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Date : 20071116

Dossier : IMM-5828-06

Référence : 2007 CF 1200

Toronto (Ontario), le 16 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGHES

 

 

ENTRE :

EGHOMWANRE JESSICA IDAHOSA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse est une citoyenne adulte du Nigeria qui est entrée au Canada en octobre 2001 et a demandé l’asile à titre de réfugiée au sens de la Convention. Sa demande a été rejetée en août 2004. Elle a ensuite présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qui a été rejetée en mai 2006. Un examen des risques avant renvoi (ERAR) a été effectué pour évaluer les risques auxquels la demanderesse serait exposée si elle était renvoyée au Nigeria. Il a été déterminé que la demanderesse ne serait pas en danger et une date a été fixée pour son renvoi. La Cour a cependant ordonné un sursis de la mesure de renvoi jusqu’à ce qu’elle ait statué sur la présente demande. La question en litige en l’espèce consiste à déterminer si l’ordonnance de la Cour de l’Ontario accordant à la demanderesse la garde de ses enfants et interdisant le renvoi de ceux-ci de la province d’Ontario a pour effet d’empêcher le renvoi de la demanderesse du Canada.

 

[2]               La demanderesse a donné naissance à deux enfants depuis son arrivée au Canada. Ces enfants ont fait l’objet d’une instance devant la Cour de justice de l’Ontario, à Brampton (Ontario), dossier no 1852/06. Les parties du dossier de cette instance qui ont été versées au dossier de la présente instance indiquent qu’une motion a été présentée en chambre le 24 octobre 2006, après quoi le juge P. W. Dunn de cette cour a rendu une ordonnance :

[traduction]

1.         autorisant l’audition ex parte, sur une base urgente, de la motion en vertu du paragraphe 14(12) des Règles en matière de droit de la famille;

 

2.         dispensant de l’obligation de signifier aux intimés la requête, l’avis de motion et toute ordonnance rendue en l’espèce, en vertu des paragraphes 6(16) et 14(11) des Règles en matière de droit de la famille;

 

3.         accordant à la demanderesse, la mère, la garde temporaire des enfants Sage Osazenomwan Idahosa, née le 29 janvier 2002, et Izosa Zoe Idahosa, né le 10 octobre 2004;

 

4.         interdisant le renvoi des enfants susnommés à l’extérieur de la province d’Ontario sans autre ordonnance de la Cour, en vertu des articles 19, 21 et 28 de la Loi portant réforme du droit de l’enfance.

 

 

[3]               Cette ordonnance n’a pas été modifiée et n’a fait l’objet d’aucune demande de modification.

 

[4]               Il appert que l’avocat du ministre (Me Assan, qui représente aussi le ministre devant la Cour en l’espèce) était présent devant le juge Dunn. Ce dernier a inscrit ce qui suit sur le dossier de la motion dont il était saisi :

[traduction] Me Assan ne s’oppose pas à la mesure de réparation demandée dans la présente motion, pourvu que la Cour n’examine pas le statut de la [demanderesse] en matière d’immigration. La Cour ne traitera pas du tout de cette question.

 

 

[5]               L’agent de renvoi a été mis au courant de l’ordonnance du juge Dunn. Dans sa décision du 25 octobre 2006, qui fait l’objet du présent contrôle, l’agent a écrit ce qui suit :

[traduction] L’avocate affirme que l’ordonnance de la Cour de l’Ontario, en attribuant la garde des enfants à l’intéressée et en interdisant le renvoi des enfants du Canada, accorde également un sursis à l’intéressée en vertu de l’alinéa 50a) de la LIPR.

