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Date :  20071115

 

Dossier : T-1048-07

 

Référence :  2007 CF 1195

 

 

Ottawa (Ontario), le jeudi 15 novembre 2007

 

 

EN PRÉSENCE DE MADAME LA PROTONOTAIRE MIREILLE TABIB

 

 

ENTRE :

 

 

ELI LILLY CANADA INC., ELI LILLY AND COMPANY,

ELI LILLY COMPANY LIMITED et ELI LILLY SA

 

demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

- et -

 

 

 

NOVOPHARM LIMITED

 

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]        La défenderesse, Novopharm Limited (Novopharm), a présenté une requête visant notamment à obtenir une ordonnance en vertu de l’article 227 des Règles des Cours fédérales obligeant les auteurs des affidavits de documents de chacune des demanderesses à se soumettre à un contre-interrogatoire sur leurs affidavits de documents respectifs et à signifier un affidavit de documents plus complet.

[2]        La requête est présentée dans le cadre d’une action des demanderesses (ci‑après désignées collectivement comme « Lilly ») alléguant la contrefaçon du brevet relatif à l’olanzapine (que Lilly commercialise sous la marque « Zyprexa »). Par demande reconventionnelle, Novopharm demande à la Cour de déclarer invalide le brevet et de lui attribuer des dommages-intérêts en vertu de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Novopharm a présenté sa requête avant la tenue de tout interrogatoire préalable oral.

 

1.         Affidavits de documents plus complets

 

[3]        Sur cette requête, il incombe à Novopharm d’établir que les documents sont en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de Lilly, sont pertinents et n’ont pas été indiqués dans les affidavits de documents de Lilly ni produits par la suite en réponse à une demande de production que les parties devaient se faire l’une à l’autre selon une ordonnance antérieure de fixation de l’échéancier.

 

a)         Pertinence juridique

 

[4]        Tous les documents dont Novopharm allègue qu’ils existent et n’ont pas été produits ont trait en fin de compte à la question du profil d’effets secondaires de l’olanzapine. Tous les arguments de Novopharm sur la pertinence ou l’utilité de ces documents portaient que ces documents établiraient, dans un sens ou dans l’autre, ou seraient susceptibles de lancer une enquête qui permettrait d’établir, dans un sens ou dans l’autre :

a)         si l’olanzapine avait, à la date de priorité, à la date de dépôt ou à la date de délivrance du brevet, les avantages revendiqués dans le brevet;

b)         si, de façon objective à la date d’aujourd’hui, l’olanzapine présente en fait ces avantages;

c)         si, jusqu’à la délivrance du brevet, Lilly était au courant de faits touchant ces questions qu’elle a omis de divulguer à l’examinateur de brevets.

 

[5]        Sur le plan de la pertinence juridique – soit de savoir si les faits donnent lieu à une cause défendable juridiquement dans un procès – Lilly ne conteste pas que les faits énumérés aux alinéas a) et c) ci-dessus soulèvent des questions raisonnablement plaidables et elle soutient qu’elle a bien communiqué tous les documents pertinents par rapport à ces questions, selon son interprétation de la pertinence pour l’application de l’article 222 des Règles des Cours fédérales.

 

[6]        S’agissant des faits indiqués à l’alinéa b) ci-dessus, Lilly prend la position que, peu importe que le brevet soit attaqué sur le fondement de l’évidence, de l’antériorité, de l’absence de prédiction valable, de l’absence d’utilité, de l’inexécution d’une promesse ou d’une omission ou addition importante, l’existence des avantages doit s’apprécier sur la base de l’état des connaissances des personnes du métier, au plus tard, à la date d’accessibilité. Elle soutient que toute connaissance acquise après cette date ne peut aucunement être considérée par la Cour et n’est donc pas pertinente. Malgré cette position, Lilly soutient qu’elle a produit les documents pertinents par rapport au profil d’effets secondaires de l’olanzapine jusqu’en 2001, inclusivement. Selon sa position, peu importe qu’il existe ou non d’autres documents postérieurs à 2001 (et c’est à Novopharm qu’il incombe d’établir leur existence), elle n’est pas obligée de les communiquer.

 

[7]        Après avoir considéré attentivement les actes de procédure, je suis convaincue que les actes de procédure de Novopharm soulèvent bien l’inexistence des avantages divulgués ou revendiqués dans le brevet comme un fait objectif à apprécier à la date de l’instruction et que Lilly n’a fait aucun aveu qui aurait soustrait ce moyen à la contestation. Les arguments de Lilly sont convaincants, notamment son dernier argument portant qu’un brevet ne peut être valide à la date de l’octroi et devenir invalide avec le temps, mais je ne puis conclure qu’il soit évident et manifeste que les arguments de Novopharm sur la question soient dénués de toute chance de succès. Je conclus donc que les documents pertinents par rapport à cette question devaient être communiqués par Lilly; par conséquent, quand j’examinerai si Novopharm a établi qu’il existe des documents pertinents en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de Lilly qui n’ont pas été produits, j’inclurai dans ma considération les documents pertinents par rapport à la question de savoir si les avantages existent en fait conformément à l’état de la technique après la date d’accessibilité.

 

b)         La pertinence pour l’application de l’article 222 des Règles

[8]        Lilly a communiqué un volume considérable de documents (plus de 345 000 pages), notamment des documents allant jusqu’à 2001 et contenant des données des essais cliniques et des documents s’y rapportant, mais Novopharm note que ces documents ont été choisis dans une masse de documents encore plus considérable (approximativement 918 000 pages), communiqués dans la procédure aux États-Unis concernant le brevet équivalent. Novopharm soutient que Lilly ne s’est pas acquittée correctement de son obligation lorsqu’elle a procédé en choisissant, parmi tous les documents qui peuvent avoir trait aux faits en cause, ceux qu’elle compte invoquer lors de l’instruction et ceux dont on peut raisonnablement supposer qu’ils peuvent directement ou indirectement nuire à sa cause ou aider celle de Novopharm. Novopharm soutient que l’appréciation par Lilly de ce qui pourrait aider Novopharm ne suffit pas : il faudrait que Novopharm puisse examiner tous les documents de Lilly qui peuvent « avoir trait » à une question en litige, parce qu’elle est seule dans une position permettant d’apprécier si les documents peuvent l’aider ou nuire à Lilly.

