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Date : 20071114

Dossier : T-1236-07

Référence : 2007 CF 1179

 

ENTRE :

LOUIS VUITTON MALLETIER S.A.

ET LOUIS VUITTON CANADA INC.

 

demanderesses

 

et

 

LIN PI-CHU YANG (alias PI-CHU LIN,

WAI YING, MARTINA et COCO) et

TIM YANG WEI-KAI (alias WEI-KAI YANG),

les deux faisant affaires sous le nom de K2 FASHIONS

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SNIDER

 

1. Introduction

 

[1]               Depuis au moins 2001, les demanderesses tentent d’interrompre la vente de produits Louis Vuitton contrefaits chez K2 Fashions, un magasin de détail situé à Richmond (Colombie‑Britannique). Malgré deux jugements de la Cour, de nombreuses lettres et saisies ainsi que d’autres mesures prises par les demanderesses, elles n’ont pas réussi à mettre fin aux actes illégaux de K2 Fashions. Tout récemment, les demanderesses ont intenté l’action en cause le 5 juillet 2007. Elles allèguent que les défendeurs, qui contrôlent et exploitent K2 Fashions, ont contrefait des produits Louis Vuitton et les ont fait passer pour les produits authentiques en utilisant les marques de commerce de Louis Vuitton, contrevenant ainsi aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, et que les défendeurs ont également vendu des produits qui portent atteinte à leur droit d’auteur, contrevenant ainsi à la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42. Étant donné que les demanderesses n’ont pas reçu de réponse à leur déclaration, elles ont déposé la présente requête en jugement par défaut.

 

[2]               La première demanderesse, Louis Vuitton Malletier S.A. (Louis Vuitton), est la propriétaire de nombreuses marques de commerce (les marques de commerce Louis Vuitton ou LV) liées à des accessoires de mode, marques qui sont enregistrées au Canada depuis 1984 et qui sont employées en liaison avec ses accessoires de mode. Louis Vuitton est également titulaire de droits d’auteur au Canada sur des imprimés de monogrammes polychromes utilisés sur divers produits (les œuvres protégées). L’entreprise Louis Vuitton est la seule fabricante et distributrice autorisée des produits Louis Vuitton authentiques qu’elle vend exclusivement par l’intermédiaire de sa filiale canadienne, Louis Vuitton Canada Inc. (Louis Vuitton Canada), soit la deuxième demanderesse de l’action en cause.

 

[3]               Les défendeurs ont des liens d’affaires avec K2 Fashions depuis au moins 2001. Tel que confirmé par la recherche de titre, la défenderesse, Lin Pi-Chu Yang (alias Pi-Chu Lin, Wai Ying, Martina et Coco) est enregistrée comme propriétaire en fief simple du bien immeuble occupé par le magasin K2 Fashions depuis le 4 juin 2001. D’après les dossiers relatifs au permis d’exploitation d’un commerce, dossiers de la ville de Richmond, le défendeur, Tim Yang Wei‑Kai (alias Wei‑Kai Yang), est le propriétaire principal de K2 Fashions depuis 2000.

 

[4]               Lorsqu’il s’agit d’une requête en jugement par défaut et qu’aucune défense n’a été déposée, toutes les allégations formulées dans la déclaration doivent être tenues pour niées. Le demandeur doit d’abord établir que la déclaration a été signifiée au défendeur et que ce dernier n’a pas déposé de défense dans le délai prévu à l’article 204 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles). Les preuves présentées doivent permettre à la Cour de décider, par prépondérance de la preuve, s’il y a eu contrefaçon au sens de la loi qui s’applique (en l’espèce, la Loi sur les marques de commerce et la Loi sur le droit d’auteur); voir, à titre d’exemple, Les engrais naturels McInnes Inc. c. Bio-Lawncare Services Inc., 2004 CF 1027, 260 F.T.R. 11, au paragraphe 3; Ragdoll Productions (UK) Ltd. c. Mme Unetelle, 2002 CFPI 918, 21 C.P.R. (4th) 213 (1re inst.), aux paragraphes 23, 24 et 25.

 

2. La signification et le délai de dépôt d’une défense

[5]               Je me penche premièrement sur la question de la signification. La déclaration a‑t‑elle été signifiée aux défendeurs et le délai pour déposer une défense est-il échu? Je suis convaincue que la déclaration a été signifiée aux défendeurs et qu’aucune défense n’a été déposée. En ce qui concerne la défenderesse, Mme Lin, la signification a été faite à personne. Quant à M. Yang, la signification substitutive a été approuvée par l’ordonnance du 13 août 2007 rendue par le protonotaire Lafrenière.

 

 

 

[6]               Le délai de dépôt d’une défense est maintenant échu et aucune défense n’a été déposée.

 

3. La contrefaçon

[7]               Je me penche maintenant sur la question de savoir si les demanderesses ont été en mesure d’établir la contrefaçon.

 

[8]               Les preuves présentée dans le cadre de la présente requête démontrent que les demanderesses sont titulaires des droits liés aux marques de commerce LV et du droit d’auteur sur les œuvres protégées.

