une démonstration de Weatherford dont le but consiste à reproduire les tests de M. McIntosh, en utilisant cependant les températures et les conditions de Weatherford. La vidéo montrant la tentative de reproduction du premier test laisse voir des thermocouples attachés à une petite section de stator (pièce D20), placée dans le réservoir de Weatherford sur deux stators de pleine longueur. Après un certain temps de refroidissement, cette petite section est retirée du réservoir. Au même moment, la température de la cavité du stator est enregistrée à -55, 6 °C et celle de l’élastomère à -28 °C. Un employé de Weatherford essaie d’enlever l’élastomère avec un marteau, mais sans succès. L’élastomère ne fait que s’ébrécher et se fracturer, mais il ne se retire pas de la cavité. Pour cette démonstration, un registre des températures où sont consignées les périodes de refroidissement et les températures a été conservé (pièce D15).

 

[30]           La vidéo du 14 mai (pièce P1, onglet 7) montre une tentative de reproduction de la deuxième expérience de M. McIntosh avec une portion de tube identique à celle présentée dans la vidéo du 9 mai. Ce morceau de stator est ensuite réchauffé à la température ambiante et la vidéo montre des techniciens de Weatherford en train d’essayer de l’enlever à chaud, comme dans la démonstration de M. McKay, au moyen du même dispositif à treuil, avec une rondelle et une plaque métallique. Contrairement à celui de M. McIntosh, l’élastomère ne peut être enlevé de la cavité et la plaque métallique faisant partie du dispositif à treuil se déforme et commence à  gondoler (pièce D21).

 

[31]           Quoiqu’elle n’a pas été captée sur vidéo, les experts ont assisté à une autre démonstration le 18 mai 2007. Un registre des températures de la démonstration a été conservé et a été déposé en preuve au procès (pièce D12). D’un commun accord, le montage de la démonstration a été identique à celui de la vidéo de février, sauf pour l’azote liquide, le grand réservoir étant en réparation, deux réservoirs portatifs appelés « dewars » ont été utilisés. Pour cette démonstration, on a utilisé trois tubes avec élastomères dont les parois caoutchoutées ont toutes été enlevées avec succès.  

 

III.       L’allégation de contrefaçon

[32]           Il est reconnu que la contrefaçon est un empiétement sur chacun des éléments essentiels d’une revendication d’un brevet donné.

 

[33]           Comme il a déjà été mentionné, Weatherford soutient que leur procédé d’enlèvement ne dépend pas de la rétractation de l’élastomère et de son détachement de la cavité. Weatherford soutient plutôt qu’il dépend de la température à laquelle est soumise la cavité, et qui est assez froide pour que l’élastomère atteigne sa température de transition vitreuse. Une fois ce point atteint, l’élastomère devient fragile, et il peut être brisé et enlevé de la cavité par des moyens mécaniques. Il est entendu que la température de transition vitreuse des élastomères en question est de –21,8 °C. En conséquence, Weatherford fait valoir que son procédé d’enlèvement du stator reposant sur un principe différent de celui protégé par le brevet, il n’y contrevient donc pas.

 

[34]           Bien que pour l’enlèvement des élastomères Weatherford se fonde sur un principe différent de celui protégé par le brevet, il n’en demeure pas moins que la toute première question sur la contrefaçon consiste à déterminer si un empiétement sur chacun des éléments essentiels du brevet  résulte de l’application du principe.

 

[35]           M. McKay a choisi de s’en remettre aux observations faites lors des démonstrations, et sur les opinions d’expert fondées sur celles-ci, pour établir la contrefaçon à l’égard de chacun des trois éléments essentiels du brevet.

 

            A. Revendication 1 : le caractère essentiel du refroidissement cryogénique

[36]           Afin de prouver la contrefaçon à l’égard de cet élément essentiel, M. McKay doit établir que Weatherford a appliqué une température, inférieure à -50 °C, sur une cavité donnée jusqu’à ce qu’un événement donné se produise, à savoir la rétractation et le détachement du stator de sa cavité.

 

                        1. Les démonstrations de M. McKay

[37]           À mon avis, les éléments de preuve de M. McIntosh établissent que si la cavité d’un stator à laquelle adhère un élastomère est soumise à une température se situant au plus bas de la gamme cryogénique, telle que décrite dans le brevet, soit environ -196 °C, l’élastomère se rétracte et se détache de la cavité. Toutefois, les démonstrations de M. McIntosh n’établissent pas la température exacte à laquelle la rétraction et le détachement ont lieu dans les conditions prévalant lors des deux démonstrations d’avril 2006. Tout ce que M. McIntosh est en mesure d’affirmer, c’est qu’[traduction] « à très basse température, une différence de rétractation entre le tube et le stator est suffisant pour rompre l’adhésif (rapport d’expertise de M. McIntosh, pièce P1, onglet 8, p. 3). En effet, au cours de son témoignage, la meilleure estimation qu’il a fournie comme preuve est que la température de rupture de l’adhésif était [traduction] « probablement très près » de la température de transition vitreuse. En réponse à d’autres questions, il a dit que c’était [traduction] « peut-être très proche ». Toutefois, M. McIntosh a dit qu’il n’avait pas mesuré cette température et qu’il ignorait à quelle température l’adhésif pouvait se rompre. Il n’a pas non plus avancé d’autre raison pour expliquer pourquoi il pensait que les températures de rétractation et de détachement seraient semblables à celle de transition vitreuse (transcription, p. 300 et 301).

