Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20071123

Dossier : T-85-03

Référence : 2007 CF 1234

Calgary (Alberta), le 23 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

 

ENTRE :

ALTAGAS MARKETING INC., GYRFALCON HOLDINGS LTD., INUVIALUIT

PETROLEUM CORPORATION ET IPL HOLDINGS INC.                   

demanderesses

 

 

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               En 1984, les Inuvialuit des Territoires du Nord-Ouest ont conclu une convention de règlement avec le Canada intitulée la Convention définitive des Inuvialuit (la CDI), qui a par la suite acquis valeur de loi en vertu de la Loi sur le règlement des revendications des Inuvialuit de la région ouest de l’Arctique, L.C. 1984, ch. 24. En vertu de la CDI, les Inuvialuit ont droit à une redevance de 10 % de la production de certaines terres pétrolifères qui font l’objet du présent litige. En vertu de la CDI, le Canada a, à titre d’administrateur, l’obligation de percevoir et de remettre cette redevance. L’instrument que le Canada a choisi à cette fin est la Loi fédérale sur les hydrocarbures, L.R.C. 1985, ch. 36 (2e suppl.) (la LFH). Il est admis que cette loi s’applique aux terres en question.

 

[2]               Les demanderesses sont des productrices de pétrole titulaires de licences en vertu de la LFH à l’égard des terres pétrolifères en question. Au cœur du présent litige, il y a le fait que, bien que le Canada ait octroyé aux demanderesses une licence de production suivant la formule type prévue par la LFH qui comporte une disposition relative aux redevances ne prévoyant qu’une fraction de la redevance à laquelle les Inuvialuit ont droit, par lettre datée du 16 mai 2002 (Exposé conjoint des faits, onglet 6), le Canada a établi les cotisations des demanderesses en vertu de la LFH à hauteur de la totalité de la redevance de 10 % devant être perçue et remise en vertu de la CDI. Par lettre datée du 9 août 2002, les demanderesses se sont opposées à cette cotisation (Exposé conjoint des faits, onglet 7). La réponse du Canada, en date du 25 octobre 2002, donnée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, a confirmé la cotisation, [traduction] « étant donné la préséance de la Convention définitive des Inuvialuit sur toute autre loi y compris la Loi fédérale sur les hydrocarbures » (Exposé conjoint des faits, onglet 8).

 

I.          La question centrale

 

[3]               La question centrale dans le présent appel est la suivante : la cotisation relative aux redevances au taux de 10 % établie par le Canada est-elle conforme à la loi?

 

[4]               Même si la contestation en l’espèce se présente sous la forme d’un « appel » de la cotisation contestée, s’agissant d’un appel prévu par la loi à l’article 63 de la LFH, suivant l’arrêt de la Cour suprême du Canada Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, paragraphe 21, un appel prévu par la loi est assimilable à un contrôle judiciaire; par conséquent, il faut déterminer la norme de contrôle applicable à la question centrale. S’agissant d’une analyse pragmatique et fonctionnelle du processus décisionnel en cause, étant donné que la question à trancher concerne une question de droit, il n’est pas contesté que la norme de contrôle de la cotisation en cause est celle de la décision correcte.

 

[5]               La réponse à la question centrale est tributaire de la réponse à trois questions clés. Le fondement factuel servant à répondre aux questions clés est un document intitulé « Exposé conjoint des faits », qui constitue le document préliminaire du recueil de documents, produit sur consentement, portant le même titre; le contenu du document constitue l’annexe A des présents motifs.

 

[6]               L’audition du présent appel s’est déroulée en deux séances au cours desquelles la Cour a pris connaissance d’observations écrites et a entendu des plaidoiries. Au cours de la première séance, un vaste éventail de sujets a été abordé; cependant, le débat a été considérablement circonscrit lors de la deuxième séance grâce à des éclaircissements, consignés au dossier, apportés par les avocats des deux parties quant à leurs positions respectives.

 

            A. Les questions clés

 

                        1. Quelles sont les obligations du Canada en matière de redevances en vertu de la CDI?

[7]               Les dispositions de la CDI qui énoncent les obligations du Canada sont contenues à la section intitulée « Gestion des droits existants », jointe aux présents motifs à l’annexe B.

