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Date : 20071113

Dossier : T-2016-01

Référence : 2007 CF 1165

Ottawa (Ontario), le 13 novembre 2007

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

 

MICHAEL SEIFERT

défendeur

 

CONCLUSIONS DE FAIT

 

 

 

I.                        Aperçu

[1]       En 2001, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a fait savoir à M. Michael Seifert qu’il entendait entreprendre des démarches afin de révoquer sa citoyenneté canadienne. M. Seifert a répondu en demandant à la Cour d’établir les faits.

[2]       Le ministre allègue que M. Seifert est entré au Canada en 1951 et qu’il a ensuite acquis la citoyenneté par fausse déclaration, fraude ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Il allègue en particulier que M. Seifert n’a pas divulgué son véritable lieu de naissance et a décrit de manière inexacte les activités auxquelles il s’est livré pendant la Deuxième Guerre mondiale, lorsqu’il a demandé un visa canadien à Hanovre, en Allemagne, au cours de l’été 1951. Contrairement à ce qu’il a dit aux fonctionnaires canadiens à l’époque, M. Seifert reconnaît qu’il est né en Ukraine, qu’il a servi comme gardien dans les forces allemandes en Ukraine et, par la suite, dans un camp policier de transit situé à Bolzano, en Italie, en 1944‑1945. Le ministre accuse également M. Seifert d’avoir tué des prisonniers et d’avoir commis différents actes de cruauté dans le camp. M. Seifert réfute catégoriquement ces accusations.

 

[3]       Je suis convaincu, compte tenu de l’ensemble de la preuve dont je dispose, notamment les témoignages d’expert sur la politique canadienne en matière d’immigration qui était en vigueur pendant les années qui ont suivi la guerre, sur la police allemande et l’appareil de sécurité qui existait pendant la guerre et sur les pratiques et procédures suivies par les fonctionnaires canadiens dans les consulats situés en Europe, ainsi que la vaste preuve documentaire sur toutes ces questions, que M. Seifert est entré au Canada et a acquis la citoyenneté canadienne par fausse déclaration et non‑divulgation de faits essentiels. M. Seifert n’aurait pas été autorisé à entrer au Canada s’il avait dit la vérité.

 

[4]       Je ne suis toutefois pas convaincu que les atrocités dont M. Seifert a été accusé ont été prouvées selon la prépondérance de la preuve. La Cour a entendu les témoignages de trois personnes qui ont été emprisonnées au camp de Bolzano. Je suis certain que ces personnes ont grandement souffert et ont des souvenirs marquants et douloureux du camp, mais je suis incapable, sur la foi de la preuve dans l’ensemble, de conclure que les actes de violence et de brutalité particuliers qui auraient été commis par M. Seifert ont été prouvés.


TABLE DES MATIÈRES

 

I.      Aperçu. 1

II.     Le contexte. 6

III.   La nature de l’instance. 7

IV.   Les allégations faites contre M. Seifert au sujet des mauvais traitements qu’il aurait infligés à des prisonniers  9

V.    Le fardeau de la preuve et la norme de preuve. 10

VI.   La politique gouvernementale concernant les criminels de guerre présumés. 11

VII.  La situation générale en Italie pendant les années 1943-1945. 11

VIII. L’organisation des SS, de la police de sûreté et de la SD.. 13

1.     La structure générale. 13

2. L’organisation des SS et de la SD en Italie. 15

3. L’invasion de l’Ukraine par les forces allemandes. 16

IX.   Les premières années de M. Seifert en Ukraine. 17

X.    M. Seifert se joint aux forces allemandes. 18

XI.   De l’Ukraine à Vérone. 22

XII.  Les événements survenus au camp de Fossoli 23

XIII. Les conditions existant au camp de Bolzano. 25

1.     Le plan général 25

2. Les souvenirs du camp conservés par les prisonniers. 26

3. Les souvenirs du camp conservés par les gardiens. 32

XIV.    Le transport des camps de Fossoli et de Bolzano vers les autres camps. 36

XV.  Le traitement réservé aux personnes qui s’échappaient du camp de Bolzano. 37

XVI.    Les décès survenus à Bolzano. 40

XVII.       L’accusation, la poursuite et la détention de M. Seifert 41

XVIII.      Le bloc cellulaire à Bolzano. 43

XIX.    Identification de M. Seifert à Bolzano. 46

XX.  La réponse de M. Seifert aux allégations soulevées contre lui 49

1.     Torture, passages à tabac et meurtres. 49

2.     La messe de Pâques à Bolzano. 50

XXI.    Les conclusions concernant le camp de Bolzano. 51

XXII.       Le voyage de Bolzano à Lutenröde. 54

XXIII.      La demande de visa canadien. 56

XXIV.      La vérification de sécurité des immigrants éventuels. 58

1.  L’équilibre entre les préoccupations en matière de sécurité et l’accroissement de l’immigration. 58

2.     Le processus de vérification de sécurité. 64

XXV.       La vérification de sécurité de M. Seifert 68

XXVI.      La vie de M. Seifert au Canada. 70

1.       En général 70

2.  La demande de citoyenneté. 71

XXVII.        La défense de nécessité. 72

XXVIII.       Les arguments relatifs à la Charte. 78

XXIX.      Résumé des conclusions. 82

XXX.       Conclusion. 86




 

II.                        Le contexte

[5]   Le 26 juin 1999, le journal italien La Stampa a publié un article sous le titre : [traduction] « Les deux SS ukrainiens accusés de 14 meurtres et d’actes de torture commis contre des prisonniers ont été retrouvés. Les kapos du camp de Bolzano se trouvent au Canada. Le procureur militaire demandera leur extradition[1]. » L’article parlait de [traduction] « deux fous sanguinaires », d’anciens gardiens appelés « Misha Seifert  » et « Otto Seit, », qui étaient soupçonnés d’avoir commis plus de 50 actes de violence brutale.

 

[6]   Plus tard au cours de la même année, M. Seifert a appris l’objet de la procédure dirigée contre lui lorsqu’un ami de l’époque, M. Peter Makelke, lui a montré un article paru dans un journal de Prince George. Peu de temps après, il a été avisé par un tribunal italien qu’une procédure criminelle était intentée à son encontre.

 

[7]   En 2000, M. Seifert a été déclaré coupable par contumace de neuf accusations par un tribunal militaire à Vérone, en Italie, et condamné à l’emprisonnement à perpétuité[2]. Les appels subséquents ont été rejetés[3].

[8]   Par une lettre datée du 23 août 2001, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a avisé M. Seifert qu’il entendait entreprendre des démarches afin de révoquer sa citoyenneté en vertu des articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29 (les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à l’annexe A). M. Seifert a répondu dans une lettre datée du 6 septembre 2001, dans laquelle il demandait que la question soit soumise à la Cour fédérale (alinéa 18(1)b)).

 

[9]   Parallèlement à ces procédures, le procureur général du Canada a demandé, au nom de la République italienne, l’extradition de M. Seifert vers l’Italie afin qu’il purge la peine infligée par les tribunaux italiens. En 2003, M. Seifert a été incarcéré en vue de son extradition relativement à sept des neuf accusations desquelles il avait été déclaré coupable en Italie[4]. En 2005, le ministre de la Justice a pris un arrêté d’extradition à son endroit relativement à ces accusations. Des appels interjetés à l’encontre de l’incarcération et de l’arrêté d’extradition ont été rejetés en 2007[5]. M. Seifert a déposé une demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada[6].