 

[38]           L’opinion de M. William sur ce point est différente de celle de M. McIntosh. Il a affirmé, en rapport avec le procédé Weatherford, qu’il est possible d’abaisser la température de l’élastomère sous la température de transition vitreuse sans que l’élastomère ne se rétracte, ni se détache de la cavité. Il affirme que suivant le procédé de Weatherford, pratiqué sous la température de transition vitreuse, l’élastomère ne se sépare de la cavité qu’uniquement grâce à l’application d’une force (transcription, p. 717 et 718).

 

[39]           Aucun des experts n’offre de motif vérifiable au soutien des opinions rendues. En conséquence, je ne leur accorde pas la crédibilité suffisante pour établir, selon la prépondérance des probabilités, la température à laquelle l’élastomère se rétracte et se détache de la cavité du stator.

 

                        2. Les démonstrations de Weatherford

[40]           En l’absence de preuve directe établissant l’instant où l’élastomère se rétracte et se détache de la cavité, M. McKay s’appuie sur des éléments de preuve tirés de six observations découlant des démonstrations pour établir la contrefaçon du caractère essentiel du refroidissement cryogénique par Weatherford.

 

            a. Opinion de M. William

[41]           Tout au long de l’instruction et du débat entre les parties, l’interprétation maintenue par M. McKay relativement au « refroidissement cryogénique » supposait que l’application par Weatherford de toute température inférieure à -50 °C constituait en soi une contrefaçon d’un élément essentiel du brevet. Lors du contre-interrogatoire mené par l’avocat de M. McKay sur cette thèse, M. Williams a convenu essentiellement que, si la thèse de M. McKay est avérée et que Weatherford utilise des températures inférieures à -50 °C, alors le procédé de Weatherford contrefait un élément essentiel du brevet, soit le refroidissement cryogénique (transcription p. 704). M. McKay fait valoir que cette déclaration établit de manière concluante la contrefaçon donnant droit à M. McKay à l’obtention d’un jugement favorable. Je rejette cette argumentation pour deux motifs : l’opinion de M. Williams portant sur une question de nature juridique qui ne relève pas de ses compétences plutôt que sur une question de fait dans les limites de son expertise, sa réponse n’est donc pas recevable; et comme je l’ai déjà conclu, je n’adhére pas à la thèse de M. McKay sur son interprétation de la question du refroidissement cryogénique.

 

            b. Utilisation du « grappler »

[42]           M. McKay a tenté d’utiliser des échanges de courrier électronique entre les employés de Weatherford pour prouver que Weatherford avait réussi, dans une certaine mesure, à enlever des élastomères, en longs morceaux, à l’aide d’un « grappler », dispositif composé d’une tige munie de crochets à ses extrémités, et ainsi établir que Weatherford avait bel et bien appliqué une température provoquant la rétractation et le détachement des élastomères de leurs cavités (pièce 13, onglet 64). Toutefois, comme les courriels n’ont été admis en preuve que pour établir un échange de courrier électronique et non la véracité de leur contenu, je suis d’avis que ce ne sont pas des éléments de preuve recevables pour le but poursuivi par M. McKay. En conséquence, je rejette l’argumentation fondée sur le « grappler ».

 

                        3. Le petit morceau d’élastomère

[43]           M. McKay se fonde aussi sur la preuve tirée de la vidéo du 15 février du procédé Weatherford précédemment décrit, et qui montre une pièce détachée ronde, du diamètre du tube et de plusieurs pouces de long, avec ses extrémités circulaires intacts en train d’être retirée du tube (pièce P1, onglet 5). L’avocat de M. McKay fait valoir que si cette pièce a été extraite en conservant des extrémités aussi lisses, c’est uniquement parce que l’élastomère s’est rétracté et s’est détaché de la cavité avant le forage, et que seule la force de friction a empêché tout l’élastomère de sortir aussi aisément. Il fait également valoir que le forage en question équivaut à l’utilisation d’une force centrifuge, du même type que celle mentionnée dans le mémoire descriptif du brevet.

 

[44]           Je suis d’avis que le présent argument ne peut être retenu pour deux motifs. Premièrement, il ne se fonde pas sur l’opinion d’un expert; en fait, un avis contraire convaincant a été soumis par M. Williams selon lequel le procédé Weatherford se fonde sur la fragilité de l’élastomère dès qu’il dépasse sa température de transition vitreuse et que cette fragilité permet le retrait de l’élastomère en petits morceaux sous l’effet du forage. En d’autres termes, la présence de la pièce détachée ronde n’est pas nécessairement due au rétrécissement et au détachement de la cavité avant le forage. En effet, d’après M. Williams, l’élastomère serait toujours resté collé à l’intérieur de la cavité avant le forage (transcription, p. 694 et p. 727). Deuxièmement, quant au volet de l’argumentation concernant la friction, il n’existe aucun avis d’expert étayant la qualité et l’efficacité de la friction intégrée dans la procédure dont la démonstration a été faite. J’estime que l’influence prêtée à la friction n’est que conjoncture.

 

[45]           Quant à l’élément de l’argumentation présentée concernant le force centrifuge, il n’a aucun lien avec la question de la contrefaçon parce que les revendications 1 et 2 ne mentionnent pas les moyens d’extraction de l’élastomère.