 

[9]               Bien que les preuves semblent indiquer que la vente d’articles contrefaits a continué de façon constante après la date du dernier jugement de la Cour, impliquant le même magasin dans le même contentieux (le 8 juin 2004, dossier de la Cour T-209-04), six incidents distincts ayant un rapport direct avec l’action en cause ont eu lieu après cette date.

 

  1. Le 17 mars 2006, un enquêteur s’est rendu au magasin K2 Fashions et a personnellement signifié à M. Yang une lettre de cessation et lui a demandé de lui remettre tous les articles portant les marques de commerce LV. M. Yang lui a remis 130 articles, notamment des sacs à main, des portefeuilles et des bijoux, qui portaient des marques de commerce LV contrefaites ou des imitations frauduleuses des œuvres protégées.
  2. Le 28 juin 2006, un enquêteur agissant au nom de Louis Vuitton a acheté un collier contrefait portant une marque de commerce LV.
  3. Le 24 janvier 2007, un enquêteur a acheté un porte‑monnaie contrefait portant plusieurs des marques de commerce LV et a remarqué qu’un grand nombre de sacs, de portefeuilles, de sacs à main et d’écharpes portaient les marques de commerce LV.
  4. Le 12 mars 2007, un enquêteur a personnellement signifié une lettre de cessation à un commis du magasin et lui a demandé de lui remettre tous les articles Louis Vuitton. Le commis lui a remis 239 articles, notamment des sacs à main, des portefeuilles, des chaînes porte‑clés et des bijoux, qui portaient des marques de commerce LV contrefaites ou des imitations frauduleuses des œuvres protégées ainsi que des catalogues dans lesquels des articles LV non autorisés étaient offerts.
  5. Le 23 mai 2007, l’enquêteur s’est de nouveau rendu au magasin K2 Fashions et a remarqué que plus de 50 articles portaient des marques de commerce LV. Il a personnellement signifié une lettre de cessation à la défenderesse, Mme Lin, qui a immédiatement ordonné à un employé de fermer le magasin. Eu égard au comportement de Mme Lin et aux actes antérieurs de contrefaçon, je suis convaincue que les produits trouvés par l’enquêteur n’étaient pas des articles authentiques.  
  6. Le 27 septembre 2007, lors de sa visite au magasin K2 Fashions, un enquêteur a acheté un collier portant l’une des marques de commerce LV et il a constaté que des boucles d’oreille et d’autres colliers portaient les marques de commerce LV.

 

[10]           Les catalogues dans lesquels sont décrits les articles portant des marques de commerce LV offerts chez K2 Fashions sont pertinents. Il est clair qu’un acheteur éventuel peut choisir et commander, par l’intermédiaire de ce magasin, divers articles contrefaits portant une marque de commerce LV ou des imitations des œuvres protégées.

 

[11]           Enfin, je suis persuadée que, par prépondérance de la preuve, les défendeurs ont sciemment et délibérément commis les actes suivants :

 

  1. importé, annoncé, offert en vente ou vendu des articles contrefaits portant les marques de commerce Louis Vuitton, sans l’autorisation d’aucune des deux demanderesses, ce qui constitue une infraction aux alinéas 7b), 7c), 7d) ainsi qu’aux articles 19, 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce, à au moins six occasions distinctes entre le 17 mars 2006 et le 27 septembre 2007;
  2. importé, possédé en vue de vendre et vendu des marchandises sur lesquels étaient imprimées les œuvres protégées, ce qui constitue une infraction aux articles 3 et 27 de  la Loi sur le droit d’auteur, à aux moins deux occasions distinctes entre le 17 mars 2006 et le 23 mai 2007.

 

4. Le droit au jugement par défaut

[12]           Le délai de dépôt d’une défense est échu. Je suis convaincue que ni la défenderesse ni le défendeur n’ont déposé ou signifié une défense. Par conséquent, je peux accorder le jugement demandé en application du paragraphe 210(4) des Règles.

 

[13]           Pour la défenderesse, Mme Lin, la signification a été faite à personne.

 

[14]           Comme je l’ai mentionné précédemment pour M. Yang, la déclaration ne lui a pas été signifiée à personne. Étant donné qu’il y a eu signification substitutive, je dois être convaincue, compte tenu des circonstances, qu’il serait juste d’accorder un jugement par défaut; voir l’article 211 des Règles. Les liens qui existent entre M. Yang et Mme Lin ainsi qu’entre M. Yang et K2 Fashions ressortent clairement des affidavits déposés à l’appui de la présente requête. Le rôle que M. Yang a joué dans la continuation de la vente des produits Louis Vuitton contrefaits est évident. À mon avis, il est difficile de concevoir que M. Yang ne soit pas au courant de l’action intentée par les demanderesses. Il serait juste d’accorder un jugement par défaut contre M. Yang.

 

[15]           Par conséquent, les demanderesses ont droit à un jugement par défaut contre la défenderesse et le défendeur. Un jugement en ces termes sera rendu.