 

[9]        Si l’on pousse l’argument de Novopharm à sa conclusion logique, la pertinence n’est plus fonction de l’influence que les renseignements contenus dans un document peuvent avoir sur l’affaire, mais elle est établie simplement sur le fondement du rapport d’un document, si indirect soit-il, avec un sujet soulevé dans l’action. Je ne puis souscrire à l’argument de Novopharm. Si on l’acceptait, une partie pourrait tout aussi bien remettre à la partie adverse les clés de ses locaux pour que cette dernière puisse lire par elle-même tous les documents qu’on peut y trouver et s’assurer que ces documents ne sont pas susceptibles de l’aider ou de la lancer dans d’autres enquêtes.

 

[10]      Le paragraphe 222(2) des Règles est ainsi conçu :

 

(2) Pour l’application des règles 223 à 232 et 295, un document d’une partie est pertinent si la partie entend l’invoquer ou si le document est susceptible d’être préjudiciable à sa cause ou d’appuyer la cause d’une autre partie. 

(2) For the purposes of rules 223 to 232 and 295, a document of a party is relevant if the party intends to rely on it or if the document tends to adversely affect the party’s case or to support another party’s case.

 

[11]      Je note ici que l’application de cette définition de la pertinence est expressément limitée aux affidavits ou aux listes de documents. Elle ne s’étend pas aux interrogatoires préalables oraux, ni aux documents demandés dans le contexte des interrogatoires préalables. Je note également que les documents qui peuvent être présentés à l’instruction ne sont pas limités à ceux qui sont mentionnés dans les affidavits de documents. L’article 232 des Règles dispose que, outre les documents mentionnés dans les affidavits de documents, on peut utiliser à l’instruction, sans autorisation de la Cour, les documents produits pendant ou après les interrogatoires préalables. Ainsi, le paragraphe 222(2) des Règles ne devrait pas être interprété comme embrassant toute la communication de la preuve, mais simplement comme définissant l’obligation de communication de la preuve d’une partie dans un affidavit de documents. Le fait qu’un document ou une catégorie de documents n’est pas mentionné dans un affidavit de documents n’empêche pas une partie de poser, dans l’interrogatoire préalable, des questions qui peuvent révéler l’existence ou la pertinence de tels documents et, une fois que le fondement approprié a été établi, d’en demander la production.

 

[12]      Le paragraphe 222(2) a été ajouté aux règles relatives aux affidavits de documents en 1998. L’article 448 ancien, qui est resté pour le reste inchangé dans la révision de 1998 des Règles des Cours fédérales, ne contenait pas de définition de la pertinence et la jurisprudence de la Cour avait appliqué, de façon constante, le critère défini il y plus d’un siècle dans l’arrêt Compagnie Financière et Commerciale du Pacifique c. Peruvian Guano Company (1882), 11 Q.B.D. 55 (C.A.), dans lequel les mots [traduction] « un document qui a trait à tout point litigieux de l’action » ont été interprétés de la façon suivante :

 

[traduction] À mon avis, un document a trait aux points litigieux de l’action non seulement lorsqu’il constitue une preuve à l’égard de ces points litigieux, mais également lorsqu’on peut raisonnablement supposer qu’il contient des renseignements pouvant – et non devant – soit directement soit indirectement, permettre à la partie qui exige l’affidavit ou bien de plaider sa propre cause ou bien de nuire à celle de son adversaire. J’ai dit « soit directement soit indirectement » parce que, à mon avis, un document peut, à proprement parler, contenir des renseignements pouvant permettre à la partie qui exige l’affidavit soit de plaider sa propre cause soit de nuire à celle de son adversaire s’il s’agit d’un document susceptible de la lancer dans une enquête et d’entraîner l’une ou l’autre de ces conséquences. 

 

[13]      L’arrêt Peruvian Guano est devenu partie du critère de la pertinence, dans le cadre non seulement de la communication des documents, mais de la communication de la preuve au complet. D’ailleurs, cet arrêt a été cité dans la décision bien connue et souvent citée Reading & Bates Construction Co. c. Baker Energy Resources Corp. (1988) 24 C.P.R. (3d) 66 sur la portée de la communication de la preuve.

 

[14]      Le critère de la pertinence énoncé dans l’arrêt Peruvian Guano a continué d’être cité avec approbation par la Cour d’appel, même après 1998, dans les arrêts Apotex Inc. c. Canada, [2005] A.C.F. n° 1021, 2005 CAF 217 (C.A.), et SmithKlein Beecham Animal Health Inc. c. Canada, [2002] A.C.F. n° 837, 2002 CAF 229. Je note toutefois que ni l’un ni l’autre de ces arrêts ne portaient sur la notion de pertinence dans le contexte d’un affidavit de documents. Les deux arrêts concernaient des questions et des demandes de production refusées dans les interrogatoires préalables oraux et ne concernaient pas des demandes d’affidavits de documents plus complets; l’arrêt SmithKlein Beecham, en particulier, portait sur l’application des Règles de la Cour canadienne de l’impôt, et non des Règles des Cours fédérales (je note aussi que les Règles de la Cour de l’impôt relatives à la communication de documents emploient les mots « les documents […] qui portent sur toute question en litige entre les parties », formulation plus large, pourrait-on soutenir, que celle du paragraphe 222(2) des Règles, et en même temps beaucoup plus proche de la formulation interprétée dans l’arrêt Peruvian Guano).

 

[15]      Il est clair que le critère de la pertinence énoncé dans l’arrêt Peruvian Guano s’applique toujours aux interrogatoires préalables oraux devant la Cour, y compris aux demandes de production de documents pendant ou après les interrogatoires préalables. La question à trancher est de savoir s’il continue de s’appliquer à l’obligation de communication de la preuve d’une partie par l’entremise de l’affidavit de documents. D’ailleurs, au lendemain des modifications de 1998, mon collègue le protonotaire Hargrave a examiné, sans avoir besoin de trancher, la question de savoir si le paragraphe 222(2) des Règles avait l’effet de restreindre la portée de la pertinence dans ce contexte. Il a écrit, dans Galehead Inc. c. Trinity (The), [1998] A.C.F. n° 1669 :

 

[13]      Selon la règle 223(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), doivent être produits "tous les documents pertinents". L’exigence est a priori la même que sous l’empire des anciennes règles, mais la nouvelle règle 222(2) définit ce qu’on entend par pertinence :

 

« ... un document d’une partie est pertinent si la partie entend l’invoquer ou si le document est susceptible d’être préjudiciable à sa cause ou d’appuyer la cause de l’autre partie. »

 

Selon une interprétation étroite de cette définition de la pertinence figurant à la règle 222(2), il serait possible d’affirmer qu’une partie à l’instance pourrait ne pas avoir à produire un document qui est pertinent au sens traditionnel du terme et qui appuie sa propre cause si cette même partie n’entend pas l’invoquer. C’est dans ce sens-là que la nouvelle règle régissant la production de documents pourrait offrir moins de latitude que l’ancienne règle 448.