 

III.                   La nature de l’instance

 

[10]      La présente instance[7] consiste essentiellement à établir les faits[8] et n’est pas susceptible d’appel[9]. Je dois déterminer si M. Seifert a acquis la citoyenneté canadienne par fausse déclaration, fraude ou non‑divulgation de faits essentiels[10]. Mes conclusions seront présentées par le ministre au gouverneur en conseil, qui décidera si M. Seifert devrait perdre sa citoyenneté canadienne.

 

[11]      Comme il a été mentionné, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration allègue que, lorsqu’il a demandé l’autorisation d’entrer au Canada en 1951, M. Seifert n’a pas dit la vérité au sujet de son lieu de naissance et de son service dans l’armée allemande pendant la Deuxième Guerre mondiale. La personne qui obtient l’autorisation d’entrer au Canada par fausse déclaration, fraude ou dissimulation de faits essentiels et qui devient ensuite citoyenne canadien est réputée avec acquis la citoyenneté par des moyens irréguliers[11].

 

[12]      M. Seifert admet qu’il n’a pas dit la vérité lorsqu’il a présenté sa demande de visa canadien ou sa demande de citoyenneté canadienne. Il a menti au sujet de son lieu de naissance et a omis de mentionner les activités auxquelles il s’était livré en Ukraine et dans le Nord de l’Italie en tant que gardien pendant la guerre. Il soutient cependant qu’il avait une bonne raison d’agir ainsi : il craignait d’être renvoyé en Union soviétique après la guerre, où il aurait été puni ou tué, parce qu’on l’aurait considéré comme un traître, car il avait servi dans les forces allemandes. En outre, il conteste les accusations les plus graves portées par le ministre selon lesquelles il aurait maltraité et tué des prisonniers dans le camp de Bolzano où il était gardien.

 

[13]      D’une part, l’affaire est simple vu les aveux de M. Seifert. Il ne fait aucun doute que M. Seifert a délibérément omis de dire la vérité lorsqu’il a demandé l’autorisation d’entrer au Canada et lorsqu’il a demandé la citoyenneté canadienne. D’autre part cependant, l’affaire est complexe parce que M. Seifert soutient que les fausses déclarations qu’il a faites n’étaient pas importantes – en d’autres termes, qu’il aurait obtenu un visa canadien en 1951 même s’il avait dit la vérité. Je dois, pour évaluer cette affirmation, tenir compte d’un certain nombre de questions compliquées, notamment la politique d’immigration du Canada après la guerre, les procédures et les critères utilisés pour l’étude des demandes de visa à l’étranger, l’organisation de l’appareil de sécurité et de maintien de l’ordre allemand en Ukraine et en Italie pendant la période pertinente, le statut de M. Seifert au sein de cet appareil et le rôle qu’il a joué en tant que gardien de camp. Je dois également, pour savoir si la conduite de M. Seifert était justifiée dans les circonstances, déterminer si sa crainte d’être l’objet de rapatriement en Union soviétique était raisonnable, ainsi que décider s’il est possible que des fonctionnaires canadiens aient été bien disposés à son égard à cause de sa situation difficile.

 

[14]      En outre, étant donné que M. Seifert nie les allégations les plus sérieuses faites contre lui – celles selon lesquelles il aurait maltraité et tué des prisonniers – je dois examiner avec soin les dépositions des témoins survivants des incidents survenus dans le camp, dont des anciens prisonniers, un ancien gardien du même camp et M. Seifert lui‑même.

 

IV.                   Les allégations faites contre M. Seifert au sujet des mauvais traitements qu’il aurait infligés à des prisonniers

 

[15]      Le ministre avance que M. Seifert a d’abord été gardien dans les forces allemandes à Nikolayev, en Ukraine, puis dans des camps policiers de transit à Fossoli et à Bolzano, en Italie. M. Seifert le reconnaît. Le ministre allègue également que M. Seifert a maltraité des prisonniers au camp de Bolzano. Il formule les allégations particulières suivantes dans la déclaration[12] :

 

a)                  M. Seifert a participé à l’agression et au meurtre d’un prisonnier qui tentait de s’échapper aux alentours de Noël 1944. Le prisonnier a été attaché à un poteau et a été battu à mort par M. Seifert et d’autres gardiens;

 

b)                  M. Seifert et un autre gardien ont fouetté un prisonnier au cours de l’hiver 1944‑1945;

 

c)                  en février 1945, M. Seifert et un autre gardien, Otto Sein, ont battu un jeune prisonnier pendant deux ou trois nuits. L’un d’eux retenait le prisonnier pendant que l’autre lui donnait des coups dans les yeux. Le prisonnier est décédé;

 

d)                  en février ou en mars 1945, M. Seifert et d’autres gardiens ont battu à mort un prisonnier âgé parce que celui‑ci ne s’était pas levé pour l’appel du matin;

 

e)                  en février ou en mars 1945, M. Seifert et deux autres gardiens ont battu deux prisonniers avant de les exécuter;

 

f)                    en février ou en mars 1945, M. Seifert et M. Sein ont versé de l’eau froide sur une prisonnière. Celle‑ci est décédée par la suite;

 

g)                  en mars 1945, M. Seifert et d’autres gardiens ont battu et tué un prisonnier qui avait tenté de s’échapper.

 

[16]      De plus, le ministre allègue que M. Seifert, dans son rôle de gardien de camp, a participé à la déportation forcée de Juifs et d’autres prisonniers dans d’autres types d’installations, y compris des camps d’extermination, des camps de concentration et des camps de travaux forcés.

 

[17]      M. Seifert nie toutes ces allégations.

V.                   Le fardeau de la preuve et la norme de preuve

[18]      Le fardeau de la preuve incombe au ministre et la norme de preuve est celle qui s’applique habituellement en matière civile, à savoir la prépondérance de la preuve.

 

[19]      Vu la nature sérieuse des allégations qui sont formulées dans une instance de ce genre, les tribunaux ont conclu que la preuve doit être appréciée et examinée avec un plus grand soin que dans les autres types d’affaires civiles[13]. De plus, M. Seifert m’a demandé instamment d’appliquer une norme de preuve plus sévère, étant donné que les allégations faites contre lui équivalent à des accusations criminelles. Il n’existe cependant aucune autorité en ce sens; de toute façon, je ne suis pas convaincu qu’une norme de preuve différente aurait changé quelque chose à mes conclusions.

 

VI.                   La politique gouvernementale concernant les criminels de guerre présumés

[20]      La politique du gouvernement canadien consiste à entreprendre des démarches menant à la révocation de la citoyenneté lorsqu’il existe une preuve qu’un citoyen canadien a été directement impliqué dans des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou un génocide, ou qu’il en a été complice. Il peut s’agir notamment d’un ancien membre d’une organisation poursuivant des fins limitées et brutales, comme un escadron de la mort[14].

[21]      M. Seifert soutient qu’il m’incombe de décider s’il est visé par la politique du gouvernement. Il semble effectivement que je puisse trancher cette question[15], mais j’estime qu’il est préférable que la Cour établisse les faits et laisse au gouverneur en conseil le soin de décider comment sa politique s’applique à ces faits.

