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Date :  20071115

Dossier : T-789-07

Référence : 2007 CF 1185

Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

ENTRE :

ANGELA WRIGHT

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Mme Angela Wright souffre de douleurs au bas du dos depuis le début des années 1990. En 2004, elle a présenté au ministère du Développement social (le ministère) une demande de prestations d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8 (le RPC). Après que sa demande a été rejetée, elle a interjeté appel auprès du tribunal de révision. Son appel a été rejeté le 13 septembre 2006. Mme Wright a alors demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision auprès de la Commission d’appel des pensions (la Commission). Dans une décision datée du 15 février 2007, un tribunal de la Commission a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel de Mme Wright. Celle‑ci demande maintenant le contrôle judiciaire de cette décision de la Commission.

 

[2]               Les questions en litige en l’espèce peuvent être formulées ainsi :

 

1.      La Commission a-t-elle commis une erreur en examinant au fond la demande de la demanderesse, n’appliquant pas ainsi le critère servant à déterminer si l’autorisation devait être accordée?

2.      La Commission a-t-elle commis une erreur de droit ou mal interprété les faits en déterminant si une cause défendable existait lorsqu’elle a refusé d’accorder l’autorisation d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision?

 

[3]               Une réponse négative étant donnée à ces deux questions, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

I. Le contexte

[4]               Pour obtenir une pension d’invalidité en vertu du RPC, Mme Wright doit remplir les exigences prévues au paragraphe 42(2) du RPC. Les dispositions pertinentes de ce paragraphe sont libellées comme suit :

42.2(2) Pour l’application de la présente loi :

a) une personne n’est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l’application du présent alinéa :

(i) une invalidité n’est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,

 

(ii) une invalidité n’est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès;

b) une personne est réputée être devenue ou avoir cessé d’être invalide à la date qui est déterminée, de la manière prescrite, être celle où elle est devenue ou a cessé d’être, selon le cas, invalide, mais en aucun cas une personne n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d’une demande à l’égard de laquelle la détermination a été établie.

 

42(2) For the purposes of this Act,

 

(a) a person shall be considered to be disabled only if he is determined in prescribed manner to have a severe and prolonged mental or physical disability, and for the purposes of this paragraph,

 

 

(i) a disability is severe only if by reason thereof the person in respect of whom the determination is made is incapable regularly of pursuing any substantially gainful occupation, and

 

(ii) a disability is prolonged only if it is determined in prescribed manner that the disability is likely to be long continued and of indefinite duration or is likely to result in death; and . . .

 

 

(b) a person shall be deemed to have become or to have ceased to be disabled at such time as is determined in the prescribed manner to be the time when the person became or ceased to be, as the case may be, disabled, but in no case shall a person be deemed to have become disabled earlier than fifteen months before the time of the making of any application in respect of which the determination is made.

 

 

[5]               En d’autres termes, seule une invalidité grave et prolongée ouvre droit à une pension. Selon les cotisations qu’elle a versées au RPC, le droit de Mme Wright à des prestations a été déterminé en date de décembre 1997. C’est à cette date, qui n’est pas contestée, qu’a pris fin ce qu’on appelle la « période minimale d’admissibilité » (PMA). Comme le ministère l’écrivait dans sa lettre de décision initiale du 14 janvier 2005, Mme Wright devait démontrer qu’en 1997 elle était atteinte d’une invalidité : a) qui l’empêchait d’effectuer quelque type de travail régulier que ce soit (à temps plein, à temps partiel ou saisonnier); b) qui durait pendant une période longue et indéfinie; c) qui l’empêchait de travailler depuis décembre 1997 et qui continuerait à le faire.