 

J’ai lu avec soin l’alinéa 50a) et je suis d’avis qu’il n’empêche pas le renvoi de Mme Idahosa du Canada. La garde permet au parent gardien de contrôler le lieu de résidence des enfants, mais elle n’exige pas nécessairement que le parent habite avec l’enfant. En outre, dans sa demande datée du 22 septembre 2006, Mme Idahosa a sollicité l’autorisation de demeurer au Canada jusqu’à ce qu’elle puisse prendre des dispositions pour confier ses enfants à quelqu’un. Le sursis de deux semaines accordé par la Cour fédérale est maintenant expiré et ni Mme Idahosa ni son avocate n’ont présenté une preuve démontrant qu’elle a tenté de communiquer avec la Société d’aide à l’enfance ou qu’elle a fait d’autres démarches pour confier ses enfants à quelqu’un. Il semble que Mme Idahosa utilise tous les moyens possibles pour retarder son renvoi du Canada.

 

 

QUESTION EN LITIGE

 

[6]               La Cour doit décider en l’espèce si l’ordonnance du juge Dunn a pour effet de surseoir à la mesure de renvoi prise contre la demanderesse, eu égard à l’alinéa 50a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, dans son état modifié (la LIPR).

 

ANALYSE

[7]               L’alinéa 50a) de la LIPR est libellé ainsi :

50. Il y a sursis de la mesure de renvoi dans les cas suivants :

 

a) une décision judiciaire a pour effet direct d’en empêcher l’exécution, le ministre ayant toutefois le droit de présenter ses observations à l’instance;

 

[8]               Il ne fait aucun doute que l’ordonnance du juge Dunn est une décision judiciaire et que le ministre, par l’entremise de Me Assan, a eu le droit de présenter des observations à l’instance.

 

[9]               La présente affaire met clairement en évidence le conflit qui existe dans un régime fédéral comme le Canada où, d’une part, les tribunaux provinciaux ont compétence en matière matrimoniale et familiale, y compris la garde des enfants et les questions accessoires à celle-ci tel le renvoi des enfants à l’extérieur de la province, et, d’autre part, la Cour fédérale et le système d’immigration fédéral s’occupent des personnes qui cherchent à immigrer au Canada ou qui demandent l’asile, y compris celles devant être renvoyées du Canada parce qu’elles ne satisfont pas aux conditions requises.

 

[10]           En l’espèce, une citoyenne d’un pays étranger est entrée au Canada et a demandé l’asile. À l’époque, elle attendait un enfant d’un homme avec qui elle avait eu une relation dans son pays d’origine et elle a donné naissance à une fille au Canada quelque six mois plus tard. Pendant que sa demande était examinée et que des démarches en vue de son rejet étaient entreprises, elle a eu une relation avec un autre homme au Canada et a donné naissance à un deuxième enfant, un fils. Étant nés au Canada, les deux enfants sont citoyens canadiens.

 

[11]           Cette femme a présenté une demande ex parte à la cour provinciale qui a rendu une ordonnance comportant deux volets. Cette ordonnance, qui peut être modifiée, accorde la garde des deux enfants à la mère et interdit le renvoi des enfants de la province. Une telle ordonnance n’aurait pu être rendue s’il n’y avait pas eu un litige quant à la garde des enfants ou un risque que ceux-ci subissent un préjudice en cas de renvoi. Les parents vivant une relation stable ne solliciteraient pas une telle ordonnance ou n’en auraient pas besoin.

 

[12]           L’avocate de la demanderesse prétend que la « garde » accordée par l’ordonnance du juge Dunn fait en sorte que la demanderesse et ses enfants doivent demeurer physiquement près et que, puisque les enfants ne peuvent pas être renvoyés de l’Ontario, leur mère (la demanderesse) ne le peut pas non plus. Selon l’avocate, il s’agit là de l’objet et de l’effet de l’alinéa 50a) de la LIPR.

 

[13]           L’avocat du défendeur soutient qu’un demandeur d’asile n’a pas le droit fondamental de demeurer au Canada et que, si sa demande d’asile est rejetée et qu’il n’a aucune autre raison de demeurer au Canada, il doit quitter le pays. Il fait valoir également que la « garde » ordonnée par le juge Dunn ne signifie pas que la demanderesse doit être, en tout temps, physiquement près de ses enfants et au Canada.

 

[14]           Il y aurait une solution pragmatique : si le ministre demandait une modification de l’ordonnance du juge Dunn et que la cour provinciale accordait au ministre la qualité nécessaire à cette fin en vue de faciliter l’expulsion de la mère. Or, cette solution n’a pas été retenue en l’espèce.