 

VII.                   La situation générale en Italie pendant les années 1943-1945

 

[22]      L’Italie et l’Allemagne sont devenues des alliées en 1939 et l’Italie est entrée dans la Deuxième Guerre mondiale aux côtés de l’Allemagne en 1940. Les troupes allemandes, qui étaient stationnées un peu partout en Italie, ont établi des commandements dans plusieurs villes. En 1943 cependant, Benito Mussolini a été destitué de son poste de chef du gouvernement italien et les troupes alliées ont envahi l’Italie. En septembre 1943, l’Italie a conclu un armistice avec les Alliés. De leur côté, les troupes allemandes essayaient de consolider leurs positions en Italie, en particulier dans le Nord du pays. Dans le cadre de cette initiative, le chef des SS allemands, Heinrich Himmler, a nommé le général SS Karl Wolff chef suprême des SS et de la police en Italie, chargé du commandement des services de sécurité et de la police. Peu de temps après, le général Wolff a désigné le Dr Wilhelm Harster comme commandant de la police de sûreté et de la sicherheitsdienst, ou SD, dont le quartier général était situé à Vérone.

[23]      En 1944, alors que les troupes alliées continuaient à avancer vers le nord, des commandants allemands ont jugé que leur camp policier de transit situé à Fossoli, près de Carpi, pouvait être facilement attaqué. Des bombes alliées étaient tombées tout près et avaient détruit plusieurs ponts enjambant le Pô. La décision a été prise de déplacer le camp de Fossoli plus à l’est, à Bolzano. Cette ville était située dans une région du Nord de l’Italie appelée le Tyrol du Sud, près de la frontière autrichienne. Ce district, qui avait auparavant fait partie de l’Empire Autriche‑Hongrie, avait été cédé à l’Italie après la Première Guerre mondiale. Bon nombre de ses résidents était germanophones. Les villes possédaient souvent deux noms, un italien et un allemand; à titre d’exemples, Bolzano s’appelait aussi Bozen, Merano Meran et Mosso Moos.

 

VIII.                   L’organisation des SS, de la police de sûreté et de la SD[16]

1.         La structure générale

 

[24]      La schutzstaffel, ou SS, était initialement chargée de la protection des dirigeants du parti nazi. Elle est ensuite devenue une organisation militaire d’élite relevant du Reichsführer‑SS, Heinrich Himmler. La Waffen‑SS était une branche armée des SS constituée en 1934, dont les membres combattaient souvent sur les lignes de front. La sicherheitspolizie, ou police de sûreté, regroupait à l’origine les gardes du corps personnels d’Adolf Hitler. Elle a ensuite été élargie pour englober la Gestapo (la police politique) et la kriminalpolizei (la police civile régulière). La sicherheitsdienst, ou SD, était le service de sécurité des SS.

[25]      La SD était chargée de la collecte de renseignements et du maintien de l’ordre. Même s’il s’agissait d’organisations séparées, la police de sûreté et la SD unissaient leurs efforts pour s’attaquer aux groupes et aux personnes soupçonnées d’être dangereux. La SD effectuait des recherches et élaborait des lignes directrices que la police de sûreté mettait ensuite en application. Les deux organisations devaient se compléter.

 

[26]      Selon le Dr Peter Black, historien principal de l’Holocaust Memorial Museum de Washington[17], les membres de la SD étaient également membres des SS, à quelques exceptions près. Règle générale, une personne se joignait d’abord aux SS et était ensuite affectée à la SD. La personne qui voulait joindre les rangs des SS devait jurer loyauté à Adolf Hitler et se soumettre à une vérification minutieuse de son ascendance raciale et de sa fiabilité politique. Le processus pouvait prendre plus d’un an. Les membres de la SD se considéraient comme l’élite des SS. Ils enseignaient aux autres organisations policières comment traiter les prétendus ennemis de l’État en respectant l’idéologie du parti nazi.

 

[27]      Les activités régionales de la police de sûreté et de la SD étaient coordonnées par le Reichssicherheitshauptamt, le bureau central de la sécurité ou RSHA, dirigé par Reinhart Heydrich. Le RSHA jouait un rôle clé dans la poursuite des buts politiques du Troisième Reich. Par exemple, c’est lui qui déterminait si les personnes d’origine ethnique allemande vivant dans les territoires occupés étaient racialement acceptables, politiquement fiables et, en conséquence, admissibles à la citoyenneté allemande. À cette fin, il y avait au sein du RSHA un bureau d’immigration et de naturalisation appelé einwanderer zentrale, ou EWZ. Le RSHA était également responsable, par l’entremise de la police de sûreté et de la SD, du renvoi des personnes indésirables. Alors que l’Allemagne prenait de l’expansion après le début de la guerre, chaque bureau régional de la police de sûreté et de la SD situé dans un territoire occupé était dirigé par un Befehlshaber des Sicherheitspolizei und SD, ou BdS, un commandant de la police de sûreté et de la SD. Comme il a été mentionné, le Dr Wilhelm Harster est devenu le BdS pour l’Italie en 1943, son quartier général étant situé à Vérone. Les commandants sous‑régionaux étaient appelés Kommandeur des Sicherheitspolizei und SD, ou KdS. Les officiers supérieurs de la police de sûreté et de la SD étaient placés sous leurs ordres.

 

[28]      Himmler a également nommé des représentants personnels dans les différentes régions. Ces représentants étaient appelés Höhere SS‑und Polizeiführer, ou chefs supérieurs des SS et de la police. Comme il a été indiqué précédemment, le général SS Karl Wolff est devenu le représentant d’Himmler en Italie en 1943. Il avait sous ses ordres les chefs des SS et de la police et, à l’échelon plus bas, les commandants de district.

 

[29]      Ces structures hiérarchiques parallèles des chefs des SS et de la police, d’une part, et de la police de sûreté et de la SD, d’autre part, se croisaient à un certain niveau. Par exemple, le KdS faisait partie du personnel du chef des SS et de la police et le BdS rendait compte au chef supérieur des SS et de la police.

 

[30]      Dans les zones occupées, une équipe spéciale de la police de sûreté et de la SD, appelée einsatzgruppe, suivait les arrières de l’armée pour trouver et arrêter les ennemis politiques. Chaque einsatzgruppe était divisée en différents einsatzkommandos. Lorsqu’une région était stabilisée, une einsatzgruppe pouvait être transformée en un BdS et un einsatzkommando, en un KdS. Nous verrons plus loin que c’est ce qui s’est passé en Ukraine.

 

2. L’organisation des SS et de la SD en Italie[18]

 

[31]      En sa qualité de Befehlshaber des Sicherheitspolizei und SD, ou BdS, le Dr Wilhelm Harster était chargé notamment du traitement des Juifs, des étrangers, des armes et des couvre‑feux[19]. Il était plus particulièrement responsable du camp policier de transit de prisonniers de Fossoli[20]. Il a nommé Karl Titho, son ancien chauffeur, commandant du camp de Fossoli et, par la suite, du camp de Bolzano. Le Dr Harster avait également la charge de différents bureaux secondaires de la police de sûreté et de la SD, notamment le KdS régional situé à Bolzano.

[32]      La police de sûreté et la SD étaient chargées d’emprisonner les ennemis de l’État dans le cadre d’un régime de schutzhaft, ou détention de protection. Certains de ces prisonniers étaient transférés dans des camps de concentration. Il y avait dans chacun de ces camps un agent de la police de sûreté et de la SD chargé de tenir les dossiers relatifs aux prisonniers amenés au camp.

 

[33]      Les camps policiers de transit, comme ceux de Fossoli et de Bolzano, étaient différents des camps de concentration et, dans les faits, faisaient partie d’une structure de commandement séparée. Ces camps relevaient des bureaux locaux de la police de sûreté et de la SD. Ils servaient à deux choses : héberger les prisonniers susceptibles d’être envoyés dans un camp de concentration et garder les prisonniers qui ne pouvaient pas être détenus dans les autres types de prisons – installations de la Gestapo, camps de travail ou d’éducation ou prisons de la SD. Certains prisonniers étaient placés en détention de protection pendant la durée d’une enquête ou jusqu’à ce qu’on décide s’ils devaient être transférés dans un camp de concentration.

