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Date : 20071109

Dossier : ITA-3436-06

Référence : 2007 CF 1161

Montréal (Québec), le 9 novembre 2007

En présence de Me Richard Morneau, protonotaire

 

Dans l'affaire de la Loi de l'impôt sur le revenu,

- et -

Dans l'affaire d'une cotisation ou des cotisations établies par le ministre du Revenu National en vertu d'une ou plusieurs des lois suivantes :  la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l'assurance-emploi,

Contre:

PIERRE LACHAPELLE

débiteur judiciaire

et

B.M.T. 06 CAPITAL CORPORATION

(Bull Market Trading)

et

TD WATERHOUSE CANADA INC.

(autrefois Améritrade Canada)

tierces saisies

et

ANIMATION JL INC.

mise en cause

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

  • [1] Il s’agit en l’espèce d’une requête de la créancière-saisissante, Sa Majesté la Reine (la Reine) en vertu de la règle 449 des Règles des Cours fédérales (les règles) aux fins d’obtenir une ordonnance définitive de saisie-arrêt (ODSA) contre la tierce saisie, B.M.T. 06 Capital Corporation (Bull Market Trading) (B.M.T.), et ce, à l’encontre essentiellement d’une somme de 287 419,75$ que B.M.T. détient.Cette somme est présentement détenue le temps du présent litige en fidéicommis par les procureurs de B.M.T. et sera remise à qui de droit suivant la décision présente de cette Cour.

  • [2] En apparence, la somme saisie semble revenir à la corporation Animation JL Inc. (Animation JL) et non au débiteur judiciaire Pierre Lachapelle.

  • [3] Toutefois, en résumé, la Reine soutient que la somme saisie appartient en réalité non pas à Animation JL mais bel et bien au débiteur judiciaire Pierre Lachapelle.Selon la Reine, Animation JL n’est qu’un instrument ou un prête-nom mis en place et utilisé par Pierre Lachapelle pour essentiellement mettre ses actifs à l’abri de ses créanciers.

  • [4] Animation JL qui a été jointe au présent litige rejette ces vues et soutient qu’elle est véritablement une société distincte tenant des activités commerciales réelles et bénéficiant, en la personne de M. Robert Landry, d’un véritable administrateur et actionnaire.

  • [5] Dans cette foulée, Animation JL reconnaît simplement qu’elle est endettée envers Pierre Lachapelle pour une somme de près de 83 000,00$ suite à une avance de fonds par ce dernier.C’est là, selon elle, la portée finale de toute ODSA que la Cour pourrait vouloir émettre.

Les faits

  • [6] Suite à une vérification effectuée par l’Agence du revenu du Canada, un avis de nouvelle cotisation pour un montant total de 752 604,13$ fut émis le 2 mars 2006 contre Pierre Lachapelle pour l’année d’imposition 2002.

  • [7] L’impôt à payer fut calculé sur la base d’avantages conférés par Pierre Lachapelle et/ou dont il a bénéficiés par l’entremise de sociétés liées.Les montants reçus totalisaient 1 725 230,00$ que Pierre Lachapelle n’avait pas déclarés dans sa déclaration de revenu pour l’année 2002.Pour l’année d’imposition en question, Pierre Lachapelle aurait simplement déclaré dans sa déclaration de revenu (T-1) un revenu total de 17 972,13$.

  • [8] En date du  10 mars 2006, une autorisation pour exécution immédiate contre M. Lachapelle fut rendue par cette Cour conformément à l’article 225.2 (2) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

  • [9] Le dossier de la Reine nous indique par ailleurs que M. Lachapelle aurait à l’automne 2006 quitté le Canada pour l’Indonésie.

  • [10] Le 3 novembre 2006, la Reine a présenté une requête ex parte visant à obtenir sur une base provisoire, comme c’est l’approche à tenir en vertu des règles, l’ordonnance doit elle demande maintenant que l’essence soit convertie en ODSA.

  • [11] Le dossier de requête pour cette ordonnance provisoire contenait trois déclarations solennelles en plus de représentations écrites détaillées.