 

[8]               La CDI comporte une procédure d’arbitrage pour le règlement des différends dans le cadre de la CDI. Les obligations du Canada en vertu de la CDI sont définies par le passage suivant d’une sentence arbitrale datée du 29 avril 2004, qui a force de loi :

[traduction] Nous rejetons le point de vue adopté par l’avocat de la défenderesse selon lequel le Canada était un simple intermédiaire pour la perception des redevances au nom des Inuvialuit. Le Canada a assumé une lourde responsabilité lorsqu’il a accepté de continuer d’administrer ces droits au nom des Inuvialuit, surtout lorsqu’il était stipulé clairement et sans équivoque que le taux de redevance que les Inuvialuit pouvaient s’attendre à recevoir était celui prévu par la LPGC. L’idée de la continuation de l’administration au nom des Inuvialuit s’accompagne de la relation spéciale bien connue entre la Couronne et les peuples autochtones, qui va au-delà de l’idée d’un simple administrateur. En outre, la Couronne a conservé des pouvoirs qui dépassaient ceux des Inuvialuit en ce que, par exemple, le Canada pouvait révoquer la LPGC et la remplacer par un régime différent, comme il l’a fait, d’ailleurs [en adoptant la LFH]. Cependant, même si, pour les fins de la discussion, l’on devait prendre l’idée d’un « administrateur » comme simple point de départ, nous avons affaire ici à une situation où l’administrateur a pris en charge une obligation très étendue qui va au-delà de la simple administration. La défenderesse s’est clairement engagée à faire des remises selon le taux de redevance prévu par la LPGC. Ce serait minimiser la responsabilité du Canada que de qualifier le Canada de simple intermédiaire ou mandataire dans le cadre de la relation. De même, nous rejetons le point de vue adopté par l’avocat des demanderesses selon lequel le Canada doit payer la redevance peu importe qu’il puisse la percevoir ou non. Bien que nous estimions que la défenderesse a une lourde responsabilité, nous ne décelons pas dans le libellé des dispositions l’intention de créer une garantie absolue ou une obligation absolue de payer indépendamment des circonstances.

 

[Non souligné dans l’original.]

(Recueil de documents, onglet 9, pages 24 et 25)

 

 

[9]               Le calcul du montant de la redevance payable est exposé au paragraphe 7(96) de la CDI. La loi en vigueur le 31 décembre 1983 était la Loi sur le pétrole et le gaz du Canada, L.C. 1980-81-82 (la LPGC), qui prévoyait une redevance de 10 %. Je suis d’accord avec la prétention du Canada selon laquelle, même si la LPGC a été abrogée, ce taux constitue, en vertu de la loi, le taux de redevance qui doit être perçu et remis en vertu de la CDI.

 

[10]           D’ailleurs, au cours de la deuxième séance de l’audition du présent appel, les avocats des demanderesses ont convenu que les demanderesses étaient tenues dans tous les cas de payer la redevance prescrite en vertu du règlement d’application de la LFH; c’est-à-dire que si celui‑ci indique qu’il faut payer le taux prévu par la LPGC ou qu’il faut payer 10 %, ou toute autre redevance, les demanderesses y seraient tenues. D’après ce que je comprends de l’argumentation des demanderesses, celles-ci paieraient toute redevance exigée d’elles selon un processus de perception conforme à la loi; leur principale prétention est que la cotisation contestée ne reposait pas sur un tel processus.

 

            2. Quelle est la portée apparente des dispositions relatives aux redevances énoncées dans la licence de production octroyée aux demanderesses sous le régime de la LFH?

 

[11]           L’article 55 de la LFH énonce en des termes clairs l’obligation des titulaires de licences de production en matière de redevances :

55. (1) Sont réservées à Sa Majesté du chef du Canada les redevances qui peuvent être fixées par règlement sur la production d’hydrocarbures provenant des terres domaniales aux taux et pour les périodes réglementaires. Chaque indivisaire d’une licence de production — l’assujetti — est tenu, conformément au règlement, au paiement de ces redevances.

55. (1) There are hereby reserved to Her Majesty in right of Canada, and each holder of a share in a production licence is liable for and shall pay, in accordance with the regulations, such royalties as may be prescribed, at the rates prescribed, in respect of petroleum produced from frontier lands and in respect of the periods prescribed.