 

[14]      En outre, et s’agissant toujours de la portée de l’obligation de produire des documents selon les nouvelles règles, l’ancienne règle 448, telle qu’interprétée par la Cour fédérale, exigeait la production de

« ... tout document dont on peut raisonnablement supposer qu’il contient des renseignements qui peuvent permettre directement ou indirectement à la partie qui en demande la production de faire valoir ses propres arguments ou de réfuter ceux de son adversaire. » : C.M. Security Components Ltd. v. Canada (1995), 79 F.T.R. 282, aux pages 286 et 287.

 

Dans l’affaire C.M. Security, le juge Teitelbaum insiste sur ce point, soulignant les mots « on peut raisonnablement », dans la phrase « ... dont on peut raisonnablement supposer qu’il contient des renseignement ». Cela laisse un élément de conjecture ou d’hypothèse, mais la Cour n’est pas allée jusqu’à exiger la production de documents sur la foi d’un simple soupçon que le document en question pourrait exister ou pourrait se rapporter à l’affaire en cause. Selon le critère exposé dans l’affaire C.M. Security (précitée), le document devant être produit doit, au contraire, être un document dont on peut raisonnablement supposer qu’il contient des renseignements qui peuvent, directement ou indirectement, permettre à la partie exigeant sa production d’avancer sa propre cause ou de nuire à la cause de la partie adverse.

 

[15]      Il est clair que, selon la version des règles en vigueur jusqu’au début du mois d’avril de cette année, on aurait considéré qu’un défendeur qui exigeait la production des documents dont il est question en l’espèce procède à l’aveuglette s’il n’est ni en mesure de démontrer que les documents ont un minimum de pertinence, ni d’établir, par des preuves convaincantes, que les documents en question sont effectivement disponibles.

 

[16]      Quelques années plus tard, dans Seaspan International Ltd. c. Ewa (Navire), [2004] A.C.F. n° 161, 2004 CF 124, le protonotaire Hargrave est revenu sur la question et, à la lumière de l’arrêt SmithKlein Beecham, a conclu que la définition de la pertinence au paragraphe 222(2) n’a pas modifié le critère :

 

[8]    L’arrêt Smithkline est fondé sur les articles des Règles de la Cour canadienne de l’impôt relatifs à la communication de documents. Cependant, en examinant le domaine en question, la juge Sharlow de la Cour d’appel a renvoyé aux décisions généralement citées, y compris Everest & Jennings, pour la formulation et l’application du critère du lancement d’une enquête. La Cour d’appel a conclu que la formulation du critère par le juge Bonner de la Cour canadienne de l’impôt, dans la décision de première instance Smithkline, [2001] 2 C.T.C. 2086, à la page 2095, était correcte :

 

Au cours de l’interrogatoire préalable, la partie interrogatrice peut chercher à obtenir de l’information et des aveux qui l’aideront non seulement à démolir la thèse de son adversaire, mais aussi à promouvoir la cause qu’elle cherche à faire valoir.

 

(Page 2095) 

 

Cette formulation est essentiellement celle qui figure au paragraphe 222(2) des Règles, qui définit la pertinence afin qu’on sache quel document inclure dans l’affidavit de documents :

 

[...] un document d’une partie est pertinent si la partie entend l’invoquer ou si le document est susceptible d’être préjudiciable à sa cause ou d’appuyer la cause d’une autre partie.

 

Dans l’arrêt Smithkline, à la page 107, la Cour d’appel a adéquatement conclu que le concept de démolition de la thèse de la partie adverse ou de promotion de la cause qu’on cherche à faire valoir équivalait au critère du lancement d’une enquête. Ainsi, malgré les modifications apportées aux articles des Règles qui portent sur la communication de documents, le critère énoncé dans Everest & Jennings demeure applicable.

 

 

[17]      Je ne suis pas certaine que j’en serais venue à la même conclusion que mon collègue sur le point de savoir si le paragraphe 222(2) des Règles réduit effectivement la portée de la définition de la pertinence énoncée dans Peruvian Guano, notamment en restreignant quelque peu le critère du « lancement d’une enquête ». J’examinerai la question une autre fois.

 

[18]      Toutefois, je souscris à la position prise par le protonotaire Hargrave dans la décision Seaspan, selon laquelle le concept de promotion de la cause de la partie adverse ou de la démolition de sa propre cause est central pour la pertinence, à la fois d’après le critère formulé dans l’arrêt Peruvian Guano et d’après la formulation stricte du paragraphe 222(2) des Règles. À moins que la partie produisant l’affidavit compte invoquer un document lors de l’instruction, elle n’est pas obligée de le communiquer à moins qu’ [traduction] « on p[uisse] raisonnablement supposer » que le document nuirait à sa propre cause, ferait avancer celle de son adversaire ou serait [traduction] « susceptible de la lancer dans une enquête et d’entraîner l’une ou l’autre de ces conséquences ».

 

[19]      Autrement dit, il ne suffit pas qu’un document ait trait simplement aux faits en litige. Si, par exemple, un document peut seulement être interprété raisonnablement comme appuyant la cause de la partie procédant à la communication de la preuve, et qu’on ne peut démontrer qu’il peut mener à des renseignements que l’on peut raisonnablement supposer utiles à la partie adverse, il n’est pas nécessaire de faire état de son existence dans un affidavit de documents. Un document qui est neutre et dont on peut seulement supposer raisonnablement qu’il est susceptible de mener à d’autres documents également neutres n’est pas pertinent pour les besoins d’un affidavit de documents. Et sur une requête visant à obtenir un affidavit de documents plus complet, il incombe à la partie requérante d’établir la possibilité raisonnable qu’un document puisse avoir ou soit susceptible d’entraîner l’une des conséquences souhaitées. Il ne suffit pas de dire qu’un document pourrait éventuellement mener à d’autres documents qui, bien que non pertinents eux-mêmes, pourraient ensuite éventuellement mener à des renseignements utilisables. C’est précisément le genre de recherche à l’aveuglette que la jurisprudence de la Cour a constamment refusé de sanctionner. Il ne s’agit pas de dire que la partie requérante doit établir que le document recherché mènera nécessairement à des renseignements utilisables : une probabilité raisonnable suffira, mais non une chance ténue.