 

4.      Échec du forage

[46]           De la démonstration du 15 février, M. McKay tire un autre argument pour prouver que Weatherford ne se fonde pas sur la température de transition vitreuse dans son procédé, mais plutôt sur celui protégé par le brevet. Lors de cette démonstration, il a été impossible d’enlever par forage l’élastomère du premier stator retiré du réservoir, en dépit du fait que la température du tube était de ‑47 °C, soit bien au-dessous de sa température de transition vitreuse. Ainsi, selon cet argument, puisque l’élastomère n’a pu être enlevé par forage à une température bien au-dessous de celle de la transition vitreuse de -21,8 °C, Weatherford se fonde en réalité sur la rétractation et le détachement de l’élastomère de la cavité statorique.

 

[47]           Je suis d’avis que cet argument ne peut être retenu étant donné le témoignage de M. Williams, lequel est d’avis que la température de -47 °C a été prise à l’extrémité du stator, ce qui, en conséquence, ne signifie pas nécessairement que la température de l’élastomère soit uniforme sur toute sa longueur (transcription, p. 1050 à 1052). Par conséquent, le fait que le premier élastomère n’a pu être enlevé par forage n’établit pas, selon la prépondérance des probabilités, que le procédé de Weatherford se fonde sur le procédé protégé par le brevet.

 

                        5. Le tube propre

[48]           Un autre volet des démonstrations que M. McKay invoque pour établir la contrefaçon repose sur le témoignage de M. McIntosh portant sur la « propreté » du tube après l’enlèvement de l’élastomère selon le procédé de Weatherford lors de la démonstration du 18 mai. Il prétend essentiellement que s’il est possible d’affirmer que le tube est propre, c’est–à –dire exempt d’élastomère, il est établi que l’élastomère s’est contracté et s’est retiré de la cavité statorique.

 

[49]           À la question de savoir si ce niveau de propreté aurait pu être atteint sans que l’adhésif ne soit brisé, M. McIntosh, lors de sa déposition, a répondu : [traduction] « Non, je ne le crois pas. » (Transcription, p. 303.) M. McKay fait valoir que cela constitue la seule preuve soumise au tribunal quant à l’aspect de l’intérieur du tube et que, comme M. McIntosh est un témoin expert, un poids considérable devrait être accordé à sa réponse.

 

[50]           Je ne peux être d’accord avec cet argument. Même s’il est vrai que les observations de M. McIntosh n’ont pas été contestées, la signification exacte de ses propos n’est pas évidente lorsqu’il dit que le tube était propre. Par exemple, en référence au tube lors des expériences qu’il a menées en avril 2006, après l’enlèvement de l’élastomère, il en a déclaré la propreté; mais invité à fournir des détails sur sa déclaration, il a dit qu’il ne l’avait pas raclé et que : [traduction]

«  [...]  nous y avons simplement jeté un coup d’œil et aucune particule n’y adhérait. » (Transcription, p. 287.) De plus, en réponse à la question de savoir si des traces d’adhésif se trouvaient sur son tube d’expérience, il a dit : [traduction] « Je ne crois pas que nous avons vu quoique ce soit dont nous aurions pu dire, d’une façon ou d’une autre, si cela se trouvait sur le caoutchouc ou si cela était un résidu collé à la paroi. Je ne peux répondre à cela. » (Transcription, p. 288.)

 

[51]           À l’exception d’observations visuelles, il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce M. McIntosh n’offre aucun élément de preuve physique ou chimique dans ses expériences quant à l’état de l’intérieur du tube après l’enlèvement de l’élastomère. En conséquence, il ne peut être induit du témoignage du M. McIntosh que l’intérieur du tube de la démonstration du 18 mai était dans le même état que celui lors de l’expérience d’avril 2006. Je suis donc d’avis que sa preuve par observation n’établit pas, selon la prépondérance des probabilités, que l’élastomère s’était contracté et avait été éjecté hors de la cavité du stator lors de la démonstration du 18 mai.

 

                        6. L’assiette déformée

[52]           M. McKay invoque aussi une observation tirée de la vidéo du 9 mai pour établir la contrefaçon à l’égard de l’élément essentiel cryogénique du brevet. L’observation révèle que lorsque Weatherford a tenté de reproduire le retrait du stator à température ambiante, comme l’enseigne l’expérience de M. McIntosh, l’assiette utilisée comme un élément du mécanisme de treuillage (pièce D22) s’est affaissée en un endroit. En conséquence, M. McKay soutient que l’affaissement indique que l’élastomère avait amorcé son retrait de la cavité statorique au point d’affaissement et qu’il ne s’en était pas retiré complètement parce que les températures durant cette démonstration étaient plus chaudes que les températures habituelles utilisées par Weatherford.

 

[53]           À mon avis, l’observation sur laquelle se fonde M. McKay n’apporte aucune preuve en ce qui concerne la question de la contrefaçon. Tel que précédemment mentionné au titre III A, pour établir la contrefaçon à l’égard de l’élément essentiel de la réfrigération cryogénique, M. McKay doit prouver que Weatherford a appliqué une température, sous -50° C, à une cavité statorique donnée jusqu’à la survenance d’un événement donné, soit la contraction et le retrait de l’élastomère hors de la cavité statorique. En conséquence, suggérer que l’exposition du stator à une température donnée aurait conduit à la contrefaçon ne suffit pas. Il faut plutôt établir qu’elle s’est produite en une occasion précise par l’application d’une température, sous -50º C, à un stator donné jusqu’à la survenance d’un événement donné. Pour ce motif, je conclus que l’argument de l’assiette déformée est irrecevable.