 

[6]               Mme Wright a eu droit à une audience devant le tribunal de révision. Elle a produit une preuve médicale substantielle et a témoigné de vive voix à cette audience. Le tribunal de révision a conclu ce qui suit :

Les membres du tribunal sont d’avis que Mme Wright souffre d’une invalidité prolongée, puisqu’elle souffre de douleurs au dos depuis le début des années 1990 environ. Cependant, les membres du tribunal n’ont pas réussi à déterminer que l’invalidité de Mme Wright était grave au 31 décembre 1997 ou avant. Ils signalent notamment le manque de preuves médicales qui font état de la gravité de l’état de santé de Mme Wright avant 2004. Le seul rapport faisant état de la situation de Mme Wright avant la fin de sa période minimale d’admissibilité est celui rédigé par le Dr Howatt le 11 février 1993. Dans son rapport, le Dr Howatt a indiqué que les douleurs au dos de l’appelante sont d’origine mécanique, et qu’elle devrait recevoir des traitements intensifs de physiothérapie dans le but de renforcer son dos.  

 

Les membres du tribunal font également remarquer que Mme Wright a occupé des emplois saisonniers en 2000 et en 2001. Elle a quitté ces emplois parce que ces derniers prenaient fin, et non parce qu’elle souffrait de douleurs au dos. En fait, on constate que lorsque son emploi au parc d’attractions a pris fin en septembre 2001, elle a reçu des prestations de l’assurance‑emploi jusqu’en mars 2002. Elle a donc laissé augurer qu’elle souhaitait travailler et qu’elle était en mesure de le faire pendant cette période.

 

[7]               La décision de la Commission de ne pas accorder l’autorisation était brève :

[traduction]

Un examen minutieux du dossier indique que l’appelante souffre de douleurs au dos depuis des années. Il n’est pas contesté que, depuis la période minimale d’admissibilité (PMA), elle a continué à travailler de temps à autre et, après avoir été mise à pied, elle a demandé et reçu des prestations d’assurance‑emploi. Le dossier ne révèle aucune cause défendable au soutien de l’appel qu’elle a l’intention d’interjeter.

 

II. Analyse

[8]               Les parties conviennent que le critère qui s’applique à une demande d’autorisation présentée à la Commission consiste à déterminer s’il existait une cause défendable (Burley c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2001 CFPI 127, au paragraphe 19). À cette fin, la Commission ne doit pas décider si la demande pourrait être accueillie au fond (Martin c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1972, au paragraphe 6 (C.A.) (QL)).

 

[9]               En outre, la demande d’autorisation d’interjeter appel est une étape préliminaire à une audition de l’affaire au fond. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est plus facile à surmonter que celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond (Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252, au paragraphe 24 (1re inst.) (QL)).

 

[10]           La présente demande repose sur la question de savoir si la demande d’autorisation d’interjeter appel présentée par Mme Wright révélait des motifs justifiant le contrôle. Dans Callihoo c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 612 (1re inst.), au paragraphe 15 (QL), le juge MacKay a décrit dans quels cas la Commission devrait accorder l’autorisation :

Dans le cas où une nouvelle preuve est présentée lors de la demande, si la demande soulève une question de droit ou un fait pertinent qui n’a pas été pris en considération de façon appropriée par le tribunal de révision dans sa décision, une question sérieuse est soulevée et elle justifie d’accorder l’autorisation.

 

 

[11]           La première question soulevée consiste à déterminer si la Commission a commis une erreur en examinant au fond les questions défendables soulevées par la demanderesse. Dans ses motifs, la Commission a formulé le critère qui doit servir à déterminer s’il convient d’accorder l’autorisation. En effet, elle a explicitement reconnu que sa tâche consistait à déterminer s’il y avait une cause défendable étayant l’appel. Pour savoir si la Commission est allée plus loin, je dois examiner les premiers mots de la décision. La mention des emplois occupés par Mme Wright en 2000 et en 2001 et des prestations d’assurance‑emploi qu’elle a reçues indique-t‑elle que la Commission a examiné son appel au fond au lieu de simplement déterminer s’il y avait une cause défendable? La réponse à cette question est négative, à mon avis. La Commission a simplement reformulé la conclusion déterminante du tribunal de révision selon laquelle Mme Wright avait travaillé et reçu des prestations d’assurance‑emploi après sa PMA. En outre, comme je l’expliquerai de manière plus détaillée plus loin, Mme Wright n’a pas soulevé une question défendable relativement à cette conclusion du tribunal de révision. En résumé, la Commission ne pouvait pas examiner au fond les questions défendables soulevées par Mme Wright pour la simple raison que celle‑ci n’en a soulevé aucune.