 

Le règlement qui énonce les formules applicables pour le calcul de la redevance exigée aux termes du paragraphe 55(1) est le Règlement sur les redevances relatives aux hydrocarbures provenant des terres domaniales (DORS/92-26) (le Règlement); l’extrait suivant du paragraphe 3(1) montre comment une redevance en vertu de la LFH est calculée :

3. (1) La redevance payable à Sa Majesté, en vertu du paragraphe 55(1) de la Loi, par chaque indivisaire d’une licence de production — l’assujetti — est égale :

 

a) dans le cas de la production d’hydrocarbures provenant des terres domaniales du projet au cours d’un mois précédant le mois de recouvrement de l’investissement initial, à :

 

(i) un pour cent des revenus bruts de l’assujetti provenant des hydrocarbures, à compter du premier mois de production jusqu’au dix-huitième,

 

 

(ii) deux pour cent, à compter du dix-neuvième mois jusqu’au trente-sixième,

 

3. (1) The prescribed royalty payable to Her Majesty under subsection 55(1) of the Act by each interest holder is

 

 

 

(a) in respect of petroleum produced from project lands in a month preceding the month of payout

 

 

 

(i) beginning with the first production month and ending with the eighteenth production month, one per cent of the gross revenues of the interest holder from that petroleum,

 

(ii) beginning with the nineteenth production month and ending with the thirty-sixth production month, two per cent of the gross revenues of the interest holder from that

petroleum,

...

 

[12]           L’article 4 de la licence de production octroyée aux demanderesses sous le régime de la LFH est une disposition relative aux redevances qui est rédigée comme suit :

[traduction] Sous réserve de la Loi, chaque indivisaire d’une licence de production est tenu, conformément au règlement, au paiement des redevances qui peuvent être fixées par règlement sur la production d’hydrocarbures provenant des terres domaniales aux taux et pour les périodes réglementaires.

 

(Exposé conjoint des faits, onglet 5)

 

 

[13]           Ainsi, selon le sens ordinaire des mots employés à l’article 55, les producteurs pétroliers doivent payer les redevances qui sont fixées par le Règlement. Le Règlement ne contient aucune mention expresse concernant le taux spécial de redevance prévu dans la CDI et, de fait, le calcul effectué conformément au Règlement ne donnait que 10 % de ce que le Canada devait remettre aux Inuvialuit en vertu de la CDI. Conformément aux admissions faites par le Canada lors des interrogatoires préalables, cette disparité n’a été corrigée qu’à la fin de 1999. À cette époque, le Canada a conclu que les taux de la LPGC s’appliquaient probablement à la CDI, que la redevance relative à la production devrait être calculée conformément à la LPGC, et l’on soupçonnait qu’en fait, la redevance était calculée conformément à la LFH (Exposé des faits et du droit des demanderesses, onglet C, pages 52 à 54).

 

[14]           Je n’ai aucune hésitation à conclure que la portée apparente des dispositions relatives aux redevances de la licence de production octroyée aux demanderesses en vertu de la LFH ne s’étend pas à la redevance que le Canada doit percevoir et remettre en vertu de la CDI. 

 

            3. Les dispositions de la licence de production relatives aux redevances peuvent‑elles être interprétées de manière à s’étendre à la redevance que le Canada doit percevoir et remettre en vertu de la CDI?

 

[15]            Le Canada a présenté une argumentation écrite en faveur d’une telle interprétation, qui commence par les affirmations suivantes :

[traduction] L’article 55 de la LFH énonce que « chaque indivisaire d’une licence de production est tenu […] au paiement [des] redevances qui peuvent être fixées par règlement sur la production d’hydrocarbures provenant des terres domaniales aux taux […] réglementaires […] »

 

Selon l’article 2 « réglementaire » (prescribed [version anglaise seulement]) signifie « a) dans le cas d’une formule ou des renseignements devant être fournis dans une formule, prescrit par le ministre, et b) dans tous les autres cas, prescrit par un règlement pris par le gouverneur en conseil ».

 

La licence de production numéro 6, qui est la source du droit des demanderesses de produire du gaz, est une formule prescrite par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

 

(Réponse complémentaire de la défenderesse, 19 octobre 2007, paragraphes 5 à 7)

 

[16]           La défenderesse tente ensuite de démontrer que puisque la licence de production octroyée aux demanderesses est une « formule » prescrite par le ministre, elle a pour effet de permettre au ministre de déroger au Règlement en ce qui concerne la fixation de redevances. Autrement dit, suivant ce raisonnement, le Canada soutient que le ministre peut modifier les taux fixés aux termes du Règlement, de manière à ce que le taux de redevance fixé par la licence de production soit le taux énoncé au paragraphe 7(96) de la CDI.