 

B. Revendication 1: le choc thermique est un élément essentiel

[54]           Telles que constatées, voici les deuxième et troisième caractéristiques essentielles de la revendication 1 :

[traduction]

pour éviter un choc thermique,

b) la température de la cavité est abaissée graduellement à la température cryogénique,

et

c) ensuite augmentée graduellement à la température ambiante.

 

Bien qu’aucune définition précise du « choc thermique » n’ait été déposée en preuve lors de l’instruction, il est admis que des changements à la température du métal peuvent l’endommager. Il est aussi reconnu qu’il est préférable d’éliminer cet effet lors du changement de température de la cavité du stator.

 

[55]           Dans la présente partie de l’analyse, deux questions importantes se posent et exigent une réponse.

 

1.         Quelle est la signification de l’expression « température cryogénique »?

[56]           Comme l’expression [traduction] « refroidissement cryogénique » de la revendication 1 figure dans le brevet, et qu’elle signifie une gamme de températures égales ou inférieures à -50 °C, je suis d’avis qu’en ce qui concerne les caractéristiques essentielles du refroidissement et du réchauffement de la revendication 1, l’expression [traduction] « température cryogénique » désigne toute température inférieure à -50 °C. Par conséquent, si le procédé Weatherford abaisse graduellement la température de la cavité d’un stator au-dessous de -50 °C, pour ensuite (à partir de celle atteinte) remonter progressivement la température de la cavité du stator à la température ambiante, Weatherford contrefait cet élément essentiel de la revendication 1.

 

[57]           Il n’est pas contesté que dans le procédé Weatherford, la température de la cavité du stator est abaissée au-dessous de -50 °C. En conséquence, la « température cryogénique » est atteinte.

 

2.         Quelle est la signification des expressions [traduction] « abaissée graduellement » et « augmentée graduellement »?

[58]           En ce qui concerne l’expression [traduction] « abaissée graduellement », M. McKay se fonde sur l’opinion de M. McIntosh voulant que le procédé Weatherford était suffisamment graduel pour éviter d’endommager les tubes (transcription, p. 186), et il soutient que ce fait, conjugué avec la preuve que Weatherford ne plonge pas ses stators dans l’azote liquide, suffit pour prouver la contrefaçon à l’égard de cet élément essentiel.

 

[59]           Je n’accepte pas cet argument. Le brevet protège une méthode précise évitant de causer des dommages aux tubes. La question n’est pas de savoir si Weatherford a évité des dommages aux tubes; elle est plutôt de savoir si la méthode protégée par le brevet a été utilisée pour éviter ces dommages.

 

[60]           J’estime que les expressions [traduction] « abaissée graduellement » et « augmentée graduellement » sont ambigües. Aucune expertise n’établit ce qu’une personne versée dans l’art comprendrait de leur utilisation. Je suis d’avis que seule est utile la section du brevet intitulée « Description détaillée de la réalisation préférée » pour interpréter le terme « graduellement ». En d’autres termes, la température d’une cavité statorique [traduction] « doit être abaissée graduellement jusqu'au niveau des températures cryogéniques et ensuite augmentée graduellement » à la vitesse prescrite de 2,5 °C par minute (annexe 1, p. 3). Je conclus que cet énoncé établit que le terme « graduellement » signifie que la température doit être abaissée et augmentée avec une vitesse constante maximale de 2,5 °C par minute.

 

[61]           L’avocat de Weatherford soutient que la preuve par démonstration établit que le procédé Weatherford abaisse graduellement la température à un rythme plus élevé que 2,5 degrés. Par exemple, le registre de température de la démonstration du 18 mai (pièce D12) établit le rythme de refroidissement à 3,5 ºC par minute, soit un degré plus vite que ce qui est enseigné par le brevet (transcription, p. 1120 et 1121). La preuve n’a pas été faite que Weatherford hausse la température à une température ambiante selon un changement de température constant maximum de 2,5 ºC par minute.

 

[62]           En conséquence, je suis d’avis qu’il n’y a pas contrefaction par Weatherford à l’égard des éléments essentiels « abaissée graduellement » et « augmentée graduellement » du brevet.

 

            C. Revendication 2

[63]           Étant donné que j’ai conclu à l’absence de contrefaçon par le procédé Weatherford à l’égard de l’un ou l’autre des éléments essentiels de la revendication 1, et que la revendication 2 est dépendante de la revendication 1, je conclus qu’il n’y a pas de contrefaçon à l’égard de la revendication 2 par le procédé Weatherford.

 

D. Conclusion

[64]           Je rejette la preuve présentée par M. McKay pour établir la contrefaçon par le procédé Weatherford à l’égard de chacun des éléments essentiels du brevet, et, en conséquence, je rejette son action en contrefaçon.

 

IV.       La défense d’invalidité

            A. Les règles de droit

[65]           Le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C., ch. P-4, (la Loi) crée une présomption de validité à l’égard du brevet. En conséquence, dans la présente affaire, le fardeau de prouver l’invalidité du brevet, selon la prépondérance des probabilités, repose sur Weatherford.

 

[66]           Dans la demande reconventionnelle, Weatherford soutient que le brevet est assujetti à l’état antérieur de la technique et à l’évidence. Les situations portant invalidité d’un brevet en raison de son caractère évident sont codifiées à l’article 28.3 de la Loi :

 

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

 

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

28.3 The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada must be subject-matter that would not have been obvious on the claim date to a person skilled in the art or science to which it pertains, having regard to

 

(a) information disclosed more than one year before the filing date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere; and

 

(b) information disclosed before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere.