  • [12] Une première déclaration, datée du 2 novembre 2006, était celle de Martin Girard qui agit comme agent de recouvrement auprès de l’Agence du revenu du Canada.Cette déclaration incorpore d’autres déclarations solennelles produites au soutien de la requête de la Reine pour autorisation d’exécution immédiate qui fut accordée, tel que mentionné plus avant, le 10 mars 2006.

  • [13] Une autre déclaration significative était celle de Marco Gagnon, datée également du 2 novembre 2006 (la déclaration de Marco Gagnon).Ce dernier est comptable et appert avoir agi en tout temps pertinent dans le domaine de la comptabilité ou du contrôle financier pour Pierre Lachapelle et diverses corporations liées à ce dernier.

  • [14] Fort, entre autres, de ces déclarations et des représentations écrites soumises par la Reine, la Cour a émis le 6 novembre 2006 une ordonnance provisoire de saisie-arrêt (l’OPSA) où, en pages 9 et 10, la Cour se prononce et ordonne, entre autres, comme suit :

CONSIDÉRANT que les faits et circonstances exposés dans lesdites déclarations solennelles de Martin Girard, Marco Gagnon et Pierre Fauteux sont tels qu’il y a lieu de considérer, du moins prima facie, et sous réserve de preuve contraire, que Animation JL inc. n’est qu’un instrument ou le prête-nom ou l’alter ego de Pierre Lachapelle pour mettre ses actifs à l’abri de ses créanciers, de façon à lui permettre de se soustraire à ses obligations;

CONSIDÉRANT qu’il y a lieu de constituer la compagnie Animation JL à la présente procédure de saisie-arrêt au même titre que Pierre Lachapelle;

CONSIDÉRANT que, du moins prima facie, et sous réserve de preuve contraire, le billet promissoire, la convention de traitement des fonds prêtés sous le billet promissoire nu : AJL 190110 et la contre-lettre entre Pierre Lachapelle et Robert Landry relativement aux actions dans Animation JL inc., paraissent avoir été créés en fraude des droits de la créancière-saisissante, qu’ils lui causent préjudice et que ladite créancière peut demander à la Cour de déterminer qu’ils lui sont inopposables en vertu des principes énoncés aux articles 1631 et suivants du Code civil du Québec et/ou déclarer que lesdites transactions ont été simulées et qu’elles sont fictives en vertu des principes énoncés aux articles 317 et 1451 et suivants du Code civil du Québec;

CONSIDÉRANT que cette Cour a juridiction pour effectuer une telle détermination dans le cadre des présentes procédures de saisie-arrêt;

CONSIDÉRANT que le paragraphe 56(1) de la Loi sur les Cours fédérales, la règle 449 des Règles des Cours fédérales ainsi que les articles 618 et suivants du Code de procédure civile du Québec permettent la saisie de telles actions, comme l’a reconnu la Cour d’appel fédérale dans Sa Majesté la Reine et 2203383 Canada inc. et al, A-900-96, 28 novembre 2000, CAF;

IL EST ORDONNÉ que toutes sommes dues ou qui deviendraient dues par B.M.T. 06 Capital Corporation et TD Waterhouse Canada inc., à Pierre Lachapelle et/ou Animation JL inc., et plus particulièrement mais non limitativement, la somme de 287 419,75$ détenue dans un portefeuille portant le numéro AJL190110, détenue par les tierces saisies au nom et pour le compte de Pierre Lachapelle et/ou Animation JL inc. et tous les effets mobiliers appartenant à Pierre Lachapelle et/ou Animation JL inc. qui sont détenus par les tierces saisies ainsi que toutes les actions détenues par Pierre Lachapelle dans le capital actions de Animation JL inc., soient saisis-arrêtés afin de répondre au Certificat déposé le 13 mars 2006 à la Cour fédérale contre le débiteur judiciaire par Sa Majesté la Reine;

(...)