 

[17]           Je rejette cet argument parce que la première des prémisses de base est erronée; la citation de l’article 55 est inexacte. Cette inexactitude altère le sens ordinaire de la disposition, et ce n’est qu’à ce prix que l’argument parvient à tenir. Le libellé précis de la disposition vaut la peine d’être reproduit à nouveau :

55. (1) Sont réservées à Sa Majesté du chef du Canada les redevances qui peuvent être fixées par règlement sur la production d’hydrocarbures provenant des terres domaniales aux taux et pour les périodes réglementaires. Chaque indivisaire d’une licence de production — l’assujetti — est tenu, conformément au règlement, au paiement de ces redevances.

 

[Non souligné dans l’original.]

55. (1) There are hereby reserved to Her Majesty in right of Canada, and each holder of a share in a production licence is liable for and shall pay, in accordance with the regulations, such royalties as may be prescribed, at the rates prescribed, in respect of petroleum produced from frontier lands and in respect of the periods prescribed.

 

 

[18]           Pour ce qui est de l’interprétation correcte de l’article 55, j’estime que les mots « les redevances qui peuvent être fixées par règlement » dans le passage « est tenu, conformément au règlement, au paiement [des] redevances […] qui peuvent être fixées par règlement […] aux taux […] réglementaires » renvoient directement, et uniquement, aux redevances fixées par règlement. Par conséquent, par souci de clarté, le passage en question devrait être rédigé comme suit : « est tenu, conformément au règlement, au paiement [des] redevances […] qui peuvent être fixées par règlement […] aux taux […] [fixés par règlement] […] ». Par conséquent, les mots « les redevances qui peuvent être fixées par règlement » ne peuvent servir de source indépendante d’obligations en matière de redevances.

 

II.        La réponse à la question centrale

 

[19]           La question centrale dans le présent appel est la suivante : la cotisation relative aux redevances au taux de 10 % établie par le Canada est-elle conforme à la loi? Compte tenu de l’analyse qui précède, ma réponse est « non ».

 

III.       Réparation

 

[20]           Conformément au paragraphe 63(4) de la LFH, les demanderesses ont droit à ce que la cotisation soit annulée, comme elles l’ont demandé.

 

IV.       Dépens

 

[21]           Les demanderesses et le Canada ont convenu que la question de la taxation des dépens découlant du présent jugement serait débattue ultérieurement.

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

que la cotisation du 16 mai 2002 est annulée en vertu du paragraphe 63(4) de la Loi fédérale sur les hydrocarbures, L.R.C. 1985, ch. 36 (2e suppl.);

que la question des dépens sera débattue ultérieurement.

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


 

Annexe A

 

[traduction]

 

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

 

 

[Note : Les annotations figurant dans la marge de droite renvoient au recueil de documents au dossier intitulé « Exposé conjoint des faits ».]

 

LES PARTIES

1.                  La demanderesse AltaGas Marketing Inc. (AltaGas) est une personne morale constituée en vertu des lois du Canada, faisant affaire et ayant des bureaux dans la ville de Calgary, dans la province d’Alberta, et ailleurs au Canada.

2.                  La demanderesse Inuvialuit Petroleum Corporation (IPC) est une personne morale constituée en vertu des lois du Canada, faisant affaire et ayant des bureaux dans la ville d’Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest.

3.                  La demanderesse Gyrfalcon Holdings Ltd. (Gyrfalcon) est une personne morale constituée en vertu des lois du Canada, faisant affaire et ayant des bureaux dans la ville d’Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest.

4.                  La demanderesse IPL Holdings Inc. (IPL Holdings) est une personne morale constituée en vertu des lois du Canada, faisant affaire et ayant des bureaux dans la ville de Calgary, dans la province d’Alberta, et ailleurs au Canada.

HISTORIQUE

5.                  La Loi sur le pétrole et le gaz du Canada a été adoptée à L.R.C. 1980-81-82, ch. 81, et proclamée le 5 mars 1982 (TR/82-96) (modifiée, la LPGC). Le 31 décembre 1983, la LPGC s’appliquait aux terres de la Couronne dans les Territoires du Nord-Ouest. La LPGC a été abrogée par étapes, les dernières dispositions ayant été abrogées par L.C. 1994, ch. 10, article 10, entré en vigueur le 12 mai 1994.