 

[67]           En l’espèce, il est admis que l’information à laquelle l’alinéa 28(3)a) renvoie ne provenait pas de M. McKay; alors, la question à trancher est de savoir si Weatherford peut établir, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet aurait été évident à la date de revendication pour une personne versée dans l’art compte tenu de l’information disponible dans le public au Canada ou à l’étranger.

 

[68]           Il n’est pas nécessaire de retrouver l’état antérieur de la technique groupé dans une seule communication pour faire la démonstration du caractère évident; de nombreuses sources peuvent plutôt être consultées comme un « pot-pourri » pour déterminer si elles représentent l’état antérieur de la technique eu égard à l’évidence. (Beloit Canada Ltd. et al. c. Valmet OY (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.) p. 294). Cette détermination en est une de fait (Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1993), 47 C.P.R. (3d) 188, le juge Desjardins, p. 198 (C.A.F.)). L’invention ne doit pas nécessairement être tenue pour évidente du simple fait qu’une chose tend vers une invention ou qu’il se trouve une technique illustrant des éléments de l’invention. Un agencement novateur d’éléments peut être considéré comme une étape inventive. (Shell Oil Co. c. Commissioner of Patents (1982), 67 C.P.R. (2d) 1 (C.S.C.)).

 

[69]           Pour l’autoriser à conclure qu’une chose aurait été perçue comme évidente par une personne versée dans l’art, la Cour doit envisager la question de la perspective du technicien versé dans son art mais privé d’imagination, et dont le portrait est brossé par le juge Hugessen dans l’arrêt Beloit, précité à la p. 294 :

[...] La pierre de touche classique de l'évidence de l'invention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle d'esprit inventif ou d'imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d'intuition; un triomphe de l'hémisphère gauche sur le droit. Il s'agit de se demander si, compte tenu de l'état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l'invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C'est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

 

            B. Personnes versées dans l’art en la présente espèce

[70]           Une personne versée dans l’art est le destinataire expert du domaine à qui est adressé le mémoire descriptif du brevet (General Tire & Rubber Co. c. Firestone Tyre and Rubber Co., [1972] R.P.C. 457, p. 482 (C.A.)). Le brevet est clairement destiné aux personnes travaillant dans le domaine de l’enlèvement des élastomères des cavités statoriques. Par conséquent, une personne versée dans l’art serait un travailleur de l’industrie pétrolière, puisque les élastomères en question font partie intégrante de pompes très utilisées dans cette industrie. Une personne versée dans l’art pourrait aussi avoir de l’expérience dans la récupération cryogénique du métal par le traitement du caoutchouc qui y adhère; selon plusieurs témoins des deux parties, ce type de procédé est souvent utilisé dans l’industrie pour diminuer les coûts et pour réutiliser le matériel. Cependant, d’après la preuve, il n’est pas nécessaire d’être versé dans l’art de la cryogénie. Comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale dans Nutron Manufacturing Ltd. c. Almecon Industries Ltd. ([1997] A.C.F. no 239, 72 C.P.R. (3d) 379, p. 401) : « Ce qui importe, c'est qu'il s'agisse d'une personne qui comprenne, de manière concrète, le problème à surmonter, la façon dont différents dispositifs correctifs pourraient vaincre cette difficulté ainsi que l'effet probable de leur utilisation. »

 

[71]           Avant la date de revendication du brevet, bien que les membres de l’équipe technique chez Weatherford Edmonton étaient versés en ingénierie, et qu’ils avaient de l’expérience dans le domaine pétrolier, je suis d’avis qu’ils ne sont pas des personnes versées dans l’art parce qu’ils ne possédaient que très peu d’expérience en matière d’enlèvement de revêtement des parois intérieures de stator. En fait, c’est en effectuant leur recherche de renseignements en vue de développer de telles compétences qu’ils ont communiqué avec d’autres gens dans le domaine et les ont consultés (transcription, p. 427 et 428).

 

[72]           Toutefois, deux des témoins de Weatherford me semblent répondre aux exigences requises d’une personne versée dans l’art du domaine visé par le brevet avant sa date de revendication : Mme Debbie Banta, une ingénieure chimiste actuellement à l’emploi de Weatherford Texas, et qui a travaillé pour les sociétés texanes Murray Rubber, de 1981 à 1990, et Hydril, de 1995 à 1997;  M. Vince Howard, actuellement à l’emploi de Hydril et qui l’est depuis 1980. Antérieurement à la date de revendication du brevet, tant Mme Banta que M. Howard œuvraient dans le domaine de la récupération du métal délesté de caoutchouc, et ils possédaient de l’expérience dans divers procédés d’enlèvement de revêtement des parois intérieures de stator. Mme Banta et M. Howard ne possèdent pas d’expertise en cryogénique, mais le brevet ne s’adresse pas à ce type de travailleur. En tant que travailleurs dans l’industrie, ils ont plutôt acquis une vaste expérience dans l’enlèvement de revêtement des parois intérieures de stators, tant dans le cadre de leur formation professionnelle que par leur expérimentation pratique.