IL EST DE PLUS ORDONNÉ à la mise en cause [Animation JL] :

(...)

de comparaître devant cette Cour, à la même adresse, le 15 décembre 2006, à 9 heures 30 de la matinée, pour faire valoir les motifs qu’elle peut avoir de s’opposer à ce que cette Cour rende une ordonnance définitive de saisie-arrêt par laquelle il serait ordonné aux tierces saisies de verser à Sa Majesté la Reine du chef du Canada, les sommes visées par la présente ordonnance de saisie-arrêt et/ou de réaliser le produit des actions détenues par Pierre Lachapelle dans le capital actions de Animation JL inc. et de le remettre à Sa Majesté la Reine et ce, jusqu’à concurrence de la dette d’impôt attestée par le certificat déposé le 13 mars 2006 au greffe de cette Cour;

(Mes soulignés)

  • [15] Par suite de l’émission de l’OPSA le 6 novembre 2006, Animation JL a comparu par procureurs et les parties intéressées au litige, soit la Reine et Animation JL, ont complété leur preuve comme suit.

  • [16] En décembre 2006, Animation JL produisit un affidavit de M. Robert Landry daté du 6 décembre 2006.La Reine produisit le 14 décembre 2006 un deuxième affidavit de Martin Girard qui visait à répondre à l’affidavit de Robert Landry.La Reine compléta sa preuve en produisant un troisième affidavit daté du 19 décembre 2006 de Martin Girard.Les contre-interrogatoires sur l’affidavit de Robert Landry et sur la déclaration de Marco Gagnon eurent lieu le 21 décembre 2006.

  • [17] En avril 2007, la Cour fut amenée à trancher une requête d’Animation JL par laquelle cette dernière cherchait à ajouter au dossier, alors que l’étape de la preuve des parties devait être vue comme close, un affidavit supplémentaire de M. Landry ainsi qu’un affidavit de M. Aghiles Kheffache.

  • [18] J’ai refusé le 19 avril 2007 cette requête.J’ai estimé que c’est par suite de la lecture de la déclaration de Marco Gagnon (de novembre 2006) et non tardivement en avril 2007 (après que les contre-interrogatoires eurent eu lieu le 21 décembre 2006) qu’Animation JL aurait dû chercher à produire ces affidavits de MM. Landry et Kheffache.J’ai alors jugé que le but recherché par Animation JL était de compléter une preuve au mérite possiblement déficiente.

  • [19] Le texte de mes motifs d’ordonnance ainsi que l’ordonnance émis le 19 avril 2007 se lisent comme suit :

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]  Il s’agit en l’espèce d’une requête de la mise en cause pour permission de produire deux affidavits complémentaires en vertu de la règle 84 des Règles des Cours fédérales (les règles).

[2]  Cette requête survient dans le cadre de l’interrogatoire sur affidavit de l’un des affiants produit par la Reine , soit la créancière-saisissante, dans le cadre d’une procédure de saisie-arrêt où, en temps normal, on devrait considérer que la preuve au mérite de la créancière-saississante et de la mise en cause était complète au moment où les interrogatoires sur affidavits ont pris place.

[3]  Toutefois, et c’est ce qui donne lieu à la requête à l’étude, la mise en cause soutient que sur trois éléments, son interrogatoire de l’affiant Marco Gagnon relativement à l’affidavit que ce dernier a souscrit au soutien de la demande d’ordonnance provisoire de saisie-arrêt de la créancière-saisissante soulève des faits nouveaux qui ne sont ressortis par surprise que lors de cet interrogatoire.  Selon la mise en cause, elle ne pouvait prévoir que ces réponses ou éléments seraient mis de l’avant par M. Gagnon, d’où sa requête pour pouvoir leur répondre.

[4]  Je n’entends toutefois pas accorder cette requête de la mise en cause parce qu’il m’appert à étude que les paragraphes 5, 8 et 11 de l’affidavit de M. Gagnon étaient suffisamment soutenus et précis pour amener la mise en cause dès l’étape de la production de sa preuve au mérite à rechercher tout affiant, y inclus M. Aghiles Kheffache, et ainsi chercher à couvrir les éléments qu’elle cherche maintenant à couvrir.  Le fait de se référer aux réponses apportées par M. Gagnon lors de son interrogatoire pour soutenir que ces réponses apportent des faits nouveaux surprenants ne peut être vu que comme un prétexte de la mise en cause à l’égard de l’insuffisance possible de sa preuve au mérite.  Selon mon évaluation, M. Gagnon lors de son interrogatoire n’a fait qu’élaborer ou préciser, sans amener véritablement aucun élément de preuve pertinent nouveau, les allégations de son affidavit.

