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Date: 20071109

Dossier: DES-3-03

Référence: 2007 CF 1163

Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2007

En présence de Monsieur le juge Simon Noël 

 

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un

certificat en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration

et la protection des réfugiés, signé par le Ministre de l’immigration

et le Solliciteur général du Canada (Ministres)

L.C. 2001, ch. 27 (LIPR);

 

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de ce certificat à la

Cour fédérale du Canada en vertu du paragraphe 77(1)

et des articles 78 et 80 de la LIPR;

 

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

une demande d’amendement de la condition préventive #9 qui limite

les déplacements au territoire de l’Île de Montréal;

 

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

M. Adil Charkaoui.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande temporaire en révision des conditions d’une ordonnance de libération sous conditions de M. Charkaoui déposée à la Cour le vendredi 2 novembre 2007; le tout par voie de procédure de requête écrite conformément à la Règle 369 des Règles des Cours fédérales.  La présente requête vise à faire amender la condition préventive « 9 » afin de permettre à M. Charkaoui de pouvoir quitter l’Île de Montréal pour se rendre au Congrès de l’aile jeunesse d’Amnistie Internationale, le samedi le 10 novembre 2007, qui doit avoir lieu à l’école secondaire Pointe-Lévy, à Lévis, afin d’y être conférencier (le thème:  « Le recours aux certificats de sécurité au Canada, l’expérience d’Adil Charkaoui ») et de répondre à des questions pour une période totale de trente (30) minutes.

 

[2]               M. Charkaoui a été invité en date du 27 septembre 2007 et ce n’est que dans l’après-midi du  2 novembre 2007 que la Cour fut informée d’une telle invitation pour le 10 novembre 2007.  Les Ministres n’ont, quant à eux, été approchés afin de possiblement consentir à une dérogation aux conditions déjà imposées le 24 octobre 2007. 

 

[3]               Dans sa requête, M. Charkaoui se limite à faire sa demande sans complément d’explication sauf pour mentionner que son père et sa mère l’accompagneraient à titre de superviseurs si la permission était accordée et pour informer quant à l’organisation de la rencontre, l’endroit et les participants: l’événement vise à réunir plusieurs centaine de personnes, en majorité des adolescents.  L’affidavit de M. Charkaoui se limite à mentionner que « les faits allégués au présent affidavit sont vrais. »

 

 

 

 

 

[4]               Pourtant, dans le jugement, Re: Charkaoui, 2006, CF 891 au paragraphe 12, la Cour prenait la peine d’informer que la limite territoriale était importante (condition #9) mais que des exceptions pouvaient être envisagées en tenant compte de l’ensemble du dossier et des représentations faites.  Dans ce même jugement, tout en accordant des sorties familiales à l’extérieur de l’Île, il était précisé que l’objectif des conditions préventives était de neutraliser le danger à la sécurité nationale tout en prenant en considération « ses besoins quotidiens et ses obligations. »  C’est ce que la Cour a toujours fait depuis la libération de M. Charkaoui en date du 17 février 2005.  L’historique du dossier parle de lui-même.  Étant donné la demande de M. Charkaoui et son contenu ou encore ce qui peut être considéré comme étant sa justification pour une telle demande, il est important de citer le paragraphe 12 :

 

« En terminant, la Cour réitère l’importance de la limite territoriale décrite à la condition 9 de l’ordonnance, et ajoute que les demandes d’exception provisoire à ce principe seront traitées tenant compte de l’ensemble du dossier et des représentations faites.  En accordant cette exception, la Cour tient à réitérer son objectif de mettre de l’avant des conditions préventives pouvant neutraliser le danger à la sécurité nationale ou à celle d’autrui tout en accordant une certaine autonomie à M. Charkaoui en tenant compte de ses besoins quotidiens et de ses obligations.  Bien que les Ministres considèrent les sorties au Zoo de Granby et au Parc Safari comme n’ayant pas la même importance que celles pour laquelle ils ont déjà acquiescées (présence de M. Charkaoui à l’audition de l’appel à la Cour suprême, etc…), ce genre de sorties en famille y incluant ses parents est convenable tenant compte des circonstances particulières de la demande.  Il demeure que les sorties sont prévues à des endroits définis, reconnus comme étant à vocation familiale, en présence de deux superviseurs (dont l’un ayant l’obligation de faire un rapport détaillé), à l’intérieur des heures déjà prévues à l’ordonnance, avec l’obligation d’informer avant et après l’Agence des services frontaliers.  Bref, toutes les conditions préventives demeurent sauf pour l’exception provisoire créée pour la condition 9 de l’ordonnance.  À mon humble avis, tenant compte de la demande et des limites que j’y mets, il y a équilibre entre l’objectif de neutraliser le danger à la sécurité nationale et celle d’autrui d’une part, et les besoins quotidiens et les obligations de M. Charkaoui d’autre part. »