 

            C. L’effet des procédés Murray Rubber et Hydril comme technique antérieure

[73]           L’évaluation du caractère évident du point de vue d’une personne versée dans l’art requiert qu’elle dispose d’une appréciation de l’état de la technologie à la date de la revendication. Il est reconnu que le commissaire aux brevets connaissait deux caractéristiques de l’état de la technologie avant la délivrance du brevet : le brevet Allen 1934 (brevet américain no 1 955 728) et le brevet Laussermair 1973 (brevet américain no 3 731 367). Toutefois, Weatherford ne soutient pas que la technique antérieure précitée était suffisante pour conduire une personne versée dans l’art au procédé décrit dans le brevet, mais invoque plutôt l’existence d’autre technique antérieure, qui elle, y mènerait et rendrait ainsi le brevet invalide pour cause d’évidence. Weatherford soutient que cette technique antérieure se trouve dans les procédés utilisés par Murray Rubber et Hydril.

 

[74]           Le procédé utilisé par Murray Rubber comportait beaucoup de différences avec celui revendiqué dans le brevet. Le témoignage de Mme Banta a établi que Murray Rubber, pendant plusieurs années avant la date de la revendication, avait utilisé de l’azote liquide dans un procédé conçu pour séparer le caoutchouc du métal par un moyen thermique pour réutiliser ou récupérer les composants métalliques du matériel de forage pétrolier (transcription, p. 321 et 322). Le procédé Murray Rubber n’a pas été utilisé spécialement pour des stators, mais plutôt pour des « packers » qui sont des composants, utilisés dans le forage de puits de pétrole, où le caoutchouc est coincé entre deux plaques de métal. Ce procédé ne se fonde pas sur la rétraction et le détachement du caoutchouc par application de températures cryogéniques. Au contraire, il consiste à plonger les « packers » dans l’azote liquide pour amener le caoutchouc à sa température de transition vitreuse pour ensuite, en appliquant une force importante, briser le caoutchouc afin de le retirer du métal.

 

[75]           Mme Banta a indiqué dans son témoignage que le procédé Murray Rubber pouvait parfois décoller le caoutchouc près des extrémités des « packers », mais il est clair que ce n’était pas un élément sur lequel reposait le procédé. En outre, l’abaissement et l’augmentation graduels de la température des stators n’étaient pas un élément du procédé; les pièces à traiter étaient placées dans un panier et plongées dans de l’azote liquide; après les en avoir retirées, il ne s’écoulait que quelques minutes avant la séparation du caoutchouc et du métal (transcription, p. 329 et 330).

 

[76]           Mme Banta et M. Howard ont confirmé dans leur témoignage que le procédé utilisé par Hydril pour enlever les élastomères des stators ressemble à celui revendiqué dans le brevet; Weatherford déclare que ce procédé a été utilisé comme modèle pour la conception de leurs activités d’enlèvement de stators.

 

[77]           Dans le procédé Hydril, un réservoir rempli d’azote liquide (décrit comme étant un bain d’azote) est utilisé pour y plonger les stators et les refroidir. À l’origine, les stators étaient complètement immergés dans l’azote et ils y restaient plongés pendant un temps de repos variant de 30 minutes à une heure, selon la taille du stator. Ensuite, ils étaient retirés et laissés au repos pendant environ cinq minutes avant que l’élastomère ne soit brisé en morceaux. Avec le temps, le procédé a été perfectionné pour en maximiser les retombées économiques et la rapidité. Avec ce procédé amélioré, les stators n’étaient plus complètement immergés dans le bain d’azote liquide et le temps de repos était plus court; mais l’azote était toujours déjà présente dans le réservoir au moment de l’introduction des stators. Hydril a aussi mis au point une méthode de vérin hydraulique plus efficace pour le retrait des stators. M. Howard a précisé que la méthode de réduction en morceaux avait été abandonnée et remplacée par le vérin hydraulique. Avec cette méthode, l’élastomère ne sortait plus du tube en fragments mais en plus gros morceaux, parfois de 10 à 12 pieds de long (transcription, p. 370). Toutefois, il est évident que la caractéristique d’extraction de l’élastomère du stator reposait sur la force de 1 050 livres au pouce carré du vérin et sur la fragilité de l’élastomère refroidi (transcription, p. 345 et 346, p. 365).

 

[78]           Une autre différence entre le procédé Hydril et celui protégé par le brevet tient au fait que le refroidissement et le réchauffement graduels ne sont pas utilisés dans le procédé Hydril pour éviter les chocs thermiques. Hydril ne refroidissait pas graduellement les stators; au contraire, ils étaient plongés dans de l’azote liquide pour obtenir un refroidissement rapide. Après leur retrait du bain d’azote liquide, la pratique voulait que les stators soient laissés au repos pendant environ cinq minutes. Dans sa déposition, M. Howard a déclaré que souvent les tuyaux se fracturaient si cette courte période de réchauffement n’était pas observée. En laissant le stator se réchauffer brièvement, le procédé Hydril a permis de réduire le nombre de tuyaux dont il provoquait la fracture (transcription, p. 364 et 365).

 

[79]           Compte tenu de l’analyse qui précède, je suis d’avis que Weatherford a établi que des procédés cryogéniques d’enlèvement de revêtement des parois intérieures de stators étaient utilisés antérieurement à la date de revendication du brevet. Toutefois, je suis aussi d’avis qu’il existe une différence importante entre ces procédés et les caractéristiques essentielles du brevet, à savoir la rétraction et le détachement de l’élastomère de la cavité statorique; les procédés de Murray Rubber et d’Hydril sont basés sur le concept que l’élastomère devient fragile lorsque refroidi à une température inférieure à sa température de transition vitreuse et qu’il peut alors être enlevé par l’application d’une force. En outre, ces procédés n’ont pas enseigné que la température de l’élastomère doive être abaissée et haussée graduellement pour éviter les chocs thermiques.