 

3. L’invasion de l’Ukraine par les forces allemandes

 

[34]      Les forces allemandes sont entrées en Ukraine, qui faisait alors partie de l’Union soviétique, en 1941. À Nikolayev, où M. Seifert vivait à l’époque, une einsatzgruppe a administré la région jusqu’en 1943, alors qu’un KdS a été établi. L’einsatzgruppe s’est ensuite installée plus à l’est. Lorsqu’elle a envahi l’Union soviétique, l’einsatzgruppe a reçu l’ordre d’exécuter les dirigeants du parti communiste, de tous les niveaux, ainsi que d’autres [traduction] « éléments radicaux »[21]. Des bureaux locaux, ou Aussendienststellen der Sicherheitspolizei und des SD, relevant du KdS ont été établis. Le KdS de Nikolayev était chargé des prisons policières administrées par la police de sûreté et la SD. De plus, un chef des SS et de la police a été désigné pour Nikolayev.

 

[35]      Nikolayev a été reprise par l’armée soviétique en mars 1944. Les forces allemandes ont ordonné que les résidents d’origine ethnique allemande soient évacués avant l’arrivée de l’armée soviétique. Les parents de M. Seifert faisaient partie de ces personnes.

 

IX.                   Les premières années de M. Seifert en Ukraine

[36]      M. Seifert est né à Landau, en Ukraine, en 1924. Son père était un employé des postes. Sa mère restait à la maison et s’occupait, avec les autres membres de la famille, des quelques animaux que celle‑ci possédait : un cochon, une vache et deux chevaux. Les parents de M. Seifert étaient d’ascendance allemande et toute la famille parlait allemand à la maison.

 

[37]      En 1933, alors que M. Seifert était âgé de neuf ans, son père a perdu son emploi parce qu’il était soupçonné d’être un partisan d’Hitler. La famille a dû quitter Landau. M. Seifert n’avait fréquenté l’école que durant deux ans et demi à ce moment‑là.

 

[38]      La famille de M. Seifert est d’abord allée vivre chez une tante en Crimée. Plusieurs mois plus tard, elle a déménagé à Dzhankoy et M. Seifert est retourné à l’école pendant un an ou deux. La famille est restée à cet endroit jusqu’en 1939, alors qu’elle est retournée en Ukraine. Après avoir travaillé quelque temps dans les champs près de Shoenfeld, à environ 25 kilomètres de Landau, elle a déménagé à Nikolayev pour trouver du travail. M. Seifert a trouvé un emploi dans une usine d’outillage. Il a dit que tous vivaient dans la crainte à cette époque. Ils craignaient continuellement d’être envoyés en Sibérie s’ils disaient ou faisaient quelque chose que les autorités soviétiques jugeaient offensant. Les personnes d’origine ethnique allemande se sentaient particulièrement vulnérables.

X.                   M. Seifert se joint aux forces allemandes

 

[39]      Comme il a été expliqué précédemment, lorsque les forces allemandes envahissaient un nouveau territoire, l’Ukraine par exemple, elle mettait en place une structure administrative locale ainsi qu’un bureau de la police de sûreté et de la SD. Elle embauchait aussi parfois du personnel auxiliaire local. L’einsatzgruppe qui est entrée en Ukraine en 1941 avait le pouvoir d’engager sur place des renforts qui étaient acceptables sur le plan racial et sur le plan politique. Le KdS disposait aussi de ce pouvoir une fois qu’il était établi. Dans un endroit comme l’Ukraine, les forces allemandes étaient spécifiquement à la recherche de personnes d’origine ethnique allemande qui étaient loyales à l’Allemagne et qui possédaient des compétences linguistiques utiles. Elles recherchaient aussi parfois des personnes dont un membre de la famille avait été déporté. Au début des années 1940, les autorités soviétiques avaient déporté un grand nombre de personnes d’origine ethnique allemande parce qu’elles craignaient que celles‑ci se joignent aux forces allemandes et combattent l’Union soviétique. M. Seifert correspondait parfaitement à cette description. Il venait d’une famille allemande pure sur le plan ethnique, il parlait allemand et ukrainien et son frère, Johann, avait été conscrit par l’Union soviétique en 1941.

 

[40]      Lorsque la guerre avait éclaté, M. Seifert avait échappé à la conscription dans l’armée soviétique en demeurant à la maison au lieu d’aller travailler. D’autres travailleurs qui s’étaient présentés à l’usine d’outillage pour recevoir leur chèque de paye ont été envoyés pour creuser des tranchées.

 

[41]      M. Seifert a dit que la population de Nikolayev avait été excitée d’apprendre que les forces allemandes avançaient vers elle. Il était au chômage à l’époque et il est resté plusieurs mois sans emploi après l’arrivée de l’armée allemande à l’été 1941. Son père a toutefois trouvé un emploi au bureau de poste du poste de campagne allemand local.

 

[42]      M. Seifert a dit que, pendant que les Allemands occupaient leur pays, les Ukrainiens s’inquiétaient du retour des forces soviétiques. Il croyait que, si les forces soviétiques étaient revenues, elles auraient attaqué à la fois les Allemands et les Ukrainiens. Il croyait comprendre que cela s’était produit dans d’autres régions occupées par les Allemands.

 

[43]      M. Seifert s’est lancé à la recherche d’un emploi à l’hiver 1942. Après avoir fait une demande auprès d’une personne portant un uniforme de la marine allemande, il a obtenu un emploi de gardien de sécurité au chantier 61, à Nikolayev. À l’occasion, il agissait comme interprète sur le chantier. Lorsque celui‑ci a été fermé en 1943, M. Seifert s’est de nouveau retrouvé sans emploi. La fiche de licenciement qui lui a été remise indiquait qu’il devait se présenter à la SD. Il ignorait à l’époque ce qu’était la SD. Lorsqu’il s’est présenté, on lui a remis un pistolet et on lui a dit de garder un sanatorium où se trouvaient trois cellules. Il a appris que la SD interrogeait des prisonniers politiques à l’intérieur et que certains de ces prisonniers étaient battus afin qu’ils fournissent des renseignements.

 

[44]      Un uniforme – d’abord brun et noir et, ensuite, gris campagne – et un petit pistolet Walther ont été remis à M. Seifert. Au cours de son témoignage, il ne se rappelait pas avoir prêté serment à Hitler, mais dans l’affidavit qu’il a signé précédemment[22] et dans son témoignage à l’audience en matière d’extradition[23], il a dit que d’autres recrues et lui‑même avaient prêté serment [traduction] « au führer, au peuple et à la patrie ». Il a dit qu’il avait reçu une brève formation, au cours de laquelle on lui avait simplement montré comment charger son arme et où monter la garde. On lui a aussi remis une carte d’identité indiquant qu’il faisait partie de la SD, mais il ne savait toujours pas ce qu’était cette organisation. Son supérieur portait un uniforme de la SD.

 

[45]      M. Seifert a travaillé comme gardien jusqu’au printemps 1944, lorsque les forces soviétiques sont revenues. Il était seul à l’époque, ses parents étant partis s’installer en Allemagne en février 1944.