 

[15]           La juge Dawson, de la Cour, a tranché la même question que celle qui est en litige en l’espèce dans Alexander c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 1147, une affaire dont les faits n’étaient pas très différents de ceux dont la Cour est actuellement saisie.

 

[16]           La juge Dawson a examiné la question de manière approfondie et réfléchie et a conclu, aux paragraphes 30 à 41 de ses motifs, qu’une ordonnance comme celle rendue par le juge Dunn – l’ordonnance avait été rendue par la juge Waldman dans son cas – ne visait pas à retarder l’exécution d’une mesure de renvoi valide. Elle a dit :

39     Comme le reconnaît la juge Waldman dans les motifs qui justifient l’ordonnance définitive de la Cour de justice de l’Ontario rendue le 19 janvier 2005, les tribunaux tels que la Cour de justice de l’Ontario ont la responsabilité exclusive et la seule préoccupation de prendre en compte l’intérêt supérieur des enfants. Comme l’intérêt supérieur de l’enfant penche presque toujours en faveur du non-renvoi du parent du Canada et que, néanmoins, en droit, la présence de l’enfant au Canada ne constitue pas un empêchement absolu au renvoi du parent, je conclus que l’interprétation de l’alinéa 50a) de la Loi invoquée par Mme Alexander est en contradiction avec le régime global de la Loi. Comme dans l’arrêt Cuskic, précité, je conclus qu’interpréter l’alinéa 50a) de la Loi de manière à ce que l’exécution de la mesure de renvoi en l’espèce n’aille pas directement à l’encontre des ordonnances de la Cour de justice de l’Ontario est en conformité avec l’esprit de la Loi.

 

40     Pour arriver à cette conclusion, j’ai pris en considération l’argument de Mme Alexander portant que, parce qu’elle avait obtenu la garde exclusive de ses enfants, elle devait conserver la garde physique de ses enfants. Il s’ensuit, dit-elle, que si elle est renvoyée du Canada, ses enfants doivent la suivre, ce qui constituerait leur renvoi de l’Ontario, soit une contravention directe aux ordonnances visées. Toutefois, je ne suis pas disposée à conclure que la garde parentale, ou la garde parentale exclusive, impose au parent gardien la garde physique de l’enfant à tout moment. Par exemple, l’attribution de la garde, en droit, ne serait pas automatiquement touchée par l’incarcération ou l’extradition du parent gardien. De la même manière, les parents gardiens peuvent envoyer leurs enfants à l’étranger pour leurs études ou pour d’autres raisons. Dans l’arrêt Chou c. Chou, [2005] O.J. No. 1374, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a récemment décrit la signification du terme « garde » de la manière suivante :

 

[traduction] Il comprend un faisceau de droits et d’obligations, désignés comme « accessoires » aux articles 20 et 21 de la Loi portant réforme du droit de l’enfance, L.R.O. 1990, ch. C-12, modifiée. Les affaires de droit familial portent souvent sur l’attribution des droits de garde. Ces droits comprennent le droit à la garde physique et au contrôle de l’enfant, le droit de contrôler le lieu de résidence de l’enfant, de châtier l’enfant, de prendre des décisions sur l’éducation de l’enfant, d’élever l’enfant dans une religion particulière ou sans religion et de prendre des décisions sur les soins et les traitements médicaux. [Non souligné dans l’original.]

 

41     Par conséquent, la garde de l’enfant permet au parent gardien de contrôler le lieu de résidence de l’enfant, mais ne prescrit pas nécessairement sa cohabitation avec l’enfant.

 

[17]           La juge Dawson était toutefois d’avis que l’affaire devait être examinée par une cour supérieure. Elle a donc certifié la question suivante :

Dans les circonstances de l’espèce, où :

1.          l’un des parents est un ressortissant étranger visé par une mesure de renvoi valide;

2.          un tribunal de la famille prononce une ordonnance qui accorde la garde parentale au parent d’un enfant né au Canada et qui interdit le renvoi de l’enfant de la province visée;

3.          le ministre a la possibilité de présenter des observations au tribunal de la famille avant que soit rendue l’ordonnance;

 

l’ordonnance du tribunal de la famille empêche-t-elle directement le renvoi du Canada du parent, mais non de l’enfant, eu égard à l’alinéa 50a) de la Loi?