[5]  Partant malgré l’argumentation tenue en Cour par le procureur de la mise en cause pour démontrer sa position quant à la présence de faits nouveaux ayant surgi par surprise lors de l’interrogatoire de M. Gagnon, les représentations écrites et les autorités produites par le procureur de la créancière-saisissante tiennent toujours dans leur caractère essentiel.

[6]  De plus, la mise en cause n’a pas joint à son dossier de requête l’affidavit de M. Robert Landry qu’elle voulait ajouter.  La situation est la même à l’égard de M. Kheffache.  Quant à ce dernier, même si la mise en cause soutient qu’il est un tiers non sous le contrôle de la mise en cause, cette dernière n’a pas établi en preuve qu’elle avait cherché à le contacter lors de sa preuve au mérite ou lors de la mise en place de la requête à l’étude pour que ce dernier produise un affidavit.

ORDONNANCE

  La requête de la mise en cause est donc rejetée, frais à suivre.

  • [20] Cette ordonnance du 19 avril 2007 n’a pas été portée en appel.

  • [21] Suite à un certain imbroglio causé par Animation JL quant à la nécessité pour elle de déposer un dossier en réponse au dossier de requête de la Reine pour l’obtention de l’ODSA, dossier déposé le 24 mai 2007 (le dossier pour l’ODSA), un dossier de réponse d’Animation JL fut déposé le 19 juillet 2007 (le dossier en réponse d’Animation JL) et celui en réplique de la Reine fut déposé le 9 août 2007 (le dossier en réplique de la Reine).

Analyse

  • [22] En tout temps pertinent, la Reine a approché ce qu’elle percevait de la relation entre Pierre Lachapelle et Animation JL en fonction non seulement de la preuve que ses affiants ont pu colliger quant à cette relation en particulier mais en fonction également du comportement qu’elle a décelé de Pierre Lachapelle à l’égard de ses biens à partir du début de 2003 au moment où les autorités fiscales provinciales, puis fédérales, se sont intéressées à son dossier.Il s’en est suivi suivant la Reine une utilisation de corporations existantes (par exemple, Taarna Studios inc.) ou une création d’autres (par exemple, Fiducie Mérydian) à des fins de dissimulation de biens.Les grands éléments de ce comportement sont repris dans les neuf premières pages de l’OPSA.

  • [23] Dans le cadre des 29 premiers paragraphes de ses représentations écrites à son dossier pour l’ODSA, le procureur de la Reine reprend, en référant à l’ensemble de la preuve, ce contexte général entourant Pierre Lachapelle et l’utilisation par ce dernier de diverses corporations, hormis Animation JL, pour dissimuler ses biens.

  • [24] Cette démonstration, qui n’est pas véritablement attaquée par Animation JL dans son dossier en réponse, amène la Cour à porter attention aux propos suivants que le procureur de la Reine énonce au paragraphe 30 de ses représentations écrites à son dossier pour l’ODSA :

30.  Bref, par l’intermédiaire de prête-noms, comme Fiducie Mérydian, 3771083 Canada Inc. – Corporation Delauer Capital, et Linux Graphics Inc., Pierre Lachapelle a toujours su comment ériger des façades pour dissimuler ses actifs et les actifs de ses compagnies.  (...)

  • [25] Tel que mentionné précédemment, cette pratique ou approche est déjà présente en grande partie en allégués à l’OPSA et il n’y a rien qui doive amener la Cour ici à en retrancher des éléments.Cette preuve touche des aspects que la Reine retient également quant à la relation entre Pierre Lachapelle et Animation JL et elle demeure pertinente pour compléter la preuve plus particulière sur cette dernière relation.Il ne s’agit pas dans le contexte présent de faire écho, comme l’a soutenu le procureur d’Animation JL, à la théorie que puisqu’il y a eu des averses hier, il y en aura forcément aujourd’hui et demain.