 

[46]      Le Dr Peter Black a expliqué que le processus rigoureux qu’une personne devait suivre pour devenir membre des SS, puis de la SD, ne s’appliquait pas au personnel auxiliaire. Les auxiliaires ne faisaient pas partie des SS; ils étaient simplement des employés de la police de sûreté et de la SD. En fait, ils ne pouvaient même pas devenir membres des SS ou de la SD s’ils n’étaient pas citoyens allemands. Le processus de sélection était moins formel dans leur cas, mais il comportait toujours la vérification de l’ascendance et de l’appartenance politique. Les auxiliaires exécutaient différentes tâches courantes – traduction, garde, etc. Ils auraient figuré sur la liste de paye du KdS à Nikolayev. La personne ordinaire employée comme auxiliaire par la SD ne savait probablement pas où elle se situait dans la structure organisationnelle ou dans le mandat des SS, de la police de sûreté ou de la SD elle‑même.

 

[47]      M. Peter Makelke, qui, comme M. Seifert, a été gardien aux camps de Fossoli et de Bolzano, se considérait comme un policier auxiliaire. Il faisait partie de la SD, portait un uniforme de la SD et relevait d’officiers de la SD, mais il n’en était pas membre.

 

[48]      Je souligne que, lorsque les parents de M. Seifert ont demandé la citoyenneté allemande à l’EWZ de Kallies en mars 1944, ils ont déclaré que leur fils Michael était [traduction] « actuellement au poste de campagne 42819 de la SD »[24]. Me fondant sur ces éléments de preuve, je suis convaincu que M. Seifert était un auxiliaire de la SD, mais non un membre à part entière de cette organisation.

XI.                   De l’Ukraine à Vérone

[49]      M. Seifert a quitté Nikolayev en avril 1944. Un officier de la SD appelé Zites (qu’il a ensuite revu à Vancouver dans les années 1960) lui avait remis une autorisation lui permettant de rendre visite à ses parents à Kallies, en Allemagne. Il avait hâte de quitter l’Ukraine parce qu’il savait que les troupes soviétiques approchaient. Il s’est rendu à Odessa avec un officier SS, un interprète, plusieurs prisonniers et quelques bœufs. À Odessa, il a pris un train pour l’Allemagne. Pendant le voyage, il a vu les réservoirs de mazout qui avaient été bombardés par les Alliés à Ploiesti, en Roumanie. Le train a fait un arrêt à Przemysl, où les soldats ont été épouillés, avant de poursuivre sa route jusqu’à Berlin et, ensuite, jusqu’à Kallies. M. Seifert a réussi à trouver ses parents et il a passé trois semaines avec eux. Lorsqu’il a quitté Kallies pour retourner à Nikolayev, la police locale de Litzmannstadt lui a dit qu’il ne pouvait pas le faire parce que cette ville n’était plus sous le contrôle des forces allemandes. On l’a autorisé à retourner à Kallies et on lui a dit de se présenter à Vérone, en Italie, trois semaines plus tard.

 

[50]      Conformément aux ordres qu’il avait reçus, M. Seifert s’est présenté au BdS, le Dr Wilhelm Harster, chef de la police de sûreté et de la SD à Vérone. Ce dernier ne lui a d’abord confié aucune tâche particulière, mais, quelques semaines plus tard, M. Seifert a commencé à travailler comme son garde du corps personnel. À Vérone, il a fait la connaissance de M. Peter Makelke, qui était arrivé à Vérone en provenance de Kiev. Il a aussi rencontré plusieurs autres hommes avec lesquels il a ensuite travaillé comme gardien. Bon nombre de ces hommes étaient d’origine ethnique allemande et venaient de l’Union soviétique et de la Pologne.

[51]      Après avoir été garde du corps du Dr Harster pendant trois ou quatre semaines, M. Seifert a été affecté au camp de transit de Fossoli.

 

XII.                   Les événements survenus au camp de Fossoli

[52]      Avant 1944, le camp de Fossoli avait été utilisé par l’armée italienne pour y garder des prisonniers de guerre. Après que le Dr Harster en a pris la charge, on y a détenu des personnes envoyées par la police de sûreté et la SD, en majorité des Juifs et des partisans italiens. Le camp de Fossoli était placé sous le commandement direct du lieutenant SS Karl Titho, l’ancien chauffeur du Dr Harster.

 

[53]      Lorsque M. Seifert a quitté Vérone, le lieutenant Titho est allé le chercher à Carpi, qui était située tout près, et l’a conduit au camp de Fossoli. À l’époque, il n’y avait qu’une poignée de gardiens allemands au camp, ce dernier se trouvant toujours sous le contrôle des autorités italiennes. Les Italiens ont toutefois quitté les lieux quelques semaines plus tard.

 

[54]      Pendant que M. Seifert était à Fossoli, 67 partisans italiens ont été exécutés en représailles au meurtre de sept marins allemands survenu à Gênes[25]. M. Seifert et d’autres gardiens ont été chargés de creuser une fosse pour y mettre les corps. M. Seifert a entendu un autre gardien, appelé Gutweniger, lire la sentence de mort, mais il dit qu’il n’était pas présent lorsque les exécutions ont eu lieu. Il était chargé d’intercepter tout prisonnier qui tenterait de s’enfuir par la rue voisine, mais ceux qui pouvaient s’échapper traversaient plutôt le verger de pommiers voisin, de sorte qu’il n’a vu personne. Il a quand même tiré des coups de feu en direction de la rue comme on le lui avait ordonné. Après les exécutions, il a vu des gardiens traîner les corps dans la fosse. M. Seifert a dit que, à part ces exécutions, les seuls mauvais traitements dont il avait été témoin à Fossoli avaient été infligés par le sergent Hans Haage, lequel avait versé un seau d’eau sur trois prisonnières.

 

[55]      M. Peter Makelke était originaire d’Ukraine, comme M. Seifert. En fait, il venait de Rastadt, une ville située près de Landau, la ville natale de M. Seifert. Il avait quitté Rastadt pour aller travailler dans les champs de pétrole de Ploiesti, où il était chargé de faire des réparations rendues nécessaires par la campagne de bombardement des Alliés. Il est ensuite allé à Cracovie, en Pologne. Dans ce pays, on lui a donné l’ordre de se rendre à Vérone. Après s’être présenté au BdS de Vérone et avoir effectué du travail de bureau durant quelques jours, il a été envoyé au camp de Fossoli, où il a travaillé avec M. Seifert en mai 1944. Comme au camp de Fossoli, M. Makelke était responsable des armes légères au camp de Bolzano. Il dit qu’il ne se rappelle pas l’exécution des prisonniers italiens au camp de Fossoli.

 

[56]      Peu de temps après ces exécutions, le camp de Fossoli a été fermé parce que les Forces alliées approchaient. Les gardiens et les prisonniers ont été déplacés au camp de Bolzano. Jusqu’à 2000 prisonniers ont ainsi été transférés de Fossoli à Bolzano en août 1944[26].

[57]      M. Seifert a déclaré dans son témoignage qu’il avait voyagé en camion de Fossoli à Bolzano. À un certain moment, un avion a tiré sur le camion et celui‑ci est tombé dans le fossé. Une boîte de munitions est tombée sur sa cheville droite et l’a fracturée.

XIII.                   Les conditions existant au camp de Bolzano

1.         Le plan général

 

[58]      M. Luca Pedrotti, un photographe professionnel, a identifié certaines photos du camp de Bolzano que son père, Enrico Pedrotti, qui est maintenant décédé, avait prises après la guerre. M. Pedrotti a mentionné que son père avait été détenu dans le camp pendant environ cinq mois vers la fin de la guerre. Il a visité le camp avec son père à au moins trois occasions. Son père, qui était aussi photographe, a pris plusieurs photos lors de l’une de ces visites. Le camp ayant été démoli depuis, nous ne disposons que de ces photos pour nous en faire une idée.