 

5. Le droit à la réparation demandée

[16]           Les questions qui restent à trancher concernent la détermination du montant des dommages‑intérêts et des dépens à accorder. En plus d’une injonction permanente et des autres indemnités établies dans l’ordonnance que je rends en même temps que les présents motifs, les demanderesses sollicitent trois types d’indemnité : a) dommages‑intérêts préétablis pour la contrefaçon des œuvres protégées; b) dommages‑intérêts ou recouvrement de profits liés à la contrefaçon des marques de commerce; c) dommages‑intérêts punitifs. J’examinerai chacune des indemnités séparément.

 

5.1              Les dommages‑intérêts pour la violation du droit d’auteur

[17]           Les demanderesses sont titulaires des droits liés à deux œuvres protégées. Des imitations de ces deux œuvres ont été trouvées dans le magasin K2 Fashions. Par conséquent, les demanderesses ont droit à des dommages‑intérêts et au recouvrement des profits réalisés par les défendeurs à l’égard de la contrefaçon des œuvres protégées.

 

[18]           Comme l’autorise l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur, les demanderesses ont opté pour des dommages‑intérêts préétablis. En vertu du paragraphe 38(1) de la Loi sur le droit d’auteur, les demanderesses, en tant que titulaires du droit d’auteur, peuvent choisir de recouvrer des dommages‑intérêts préétablis « dont le montant, d’au moins 500 $ et d’au plus 20 000 $, est déterminé selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence ».

 

[19]           La Loi sur le droit d’auteur prévoit que la Cour doit suivre des lignes directrices lorsqu’elle rend une décision à l’égard de dommages‑intérêts préétablis. Selon le paragraphe 38.1(5), qui est plus particulièrement important en l’espèce, la Cour doit tenir compte, notamment, des facteurs suivants :

 

a) la bonne ou mauvaise foi du défendeur;

 

b) le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle-ci;

 

c) la nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles du droit d’auteur en question.

 

 

[20]           Les tribunaux, y compris la Cour, ont eu l’occasion de décider du montant approprié à accorder à titre de dommages‑intérêts préétablis. J’ai examiné la jurisprudence qui s’applique; voir, par exemple, L.S. Entertainment Group Inc. c. Formosa Video (Canada) Ltd., 2005 CF 1347; Wing c. Van Velthuizen (2000), 9 C.P.R. (4th) 449 (C.F. 1re inst.); Ritchie c. Sawmill Creek Golf & Country Club Ltd., [2003] O.J. no 3144 (C.S.J.); Telewizja Polsat S.A. c. Radiopol Inc., 2006 CF 584.

 

[21]           La jurisprudence sur l’octroi de dommages‑intérêts préétablis la plus directement pertinente est l’affaire Microsoft Corp. c. 9038-3746 Québec Inc., 2006 CF 1509 (Microsoft Corp. 1). Elle traite d’une plainte de violation du droit d’auteur et de contrefaçon d’une marque de commerce. Les défendeurs ont été déclarés coupables de violation des droits de propriété intellectuelle de la demanderesse pour avoir distribué des CD renfermant des logiciels « Microsoft », « Windows », « Office » et « Outlook ». Le juge Harrington a accordé à la demanderesse un montant de 20 000 $ pour chacune des 25 œuvres protégées qui avaient été contrefaites, après avoir conclu que : i) les défendeurs n’avaient pas prouvé qu’ils avaient des motifs raisonnables de croire qu’ils n’avaient pas violé le droit d’auteur; ii) le montant minimal de 500 $ accordé pour chacune des 25 œuvres contrefaites aurait été extrêmement disproportionné à l’égard de la demanderesse; iii) les défendeurs avaient agi de mauvaise foi, au vu de leur attitude méprisante envers la Cour; iv) les défendeurs n’avaient pas présenté les documents appropriés, malgré l’ordonnance de la Cour; v) il était nécessaire de créer un effet dissuasif à l’égard de contrefaçons éventuelles des œuvres en question (Microsoft Corp. 1, précité, aux paragraphes 106 à 115).

 

[22]           Après avoir examiné les faits pertinents en l’espèce, et à la lumière de la jurisprudence susmentionnée, je conclus qu’il est juste d’accorder le montant maximal de dommages‑intérêts préétablis, soit 20 000 $, pour chacun des actes distincts de contrefaçon des œuvres protégées. Dans la présente affaire, de nombreux facteurs justifient l’octroi du montant maximal de dommages‑intérêts.

 

[23]           Le premier facteur dont il faut tenir compte est la bonne ou mauvaise foi des défendeurs. Le deuxième, c’est le comportement des défendeurs. En l’espèce, ces deux facteurs sont liés. Je renvoie à ce qui suit :

 

  1. Les défendeurs savent depuis décembre 2001, soit au moment où une ordonnance Anton Piller a été exécutée, que la vente des produits contrefaits constituait une violation des droits de propriété intellectuelle des demanderesses. Ils ont toutefois continué de vendre des produits contrefaits.
  2. Les demanderesses ont obtenu gain de cause dans deux jugements précédents de la Cour (le premier a été rendu le 26 avril 2002 et l’autre, le 8 juin 2004) interdisant la vente de produits contrefaits dans les locaux de K2 Fashions. Les actes de violation se sont poursuivis.
  3. Depuis le jugement du 8 juin 2004, les défendeurs ont été avisés à plusieurs reprises de cesser de vendre des produits qui portent atteinte aux droits de propriété intellectuelle des demanderesses, mais ils ont néanmoins persisté.  
  4.  Les défendeurs ont tenté de dissimuler leurs actes en plaçant les produits contrefaits sur des étagères et dans des tiroirs cachés.