 

 

[18]           Un appel a été interjeté, mais l’affaire était devenue théorique parce que la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, présentée par la demanderesse, avait été accueillie (2006 CAF 386). La Cour d’appel a affirmé au paragraphe 5 de ses brefs motifs :

Les motifs de la décision du juge des demandes sont clairs et n’entrent pas en contradiction avec la jurisprudence.

 

[19]           La décision de la juge Dawson a été appliquée par le défunt juge Rouleau, de la Cour, dans Perez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1317, en particulier au paragraphe 16.

 

[20]           La juge Tremblay-Lamer, de la Cour, a appliqué, dans Garcia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 311, les motifs formulés par la juge Dawson dans la décision Alexander. Elle a toutefois certifié une question qui a été soumise à la Cour d’appel fédérale. Celle-ci a infirmé la décision de la juge Tremblay‑Lamer (2007 CAF 75). S’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, la juge Desjardins a donné une réponse négative à la question certifiée par la juge Tremblay‑Lamer, au paragraphe 24 de ses motifs :

24     Je répondrais par la négative à la question certifiée suivante :

 

Le jugement d’un tribunal provincial refusant d’ordonner le retour d’un enfant en conformité avec la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, [1989] R.T. Can. no 35, et l’art. 20 de la Loi sur les aspects civils de l’enlèvement interprovincial et international d’enfants, L.R.Q., ch. A-23.01 « LACEE »  peut-il avoir pour effet d’empêcher directement et indéfiniment l’exécution d’une mesure de renvoi qui a pris effet conformément à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 « LIPR »?

 

Non.

 

[21]           Les faits sont différents en l’espèce. Dans l’affaire Garcia, une mère et ses deux fils étaient des citoyens mexicains qui habitaient au Québec. Une mesure d’expulsion avait été prise à leur égard. Le père de l’un des fils vivait au Mexique. Il avait demandé la garde de son fils aux tribunaux du Québec. Saisie de l’affaire, la Cour d’appel du Québec a rejeté la demande du père et elle a souligné dans ses motifs « […] l’intégration de l’enfant dans son nouveau milieu ». La juge Tremblay‑Lamer, de la Cour fédérale, a conclu que l’enfant ne devait pas être renvoyé du Canada. La Cour d’appel fédérale a statué qu’il fallait tenir compte de l’ordonnance même de la Cour d’appel du Québec et non des motifs. L’ordonnance rejetait la demande du père qui voulait le renvoi immédiat de son fils au Mexique. L’enfant pouvait donc entre-temps rester avec sa mère au Québec. L’ordonnance de la Cour d’appel fédérale n’a toutefois pas suspendu l’expulsion ultérieure de la mère et des fils. Comme la juge Desjardins l’a dit aux paragraphes 21 et 22 :

21     Il est certain, comme l’a noté la juge Tremblay-Lamer, que le jugement de la Cour d’appel du Québec ne peut être interprété comme ayant pour effet d’accorder un statut de résident permanent à Rodolfo (paragraphe 48 de ses motifs). L’effet du jugement fut de rejeter la demande de retour immédiat de Rodolfo au Mexique. Ainsi, Rodolfo demeurait sous la garde de sa mère et en compagnie de son frère. Il pouvait continuer de fréquenter le milieu scolaire auquel il s’était familiarisé. Si l’opinion minoritaire de la Cour d’appel avait prévalu (juge Morin), l’enfant Rodolfo aurait été séparé de sa mère et de son frère et aurait dû quitter le Canada immédiatement pour le Mexique.