 

[5]               La Cour a à d’autres reprises permis à M. Charkaoui de circuler à l’extérieur du territoire de Montréal afin notamment de passer plus de temps avec sa famille ou d’assister à des audiences de Cour concernant son dossier.  La Cour a également permis que M. Charkaoui participe en compagnie de son procureure à des audiences publiques de la Commission Internationale des juristes.  Par contre, dans la présente demande, rien n’explique en quoi un tel voyage à l’extérieur de l’Île de Montréal (trajet aller-retour d’environ 500 kilomètres en dehors de la zone prescrite) de plusieurs heures est justifiable en fonction des besoins quotidiens et des obligations de M. Charkaoui.  La requête et l’affidavit de M. Charkaoui à l’appui de ladite requête exhibent un silence complet à ce sujet.  La Cour ne peut d’elle-même pallier à un tel silence.

 

[6]               Mais, encore plus, la procédure ne discute pas en quoi des solutions de rechange à la présence physique ne pourraient pas être envisagées.  Ceci est un élément important à considérer lorsqu’une telle demande est envisagée.

 

[7]               Les Ministres s'opposent à la levée de la condition parce que de leurs avis M. Charkaoui n'a pas démontré que cet événement revêt une importance telle pour lui que la Cour devrait consentir à un allègement de condition ou encore que des alternatives avaient été envisagées (comme par exemple, une participation par voie de vidéoconférence, téléconférence ou encore au bureau d'Amnistie Internationale à Montréal). Ils réfèrent aux critères élaborés par la Cour suprême dans Charkaoui ainsi que ceux identifiés par la présente Cour dans les affaires Harkat et Charkaoui et soutiennent qu’il ne serait pas opportun pour la Cour de consentir à l’allégement de condition sollicité en l’espèce.

 

[8]               Le résultat de la présente n’est pas d’empêcher M. Charkaoui de s’exprimer à un groupe particulier.  Les conditions préventives ne sont pas conçues ayant à l’esprit un tel objectif.  M. Charkaoui depuis février 2005, a participé à de nombreuses conférences sans que la Cour l’empêche.  Il peut toujours le faire samedi, le 10 novembre 2007, en utilisant les moyens appropriés sans quitter l’Île de Montréal.  Sa demande, telle que fondée, ne permet pas à la Cour d’évaluer la situation en tenant compte des particularités du présent dossier ainsi que de « ses besoins quotidiens et de ses obligations ».  La Cour ne peut pas décider en de telles circonstances.

 

[9]               La Cour n’a pas d’autres choix que de refuser la demande temporaire telle que formulée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

POUR TOUTES CES RAISONS, LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

 

-                     La demande temporaire pour amender la condition #9 est rejetée.

 

« Simon Noël »

Juge


 

                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                       DES-3-03

INTITULÉ :                                     

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un certificat en vertu

du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection

des réfugiés, L.C. 2001, chap.27 (la « Loi »)

signé par les Ministres (« les Ministres »);

 

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de ce certificat

à la Cour fédérale du Canada en vertu du paragraphe 77(1)

et des articles 78 et 80 de la Loi;

 

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT une demande d’amendement de

la condition préventive #9 qui limite les déplacements au territoire de l’Île de Montréal;

 

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

M. Adil Charkaoui (« M. Charkaoui »)

 

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT:                    L’Honorable Juge Simon Noël

 

DATE DES MOTIFS:                     Le 9 novembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

 

Daniel Roussy

Luc Cadieux

 

 

POUR LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Daniel Latulippe

 

 

POUR LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

Dominique Larochelle

Johanne Doyon

 

 

 

 

 

POUR ADIL CHARKAOUI

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                                                                         

 

 

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

Des Lonchamps, Bourassa, Trudeau et Lafrance

Montréal (Québec)

Doyon & Associés

Montréal (Québec)

 

POUR ADIL CHARKAOUI

 

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