 

[20]      Je suis consciente que cela met la partie qui procède à la communication de la preuve dans la position d’un arbitre chargé de décider si un document peut ou non être utile à son adversaire. Toutefois, l’auteur d’un affidavit doit s’appliquer à l’exercice de bonne foi et tout doute doit être résolu en faveur de la communication. Cela est d’autant plus important qu’il n’existe pas de droit automatique de contre-interrogatoire sur un tel affidavit. Néanmoins, un affidavit de documents demeure une déclaration sous serment portant que cela a été fait.

 

[21]      De plus, ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, et sans faire de l’interrogatoire préalable un contre-interrogatoire sur l’affidavit, l’interrogatoire préalable oral fournit une occasion – et peut-être la meilleure occasion – pour la partie qui procède à l’interrogatoire de clarifier ce qui est pertinent et qui doit être communiqué, quelles enquêtes sont légitimes et où elles peuvent mener, et d’établir un fondement pour la façon dont elle comprend ces éléments. En ce sens, il est souvent simplement prématuré de présenter des requêtes visant à obtenir des affidavits de documents plus complets avant le commencement des interrogatoires préalables, spécialement dans le cas où la partie requérante veut obtenir la communication de grandes catégories de documents qui, à première vue, ne sont pas susceptibles de contenir des renseignements pertinents.

 

[22]      Je conclus donc que, aussi bien en fonction du critère large du « lancement d’une enquête » que sur la base d’une interprétation plus stricte du paragraphe 222(2) des Règles, Novopharm n’a pas droit à la communication de tous les documents en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de Lilly qui ont trait aux faits plaidés, qu’ils puissent ou non aider directement ou indirectement sa cause. Novopharm n’a pas droit à la communication de tous les documents en la possession de Lilly pour examiner elle‑même s’ils pourraient être utiles. À moins qu’elle puisse établir que le processus de contrôle de Lilly était inadéquat, Novopharm doit se contenter des déclarations sous serment figurant dans les affidavits de documents de Lilly, portant que l’auteur de l’affidavit a fait procéder avec diligence à une recherche dans les dossiers, a pris les renseignements appropriés et a communiqué, au mieux de sa connaissance et de sa croyance, tous les documents qui sont susceptibles d’être préjudiciables à la cause de Lilly ou de faire avancer celle de Novopharm.

 

[23]      Par conséquent, s’agissant du grief général de Novopharm voulant que les affidavits de documents de Lilly soient, à première vue, insuffisants parce qu’ils ne font pas état de tous les documents communiqués par Lilly dans le contexte de la procédure aux États-Unis, alors qu’ils « ont trait » clairement aux questions en litige dans la présente affaire, je le juge infondé.

 

[24]      La question qui se pose ensuite est celle de savoir si la méthode de Lilly pour déterminer lesquels des documents compris dans une grande catégorie de documents doivent être communiqués était raisonnable et suffisante. Lilly a produit des éléments de preuve sur la présente requête expliquant le fondement sur lequel elle a choisi d’inclure ou d’exclure des documents du vaste ensemble des documents produits initialement dans la poursuite aux États-Unis. Elle a expliqué qu’aux États-Unis on procédait à la production initiale des documents sur le fondement d’« actes de procédure axés sur la notification » (notice pleadings), de sorte qu’on se retrouvait avec une communication de documents beaucoup plus large que les allégations précises des actes de procédure finaux. Dans la masse des documents produits, les parties à la procédure aux États-Unis (y compris celles qui avaient des intérêts opposés à ceux de Lilly) ont ensuite choisi et inclus dans une [traduction] « liste unifiée de pièces en vue de l’instruction » tous les documents qu’elles pensaient pouvoir invoquer au cours de l’instruction (un choix de pièces encore plus restreint a fini par être présenté au cours de l’instruction). Selon la preuve de Lilly, les auteurs des affidavits, après avoir considéré les questions soulevées dans la procédure aux États-Unis et dans la présente procédure, ont jugé que tous les documents qui pouvaient avoir trait aux questions en litige dans la présente action avaient fait partie de la communication de la preuve initiale aux États-Unis et qu’on pouvait raisonnablement supposer que tous les documents susceptibles de nuire à sa cause ou d’aider celle d’un adversaire sur les mêmes questions avaient été choisis par les adversaires de Lilly et inclus dans la liste unifiée de pièces en vue de l’instruction.

 

[25]      Ainsi qu’il a été mentionné ci-dessus, la position de Novopharm était que, sur le plan du principe juridique, la communication de la preuve de Lilly devait comprendre tous les documents ayant trait aux questions plaidées, par conséquent tous les documents qui avaient été produits initialement aux États-Unis. Novopharm n’a pas fait valoir, sinon par le moyen des catégories particulières traitées ci-dessous, que le fondement sur lequel Lilly a procédé était déraisonnable ou que l’application de cette méthode entraînait l’omission de documents pertinents. Quoi qu’il en soit, je suis convaincue que, dans les circonstances de la présente affaire, les auteurs d’affidavit de Lilly n’ont pas procédé de façon déraisonnable. Je n’accepte pas la thèse que les Règles exigent, en droit, que l’auteur de l’affidavit, dans chaque cas, examine personnellement chaque document individuel. Tout ce que les Règles exigent, c’est que l’auteur de l’affidavit fasse procéder à une recherche diligente et prenne des renseignements appropriés pour les besoins de la communication dans l’affidavit de documents. Le principal auteur d’affidavit de Lilly, ayant notamment aussi participé à la communication de documents aux États-Unis, estimait qu’une recherche diligente avait déjà été effectuée pour les besoins de la procédure aux États-Unis et a pris des renseignements, qui semblent à première vue raisonnables et appropriés, pour déterminer lesquels parmi ces documents correspondaient à la définition de la pertinence au paragraphe 222(2) des Règles. Je ne vois rien à reprocher à cette façon de procéder en général.

 

[26]      Cela étant dit, il se peut que cette façon de procéder se soit révélée en pratique peu sûre ou insuffisante dans la mesure où elle a laissé échapper des documents pertinents. L’examen des documents qui seraient manquants, selon ce que prétend Novopharm, devrait indiquer si Lilly, malgré une méthode apparemment raisonnable de sélection des documents, a laissé échapper des documents pertinents et devrait donc être obligée de procéder à une nouvelle appréciation de ses documents.

 

[27]      Je vais maintenant considérer les catégories particulières de documents qui, selon ce que prétend Novopharm, sont manquants.