 

22     Interpréter l’alinéa 50a), comme nous invite à le faire l’intimé, c’est-à-dire en accordant à l’enfant un droit de séjour au Canada, aurait pour effet de séparer la jeune famille, en maintenant Rodolfo au Canada alors que sa mère et son frère Roberto sont l’objet d’une mesure d’expulsion. Mais surtout, cette interprétation donnerait au jugement de la Cour d’appel du Québec une portée qu’il n’a pas.

 

[22]           À mon avis, la Cour d’appel fédérale a, dans l’arrêt Garcia, formulé une mise en garde contre la séparation d’une jeune famille. Cependant, il s’agissait d’une séparation temporaire puisque la mère et les deux fils ont finalement été expulsés vers le Mexique.

 

[23]           En l’espèce, la mère demande qu’il soit sursis indéfiniment à son expulsion au Nigeria au motif que, depuis son arrivée au Canada – et alors que son statut dans ce pays était incertain –, elle a donné naissance à deux enfants. Ces enfants font l’objet d’une ordonnance de la Cour de l’Ontario interdisant leur renvoi de cette province. Cette ordonnance peut cependant être modifiée. De plus, le juge qui a rendu l’ordonnance a clairement inscrit sur le dossier que la Cour de l’Ontario ne traitait pas des questions d’immigration. Me fondant sur la décision rendue par la Cour dans l’affaire Alexander, je conclus que l’ordonnance de la Cour de l’Ontario n’aurait pas « pour effet direct » d’empêcher l’exécution de la mesure de renvoi au sens de l’alinéa 50a) de la LIPR si cette mesure devait être exécutée.

 

[24]           La demanderesse invoque les articles 1 et 7 de la Charte pour faire valoir que l’exécution de la mesure de renvoi entraînerait une séparation forcée d’une mère et de son enfant, privant ainsi les enfants des droits que leur garantissent ces dispositions. Cette question a été soulevée dans la décision Alexander, précitée, et la juge Dawson en a traité aux paragraphes 47 à 55 de ses motifs. Elle a rejeté cet argument sur la foi de l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans Langner c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1995), 184 NR 230, dont il sera question plus longuement ci‑dessous. 

 

[25]           En outre, la demanderesse soulève la question de savoir si la Convention relative aux droits de l’enfant peut être invoquée pour empêcher l’exécution de la mesure de renvoi. La Convention n’a pas été intégrée par voie législative au droit interne canadien, mais, même si elle l’avait été, elle n’aurait eu aucun effet. Comme la Cour d’appel fédérale l’a indiqué dans l’arrêt Langner, précité, au paragraphe 11 :

11     Le procureur des appelants a aussi soutenu que le renvoi des parents irait à l’encontre des obligations internationales qu’aurait contractées le Canada en ratifiant la Convention relative aux droits de l’enfant. Quand bien même ces obligations internationales auraient été intégrées par législation au droit domestique canadien, ce qui n’est pas le cas, il suffit de prendre connaissance des articles 9 et 10 de cette Convention pour constater qu’ici encore, les prétentions de Me Grey seraient dénuées de tout fondement. Me Grey a par ailleurs longuement fait état d’une certaine jurisprudence relative à la Convention européenne des droits de l’homme. S’il est vrai que cette jurisprudence peut à certains égards avoir quelque valeur de persuasion, elle ne saurait en avoir en l’espèce vu que les dispositions qui y sont interprétées ne correspondent à aucune qui se trouve dans la Charte canadienne.

 

[26]           Finalement, la demanderesse prétend, dans le mémoire de son avocate – il n’en a cependant pas été question dans la plaidoirie –, que les motifs de l’agent de renvoi étaient insuffisants et n’indiquaient pas que l’agent avait accordé suffisamment d’importance aux circonstances, en particulier à la situation des enfants. La partie essentielle de ces motifs a été reproduite précédemment dans les présents motifs. Il ressort de ces motifs que l’agent a été attentif et sensible aux circonstances, en particulier à la situation des enfants. Un agent de renvoi dispose d’un pouvoir discrétionnaire très limité et la norme qui s’applique à ses motifs écrits formels n’est pas très rigoureuse. Comme le juge Mosley l’a dit dans Boniowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1161, au paragraphe 11 :