  • [26] Quant à Animation JL, soit la corporation qui nous occupe plus spécialement ici, la Cour, tel que l’on se le rappelle, a conclu dans le cadre de l’OPSA sur la base de la preuve de la Reine alors disponible :

(...) qu’il y a lieu de considérer, du moins prima facie, et sous réserve de preuve contraire, que Animation JL inc. n’est qu’un instrument ou le prête-nom ou l’alter ego de Pierre Lachapelle pour mettre ses actifs à l’abri de ses créanciers, de façon à lui permettre de se soustraire à ses obligations;

  • [27] Dans son dossier de réponse, Animation JL s’en prend essentiellement à l’affidavit de Marco Gagnon ainsi qu’au contenu du contre-interrogatoire que ce dernier a subi sur cet affidavit pour soutenir que la Reine n’aurait pas rencontré son fardeau de preuve en vue de l’obtention d’une ODSA.

  • [28] Quant au fardeau de preuve qui reposerait entièrement sur les épaules de la Reine, il ressort que cette affirmation se base à mon avis sur une interprétation erronée tant des règles que du texte même de l’OPSA.

  • [29] Quant aux règles, l’alinéa 449(1)(b) dispose que la Cour peut rendre une OPSA qui requiert le tiers (ici on comprend que c’est Animation JL qui a assumé fait et cause à cet égard) de venir, somme toute, justifier pourquoi la Cour ne devrait pas aller de l’avant avec la saisie-arrêt.

  • [30] La règle 449(1) se lit comme suit :

449. (1) Sous réserve des règles 452 et 456, la Cour peut, sur requête ex parte du créancier judiciaire, ordonner :

  a) que toutes les créances suivantes du débiteur judiciaire dont un tiers lui est redevable soient saisies-arrêtées pour le paiement de la dette constatée par le jugement :

(i) les créances échues ou à échoir dont est redevable un tiers se trouvant au Canada,

(ii) les créances échues ou à échoir dont es redevable un tiers ne se trouvant pas au Canada et à l’égard desquelles le débiteur judiciaire pourrait intenter une poursuite au Canada;

  bque le tiers se présente, aux date, heure et lieu précisés, pour faire valoir les raisons pour lesquelles il ne devrait pas payer au créancier judiciaire la dette dont il est redevable au débiteur judiciaire ou la partie de celle-ci requise pour l’exécution du jugement.

(Mes soulignés)

 

449. (1) Subject to rules 452 and 456, on the ex parte motion of a judgment creditor, the Court may order

  (a) that

(i) a debt owing or accruing from a person in Canada to a judgment debtor, or

(ii) a debt owing or accruing from a person outside Canada to a judgment debtor, where the debt is one for which the person might be sued in Canada by the judgment debtor,

  (bthat the person attend, at a specified time and place, to show cause why the person should not pay to the judgment creditor the debt or any lesser amount sufficient to satisfy the judgment.

 

  • [31] C’est dans cet esprit que l’OPSA, en pages 9 et 10, contient les deux (2) extraits suivants :

(...) qu’il y a lieu de considérer, du moins prima facie, et sous réserve de preuve contraire, que Animation JL inc. n’est qu’un instrument ou le prête-nom ou l’alter ego de Pierre Lachapelle pour mettre ses actifs à l’abri de ses créanciers, de façon à lui permettre de se soustraire à ses obligations; [page 9]

(...) de comparaître devant cette Cour, à la même adresse, le 15 décembre 2006, à 9 heures 30 de la matinée, pour faire valoir les motifs qu’elles peuvent avoir de s’opposer à ce que cette Cour leur ordonne de remettre les sommes qu’elles doivent ou pourraient devoir à Pierre Lachapelle et/ou Animation JL inc., et plus particulièrement mais non limitativement, la somme de 287 419,75$ détenue dans un portefeuille et/ou un billet promissoire nu portant le numéro AJL190110 au nom et pour le compte de Pierre Lachapelle et/ou Animation JL inc., à Sa Majesté la Reine et ce, jusqu’à concurrence de la dette d’impôt attestée par le certificat déposé le 13 mars 2006 au greffe de cette Cour; [page 10]

  • [32] Il s’agit donc plutôt à mon avis dans le cadre d’une ODSA d’un partage du fardeau, soit pour la Reine de compléter ou soutenir sa preuve vue dans l’OPSA comme prima facie, et, pour Animation JL, de contrer la preuve amenée par la Reine.