 

i)          Les documents relatifs aux essais cliniques

 

[28]      À l’audience, Novopharm a concédé que tous les documents de ce type semblaient avoir été produits, jusqu’en 2001, et a donc restreint son argumentation aux données des essais cliniques produites après 2001. Je suis convaincue qu’il existe des éléments de preuve établissant que des essais cliniques ont été effectués dans la période postérieure à 2001, que ces renseignements ont trait probablement aux profils d’effets secondaires et qu’ils sont donc susceptibles de faire avancer la position de Novopharm. Il semble aussi, d’après les transcriptions des contre-interrogatoires et d’après l’argumentation de Lilly à l’audience, que Lilly a adopté la position que les documents de ce type ne sont pas pertinents, sans égard à la partie dont ils pourraient appuyer la cause, sur le seul fondement de la date où ces données ont été produites. Ainsi qu’il a été mentionné ci-dessus, tous les documents contenant des données des essais cliniques qui seraient susceptibles d’étayer les allégations de Novopharm relatives à l’inexistence des avantages revendiqués ou divulgués dans le brevet sont juridiquement pertinents pour les besoins des affidavits de documents de Lilly. Par conséquent, Lilly a l’obligation continue, et de toute façon cela lui sera expressément ordonné, d’examiner ses dossiers pour déterminer si des documents relatifs aux essais cliniques créés après 2001 existent et n’ont pas été communiqués et, le cas échéant, de les inclure dans un affidavit de documents plus complet.

 

ii)         Les notes et documents internes relatifs aux essais cliniques

 

[29]      La preuve au dossier donne à penser que les documents de ce type créés avant 2001 auraient été inclus dans les documents produits initialement dans la procédure aux États-Unis et auraient donc été déjà examinés quant à leur pertinence et inclus le cas échéant dans les affidavits de documents de Lilly. Je limiterai donc mes commentaires sous cette rubrique aux documents qui ont pu être créés après 2001, puisqu’il résulte du dossier que Lilly, de toute façon, n’aurait pas considéré ces documents en vue de leur communication éventuelle.

 

[30]      Ainsi qu’il a été mentionné ci-dessus, le seul fait en litige auquel des commentaires ou des communications internes postérieurs à 2001 pourraient avoir trait est l’existence ou l’inexistence objective des avantages divulgués ou revendiqués dans le brevet. Il s’agit manifestement d’une question de fait scientifique objectif, à établir au moyen d’un témoignage d’expert sur la base des données que Lilly a communiquées ou communiquera. Ce que Lilly ou ses employés pensent ou estiment au sujet des conclusions à tirer des données est non pertinent et ne peut faire avancer la cause de Novopharm à moins que Lilly ait fait sur ces questions des déclarations officielles équivalant à des aveux. Comme les documents recherchés par Novopharm dans cette catégorie sont des communications internes entre des employés, on ne peut raisonnablement supposer qu’ils comprennent des déclarations officielles.

 

[31]      Pourrait-on raisonnablement supposer que les documents internes de Lilly formulant des commentaires sur les données des essais cliniques sont susceptibles de lancer Novopharm dans une enquête qui pourrait faire avancer sa cause ou nuire à celle de Lilly? Le dossier de requête de Novopharm n’indique pas comment cela se pourrait et je ne puis voir comment ils seraient susceptibles de lancer Novopharm dans une enquête qui pourrait faire avancer sa cause si ce n’est en ramenant aux données de départ auxquelles ils ont trait. Comme ces données ont été ou seront fournies, on ne voit pas quel avantage pourrait offrir à Novopharm un document qui ne sert qu’à renvoyer à ces données. Même si ces notes internes pouvaient être considérées comme strictement comprises dans la définition du paragraphe 222(2) des Règles parce qu’elles ramènent aux données des essais cliniques, j’exercerais mon pouvoir discrétionnaire de dispenser Lilly de les communiquer.

 

[32]      Novopharm soutient que ces communications pourraient contenir des déclarations compromettantes pour Lilly, par exemple, des déclarations reconnaissant que certains renseignements étaient connus de Lilly à l’époque de l’instruction de la demande de brevet, mais n’ont pas été divulgués à l’examinateur de brevets. De toute évidence, si des documents internes de Lilly contiennent de telles déclarations, ces documents sont pertinents et doivent être communiqués. Ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, cela ne donne toujours pas à Novopharm le droit d’obtenir la production d’une catégorie complète de documents non pertinents pour qu’elle puisse s’assurer que Lilly n’a pas laissé échapper ceux qui étaient pertinents. Néanmoins, il appert que Lilly n’aurait pas inclus dans son examen par rapport à leur pertinence éventuelle les documents créés après 2001. Elle devrait donc, au titre de son obligation continue de communication de la preuve, se renseigner dans la mesure du raisonnable ou prendre des mesures raisonnables pour que les documents internes qui pourraient contenir de tels aveux compromettants soient examinés et communiqués, s’ils existent.

 

iii)         La correspondance entre Lilly et les autorités de la santé

 

[33]      Encore ici, pour les mêmes motifs, je confine mes remarques à la période postérieure à 2001. Novopharm soutient, et j’y souscris, qu’il a été établi qu’il y a eu un échange de correspondance entre Lilly et les autorités de la santé relativement à des monographies de produit et à des changements d’étiquetage pour y inclure des avertissements au sujet des effets secondaires de l’olanzapine.

 

[34]      Encore ici, toutefois, et sur le fondement de la preuve présentée par Novopharm elle-même, cette correspondance serait nettement fondée sur les données cliniques que Lilly a déjà communiquées ou communiquera et ne ferait que les interpréter ou les discuter. On ne peut raisonnablement supposer que Lilly a admis, dans cette correspondance, d’autres effets secondaires négatifs que ceux qui sont visés par les avertissements sur les étiquettes et dans la monographie de produit accessibles au public. Encore ici, la seule information à laquelle on peut supposer que cette correspondance est susceptible de mener consiste dans les mêmes données et rapports cliniques qui ont été ou seront produits. Je suis convaincue que cette catégorie de documents ne ferait pas avancer la cause de Novopharm, ni ne nuirait à celle de Lilly ou ne serait susceptible de lancer une enquête ayant l’un ou l’autre de ces résultats.

 

iv)        Les documents découlant des actions en responsabilité du fait du produit

 

[35]      Les pièces O à V du premier affidavit d’Anna Hucman souscrit le 5 octobre 2007 sont des exemples de documents qui n’ont pas été produits par Lilly, mais qui auraient dû l’être selon ce que plaide Novopharm.