 

[80]           En conséquence, je conclus que la technique antérieure des procédés de Murray Rubber et d’Hydril ne constitue pas l’enseignement du brevet.

 

            D. Conclusion

[81]           Vu que Weatherford n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le technicien versé dans l’art mais peu imaginatif serait arrivé directement au procédé breveté, je conclus donc que le brevet n’est pas invalide pour cause d’évidence.

 

V.        Dépens

[82]           La règle veut que les dépens soient accordés à la partie qui a eu gain de cause, ce qui pourrait signifier que dans une affaire où les succès sont partagés les dépens seraient répartis de la même façon. Toutefois, dans une action en matière de brevet semblable à la présente espèce, comportant une action en contrefaçon et une demande reconventionnelle d’invalidité toutes deux rejetées, la Cour d’appel fédérale a jugé que cette situation ne saurait être considérée comme un cas de succès partagé et, qu’en l’absence de circonstances particulières, les dépens devraient être adjugés au défendeur (Illinois tool Works Inc. c. Cobra Anchors Co. (2003). 312 N.R. 184; Gorse c. Upwardor Corp. (C.A.F.) [1992] A.C.F. no 116).

 

[83]           J’estime qu’il est seulement juste envers M. McKay de lui fournir l’occasion de faire valoir son point de vue sur l’existence de telles circonstance particulières. En conséquence, le jugement sur l’action est rendu, mais la question sur l’adjudication des dépens sera débattue ultérieurement. 

 

JUGEMENT

 

LA PRÉSENTE COUR ORDONNE QUE :

 

La demande du demandeur est rejetée, et la demande reconventionnelle des défenderesses est rejetée.

La question de l’adjudication des dépens sera débattue ultérieurement.

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Jacques Goulet, LL.L.


ANNEXE A



 

[traduction]

 

TITRE DE L’INVENTION :

            Méthode de dépose de stators de boîtiers tubulaires

DOMAINE DE L’INVENTION

La présente invention décrit une méthode de dépose de stator des pompes Moineau de leur boîtier tubulaire.

 

CONTEXTE DE L’INVENTION

Les pompes Moineau sont beaucoup utilisées dans l’industrie pétrolière, elles portent le nom de leur inventeur, un aviateur français. Ces pompes utilisent des rotors en métal et des stators en plastique. Le stator est fixé au moyen d’un adhésif dans un boîtier tubulaire. Quand la pompe Moineau est neuve, le contact est étanche entre la cavité statorique et le rotor. Pendant la rotation du rotor, les liquides sont transportés de façon séquentielle par une série de cavités formées entre la cavité statorique tubulaire et le rotor. Un usage prolongé provoque l’usure du stator en plastique de sorte que le rotor et le stator ne peuvent plus transporter efficacement les liquides à cause de la perte d’étanchéité.

 

Pour entretenir les pompes Moineau, le stator usé en plastique doit être enlevé de son tube et remplacé. À l’heure actuelle, l’enlèvement du stator usé représente environ la moitié du coût de remplacement. Un refouloir hydraulique ou mécanique est utilisé pour briser la liaison avec l’adhésif et pousser le stator usé hors du tube. On doit nettoyer le tube par alésage pour enlever tous les résidus de plastique qui y restent attachés.

 

RÉSUMÉ DE L’INVENTION

            Il est nécessaire de disposer d’une méthode d’enlèvement des stators des cavités tubulaires afin de simplifier cette opération et d’en diminuer le coût.

 

La présente invention constitue une méthode d’enlèvement des stators des cavités tubulaires, à savoir, en les soumettant au refroidissement cryogénique, la cavité tubulaire à laquelle un stator usé est fixé au moyen d’un adhésif, jusqu’à rétraction du stator et son décollement de la face interne de la cavité.

 

La méthode décrite plus haut offre une solution de rechange à l’utilisation de refouloirs. Plus important encore, elle permet un enlèvement plus propre du stator usé en diminuant l’alésage de la face interne de la cavité et sa préparation après alésage. Une réduction de l’alésage et de la préparation après alésage représente une économie importante.

 

 

BRÈVE DESCRIPTION DES DESSINS

Cette caractéristique de l’invention et d’autres deviendront plus évidentes dans la description suivante pour laquelle il faudra se référer aux dessins en annexe. Ces dessins servent d’illustrations seulement et ne visent en aucun cas à limiter la portée de l’invention à une forme particulière ou à celles présentées.

 

La figure 1 est une représentation schématique de l’enlèvement d’un stator de sa cavité tubulaire conformément aux enseignements de la présente méthode.

 

DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE LA RÉALISATION PRÉFÉRÉE

La méthode préférée d’enlèvement de stator d’une cavité statorique tubulaire est la méthode décrite à l’aide de la figure 1.

 

En référence à la figure 1, la méthode préférée consiste à soumettre la cavité tubulaire12, à la face interne 14 sur laquelle un stator usé 16 est fixé au moyen d’un adhésif 18, à un refroidissement cryogénique dans l’unité de refroidissement cryogénique 20 jusqu’à ce que le stator 16 se rétracte et se détache de la face interne 14 de la cavité tubulaire 12.