LPGC [ONGLET 1]

6.                  Le 5 juin 1984, le Canada et le Comité d’étude des droits des autochtones (le CEDA), représentant les Inuvialuit de la région désignée, ont conclu la Convention définitive des Inuvialuit (la CDI).

CDI [ONGLET 2]

7.                  La CDI a été enchâssée dans une loi intitulée la Loi sur le règlement des revendications des Inuvialuit de la région ouest de l’Arctique, L.C. 1984, ch. 24, qui est entrée en vigueur le 25 juillet 1984 (modifiée, la LRRIROA). La CDI a par la suite été modifiée par deux conventions modificatrices datées du 11 mai 1987 puis par une troisième convention modificatrice datée du 23 août 1988. Les trois conventions modificatrices ont aussi été enchâssées dans une loi intitulée la Loi modifiant la Loi sur le règlement des revendications des Inuvialuit de la région ouest de l’Arctique.

LRRIROA [ONGLET 3]

8.                  Inuvialuit Regional Corporation (IRC) est la successeure du CEDA. IRC est une personne morale sans capital-actions constituée en vertu de la Loi sur les corporations canadiennes et créée à la suite de la CDI aux fins notamment de représenter de manière générale les Inuvialuit et de faire valoir leurs droits et défendre leurs intérêts. Inuvialuit Land Corporation (ILC) est une personne morale distincte, filiale à cent pour cent d’IRC, qui est propriétaire des terres inuvialuit visées par la CDI. À titre de propriétaire des terres Inuvialuit, ILC est la personne à qui revient le droit, en vertu de la CDI, de percevoir les paiements de redevances au nom des Inuvialuit.

9.                  Entre autres avantages, la CDI a conféré aux Inuvialuit les titres relatifs à certaines terres situées dans les Territoires du Nord-Ouest (titres qui seraient détenus par ILC). En vertu du sous-alinéa 7(1)a)(i) de la CDI, ILC détient les « titres de propriété absolue » relatifs à certaines de ces terres, sous réserve des droits et intérêts précisés dans la CDI, notamment certaines aliénations relatives au sous-sol énumérées à l’annexe P de la CDI.

10.              L’annexe P mentionne, entre autres, une certaine aliénation relative au sous-sol intitulée « accord d’exploration no 224 », qui grevait les terres en cause dans la présente instance (les « terres Ikhil »).

11.              L’accord d’exploration no 224, entré en vigueur le 5 septembre 1982, avait été conclu entre le Canada et divers titulaires d’intérêts en vertu des dispositions de la LPGC.

12.              En 1985, IRC a créé une personne morale distincte, Inuvialuit Petroleum Corporation (IPC), dont l’objectif était de devenir une société pétrolière profitable, de taille moyenne, diversifiée et intégrée, au profit des Inuvialuit. IPC est une filiale à cent pour cent d’IRC.

13.              La Loi fédérale sur les hydrocarbures (modifiée, la LFH) a été adoptée à L.R.C. 1985, ch. 36 (2e suppl.). La LFH a été sanctionnée le 18 novembre 1986 et est entrée en vigueur le 15 février 1987 (TR/87-63). La LFH a été modifiée par plusieurs lois modificatrices. La LFH a été en vigueur en permanence pendant la période de validité de la licence de production no 6 dont il est fait mention au paragraphe 20 des présentes.

LFH [ONGLET 4]

14.              L’accord d’exploration no 224 est devenu le permis de prospection no 224 en vertu des dispositions de la LFH.

15.              Le 1er septembre 1987, les titulaires du permis de prospection no 224 à l’époque, soit Gulf Canada Resources Limited, Mobil Oil Canada Ltd. et Petro-Canada Inc., ont demandé une attestation de découverte importante visant les terres Ikhil conformément à la LFH.

16.              Le 20 juillet 1988 ou vers cette date, la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (le ministre), a délivré une attestation de découverte importante applicable aux terres Ikhil à Gulf Canada Resources Limited, Mobil Oil Canada Ltd. et Petro-Canada Inc. (ci-après l’ADI no 29) en vertu des dispositions de la LFH pour la période pertinente aux fins de la présente instance. Aux termes de l’ADI no 29, les titulaires de l’attestation se sont vu accorder certains droits de prospection et d’aménagement et d’autres droits relativement aux terres suivantes :

Latitude

Longitude

Partie

68°50'

134°00'

Sections 25-27, 34-37, 44-46

 

 

AIRE : 3132 HECTARES

 

17.              À tous les moments pertinents, ILC détenait le titre de propriété absolue relatif aux terres dont il est fait mention au paragraphe 16, sous réserve des autres droits et intérêts précisés dans la CDI, conformément au sous-alinéa 7(1)a)(i) de la CDI.