 

[24]           Les actes commis par les défendeurs sont la preuve d’une mauvaise foi et d’une mauvaise conduite qui justifient l’octroi d’un montant élevé à titre de dommages‑intérêts préétablis.

 

[25]           Je me penche ensuite sur la nécessité de dissuader les autres. Les produits LV faisant l’objet de la protection du droit d’auteur sont hautement valorisés par les consommateurs. Le fait d’être vu en possession de l’une des œuvres protégées LV a un certain impact sociétal dans certains segments de la société. Cependant, la constante contrefaçon de ces produits et accessoires haute couture semblables qui bénéficient aussi de la protection du droit d’auteur mine le prestige et la valeur commerciale des produits authentiques protégés par le droit d’auteur. Pourquoi une personne achèterait-elle les œuvres protégées des demanderesses alors qu’il est possible de vendre et d’acheter des imitations bon marché sans avoir à subir trop de conséquences négatives? Ce qui est plus grave encore, pourquoi une personne achèterait‑elle le produit authentique alors que les gens présumeront probablement qu’il ne s’agit pas d’une « vraie » œuvre protégée LV? Bien que de nombreuses personnes estiment que cet aspect de la contrefaçon n’est pas grave, l’érosion du marché conquis par les demanderesses grâce à leurs efforts acharnés est une grave conséquence des actes frauduleux des défendeurs et d’autres personnes qui contrefont des œuvres protégées. Un autre aspect important de la dissuasion, c’est le comportement des défendeurs. En l’espèce, le montant des dommages‑intérêts accordé devrait décourager toute personne de contrevenir de façon flagrante aux ordonnances et aux décisions des tribunaux. À mon avis, il est nécessaire d’accorder un montant élevé de dommages-intérêts en vue de prévenir toute autre contrefaçon et dans un deuxième temps, de décourager les flagrantes violations des lois canadiennes sur la protection du droit d’auteur.  

[26]           En résumé, je suis convaincue qu’il est juste d’accorder le montant maximal des dommages‑intérêts préétablis, soit 20 000 $, pour chacune des deux œuvres; le montant total accordé sera donc de 40 000 $.  

 

5.2       Les dommages‑intérêts pour l’usurpation des marques de commerce

[27]           Comme je l’ai mentionné précédemment, je suis convaincue que les défendeurs ont usurpé les marques de commerce LV à au moins six occasions distinctes depuis le 17 mars 2006. Les demanderesses ont droit à des dommages‑intérêts ou au recouvrement des profits à l’égard des actes de contrefaçon; voir l’article 53.2 de la Loi sur les marques de commerce. Il ne reste qu’à estimer le montant à accorder à titre de dommages‑intérêts ou de recouvrement des profits.

 

[28]           Dans des circonstances comme celles de l’espèce, il n’est pas facile de calculer les dommages‑intérêts ou les profits à recouvrer. Cependant, s’il est impossible de les calculer avec certitude, il faut s’en tenir à l’estimation la plus raisonnable sans se limiter à des dommages‑intérêts symboliques; voir Ragdoll Productions (UK) Ltd., précité, aux paragraphes 40 à 45.

 

[29]           J’examinerai tout d’abord les preuves concernant les dommages‑intérêts.

 

5.2.1    Les dommages‑intérêts

[30]           Même si les demanderesses ont présenté des preuves à l’égard du montant de leurs dommages‑intérêts, je crois qu’elles conviendront que, dans le présent cas, il est presque impossible d’effectuer un calcul exact ou même d’arriver à une approximation raisonnable des dommages‑intérêts. Il y a deux aspects liés aux dommages‑intérêts dans la situation en cause. Le premier a trait à la dépréciation de l’achalandage qui, indirectement, entraîne une diminution des ventes de la marchandise LV authentique, et le deuxième concerne directement la perte des ventes. Bien qu’il aille de soi (du moins pour les personnes qui s’intéressent aux accessoires de la haute couture) que la vente de produits LV contrefaits entraîne une dépréciation de l’achalandage attaché aux marques de commerce LV, l’évaluation du montant d’une telle dépréciation – pour peu que cela soit possible – nécessiterait un dossier beaucoup plus complet.

 

[31]           Le deuxième aspect des dommages‑intérêts concerne les ventes réalisées par les défendeurs qui auraient autrement été réalisées par les demanderesses. Vu la nature de la contrefaçon, il n’est simplement pas raisonnable de supposer qu’une personne qui a acheté une imitation bon marché d’un produit LV chez K2 Fashions aurait acheté un produit authentique LV dans d’autres circonstances. J’estime qu’il est raisonnable de supposer qu’une personne qui achète l’un des produits LV contrefaits l’y est incitée presque uniquement par le prix et qu’elle n’achèterait probablement pas l’article authentique au plein prix.