 

La gamme de température cryogénique commence à moins 50 degrés Celsius environ. Il est entendu que la température et le temps constituent des éléments essentiels de la méthode au fur et à mesure qu’on abaisse la température au sein de la gamme de température cryogénique, on diminue le temps suffisant à rétrécir le stator pour qu’il se détache de la face interne 14. Pour les expériences, on a utilisé la gamme de température comprise entre moins 150 et moins 200 degrés Celsius.

 

Afin d’éviter les chocs thermiques, la température de la cavité statorique tubulaire 12 doit être diminuée progressivement jusqu’aux températures cryogéniques et remontée graduellement. Dans les expériences permettant de prouver la validité du concept, on a diminué la température de 2,5 °C par minute jusqu’à -196 °C, la température de l’azote liquide. Dès que le stator 16 se détachait de la cavité statorique 12, la température était augmentée de 2,5 °C par minute. Un temps d’arrêt minimal à -196 °C était observé. La partie la plus longue du procédé est celle où on abaissait graduellement la température et celle où elle était augmentée à nouveau : de 3 à 24 heures environ. On peut employer des températures cryogéniques plus basses, même si la gamme de température préférée utilisée pendant les expériences était de -150 °C à -200 °C. Des expériences seraient nécessaires pour déterminer la température et le temps d’arrêt optimaux.

 

Une fois le stator 16 rétracté et détaché de la face interne 14, l’enlèvement du stator usé 16 de la cavité tubulaire 12 devient extrêmement simple. Le stator usé 16 est enlevé facilement en exerçant une force sur le stator usé 16 pour le faire glisser hors de la cavité tubulaire 12, comme indiqué par la flèche 22. Il est entendu que l’enlèvement peut être exécuté de beaucoup de façons : en poussant ou en tirant sur le stator usé 16, en basculant la cavité tubulaire 12, de sorte que le stator 16 glisse hors de la cavité 12 par gravité, soit en utilisant l’accélération centrifuge ou d’autres principes de physique.

 

Mise en garde :

Dans la plupart des cas, le traitement cryogénique améliore les propriétés mécaniques de la cavité tubulaire 12. Des traitements cryogéniques sont utilisés sur des pièces métalliques pour accroître leur résistance à l’abrasion, leur dureté, leur stabilité dimensionnelle et leur résistance à la traction. Cependant, il existe un danger de transformation de l’austénite en martensite dans certains alliages. Dans ces cas, la martensite de première fusion devra être revenue au moyen d’un traitement thermique ultérieur.

 

Il sera évident pour une personne versée dans le domaine que des changements peuvent être apportés à l’utilisation démontrée sans s’éloigner de l’esprit et de la portée de l’invention tels que définis dans les revendications suivantes.

 

LES RÉALISATIONS DE L’INVENTION POUR LESQUELLES UNE PROPRIÉTÉ OU UN PRIVILÈGE EXCLUSIF EST REVENDIQUÉ SONT DÉFINIES DE LA FAÇON SUIVANTE :

 

1.         Une méthode d’enlèvement de stators de cavités tubulaires, comprenant :

      soumettre au refroidissement cryogénique une cavité tubulaire, avec face interne à laquelle est fixé au moyen d’un adhésif un stator usé, jusqu’à ce que celui-ci se rétracte et se détache de la face interne de la cavité métallique tubulaire, la température de la cavité étant abaissée graduellement à une valeur cryogénique et ensuite augmentée graduellement à la température ambiante de façon à ce que la cavité tubulaire et le stator élastomérique se rétractent à la même vitesse et afin d’éviter les chocs thermiques.

 

2.         La méthode telle que définie dans la revendication 1, la cavité métallique tubulaire étant soumise à des températures entre -150 °C et -200 °C.

 

3.         Une méthode d’enlèvement de stators de cavités statoriques tubulaires, comprenant :

 

placer dans un appareil de refroidissement cryogénique, une cavité métallique tubulaire ayant une face interne à laquelle est fixée au moyen d’un adhésif un stator usé en élastomère;

abaisser graduellement la température de l’appareil de refroidissement cryogénique à des valeurs cryogéniques pour que la cavité métallique tubulaire et le stator en élastomère se rétractent à des vitesses très comparables et pour éviter les chocs thermiques, les températures de l’appareil de refroidissement cryogénique atteignant des températures entre -150 °C et -200 °C;

augmenter graduellement la température de l’appareil de refroidissement cryogénique jusqu’à la température ambiante pour éviter les chocs thermiques, le stator en élastomère se rétractant et se détachant de la face interne de la cavité tubulaire lorsque la température est abaissée graduellement et ensuite augmentée graduellement;

exercer une force sur le stator pour le faire glisser hors de la cavité tubulaire.

 

 image


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU D0SSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1707-03

 

INTITULÉ :                                       John Russell McKay c.

                                                            Weatherford Canada Ltd.,

                                                            Weatherford Artificial Lift Systems Inc.,

                                                            Weatherford Canada Partnership

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 24 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 23 NOVEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

J. Cameron Prowse, c.r.

 

POUR LE DEMANDEUR

(Défendeur en demande reconventionnelle)

 

K. D. Wakefield, c.r.

Dennis Schmidt

 

 

POUR LES DÉFENDERESSES

(Demanderesses en demande reconventionnelle)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

PROWSE CHOWNE, s.r.l.

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

(Défendeur en demande reconventionnelle)

FRASER MILNER CASGRAIN S.E.N.C.R.L.

Edmonton (Alberta)

POUR LES DÉFENDERESSES

(Demanderesses en demande reconventionnelle)

 

 

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