18.              À la suite de certaines ententes conclues à différentes époques en 1996 et 1997, IPC a acquis tous les intérêts des titulaires originaux de l’ADI no 29. Les transferts de ces intérêts ont été effectués et enregistrés en conformité avec les dispositions de la partie VIII de la LFH.

19.              En janvier 1998 ou vers cette époque, AltaGas et IPL Energy Inc. ont chacune acquis un intérêt dans l’ADI no 29 de telle sorte qu’à la suite de cette transaction, IPC, AltaGas et IPL Energy Inc. détenaient un intérêt dans l’ADI no 29 de 33,3335 pour cent, 33,3335 pour cent et 33,333 pour cent respectivement. Les transferts de ces intérêts ont été effectués et enregistrés en conformité avec les dispositions de la partie VIII de la LFH.

20.              En réponse à une demande de licence de production faite par IPC à titre de représentante des titulaires de l’ADI no 29, le 5 juillet 1999 ou vers cette date, le ministre a octroyé une licence de production, prenant effet à compter du 23 juin 1999, à IPC, AltaGas et IPL Energy Inc. (la LP no 6) en vertu des dispositions de la LFH. Aux termes de la LP no 6, les titulaires de la licence se sont vu conférer, entre autres droits, le droit exclusif d’exploiter et de produire du pétrole quant aux terres suivantes :

Latitude

Longitude

Partie

68°50'

134°00'

Sections 25, 26, 34, 35, 36, 44, 45, 46

 

 

AIRE : 2506 HECTARES (plus ou moins)

LP no 6 [ONGLET 5]

21.              Le 7 octobre 1998 ou vers cette date, IPL Energy Inc. a changé son nom, qui est devenu Enbridge Inc.

22.              Le 23 juin 1999 ou vers cette date, Enbridge Inc. a transféré différents intérêts à IPL Holdings, dont tous ses intérêts au titre de la LP no 6.

23.              En décembre 1999 ou vers cette époque, IPC a transféré tous ses intérêts dans la LP n6 à Ikhil Resources Ltd. (Ikhil).

24.              Le 31 juillet 2002 ou vers cette date, Ikhil a été dissoute en vertu de clauses de dissolution conformément à la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Gyrfalcon a acquis tous les droits et pris en charge toutes les obligations d’Ikhil, dont le droit, titre et intérêt dans la LP no 6.

LA COTISATION

25.              Aux termes d’un avis de cotisation daté du 16 mai 2002 et adressé à AltaGas (l’avis de cotisation), le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a établi la cotisation d’AltaGas au nom des demanderesses et de leurs prédécesseurs quant aux redevances payables au titre de la LP no 6 relativement à une période de trente (30) mois, soit de juillet 1999 à décembre 2001 inclusivement, pour un montant total de 136 296,82 $ (la cotisation). Le ministère a affirmé dans sa lettre qu’il avait calculé les redevances faisant l’objet de l’avis de cotisation conformément aux dispositions de la LPGC.

Avis de cotisation [ONGLET 6]

26.              Par lettre datée du 9 août 2002, AltaGas, au nom des demanderesses et de leurs prédécesseurs, a déposé un avis d’opposition dans les délais prescrits et conformément aux autres exigences de l’article 62 de la LPGC. AltaGas s’opposait à la cotisation au motif que la licence en cause, soit, la LP no 6, ne mentionnait nullement la LPGC, que les dispositions législatives applicables étaient la LFH et ses règlements d’application, qui sont mentionnés dans la LP no 6, et que les demanderesses et leurs prédécesseurs avaient calculé et payé des redevances conformément à la LFH et ses règlements d’application.

Avis d’opposition  [ONGLET 7]

27.              Par lettre datée du 25 octobre 2002, le ministre a rejeté l’opposition des demanderesses et a confirmé la cotisation. Le ministre a affirmé qu’il y avait une dérogation à la LFH en matière de redevances et qu’en conséquence, la LFH ne s’appliquait pas.