 

[32]           Par conséquent, compte tenu du dossier dont je suis saisie, je ne suis pas en mesure de d’évaluer le montant des dommages‑intérêts à accorder pour compenser le préjudice subi par les demanderesses. Cependant, il peut être possible d’estimer les profits réalisés par les défendeurs par suite de leur violation des droits des demanderesses.

 

 

 

5.2.2    Les profits

[33]           Les profits réels ne sont pas susceptibles d’être prouvés de façon absolue, parce que les défendeurs n’ont pas contesté la déclaration. Les calculs doivent donc être fondés sur les meilleures preuves que l’on puisse trouver, des inférences raisonnables, l’expérience des demanderesses dans des situations semblables et le bon sens.

 

[34]           Les demanderesses ont présenté des preuves établies par affidavit qui, à leur avis, fournissent un fondement probatoire convaincant permettant à la Cour de conclure que les défendeurs ont réalisé des profits d’au moins 60 000 $ à 90 000 $ par année depuis décembre 2003. Les demanderesses soutiennent donc que le total des profits générés se situe entre 240 000 $ et 360 000 $ pendant la période de quatre ans. Ces calculs ont été effectués en fixant un profit moyen approximatif généré par les deux lots d’articles qui ont été remis (environ 15 000 $) et en supposant que ce profit serait réalisé au moins quatre fois – et tout au plus six fois – par année.

 

[35]           Malgré l’analyse sérieuse et détaillée des souscriptrices d’affidavit, je n’accepte pas tous les calculs.

 

[36]           J’accepte les calculs ayant trait à la vente des deux lots de produits contrefaits qui ont été remis. Les demanderesses ont présenté des preuves quant à la valeur des produits LV remis le 17 mars 2006. La valeur de vente totale des articles ayant une étiquette de prix s’élevait à 10 664 $. J’accepte ce montant. J’accepte également que, en ajoutant à ce montant une valeur approximative prudente pour les articles sans étiquette de prix, la valeur de vente totale des 130 articles contrefaits remis le 17 mars 2006 serait d’environ 14 000 $. Les demanderesses ont fait des calculs semblables pour les 193 articles commercialisables remis le 12 mars 2007. Je suis convaincue qu’une valeur de vente totale raisonnable pour les articles saisis le 12 mars 2007 serait environ de 14 970 $, ou de 23 000 $ si on ajoute à ce montant une valeur approximative prudente pour les articles sans étiquette de prix.

 

[37]           En ce qui concerne l’estimation du coût des articles en cause, l’affidavit de la gestionnaire principale de Louis Vuitton chargée de lutter contre la contrefaçon en Amérique du Nord était très complet et convaincant. En me fondant sur ses calculs, je conviens avec elle que les défendeurs n’auraient sans doute pas payé plus de 18 $ par article. Par conséquent, l’estimation effectuée par les demanderesses quant aux profits générés par les articles remis en mars 2006 et en mars 2007, soit 31 186 $, est raisonnable. Ce montant a été calculé en soustrayant le coût de chaque article saisi de la valeur de vente des articles saisis.

 

[38]           Jusqu’ici, j’accepte les calculs effectuées par les demanderesses et les méthodes qu’elles ont appliquées. Cependant, mes réticences viennent du fait que les demanderesses veulent que j’extrapole ce profit moyen approximatif à un nombre hypothétique de fois que le stock s’est renouvelé au cours d’une année et d’appliquer ce montant à partir de 2003.

 

[39]           Le premier problème a trait aux calculs; ils débutent avant la date du dernier jugement de la Cour. Le 8 juin 2004, la Cour a rendu jugement en faveur des demanderesses et a accordé une injonction et des dommages‑intérêts à l’égard des actes de contrefaçon accomplis jusqu’à cette date. Certes, les défendeurs ne se sont pas conformés à l’ordonnance de la Cour, ont continué de vendre des produits contrefaits et n’ont pas payé les dommages‑intérêts. Les demanderesses auraient pu s’adresser à la Cour en vue de faire exécuter le jugement précédent. Toutefois, même si les injonctions antérieures non pas été respectées et les dommages‑intérêts non pas été payés, les demanderesses ne peuvent pas maintenant réclamer les profits hypothétiques réalisés avant la date du jugement précédent. Par contre, il y a certainement lieu de tenir compte du comportement des défendeurs dans l’évaluation de l’importance des dommages‑intérêts punitifs; cette question sera abordée plus loin dans les présents motifs. Les preuves présentées dans la présente action permettent seulement d’établir que les actes de contrefaçon ont débuté le 17 mars 2006; la restitution des profits ne peut débuter qu’à compter de cette date. La contrefaçon a donc durée environ 18 mois (ou un an et demi). S’inspirant des calculs des demanderesses pour une année, le total des profits réclamés serait moindre; il se situerait plutôt entre 90 000 $ et 135 000 $.