 

[12]           La deuxième question soulevée est celle de savoir si la Commission a commis une erreur en ne comprenant pas les questions défendables en l’espèce. Mme Wright soutient devant la Cour que la Commission aurait dû reconnaître un certain nombre de questions défendables, dont l’une est de savoir si le tribunal de révision a interprété correctement le paragraphe 42(2) du RPC. En fait, elle prétend maintenant que les emplois saisonniers qu’elle a eus en 2000 et en 2001 n’étaient pas « véritablement rémunérat[eurs] » puisqu’ils étaient de courte durée et qu’elle en tirait un revenu minime. Mme Wright prétend aussi qu’une autre question défendable consiste à déterminer si le tribunal de révision a commis une erreur en déduisant du fait qu’elle recevait de l’assurance‑emploi qu’elle était en mesure de travailler.

 

[13]           Le problème, c’est que ces prétentions n’ont pas été soumises à la Commission. La demande d’autorisation de Mme Wright ne renfermait rien de plus que la preuve et les prétentions qui avaient été présentées au tribunal de révision ainsi qu’une contestation de détails mineurs.

 

[14]           Fait plus important, dans les prétentions qu’elle a présentées à la Commission, Mme Wright ne conteste pas le fait qu’elle a eu des emplois saisonniers en 2000 et en 2001. Par ailleurs, même si elle a expliqué qu’elle ne pouvait pas occuper les autres emplois qui lui avaient été offerts (dans une boulangerie ou le nettoyage des cabines de touristes), elle n’a pas démontré que le tribunal de révision avait eu tort d’affirmer qu’elle avait quitté ces emplois saisonniers parce qu’ils prenaient fin. Elle n’a pas non plus soulevé la question de l’interprétation de l’expression « occupation véritablement rémunératrice », ni même prétendu indirectement que ses emplois en 2000 et en 2001 n’étaient pas réellement des emplois qui devraient être retenus contre elle. La seule chose que je constate dans les prétentions qu’elle a formulées devant la Commission, c’est qu’elle a dû refuser d’autres emplois qui lui étaient offerts. Cela ne soulève pas la question de savoir si l’emploi qu’elle occupait réellement au cours de cette période satisfait à la définition d’« occupation véritablement rémunératrice ».

 

[15]           Mme Wright a aussi reconnu, dans les prétentions qu’elle a présentées à la Commission, qu’elle a reçu des prestations d’assurance‑emploi. Elle a dit plus précisément : [traduction] « Pourquoi pas? On m’a toujours dit qu’il n’y avait pas de problème avec moi. » Cette affirmation n’a rien à voir avec la conclusion tirée par le tribunal de révision selon laquelle, pour recevoir de telles prestations, Mme Wright devait être en mesure de travailler. Mme Wright n’a pas soulevé une question défendable devant la Commission dans ce cas non plus.

 

[16]           Lorsque la Commission a examiné l’ensemble du dossier, rien ne concernait la principale conclusion du tribunal de révision selon laquelle elle avait travaillé après la PMA ayant pris fin en 1997 ou ne soulevait aucune question de droit. Pour paraphraser le juge MacKay dans Callihoo, précitée, la demande ne soulevait pas une question de droit ou une question concernant des faits importants et pertinents qui n’avait pas été abordée de manière appropriée par le tribunal de révision dans sa décision. Par conséquent, la Commission pouvait raisonnablement conclure qu’aucune question défendable n’avait été soulevée.

 

[17]           La présente demande sera rejetée. Le défendeur demande les dépens. Je refuse toutefois de les adjuger dans les circonstances.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.         Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                       T-789-07

 

INTITULÉ :                                                      ANGELA WRIGHT

                                                                           c.

                                                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              LE 6 NOVEMBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                      LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 15 NOVEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sharon L. Cochrane

 

         POUR LA DEMANDERESSE

Marie-José Blais

 

         POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sharon L. Cochrane

 

         POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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