 

[59]      Les photos montrent divers bâtiments en bois avec des toits de métal peints et des aires communes ouvertes entre eux. Je suis convaincu que ces photos donnent une image fidèle du camp tel qu’il était quelques années après la guerre. Des changements avaient été apportés. Certains des bâtiments étaient utilisés à d’autres fins – il y avait, par exemple, un atelier d’entretien de véhicules automobiles et un camp d’été pour enfants – mais, globalement, le camp était essentiellement identique à ce qu’il était pendant la guerre, comme l’ont confirmé différents témoins, même si certains d’entre eux avaient de meilleurs souvenirs que d’autres.

 

[60]      Le camp était situé dans une région de Bolzano appelée Don Bosco. Lorsqu’il était un jeune garçon, M. Enio Marcelli jouait dans le camp pendant les vacances d’été. Il a expliqué que, en raison d’une pénurie de logements après la guerre, des familles s’étaient installées dans les baraques du camp. Il a convenu que les photos présentées par M. Pedrotti présentaient fidèlement le camp. M. Marcelli consacrait ses loisirs à retracer l’histoire de Don Bosco, y compris le camp de Bolzano. À l’aide d’un ordinateur, il a dessiné le plan du camp en s’inspirant d’un dessin original fait à la main qu’il a trouvé dans un musée de Trente. Le dessin de M. Marcelli a été déposé comme pièce dans la présente instance, mais seulement après que le nom de bâtiments et d’endroits particuliers a été supprimé[27]. On pouvait ainsi montrer le dessin aux témoins et leur demander s’ils se rappelaient la désignation de chacun.

 

[61]           Le camp de Bolzano était placé sous le même commandement que le camp de Fossoli. Le commandant était le lieutenant SS Karl Titho. Son adjoint, le sergent Hans Haage, était aussi le chef de la Schutzhaftlager, l’unité de détention de protection. Même s’il était principalement un camp de transit, le camp de Bolzano était aussi utilisé comme prison policière; des prisonniers y étaient hébergés et interrogés sur les ordres du BdS de Vérone ou du KdS de Bolzano[28].

 

2. Les souvenirs du camp conservés par les prisonniers

(i)      Mme Theresa Scala

 

[62]      Mme Theresa Scala a été arrêtée en 1944, en même temps que son cousin, Luigi Scala, en raison de leur participation à des activités anti‑fascistes. M. Scala a été envoyé dans un camp à Mauthausen, alors que Mme Scala a été emprisonnée à Turin. Elle a été libérée un mois plus tard, à la condition de se présenter chaque jour aux SS. Elle a été arrêtée à nouveau en juillet 1944, en même temps que son frère. Ce dernier a été envoyé à Buchenwald. Mme Scala s’est échappée quelques semaines plus tard, mais elle a été reprise et renvoyée dans la prison SS seulement cinq jours après. En novembre 1944, elle a été conduite au camp de Bolzano, où elle est restée jusqu’en avril 1945.

 

[63]      Mme Scala a dit qu’on lui a retiré ses vêtements quand elle est arrivée au camp et qu’on lui a dit d’enfiler un pantalon et un haut qui étaient essentiellement des guenilles. Son numéro de prisonnière et une pièce de tissu indiquant qu’elle était une prisonnière politique étaient fixés à son « uniforme ». Elle habitait dans le pavillon réservé aux femmes. Il y avait une zone clôturée à l’extérieur des baraques des femmes. À côté de son pavillon se trouvaient les baraques réservées aux prisonniers dangereux, à l’extérieur desquelles il y avait aussi une zone clôturée.

 

[64]           Un grand nombre de prisonnières étaient autorisées à travailler à l’extérieur du camp, mais pas Mme Scala. Celle‑ci a décrit sa journée type de la manière suivante. Après s’être fait réveiller à 5 h, elle se rendait à l’extérieur pour l’appel. Les prisonnières se mettaient alors en rangs pour être comptées. On leur servait un ersatz de café, du pain sec et un bouillon léger pour le petit déjeuner. Le même repas leur était servi le soir, après le deuxième appel. Pendant la journée, elles devaient rester à l’extérieur, peu importe le temps qu’il faisait.

 

[65]           L’intérieur du pavillon des femmes consistait en des rangées de lits superposés, couverts d’une paillasse mince. Certaines femmes se servaient de guenilles comme couvertures, mais il n’y avait ni drap ni oreiller. Quelques centaines de femmes logeaient dans les baraques. La seule source de chaleur était un poêle en forme de tonneau alimenté par des copeaux de bois, qui n’était pas très efficace. Il n’y avait ni eau ni toilette. Il y avait, entre le plafond et le mur intérieur, un espace qui permettait de communiquer avec les hommes emprisonnés dans le pavillon voisin.

 

[66]           Selon Mme Scala, les gardiens du camp portaient des uniformes militaires qui étaient différents de l’uniforme habituel des SS.

 

[67]           Mme Scala a passé quelque temps dans les cellules d’isolement du camp après avoir été accusée à tort d’avoir fourni des outils à des codétenus afin qu’ils puissent ouvrir les wagons les transportant à Mauthausen ou à Flossenburg. Son séjour dans le bloc cellulaire est décrit plus loin.

(ii)    M. Mario Vecchia

 

[68]           M. Mario Vecchia a aussi été emprisonné au camp de Bolzano. Il faisait partie d’une unité de partisans dans la région de Monferrato, dans le Nord de l’Italie. Il a été arrêté en novembre 1944 et conduit à Bolzano par autobus. Il a vécu dans le camp jusqu’à la fin d’avril 1945. Il a dit qu’on lui a pris ses vêtements et qu’on lui a remis en échange un paquet de vêtements et de sous‑vêtements ainsi qu’une paire de sabots. Il y avait sur ses vêtements un badge rouge portant un numéro d’identification. Les prisonniers portaient des badges de différentes couleurs – par exemple jaune pour les Juifs et bleu pour les otages. On lui a rasé la tête de façon à laisser une bande blanche au milieu de son crâne.

 

[69]           Chaque baraque du camp était désignée par une lettre : A, B, C, D, et ainsi de suite. M. Vecchia habitait dans le pavillon G. Le jour, il travaillait dans la cour et participait à la construction des fondations des différents ateliers situés à l’extérieur du camp : l’atelier de menuiserie, de cordonnerie, de mécanique, de couture, etc. Il faisait aussi partie d’une des unités de travail chargées de réparer les dommages causés par le bombardement de la voie ferrée située à proximité. Il travaillait parfois dans l’atelier de menuiserie, où il fabriquait des cadres de fenêtre et des cercueils de fortune. À une occasion, il a aidé à transporter du sable d’un ruisseau jusqu’à un château situé à l’extérieur de Bolzano. Il avait le choix de travailler ou non. Il préférait travailler parce qu’il pouvait ainsi sortir du camp. Il n’était pas rémunéré, mais il recevait un morceau additionnel de pain pour son travail. Les travailleurs étaient toujours surveillés par des gardiens et ils étaient battus s’ils arrêtaient de travailler.

 

[70]           M. Vecchia a dit que ses repas étaient composés d’une louche de bouillon et d’un demi‑morceau de pain. Tous les prisonniers souffraient de la faim. Certains d’entre eux tentaient parfois de voler des épluchures de pommes de terre dans les ordures des Allemands. L’aménagement du pavillon G était très semblable à celui des femmes : lits superposés, une seule couverture, un petit poêle, pas d’eau, pas de toilette. Trois cents prisonniers étaient logés dans ce bâtiment.