 

[40]           Le deuxième problème concernant les observations des demanderesses, c’est qu’elles supposent que les défendeurs font tourner leur stock portant une marque LV contrefaite entre quatre et six fois par année. J’ai examiné attentivement les affidavits à cet égard et je n’ai trouvé aucune preuve à l’appui de cette affirmation. Même si je suis disposée à accepter que les articles saisis ou remis auraient, à un moment donné, été vendus, je ne suis pas prête à supposer que le même nombre d’articles contrefaits pourraient être vendus entre quatre et six fois par année.

 

[41]           La seule preuve qui me soit utile de ce point de vue, c’est la preuve fournie par les enquêteurs selon laquelle ils avaient trouvé d’autres accessoires portant la marque LV à au moins trois autres occasions au magasin K2 Fashions. Par conséquent, je suis disposée à conclure que, logiquement, les produits trouvés ou probablement en vente dans le magasin ont été, en fait, vendus. Une estimation prudente des profits découlant de la vente des articles en magasin lors de ces occasions s’élève, à mon avis, à environ 15 000 $, ce qui fait un total de 45 000 $ pour les trois occurrences.

 

[42]           En me fondant sur l’analyse précédente, je calcule qu’un profit d’environ 76 000 $ a été réalisé au cours de la période débutant le 17 mars 2006. À mon avis, cette somme devrait constituer le montant minimal de dommages‑intérêts à attribuer contre les défendeurs pour avoir violé les droits des demanderesses sur les marques de commerce. Il est presque certain que le profit réel est plus élevé, mais il est quasi impossible d’estimer de combien. 

 

[43]           Comme l’ont proposé les demanderesses, la Cour, à titre subsidiaire, a accordé des dommages‑intérêts « symboliques » pour chaque acte de contrefaçon. En l’espèce, cela donnerait lieu à des dommages‑intérêts de 72 000 $, soit 6 000 $ par acte pour chacune des demanderesses. C’est en 1997 que ce montant de 6 000 $ a été établi. Il se voulait être une estimation juste des dommages‑intérêts; voir Nike Canada Ltd. c. Goldstar Design Ltd. et al., T‑1951‑95 (C.F. 1re inst.). Les demanderesses ont présenté des preuves selon lesquelles, aujourd’hui, ce montant de 6 000 $ vaudrait environ 7 250 $, une fois rajusté pour tenir compte de l’inflation. J’accepte leurs calculs relatifs au rajustement en fonction de l’inflation. Par conséquent, je fixerais les dommages‑intérêts « symboliques » au montant de 87 000 $.

 

[44]           J’estime que la somme de 87 000 $ est justifiée soit par la preuve présentée par les demanderesses, soit par l’utilisation de dommages‑intérêts « symboliques ». Je suis, dans un cas comme dans l’autre, gênée par le comportement des défendeurs, qui ont refusé de se présenter et de participer à une estimation plus précise des dommages‑intérêts. Bien qu’il semble que les demanderesses soient désavantagées quant au montant accordé, sans qu’elles y soient pour quoi que ce soit, je crois que l’octroi de dommages‑intérêts punitifs permettra de placer les parties sur un pied d’égalité et d’aboutir à un montant total des dommages‑intérêts qui est juste.   

 

5.3       Les dommages‑intérêts exemplaires ou punitifs

[45]           Je me penche maintenant sur la question de savoir si, eu égard aux faits de la présente affaire, il y a lieu d’accorder des dommages‑intérêts exemplaires ou punitifs. Je fais d’abord remarquer qu’il n’y a pas d’obstacle légal à la fixation de dommages‑intérêts punitifs en plus du recouvrement des profits ou des dommages‑intérêts calculés de la manière habituelle. En ce qui concerne les œuvres protégées, le pouvoir de la Cour d’accorder des dommages‑­intérêts punitifs en plus des dommages‑intérêts préétablis est consacré par le paragraphe 38.1(7) de la Loi sur le droit d’auteur; voir également la décision Telewizja, précitée, au paragraphe 34.

 

[46]           L’arrêt‑clé sur les dommages‑intérêts punitifs a été rendu par la Cour suprême dans Whiten c. Pilot Insurance Co., [2002] 1 R.C.S. 595. Le juge Binnie a mentionné ce qui suit au paragraphe 36 :

 

Exceptionnellement, des dommages-intérêts punitifs sont accordés lorsqu’une conduite « malveillante, opprimante et abusive [. . .] choque le sens de la dignité de la cour » : Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, par. 196. Ce critère limite en conséquence de tels dommages-intérêts aux seules conduites répréhensibles représentant un écart marqué par rapport aux normes ordinaires en matière de comportement acceptable.  Parce qu’ils ont pour objet de punir le défendeur plutôt que d’indemniser le demandeur (la juste indemnité à laquelle ce dernier a droit ayant déjà été déterminée), les dommages‑intérêts punitifs chevauchent la frontière entre le droit civil (indemnisation) et le droit criminel (punition).