 

[36]      Ces documents ont été produits dans le contexte d’actions en responsabilité du fait du produit intentées aux États-Unis contre Lilly relativement au Zyprexa. Bien qu’ils aient été visés par une ordonnance de confidentialité dans ces actions, ils ont été communiqués clandestinement au New York Times, en contravention de cette ordonnance, et ont été publiés sur Internet, de sorte que Novopharm y a eu accès. La plupart de ces documents, mais non la totalité, sont des documents internes de Lilly. Certains sont antérieurs à la date de délivrance du brevet canadien en cause, d’autres ont été créés par la suite. De façon générale, on peut dire que ces documents ont trait aux points suivants : que Lilly savait-elle au sujet des effets secondaires de l’olanzapine? à quel moment et de quelle manière Lilly a-t-elle traité cette information dans ses communications publiques au sujet du Zyprexa ou dans sa promotion de ce produit? Dans cette mesure, ils ont trait clairement à l’action en responsabilité du fait du produit dans laquelle ils ont été communiqués, étant donné que la question en litige dans cette action, je crois comprendre, était de savoir si Lilly avait induit le public en erreur ou n’avait pas averti de façon adéquate les utilisateurs des effets secondaires du médicament.

 

[37]      Ces documents sont-ils pertinents par rapport au présent litige? Novopharm a expressément plaidé, aux paragraphes 20 à 22 de sa défense et demande reconventionnelle, que le Zyprexa a fait l’objet d’actions en responsabilité du fait du produit aux États-Unis et au Canada, que Lilly avait minimisé ses propres renseignements sur les effets secondaires pour faire la promotion du Zyprexa et qu’il y avait une tendance bien établie, remontant jusqu’à 1986 et se poursuivant jusqu’en 2001, à induire en erreur « non seulement le Bureau des brevets, mais aussi les médecins et le public en général » pour augmenter les ventes de Zyprexa.

 

[38]      Bien que ces allégations rendent pertinents, sur le plan formel, tous les documents communiqués dans ces actions en responsabilité du fait du produit, c’est un principe élémentaire qu’une partie ne peut élargir indéfiniment le champ de la communication de la preuve en formulant des allégations non pertinentes qui, même si elles étaient fondées, ne sauraient influer sur l’issue de l’action. (Apotex Inc. c. Merck & Co., (2004), 33 CPR (4th) 387 au paragraphe 15, confirmé par (2005), 38 CPR (4th) 289 (C.A.F.).)

 

[39]      Que Lilly ait été poursuivie ou non en responsabilité du fait du produit relativement au Zyprexa, et qu’elle ait ou non induit en erreur une personne ou un organisme autre que l’examinateur de brevets ne peut rendre ce brevet invalide. Par conséquent, en dépit des allégations formulées dans la défense et demande reconventionnelle de Novopharm sur ces questions, je juge que ces documents ne sont pas pertinents et n’ont pas à être communiqués pour la seule raison qu’ils tendraient à établir les allégations de Novopharm voulant que Lilly avait l’intention d’induire en erreur ou a induit en erreur les médecins et le public en général, ou qu’ils ont trait à des allégations faites dans des actions en responsabilité du fait du produit.

 

[40]      Cela ne veut pas pour autant dire que les documents communiqués dans des actions en responsabilité du fait du produit ne peuvent pas être pertinents d’une autre façon par rapport aux questions correctement soulevées dans la présente action. Les documents qui tendent à établir que Lilly a intentionnellement induit en erreur l’examinateur de brevets ou omis de communiquer des renseignements pertinents dont elle était au courant doivent être communiqués. Si l’on interprète libéralement les allégations de la défense et demande reconventionelle, cela comprendrait tous les documents qui tendent à établir ce que Lilly savait à l’époque de l’instruction de la demande de brevet au sujet du profil d’effets secondaires de l’olanzapine, mais naturellement jusqu’à la date de délivrance du brevet seulement, soit le 14 juillet 1998.

 

[41]      Les documents O, P et Q sont datés de 2001 et 2003. Au mieux, ils traitent de ce que Lilly savait, à la date qu’ils portent, au sujet de certains effets secondaires du Zyprexa. La connaissance subjective de Lilly après la délivrance du brevet n’est pas pertinente. Dans la mesure où ces documents traitent de faits objectifs, ils ne peuvent mener qu’aux données qui y sont traitées, lesquelles ont été fournies ou le seront. En outre, ces documents concernent principalement les perceptions qu’ont d’autres personnes de cette question. Ils ne contiennent pas de renseignements sur ce que Lilly savait jusqu’à la date de délivrance du brevet, inclusivement, ou sur ce que Lilly peut avoir déclaré à l’examinateur de brevets. Je juge que ces documents ne peuvent, directement ou indirectement, faire avancer la cause de Novopharm ou nuire à celle de Lilly et par conséquent, il n’y avait pas d’obligation d’en faire état dans l’affidavit de documents de Lilly.

 

[42]      Le document R contient des renseignements qui peuvent, directement ou indirectement, établir la connaissance qu’avait Lilly de certaines questions en date de 1996, la date pertinente sur ce point. En particulier, le document peut établir que Lilly était au courant de la question de savoir si certaines formules de déclarations pouvaient être considérées comme trompeuses.

 

[43]      Les documents S, T, U et V contiennent tous des renseignements qui peuvent tendre à faire avancer la cause de Novopharm, du fait qu’ils peuvent directement ou indirectement établir ce que savait Lilly ou ce dont elle était au courant au sujet de certains effets secondaires du Zyprexa dans la période antérieure à la délivrance du brevet. Ces documents sont donc pertinents pour les besoins de l’affidavit de documents de Lilly et auraient donc dû être communiqués.

 

[44]      Lilly n’a pas produit d’éléments de preuve indiquant qu’il avait été fait état des documents R à V dans son affidavit de documents, à l’encontre des déclarations contenues dans la preuve de Novopharm selon lesquelles cela n’avait pas été le cas. Je juge donc que Lilly n’a pas fait état de ces documents dans son affidavit de documents alors qu’elle aurait dû le faire.

 

[45]      Le fait que cinq documents pertinents créés avant 2001 aient pu être identifiés par Novopharm indique que le processus adopté par Lilly pour rechercher et identifier les documents pertinents a pu ne pas être adéquat. Lilly sera tenue d’examiner ses documents pour garantir que tous les documents pertinents soient communiqués.