  • [33] Quant à l’affidavit de M. Marco Gagnon, on lui reproche de baser ses affirmations centrales sur du ouï-dire, preuve inadmissible selon Animation JL d’autant plus, selon elle, qu’elle fut empêchée de produire des affidavits supplémentaires de témoins directs, soit de Messieurs Landry et Kheffache.

  • [34] Quant au ouï-dire de M. Gagnon, présent soit dans son affidavit, soit dans ses réponses lors du contre-interrogatoire mené par Animation JL, deux choses sont à retenir.

  • [35] Premièrement, il faut savoir que le régime des saisies-arrêts prévu aux règles 449 et suivantes procède par le biais de requêtes appuyées d’affidavits.Or, la règle 81 dispose que dans le cadre d’une requête, le ouï-dire est admissible; seul le poids à accorder à cette preuve peut en souffrir.La règle 81 se lit comme suit :

81. (1) Les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, sauf s’ils sont présentés à l’appui d’une requête, auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l’appui.

 (2) Lorsqu’un affidavit contient des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant, le fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels peut donner lieu à des conclusions défavorables.

 

81. (1) Affidavits shall be confined to facts within the personal knowledge of the deponent, except on motions in which statements as to the deponent’s belief, with the grounds therefor, may be included.

 (2) Where an affidavit is made on belief, an adverse inference may be drawn from the failure of a party to provide evidence of persons having personal knowledge of material facts.

 

  • [36] Par ailleurs, il appert que c’est Animation JL qui a introduit au dossier la transcription du contre-interrogatoire qu’a subi M. Gagnon.Cette dynamique fait qu’il y a lieu de tenir que par application de l’article 2843 du Code civil du Québec (C.c.Q.), Animation JL a consenti en quelque sorte à une exception au ouï-dire.

  • [37] Tel que l’exprime l’auteur Léo Ducharme dans Précis de la preuve, 6ième édition, 2005, Wilson & Lafleur Ltée, 702 pages, au paragraphe 1347 :

1347.  Selon l’article 2843 C.c.Q., la prohibition du ouï-dire reçoit exception du consentement des parties ou dans les cas prévus par la loi.  En permettant qu’une preuve par ouï-dire puisse être admise du consentement des parties, le nouveau Code confirme sur ce point le droit antérieur. (...)

  • [38] Par ailleurs, quant à l’absence au dossier de témoignages additionnels de première main, il revenait tout autant, sinon plus, à Animation JL d’y voir en temps opportun si elle croyait qu’une telle preuve l’aiderait à contrecarrer la preuve de la Reine.Or, tel qu’on l’a vu au paragraphe [19], supra, l’ordonnance de cette Cour en date du 19 avril 2007 reproche justement à Animation JL d’avoir suivi à cet égard une dynamique inappropriée.Je ne pense donc pas qu’il soit raisonnable maintenant d’insinuer que la Reine a fait tout pour écarter un témoignage de première main de M. Kheffache.

  • [39] Reste le poids à accorder au témoignage de M. Marco Gagnon face essentiellement aux affirmations faites par M. Robert Landry dans son affidavit et son contre-interrogatoire.

  • [40] Quant à M. Landry, je pense que le procureur de la Reine fait ressortir valablement et suffisamment dans ses représentations écrites au dossier pour l’ODSA qu’il est difficile de concevoir que M. Landry ait véritablement joué le rôle central de patron et décideur qu’il cherche à se reconnaître au sein d’Animation JL.Comme le souligne ledit procureur aux paragraphes 20 à 22 du dossier en réplique de la Reine :