 

[47]           Dans Whiten, le juge Binnie a également élaboré des principes généraux relatifs aux dommages‑intérêts punitifs. Selon le résumé qu’en a fait la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse dans 2703203 Manitoba Inc. c. Parks, 47 C.P.R. (4th) 276, au paragraphe 38, infirmé en partie par 57 C.P.R. (4th) 391 (C.A. de la N.-É.), les facteurs pertinents à prendre en compte sont les suivants :

 

  • le fait que la conduite répréhensible ait été préméditée et délibérée;
  • l’intention et la motivation du défendeur;
  • le caractère prolongé de la conduite inacceptable du défendeur;
  • le fait que le défendeur ait caché sa conduite répréhensible ou tenté de la dissimuler;
  • le fait que le défendeur savait ou non que ses actes étaient fautifs ;
  • le fait que le défendeur ait ou non tiré profit de sa conduite répréhensible.

 

[48]           Compte tenu des facteurs énoncés dans la jurisprudence, j’estime que les faits ci‑après décrits révèlent que les défendeurs ont agi de façon « malveillante, opprimante et abusive » en l’espèce. Par conséquent, il y a lieu d’accorder des dommages‑intérêts punitifs. 

 

  • Les défendeurs savent depuis décembre 2001, soit au moment où une ordonnance Anton Piller a été exécutée contre eux, qu’en vendant des produits LV contrefaits, ils violaient les droits de propriété intellectuelle des demanderesses. Ils ont toutefois continué de vendre ces produits.
  • Malgré deux jugements précédents de la Cour (l’un le 26 avril 2002 et l’autre le 8 juin 2004), les actes de contrefaçon se sont poursuivis.
  • Les dommages‑intérêts prévus dans les jugements du 26 avril 2002 et du 8 juin 2004 n’ont pas été payés.
  • Depuis que le jugement du 8 juin 2004 a été rendu, les défendeurs ont été avisés à plusieurs reprises de cesser de vendre des produits qui portent atteinte aux droits de propriété intellectuelle des demanderesses, mais ils ont néanmoins continué.
  • Les défendeurs ont tenté de dissimuler leurs actes en plaçant les produits contrefaits sur des étagères et dans des tiroirs cachés.
  • Comme je l’ai mentionné précédemment, les demanderesses ne sont pas en mesure, parce que les défendeurs n’ont présenté aucune défense dans l’action, de fournir les preuves nécessaires à l’établissement du montant approprié des dommages‑intérêts compensatoires.

 

[49]           En résumé, les actes des défendeurs justifient l’octroi de dommages‑intérêts punitifs. En l’espèce, il sera « rationnel d’utiliser les dommages‑intérêts punitifs pour dépouiller [les défendeurs] des profits [qu’ils ont réalisés] alors que le montant des dommages‑intérêts compensatoires ne représenterait rien d’autre que le coût d’un permis [leur] permettant d’accroître [leurs] bénéfices tout en bafouant de façon inacceptable les droits d’autrui, d’ordre juridique ou fondés sur l’equity » (arrêt Whiten, précité, au paragraphe 72).

 

[50]           Dans la présente affaire, quel serait un montant acceptable à titre de dommages‑intérêts punitifs? Les demanderesses ont réclamé la somme de 100 000 $ en dommages‑intérêts punitifs. Dans Whiten, précité, au paragraphe 111, le juge Binnie a conclu que le montant acceptable de dommages‑intérêts punitifs doit être proportionné au but visé et il a énoncé certains principes à appliquer. J’ai tenu compte de ces principes dans mon examen de la question du montant acceptable de dommages‑intérêts punitifs.  

 

[51]           Dans l’action en cause, le comportement des défendeurs justifie l’octroi d’un montant élevé à titre de dommages‑intérêts punitifs. Il est également important de noter qu’en raison du comportement des défendeurs, il a été impossible d’établir une estimation précise des profits. Le montant de 87 000 $ que j’accorderai pour l’usurpation des marques de commerce est sûrement inférieur aux profits réalisés par les défendeurs. Un montant de dommages‑intérêts punitifs élevé peut être le moyen d’accorder une somme globale davantage proportionnée aux profits réels des défendeurs.

 

[52]           Enfin, je fais observer que l’octroi d’un montant de 100 000 $ à titre de dommages‑intérêts punitifs reste bien en‑deçà de ce qui fut octroyé dans deux affaires post‑Whiten : Evocation Publishing Corp. c. Hamilton (2002), 24 C.P.R. (4th) 52 (C.S. C.‑B.) et Microsoft Corp. 1.

 

[53]           En résumé, l’octroi de dommages‑intérêts punitifs ou exemplaires au montant de 100 000 $ est justifié eu égard au dossier dont je suis saisie.

 

5.4       Les dépens sur la base avocat-client

[54]           Les demanderesses réclament des dépens sur la base avocat-client.