 

[46]      Je souligne ici le fait que les documents R à V sont pertinents en raison des renseignements particuliers qu’ils contiennent. S’agissant du document R en particulier, on ne peut raisonnablement supposer que d’autres documents que l’on peut décrire comme appartenant à la même catégorie de documents (par exemple, la correspondance entre X et Y, en l’an Z, concernant le Zyprexa) contiennent nécessairement ce type de renseignements et il se peut qu’ils ne soient pas pertinents. Novopharm n’a droit qu’à la communication des documents de cette catégorie qui sont pertinents; elle a le droit de savoir que Lilly a examiné ses documents pour identifier et communiquer tout document qui peut contenir des renseignements semblablement pertinents. Ainsi qu’il a été mentionné auparavant, Novopharm n’a pas droit d’obtenir la communication de la catégorie de documents tout entière pour s’assurer qu’on n’a pas laissé échapper de documents pertinents.

 

v)         Les rapports d’experts provenant d’autres procédures

 

[47]      Tout rapport de ce type doit avoir créé après la date de délivrance du brevet. Il ne traiterait que de ce qu’un tiers – l’expert indépendant en question – pense ou croit au sujet des questions en cause à la date où il a été créé et est donc non pertinent. Dans la mesure où un rapport traite de renseignements factuels pertinents, et pourrait donc mener à de tels renseignements, ce sont ces renseignements qui peuvent être pertinents et faire l’objet de la communication. Si ces renseignements sont en la possession, sous le contrôle ou sous la garde de Lilly, ils devraient avoir été déjà communiqués ou ils devraient être communiqués.

 

[48]      Il est aussi noté que les rapports d’expert, s’ils n’ont pas été déposés publiquement comme pièces dans la procédure pour laquelle ils avaient été établis, ou bien ont été déposés confidentiellement ou bien n’ont pas été déposés du tout. S’ils n’ont pas été déposés, ils sont protégés par le privilège relatif au litige. Dans la mesure où ils ont été déposés et visés par une ordonnance de confidentialité, Lilly ne pourrait renoncer à la confidentialité qu’en ce qui concerne ses propres renseignements. Si une partie des rapports d’expert de Lilly traite de renseignements à l’égard desquels d’autres personnes ont droit d’invoquer la confidentialité en vertu d’une ordonnance du tribunal, elle ne pourrait être communiquée par Lilly. L’avocat de Novopharm a encore concédé à l’audience qu’on peut raisonnablement supposer que les rapports d’expert de Lilly ne seraient pas susceptibles de faire avancer la cause de Novopharm ou de nuire à celle de Lilly.

 

[49]      Pour toutes ces raisons, je suis convaincue que les rapports d’expert établis pour les besoins d’autres actions ne sont pas pertinents et n’avaient pas à être communiqués dans l’affidavit de documents de Lilly.

 

[50]      Je mentionnerai, toutefois, que, dans la mesure où des renseignements d’une autre personne que Lilly protégés par une ordonnance de confidentialité sont à la disposition de Lilly et sont pertinents par rapport à cette question, Lilly aurait dû en faire état dans son affidavit de documents, mais d’une manière qui ne contrevienne pas à l’ordonnance de confidentialité applicable. La preuve qu’on m’a présentée établit que même une description de ces documents contreviendrait à l’ordonnance de confidentialité prononcée dans l’action aux États-Unis. La communication qui pourrait être faite ne consisterait qu’en la simple mention de « documents produits dans l’action X protégés par une ordonnance de confidentialité et pour lesquels Lilly ne peut à elle seule lever la confidentialité » et ne serait pas d’un grand secours à Novopharm. Dans la présente affaire, Novopharm est manifestement déjà au courant de l’existence de tels documents; il n’est donc pas nécessaire que Lilly ajoute cette mention dans un affidavit de documents plus complet.

 

vi)        Les éléments de l’état de la technique produits dans l’action aux États-Unis

 

[51]      C’est un principe élémentaire de droit que seuls les éléments de l’état de la technique qui sont expressément allégués dans les actes de procédure sont pertinents. Par rapport aux allégations d’antériorité et d’évidence formulées par Novopharm, Lilly n’avait pas à communiquer de documents relatifs à l’état de la technique qu’elle a en sa possession, sous son contrôle ou sous sa garde à moins qu’elle compte les invoquer à l’instruction ou qu’ils soient expressément allégués dans les actes de procédure de Novopharm.

 

[52]      Toutefois, étant donné que les actes de procédure de Novopharm soulèvent comme question en litige l’inexistence objective des avantages revendiqués ou divulgués dans le brevet et l’absence objective d’utilité de l’invention, les documents – qu’il s’agisse de documents internes de Lilly ou de documents accessibles au public – en la possession de Lilly qui feraient avancer la cause de Novopharm sur cette question doivent être communiqués.

 

[53]      La preuve qu’on m’a présentée établit que Lilly a automatiquement exclu de la communication tous les documents publiés non créés par Lilly et non allégués expressément par Novopharm, sur le fondement qu’ils n’avaient pas été allégués et qu’ils constituaient donc des éléments de l’état de la technique non pertinents. Lilly a omis de considérer si ces documents pourraient être utilisés pour soutenir la prétention de Novopharm que l’olanzapine ne présente pas en fait les avantages ou les effets prétendus. Lilly doit effectuer un examen de ces documents et communiquer ceux qui sont susceptibles de faire avancer la cause de Novopharm ou de nuire à sa propre cause sur ces questions.

 

2.         Prorogation des délais des interrogatoires préalables

 

[54]      Ainsi qu’il a été indiqué à l’audience, que Novopharm ait obtenu ou non de Lilly, à ce stade-ci, la communication de tous les documents pertinents ne justifie pas, dans les circonstances de l’espèce, de retarder l’interrogatoire préalable par Lilly d’un représentant de Novopharm, conformément à l’échéancier fixé dans les ordonnances antérieures de la Cour. Novopharm n’a pas établi le préjudice qu’elle subirait, si tant est qu’elle en subirait un, en se soumettant à l’interrogatoire préalable avant d’obtenir de Lilly, éventuellement, la communication d’autres documents. Au moment du prononcé des présents motifs, il semble que cet interrogatoire préalable a eu lieu dans le délai imparti.