Décision du ministre  [ONGLET 8]

28.              Les demanderesses ont alors institué la présente instance au moyen d’une déclaration interjetant appel de la cotisation et de la décision du ministre confirmant cette dernière, le tout en vertu de l’article 63 de la LFH.

ARBITRAGE EN VERTU DE LA CDI

29.              Conformément à l’article 18 de la CDI, IRC, ILC et le Canada ont soumis plusieurs questions litigieuses à un comité d’arbitrage, notamment la question du régime des redevances payables en vertu de la CDI. Le 29 avril 2004, le comité d’arbitrage a rendu sa sentence.

Sentence arbitrale [ONGLET 9]

Le présent exposé conjoint des faits a été convenu entre les parties. Aucune partie ne peut produire un élément de preuve incompatible avec le présent exposé. Toute partie peut produire des éléments de preuve qui ajoutent au présent exposé ou qui sont compatibles avec celui‑ci.


Annexe B

                                                                                   

Convention définitive des Inuvialuit (modifiée)

 

Gestion des droits existants

7.(93) Sous réserve des dispositions de la Convention relatives aux terres inuvialuit choisies en application de l'alinéa (1)a), tous les détenteurs de droits, en cours de validité, d'exploitation du pétrole, du gaz, du charbon, des minéraux et des carrières mentionnés à l'annexe P, et tous ceux qui, avant le 31 décembre 1983, ont validement obtenu des droits d'exploitation de carrières se trouvant dans les terres inuvialuit choisies aux termes de l'alinéa (1)b) peuvent continuer à jouir de ces droits sans modification ni interruption jusqu'à leur extinction. Il est précisé, pour plus de sûreté, que les « droits » visés par le présent paragraphe incluent le droit de reconduction, qu'il ait été accordé avant ou après le 13 juillet 1978.

 

7.(94) Le Canada continue d'administrer les terres des Inuvialuit, en leur nom, à l’égard des détenteurs mentionnés au paragraphe (93). Dans le cas où la loi prévoit l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire relativement à cette gestion, le Canada ne doit pas, sans le consentement des Inuvialuit, offrir en vente la part de la Couronne, ni renoncer à recevoir des redevances ou autres montants semblables, ni prendre des décisions qui peuvent porter préjudice aux intérêts économiques des Inuvialuit; le Canada doit consulter l'Administration des terres des Inuvialuit avant de prendre toute autre décision de cette nature touchant les droits de ces derniers. Cependant, si le détenteur des droits et les Inuvialuit conviennent que ces derniers doivent administrer directement ces droits ou des droits similaires établis par négociation et si cette personne et les Inuvialuit en informent le ministre par écrit, celui-ci doit déléguer tous les pouvoirs d'administration aux Inuvialuit.

 

7.(95) Le plus tôt possible après la signature de la Convention, le Canada doit remettre aux Inuvialuit les redevances, droits, loyers, primes et paiements tenant lieu de redevances qui découlent des droits mentionnés au paragraphe (93). Toutes les redevances découlant de la production de pétrole et de gaz dans des lieux situés dans les collectivités doivent être ainsi remises. Il est précisé, pour plus de sûreté, que les Inuvialuit doivent obtenir et administrer la part de la Couronne au sens de l’article 27 de la Loi sur le pétrole et le gaz du Canada (S.C. 1980-81-82-83, c. 81).

 

7.(96) Les montants payables aux Inuvialuit en vertu du paragraphe (95) doivent être calculés selon les dispositions des lois et des règlements qui s'appliquaient aux terres de la Couronne des territoires du Nord-Ouest le 31 décembre 1983.

 

 


 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-85-03

 

INTITULÉ :                                       ALTAGAS MARKETING INC., GYRFALCON HOLDINGS LTD., INUVIALUIT PETROLEUM CORPORATION ET IPL HOLDINGS INC.

 

                                                                                                                        demanderesses

                                                            et

 

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

 

                                                                                                                        défenderesse

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 19 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :       le juge Campbell

 

DATE DES MOTIFS :                      le 23 novembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

M. H. Martin Kay

Mme Laurie A. Goldbach

 

POUR LES DEMANDERESSES

M. David E. Venour

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bennett Jones s.r.l.

Calgary (Alberta)

 

POUR LES DEMANDERESSES

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.