 

[71]           Chaque journée commençait par un appel à 5 h. M. Vecchia a dit que les gardiens essayaient de frapper les prisonniers avec des fouets ou des bâtons lorsqu’ils sortaient du pavillon et qu’ils leur lançaient des insultes. Les prisonniers se mettaient ensuite en rangs pour être comptés. Cet exercice pouvait prendre des heures s’il s’avérait qu’un prisonnier manquait à l’appel. Le sergent Haage lisait à haute voix le nom des prisonniers qui devaient être transportés en Allemagne. Les prisonniers prenaient ensuite leur petit déjeuner dans leur baraque avant d’aller travailler. Ils revenaient à l’heure du déjeuner. Ils travaillaient jusqu’à 17 h, après quoi il y avait un autre appel. Ils prenaient leur dîner, puis étaient enfermés dans leur baraque. Cette routine se répétait tous les jours, sauf le dimanche. Ce jour‑là, les prisonniers ne travaillaient pas et avaient droit à une heure de temps libre dans la cour.

 

[72]           M. Vecchia avait un souvenir très précis de la disposition du camp. Même si sa vue s’affaiblissait, il a pu identifier pratiquement tous les bâtiments et les aires ouvertes du camp, de même que les différents bâtiments figurant sur les photos de M. Pedrotti.

 

(iii)    Mme Luciana Menici

 

[73]           Mme Luciana Menici a été arrêtée en octobre 1944. Elle passait des messages entre des groupes de partisans vivant dans les montagnes et leurs contacts à Milan. Elle a été emprisonnée à Edolo jusqu’au début de novembre et conduite ensuite au camp de Bolzano, où elle est arrivée en soirée. Le lendemain matin, on lui a remis un uniforme constitué d’un pull grisâtre, d’un pantalon, de sabots et d’une veste avec une croix blanche au dos. Il y avait, sur son uniforme, un badge portant son numéro de prisonnière, 5929, ainsi qu’un triangle en tissu. Ces triangles désignaient chaque catégorie de prisonniers : jaune pour les Juifs, rouge pour les prisonniers politiques, rose pour les otages et bleu pour les étrangers. Mme Menici a conservé ses propres vêtements sous son oreiller. Elle est demeurée dans le camp jusqu’à son transfert à Merano, en février 1945.

 

[74]           Comme Mme Scala, Mme Menici logeait dans le pavillon des femmes. Sa description de l’intérieur et de l’extérieur des baraques ressemble à celle faite par Mme Scala. Elle a toutefois dit qu’il y avait de l’eau potable dans le pavillon des femmes, ainsi que des toilettes rudimentaires. Mme Menici se souvenait aussi très clairement de la disposition du camp et elle a pu identifier les différents bâtiments et aires communes.

 

[75]           Mme Menici a dit que deux gardiens ukrainiens portaient l’uniforme gris‑vert des SS. Elle ne se rappelait pas s’il y avait sur leur uniforme l’insigne des éclairs foudroyants des SS. L’uniforme des autres gardiens, les gardiens de la police, était différent. Ces gardiens portaient parfois des casquettes sur lesquelles figurait un aigle. Mme Menici a dit que seuls les officiers supérieurs, non les gardiens, avaient des fouets – de petites cravaches, en fait.

 

[76]           Mme Menici a affirmé qu’elle n’a jamais été emprisonnée dans les cellules ou maltraitée pendant sa détention dans ce camp.

 

[77]           Mme Menici a mentionné que ses journées commençaient à 6 h. Les prisonniers se lavaient sous un robinet et avaient ensuite droit à un petit déjeuner composé de café faible et de pain noir. Ils étaient ensuite rassemblés pour l’appel, après quoi certaines des femmes allaient travailler, soit à l’intérieur du camp, à la buanderie ou à l’atelier de vêtements, soit à l’extérieur. Mme Menici travaillait habituellement à l’extérieur du camp, où elle organisait le matériel et les outils. Elle a dit que des prisonniers étaient parfois en mesure de fournir des outils à ceux qui étaient envoyés à Mauthausen ou à Dachau (comme il a été mentionné, Mme Scala a été emprisonnée dans le bloc cellulaire parce qu’elle était soupçonnée de l’avoir fait). Ceux‑ci pouvaient s’en servir pour forcer le plancher des wagons et pour s’échapper. Mme Menici a également cousu des boutons et réparé des tentes à un autre endroit à l’extérieur du camp; elle a aussi travaillé à l’hôpital militaire. À l’heure du déjeuner, on lui servait un bouillon et un autre morceau de pain. Un repas semblable était servi à la fin de sa journée de travail, vers 17 h. Un autre appel était fait dans la soirée.

3. Les souvenirs du camp conservés par les gardiens

 

(i) M. Peter Makelke

 

[78]           M. Makelke a confirmé que les prisonniers portaient des badges indiquant leur catégorie – rouge pour les prisonniers politiques, jaune pour les Juifs, blanc pour les homosexuels. Ils étaient habillés en civil. Ils avaient droit à de la soupe et à du pain deux fois par jour. Des prisonniers étaient parfois amenés à l’extérieur du camp pour faire des réparations ou du nettoyage après un bombardement. Ils n’étaient pas obligés de le faire. Les prisonniers pouvaient accepter de la nourriture et des cadeaux de la population locale et de membres de leur famille. M. Makelke inspectait les paquets avant qu’ils soient remis aux prisonniers. Il y avait un poste d’eau courante où les prisonniers pouvaient se laver.

 

[79]           Les gardiens portaient des bottes, mais pas de gants. Ils portaient aussi une casquette sur laquelle il y avait un insigne montrant un aigle et une tête de mort. Un seul gardien portait un bâton (un Autrichien appelé Lanz), mais aucun n’avait de fouet. Selon la règle générale, les gardiens ne devaient pas toucher les prisonniers, mais cette règle n’était pas appliquée rigoureusement. Il n’a cependant jamais vu de prisonnier être maltraité. Le lieutenant Titho ordonnait fermement aux gardiens de bien se conduire.

 

[80]           M. Makelke a été promu sergent pendant qu’il était au camp de Bolzano. Son rôle consistait à affecter les gardiens aux différents postes. Par exemple, il y avait des gardiens dans chacune des quatre tours entourant le camp pendant la nuit, alors que ces gardiens étaient postés au sol et à la grille d’entrée pendant le jour.

 

[81]           M. Makelke a dit que la discipline s’était quelque peu assouplie dans le camp au printemps 1945, parce que tous se rendaient compte que la guerre était presque terminée. Les prisonniers ont commencé à recevoir plus de nourriture et ont graduellement été libérés. M. Makelke a lui‑même conduit des prisonniers à l’extérieur du camp dans un camion. Lorsque la guerre a pris fin, il a décidé de rester dans la région de Bolzano. Il a alors simplement remis ses vêtements civils et marché dans les montagnes environnantes. Il a dit que d’autres gardiens avaient dû prendre la fuite parce qu’ils craignaient que d’anciens prisonniers ne s’en prennent à eux. Il n’a jamais entendu parler d’allégation défavorable concernant sa conduite dans le camp. Il est demeuré dans la région de Bolzano pendant près de cinq ans avant de rejoindre un cousin en Allemagne.