Aux sous-paragraphes 10 à 16 des prétentions écrites de la mise en cause [Animation JL] (page 12), cette dernière cherche à qualifier monsieur Robert Landry comme étant un témoin direct, de bonne foi, ayant une compétence explicite dans le domaine d’activité d’animation et étant celui qui gérait seul Animation JL. Inc.  Si monsieur Robert Landry était tellement impliqué au sein d’Animation JL Inc. en tant que personne qui dirigeait seul cette dernière, comment se fait-il qu’il ne recevait aucune rémunération de cette dernière en 2004 et en 2005? (sa déclaration de revenu T1 de 2006 n’ayant pas été produite à la date de son interrogatoire, il fut impossible pour Sa Majesté la Reine de produire des renseignements concernant les revenus déclarés de ce dernier).  Plutôt, il a reçu, en 2005, des prestations d’assurance-emploi de 8 012$.  En 2004, il a reçu un gain T4 de 21 586$ en provenance de Centre de traitement en imagerie virtuelle inc., des prestations d’assurance-emploi pour un montant de 7 119$ et un dividende de 204$ pour un revenu total de 28 909$ (voir déclaration de monsieur Martin Girard, page 343 du dossier de requête pour ordonnance définitive de saisie-arrêt, volume II).  Toutefois, les employés d’Animation JL Inc. soit Maxime Bourassa, Yves Claude, François Colbert, Olivier Paquet gagnaient des salaires de respectivement 64 000$, 79 000$, 70 000$ et 55 000$ (voir engagement numéro 2 de monsieur Robert Landry, pages 871 et 872 du dossier de requête pour ordonnance définitive de saisie-arrêt, volume III).

Aussi, contrairement auxdits employés d’Animation JL Inc., qui faisaient des semaines de 37 1⁄2 heures (voir page 725 du dossier de requête pour ordonnance définitive de saisie-arrêt, volume III), monsieur Robert Landry consacrait beaucoup moins d’heures et, depuis octobre 2006, travaillait pour une toute autre compagnie non liée en faisant pour cette dernière des semaines de 40 à 50 heures (pages 742 à 745 du dossier de requête pour ordonnance définitive de saisie-arrêt, volume III).

Toujours concernant les paragraphes 10 à 16 des prétentions écrites de la mise en cause, le fait que monsieur Robert Landry ait travaillé pour Animation JL Inc. et monsieur Pierre Lachapelle n’est pas mis en doute.  C’est plutôt le rôle qu’il se donnait qui est invraisemblable.  Donc quand monsieur Marco Gagnon témoigne et dit que monsieur Robert Landry a passé proche de « faire casser le deal », il référait à l’incompétence de monsieur Robert Landry dans les tâches qu’il devait accomplir à titre d’employé d’Animation JL Inc. et parlait de l’insatisfaction de Pierre Lachapelle à l’égard de monsieur Robert Landry.

(Mes soulignés)

  • [41] Le procureur d’Animation JL a soutenu à l’audience que si M. Landry ne s’était pas versé de salaire en 2004-2005, c’est qu’il croyait de son devoir de laisser passer toutes les autres dépenses et salaires pour possiblement se servir en dernier.

  • [42] Je ne retiens pas ce scénario.Premièrement, son rôle d’employé ou de salarié, même en absence de véritable rémunération, est incompatible avec le fait qu’il ait retiré des prestations d’assurance-emploi.Deuxièmement, cette approche semble n’avoir été soulevée qu’en argumentation à l’audience pour l’ODSA et non dans l’affidavit ou le contre-interrogatoire de M. Landry.L’approche est donc tardive.

  • [43] Par ailleurs, quant aux employés Bourassa, Claude, Colbert et Paquet, il est difficile de considérer valablement qu’ils étaient des employés d’Animation JL puisque la Reine fait également ressortir en preuve que leur rémunération était orchestrée et commandée par M. Lachapelle, et ce, à tout le moins en septembre 2006, moment où Animation JL semble avoir repris des activités.

  • [44] Partant, ce n’est pas cet affidavit ou le contre-interrogatoire qui en résulte qui pourraient, à mon avis, nous amener à ne pas reconnaître dans le cadre du présent dossier qu’Animation JL fut de tout temps une corporation qui doit être vue comme un prête-nom ou l’alter ego de M. Lachapelle.

  • [45] Quant au témoignage entier de M. Gagnon, je considère qu’allié au reste de la preuve soumise par la Reine quant à la relation de M. Lachapelle avec Animation JL et les autres corporations, ce témoignage demeure pour l’essentiel quant à la thèse qu’il soutient et que ce témoignage doit recevoir un poids suffisant.Je n’entends donc pas écarter ce témoignage parce qu’il serait indirect, non fiable et basé sur du ouï-dire.