 

[55]           Le paragraphe 400(1) des Règles confère à la Cour fédérale le pouvoir discrétionnaire d’adjuger des dépens sur la base avocat-client. Cependant, des dépens avocat‑client ne doivent être adjugés que lorsqu’une partie a fait preuve d’une conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante; voir Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, au paragraphe 251; Mackin c. Nouveau‑Brunswick (Ministre des Finances); Rice c. Nouveau‑Brunswick, [2002] 1 R.C.S. 405, au paragraphe 86; Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social) (2000), 9 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.), au paragraphe 7. Des raisons d’intérêt public peuvent également fonder l’adjudication de dépens avocat‑client; voir Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 80.

 

[56]           Le juge Harrington a défini comme suit la conduite « répréhensible », « scandaleuse » et « outrageante », dans Microsoft Corp. c. 9038-3746 Québec Inc., 2007 CF 659, au paragraphe 16 (Microsoft Corp. 2) :

Constitue une conduite « répréhensible » celle qui mérite une réprimande, un blâme. Le mot « scandaleux » est dérivé de scandale, un terme pouvant désigner une personne, un objet, un événement ou une situation qui suscite la colère ou l’indignation publique. Le mot « outrageant » décrit notamment une conduite profondément choquante, inacceptable, immorale et injurieuse (voir le Oxford Canadian Dictionary).

 

 

[57]           Les demanderesses ont présenté de nombreuses preuves quant à la raison pour laquelle des dépens sur la base avocat-client devraient être adjugés en l’espèce. La preuve mentionnée précédemment dans les présents motifs, qui démontre que les défendeurs ont sciemment et délibérément violé les droits de propriété intellectuelle des demanderesses pendant une longue période, est pertinente à cet égard. Outre cette mauvaise conduite de la part des défendeurs, les demanderesses ont fourni d’autres exemples pertinents :

 

  • Le 23 mai 2007, lorsque l’enquêteur embauché par les demanderesses s’est adressé à la défenderesse Pi-Chu Lin, celle‑ci lui a dit qu’elle ne parlait pas l’anglais et qu’elle s’appelait « Coco »; elle a fermé le magasin K2 Fashions au lieu de coopérer.
  • Le 9 juillet 2007, lorsque les demanderesses se sont rendues au magasin pour signifier un document à Mme Lin, elle est partie en courant. Lorsqu’un enquêteur privé embauché par les demanderesses s’est adressé à la défenderesse et à d’autres employés du magasin, ils lui ont dit qu’ils ne parlaient pas l’anglais.
  • Le 4 avril 2006, M. Yang a déclaré qu’il quitterait le pays si les demanderesses le poursuivaient. En mai 2007, les demanderesses ont téléphoné à M. Yang, qui leur a dit qu’il était à Taiwan.

 

[58]           De plus, il ressort clairement du dossier qu’en raison du comportement des défendeurs, qui ont tenté d’éviter la signification et n’ont pas présenté de défense à l’action, les demanderesses ont assumé des frais d’honoraires et des débours inutiles.

 

[59]           Compte tenu des preuves dont je suis saisie, je conclus que l’attitude méprisante des défendeurs à l’égard de la présente instance et des jugements précédents de la Cour ainsi que la violation flagrante qu’ils ont commise constamment à l’égard des droits de propriété intellectuelle des demanderesses appellent une réprimande. La conduite des défendeurs est répréhensible, scandaleuse et outrageante. De plus, en l’espèce, l’intérêt public justifie l’adjudication de dépens sur la base avocat‑client. Par conséquent, la Cour doit adjuger des dépens avocat‑client.

 

[60]           Quant au montant des dépens à adjuger, je suis convaincue que l’octroi d’une somme globale est justifié. Le montant accordé doit compenser les frais d’honoraires assumés à ce jour par les demanderesses, les frais d’honoraires qui n’ont pas encore été facturés et les frais d’honoraires approximatifs engagés pour la préparation et la présentation de la présente requête en jugement par défaut. Ce montant couvrira aussi les débours de 6 879, 14 $. Après avoir examiné les preuves présentées, je suis convaincue que les frais et débours réclamés ont été raisonnablement engagés dans le cadre de l’action en cause. Par conséquent, j’accorderai la somme globale de 36 699,14 $ à titre de dépens avocat‑client et de débours.

 

6. Conclusion

[61]           En conclusion, la Cour fera droit à la requête déposée par les demanderesses dans le jugement rendu en même temps que les présents motifs. Entre autres choses, les montants suivants seront accordés :

 

  • 40 000 $ pour la violation des droits des demanderesses liés aux œuvres protégées;   
  • 87 000 $ pour l’usurpation des marques de commerce LV;
  • 100 000 $ à titre de dommages‑intérêts punitifs;
  • une somme globale de 36 699,14 $ à titre de dépens avocat‑client et de débours.

 

 

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 14 novembre 2007

 

 

 

 

 

Traduction certifié conforme,

Annie Beaulieu, traductrice

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1236-07

 

INTITULÉ :                                       LOUIS VUITTON MALLETIER S.A. et al. c.

                                                            LIN PI-CHU YANG et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 octobre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            La juge Snider

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 novembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Manson

Karen MacDonald

 

POUR LES DEMANDERESSES

Personne

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar

 

POUR LES DEMANDERESSES

Personne

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

 

 

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