 

[55]      Les interrogatoires préalables par Novopharm des inventeurs et des représentants de Lilly ont été fixés à la première semaine de décembre 2007. Il va de soi, compte tenu des conclusions auxquelles j’arrive sur la présente requête, que certains autres documents devront probablement être produits par Lilly. Même si Lilly procède avec rapidité pour examiner ses documents et fournir des affidavits révisés avec les documents additionnels qu’elle peut découvrir, c’est un exercice qui prendra probablement une ou deux semaines, ce qui ne laisserait qu’une semaine à peu près à Novopharm pour examiner les documents additionnels en vue de se préparer aux interrogatoires préalables. Dans le seul cas où le volume des documents additionnels est limité, on pourra raisonnablement supposer que Novopharm aura eu suffisamment de temps pour les examiner en vue de procéder aux interrogatoires préalables. Dans les circonstances, je suis convaincue qu’une brève prorogation du délai dans lequel Novopharm doit procéder aux interrogatoires préalables de Lilly et des inventeurs est justifiée. Comme Novopharm a déjà le gros des documents de Lilly depuis longtemps, il me semble, à moins que le volume de documents à recevoir de Lilly soit aussi grand que le volume des documents déjà produits, que Novopharm ne devrait pas avoir besoin de plus de 45 jours à compter de la production des affidavits de documents révisés pour se préparer en vue des interrogatoires préalables et y procéder.

 

3.         Autres mesures

 

[56]      Dans le contexte de l’instruction de la présente requête, Novopharm a eu l’occasion de contre-interroger la personne qui a souscrit l’affidavit de documents au nom d’Eli Lilly and Company et d’Eli Lilly and Company Limited, les deux entités les plus directement visées par sa requête. L’avantage que cet exercice pouvait procurer a donc été déjà obtenu; je ne vois aucune raison de soumettre l’un des auteurs d’affidavit de Lilly à un contre-interrogatoire sur son affidavit à ce stade-ci. Je note également que Novopharm n’a pas insisté sur cette question à l’audience. S’agissant de la demande de Novopharm visant à obtenir que l’avocat qui a signé le certificat joint à l’affidavit de documents soit contre-interrogé, non seulement il n’y a pas de précédent ou de fondement juridique justifiant l’octroi d’une telle mesure, mais on n’a présenté aucune preuve qui justifierait la formulation de cette demande, et encore moins l’accueil de celle-ci.

 

[57]      Le seul but apparent de la demande de Novopharm d’être informée de l’identité des représentants choisis par Lilly en vue de l’interrogatoire préalable semble être de permettre à Novopharm de contester le choix de ce représentant à l’avance. L’idée qu’une partie puisse contester l’adéquation de la préparation d’un représentant avant même de commencer l’interrogatoire est dépourvue de tout fondement. La demande de cette mesure par Novopharm est rejetée.

 

[58]      Je suis convaincue que la proposition formulée par la demanderesse, selon laquelle les interrogatoires préalables de trois de ses représentants auraient lieu à Indianapolis, l’un des inventeurs serait interrogé en Angleterre, son lieu de résidence, et le représentant de Eli Lilly Canada Inc. serait interrogé à Ottawa, est la plus équitable et la plus raisonnable pour toutes les parties et pour les représentants choisis, ainsi que la plus expéditive et la moins coûteuse dans les circonstances. La partie de la requête de Novopharm demandant que tous les interrogatoires se déroulent à Toronto et à Ottawa sera également rejetée.

 

[59]      Les autres questions soulevées dans l’avis de requête de Novopharm ont été tranchées ou retirées à l’audience, de sorte qu’elles n’exigent pas de décision.

 

4.            Dépens          

 

[60]      Bien que Novopharm obtienne gain de cause sur une partie de sa requête, dans la mesure où Lilly sera obligée d’examiner ses documents et de fournir un affidavit de documents révisé, qui servira à attester que le processus prescrit par la présente ordonnance a été exécuté et à communiquer les documents pertinents additionnels que l’exercice aura révélés, on peut dire que la décision sur la requête favorise également les deux parties. Les allégations de Novopharm au sujet d’une non-communication globale et « apparemment délibérée » de documents par Lilly n’ont pas été établies, un nombre substantiel de documents dont Novopharm alléguait qu’ils étaient pertinents ont été jugés non pertinents et la majorité des autres mesures demandées par Novopharm ont été refusées.

 

[61]      La Cour note également que Novopharm a exigé que la présente requête soit instruite avant d’avoir eu l’avantage de prendre connaissance de la réponse de Lilly à sa demande informelle d’une communication de documents plus complète, étape qui avait déjà été prévue dans l’échéancier. D’ailleurs, le dossier m’indique que Novopharm a présenté son dossier de requête sous sa forme définitive sans avoir procédé à l’examen voulu, si tant est qu’elle a effectué un examen, du volume substantiel de documents produits par Lilly. Au total, la requête de Novopharm donne nettement l’impression que son dépôt a été motivé autant par le désir de retarder le déroulement de la présente procédure que par un besoin légitime d’un supplément de communication.

 

[62]      Les dépens seront donc adjugés suivant l’issue de la cause.

 


ORDONNANCE

 

IL EST ORDONNÉ :

 

1.                  Les demanderesses examineront leurs documents en fonction des présents motifs et signifieront à la défenderesse, dans les 30 jours suivant la présente ordonnance, des affidavits de documents révisés, et elles déposeront une preuve de cette signification au greffe.

 

2.                  Le délai dans lequel la défenderesse doit procéder aux interrogatoires préalables des demanderesses et des inventeurs est prorogé à 45 jours à compter de la signification des affidavits de documents révisés des demanderesses, délai dans la computation duquel la période allant du 22 décembre 2007 au 2 janvier 2008 est exclue.

 

3.                  Les parties indiqueront, au plus tard le 7 janvier 2008, les dates fixées pour les interrogatoires préalables par la défenderesse et fourniront les dates où elles sont toutes deux disponibles pour une conférence téléphonique de gestion d’instance visant à discuter et à fixer les étapes ultérieures dans la présente action.

 

4.                  La requête de la défenderesse est rejetée pour le reste.

 

5.                  Dépens à suivre.

 

 

 

« Mireille Tabib »

Protonotaire

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                       T-1048-07

 

 

INTITULÉ :                                                      Eli Lilly Canada Inc. et al.

                                                                           c. Novopharm Limited

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              Le 16 octobre 2007

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                 LA PROTONOTAIRE MIREILLE TABIB

 

 

DATE DES MOTIFS :                                     Le 15 novembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony Creber

Cristin Wagner

John Norman

POUR LES DEMANDERESSES

Jonathan Stainsby

Andrew SYN

Neil Fineberg

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Heenan Blaikie s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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