11     À mon avis, vu l’objet du paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), dans le cadre du régime établi par la loi, soit d’accorder un pouvoir discrétionnaire limité quant au moment où il y a lieu d’appliquer la mesure de renvoi, l’agente s’est acquittée de toute obligation de motiver qu’elle pouvait avoir dans sa lettre de décision du 12 septembre 2003, où elle dit avoir reçu et examiné les arguments des demandeurs et avoir décidé de ne pas surseoir au renvoi. Dans ce type de décision, l’agent jouit d’un pouvoir discrétionnaire très limité, et ni la loi ni le règlement n’exigent qu’il rende une décision concrète ou formelle pour surseoir au renvoi. La jurisprudence exige plutôt que l’agent reconnaisse qu’il jouit d’un certain pouvoir discrétionnaire de surseoir au renvoi, si les circonstances ne permettent pas d’appliquer la mesure de renvoi à un moment en particulier. À titre d’exemple, l’existence d’une demande CH pendante qui a été déposée en temps utile, des facteurs médicaux et la préparation des documents de voyage sont certains des facteurs qui peuvent être pris en considération par l’agent à cette étape. Les circonstances ne permettraient pas de renvoyer quelqu’un qui n’a pas de titres de voyage ou qui est gravement malade. Cependant, je ne suis pas convaincu de l’existence d’une obligation plus contraignante de fournir des motifs formels ou écrits à l’appui de ce type de décision administrative.

 

[27]           Par conséquent, la demande sera rejetée, aucun des moyens soulevés par la demanderesse n’étant retenu. Cependant, à l’instar de la juge Dawson dans la décision Alexander, j’estime qu’une question doit être certifiée en l’espèce. À mon avis, l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Garcia ne répond pas à la question que je me propose de certifier. C’est pourquoi je certifierai la question suivante :

Le renvoi d’un parent à qui la garde d’un enfant né au Canada a été accordée par une ordonnance d’un tribunal provincial fait-il l’objet d’un sursis en vertu de l’alinéa 50a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés si l’ordonnance interdit le renvoi de l’enfant de la province? Le fait que l’ordonnance peut être modifiée et que le ministre a eu le droit de présenter des observations concernant cette ordonnance fait-il une différence?

 

[28]           Afin que la Cour d’appel puisse examiner cette question, j’ordonnerai que la demanderesse, si elle interjette appel sur la foi de cette question, ne soit pas renvoyée du Canada tant que l’appel n’aura pas été tranché de façon définitive ou que le délai d’appel n’aura pas expiré sans qu’un appel ait été interjeté.

 

[29]           Il n’y a aucune ordonnance quant aux dépens.

 

JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI-DESSUS :

LA COUR STATUE :

1.         que la présente demande est rejetée, sous réserve du paragraphe 3 ci‑dessous;

2.         que la question suivante est certifiée :

Le renvoi d’un parent à qui la garde d’un enfant né au Canada a été accordée par une ordonnance d’un tribunal provincial fait-il l’objet d’un sursis en vertu de l’alinéa 50a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés si l’ordonnance interdit le renvoi de l’enfant de la province? Le fait que l’ordonnance peut être modifiée et que le ministre a eu le droit de présenter des observations concernant cette ordonnance fait-il une différence?

3.         qu’il est sursis au renvoi de la demanderesse du Canada jusqu’à ce que l’appel interjeté, le cas échéant, à l’égard de la question certifiée soit tranché de façon définitive ou que le délai d’appel expire sans qu’un appel soit interjeté;

4.         qu’il n’y a aucune ordonnance quant aux dépens.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Lynne Davidson-Fournier, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                        IMM-5828-06

 

INTITULÉ :                                                       EGHOMWANRE JESSICA IDAHOSA

                                                                            c.

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               LE 15 NOVEMBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                  LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 16 NOVEMBRE 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Carole Simone Dahan

 

         POUR LA DEMANDERESSE

Bernard Assan

         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Carole Simone Dahan

Avocate

Refugee Law Office

Toronto (Ontario)

 

         POUR LA DEMANDERESSE

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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