  • [46] De façon particulière, le fait que l’option d’achat d’actions (dont il est fait état au paragraphe 8 de la déclaration de M. Gagnon) ne soit pas aux yeux de la Cour un document que l’on puisse qualifier strictement de contre-lettre n’enlève rien à la conclusion que la Cour tire à l’effet que ce document d’option même s’il est en faveur de la Fiducie Mérydian doit néanmoins être vu comme une façade, une fiction à l’instar de tout ce qui découle de la mise en place d’Animation JL par Pierre Lachapelle quant à la protection de ses actifs.

  • [47] À l’audition de l’ODSA, le procureur d’Animation JL a soutenu pour la première fois que la Reine aurait dû mettre en cause formellement la Fiducie Mérydian si la Reine entendait soutenir que cette fiducie n’était qu’un prête-nom servant de paravent à M. Lachapelle.

  • [48] Je n’entends pas également retenir cet argument.Premièrement, le contrat reflétant cette option d’achat est au dossier depuis fort longtemps et Animation JL aurait pu par le passé à la faveur des incidents interlocutoires dans le dossier soulever cette exigence auprès du procureur de la Reine.Deuxièmement, il n’y a pas comme tel de conclusion spécifique de formulée dans la demande d’ODSA à l’égard de cette fiducie ou de cette option d’achat.La Reine n’avait donc pas à mettre en cause cette fiducie.

  • [49] Quant à cette même option d’achat, Animation JL a soutenu que la faible valeur de rachat existant à l’option, soit 100,00$, ne pouvait représenter toute la considération couvrant ledit rachat et que l’équation devrait comprendre implicitement que M. Landry et son savoir dans le domaine de la créativité resteraient au service du détenteur futur des actions.

  • [50] Le contrat d’achat est toutefois très clair et il est prévu à la clause 3.4 de celui-ci que :

3.4  Les parties conviennent que la considération et le prix payables pour les Actions (le « Prix de vente »), advenant levée de l’Option dans le délai ci-devant imparti, sont et seront une considération globale, totale et finale de CENT DOLLARS en monnaie légale du Canada ($100.00), payable en totalité à la Clôture.

  • [51] Face à cette clause 3.4 et à l’ensemble dudit contrat, l’on ne peut faire droit à l’approche d’Animation JL sans permettre que l’on contredise les termes d’un contrat arrêtés entre les parties.

  • [52] Par ailleurs, le lieu où M. Gagnon a recueilli certains propos de M. Landry quant au fonctionnement d’Animation JL n’amène pas la Cour – à la lecture des notes sténographiques – à conclure que le problème partiel de surdité de M. Gagnon ait pu nuire à une bonne compréhension des propos tenus.Dans cet ordre d’idées, qu’une bière ait été consommée par les deux interlocuteurs de façon habituelle lors des échanges n’est pas non plus un fait significatif aux yeux de la Cour.

  • [53] Enfin, que ce dernier ait qualifié de chèque plutôt que de traites ou virements bancaires le véhicule par lequel le 83 000,00$ fut avancé par M. Lachapelle à Animation JL n’est pas un élément qui porte, selon moi, et qui doive nous amener à donner à ce témoignage une force moindre.

  • [54] L’ensemble de la preuve de la Reine m’amène donc à considérer que cette dernière a complété le fardeau de preuve qui lui revient et qu’il est justifié que cette Cour consacre pour l’essentiel en une ODSA, l’OPSA du 6 novembre 2006.

  • [55] En conséquence, une ordonnance définitive de saisie-arrêt accompagne les présents motifs.

 

« Richard Morneau »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  ITA-3436-06

 

INTITULÉ :  IMPÔT SUR LE REVENU

  contre :

PIERRE LACHAPELLE ET AL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  31 octobre 2007

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :  9 novembre 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Daniel Beauchamp

 

POUR LA CRÉANCIÈRE JUDICIAIRE

Me Louis-Frédérick Côté

 

POUR LA MISE EN CAUSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LA CRÉANCIÈRE JUDICIAIRE

MCMillan Binch Mendelsohn

S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR LA MISE EN CAUSE

 

 

 

 

 

 

 

 

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