 

(ii) M. Michael Seifert

 

[82]           M. Seifert a dit qu’à son arrivée à Bolzano, le médecin du camp avait mis dans le plâtre la cheville qu’il s’était blessé pendant le voyage entre Fossoli et Bolzano. Il a été confiné à ses quartiers jusqu’à ce que sa cheville soit guérie. Comme celle‑ci n’était toujours pas guérie quatre semaines plus tard, il a été envoyé à l’hôpital à Merano, où il a passé trois semaines. Il dit que sa cheville l’ennuie encore (bien que, selon le dossier du médecin, une radiographie prise en 1979 n’ait révélé aucune anomalie touchant les os ou les muscles de son pied droit)[29]. M. Makelke se rappelait que M. Seifert s’était blessé à la cheville, mais il ne se souvenait pas l’avoir vu avec un plâtre.

 

[83]           M. Seifert a dit qu’il n’avait commencé à travailler comme gardien qu’à son retour de Merano en novembre 1944. Ses fonctions consistaient principalement à patrouiller à l’intérieur du camp. Il était parfois affecté à la grille principale. Il lui arrivait aussi d’ouvrir les portes des baraques pour laisser sortir les prisonniers pour la journée. À une occasion, il avait supervisé des travailleurs qui avaient été envoyés pour réparer des machines d’une usine de fabrication de roulements à billes. Il n’a pas travaillé durant plus de deux mois avant d’être lui‑même incarcéré dans le bloc cellulaire. Il détenait simplement le grade de SS‑mann, mais il a été promu gefreiter ou sturmman, l’équivalent d’un caporal, en 1944.

 

[84]           M. Seifert ne se rappelait pas qu’il y avait des zones clôturées à l’intérieur du camp. Il a dit que les prisonniers étaient libres d’aller où ils voulaient dans le camp pendant le jour. Ils portaient des vêtements civils – même des montres – sur lesquels étaient cependant attachées des pièces de tissu indiquant la catégorie à laquelle ils appartenaient : prisonniers politiques, Juifs, etc. Ils n’avaient pas la tête rasée et, même s’ils n’étaient pas obligés de travailler, un grand nombre d’entre eux le faisaient parce qu’ils voulaient sortir du camp.

 

[85]           M. Seifert a dit que les prisonniers étaient autorisés à échanger leur argent contre un genre de devise qui était utilisée dans le camp. Ils pouvaient acheter des choses comme des timbres, du chocolat ou des boissons rafraîchissantes.

 

[86]           M. Seifert a dit qu’il parlait rarement aux prisonniers, à l’exception de ceux qui parlaient allemand. Par exemple, le chef du pavillon réservé aux prisonniers communistes venait de Hambourg.

 

[87]           M. Seifert soutient qu’il n’a jamais vu aucun prisonnier se faire battre ou agresser. En particulier, il n’a jamais vu le lieutenant Titho traiter rudement un prisonnier. Au contraire, le lieutenant Titho était toujours amical avec eux. M. Seifert dit qu’il n’a été témoin d’aucune exécution et qu’il n’a jamais vu de mort dans le camp.

 

[88]           M. Seifert se souvenait de plusieurs autres gardiens du camp : Otto Sein, qui venait d’Estonie; Wilhelm Aplas, de Kiev; Peter Makelke, de Rastadt; Artur Bartz; Albert Mayer; Konstantine Mayer; Eugen Hapvoff, de Russie; Filipp Lanz et Mittermaier, du Tyrol du Sud; Gottfried Pescosta et Karl Gutweniger.

 

[89]           M. Seifert a dit que les gardiens étaient appelés par leur nom de famille ou par leur grade, jamais par leur prénom ou par un surnom. Lui‑même était appelé Sturmman Seifert. Il ne connaissait aucun surnom donné aux gardiens par les prisonniers.

 

[90]           M. Seifert a mentionné qu’une photo sur laquelle on peut le voir vêtu d’un uniforme portant les éclairs foudroyants des SS sur le col[30] avait été prise lorsqu’il avait été promu gefreiter à l’automne 1944. C’est le sergent Haage qui avait eu l’idée de lui faire porter l’uniforme des SS. Haage lui‑même portait l’uniforme des SS (mais Titho portait un uniforme de la SD). Le fait que M. Seifert n’avait pas le droit de porter cet uniforme ne semblait pas déranger le lieutenant Titho. L’uniforme qu’il portait auparavant était gris campagne et il y avait peut‑être un insigne de la SD sur lui, il n’en était pas certain (il était certain cependant que cet insigne ne figurait pas sur l’uniforme qu’il portait à Nikolayev). Il portait toujours une casquette parce que cela était obligatoire dans les forces allemandes. Il avait une mitrailleuse Beretta, mais il ne l’a jamais utilisée ni même pointée en direction de quelqu’un. Il ne portait jamais de gants ni de fouet.

 

XIV.                        Le transport des camps de Fossoli et de Bolzano vers les autres camps

[91]           Comme il a été mentionné précédemment, les camps de Fossoli et de Bolzano étaient des camps policiers de transit. L’un des documents présentés à la Cour indiquait que le lieutenant Titho avait transféré 63 Juifs de Bolzano à Flossenbürg sur les ordres du RSHA en décembre 1944 et que ces derniers étaient arrivés à destination[31]. Un autre document révélait que 59 Juifs italiens étaient arrivés à Auschwitz en provenance de Bolzano en octobre 1944[32].

[92]           M. Seifert a dit qu’il savait que des prisonniers étaient transportés en Allemagne, mais qu’il n’avait jamais été directement mêlé à ce processus.

XV.                        Le traitement réservé aux personnes qui s’échappaient du camp de Bolzano

 

[93]           M. Vecchia a déclaré que le sergent Haage avait dit clairement aux prisonniers que ceux qui s’échapperaient seraient capturés et tués. Il se souvenait qu’une annonce à cet effet avait été faite lors d’un appel du matin, lorsqu’un prisonnier qui s’était évadé avait été tiré par les pieds à travers le camp. Il a mentionné que les prisonniers qui s’évadaient pouvaient être facilement identifiés à l’extérieur du camp à cause de leur uniforme et de leur tête rasée. Il a dit aussi dans son témoignage que les prisonniers devaient rester à l’extérieur pendant les raids aériens parce que les autorités allemandes craignaient qu’ils s’enfuient si le camp était bombardé.

 

[94]           M. Vecchia a mentionné qu’à la fin de décembre 1944 il a vu trois hommes attachés à la clôture à l’extérieur du pavillon où étaient détenus les prisonniers dangereux, lequel était situé à côté de celui des femmes. Il les a vus la première fois au moment de l’appel du matin, mais il a eu l’impression qu’ils avaient probablement passé la nuit à cet endroit parce que leurs mains avaient déjà bleui. Ils étaient toujours là le lendemain matin. Le premier matin, il pensait qu’ils étaient vivants, mais il était sûr qu’ils étaient morts le lendemain. Selon la rumeur qui circulait dans le camp, les hommes avaient été capturés alors qu’ils essayaient de s’échapper par un tunnel. Au cours de son contre‑interrogatoire, M. Vecchia a mentionné pour la première fois qu’il avait vu le gardien appelé « Sette » fouetter l’un des hommes. Dans une déclaration antérieure, il avait dit qu’il avait aperçu sept ou huit hommes attachés à la clôture, et non pas trois.

 

[95]           Dans un article paru dans une publication, une personne qui prétendait avoir participé à la construction du tunnel déclarait que, lorsque les participants étaient capturés, ils étaient renvoyés au camp de Bolzano et enfermés dans une cellule. Cette personne n’a pas fait état du traitement décrit par M. Vecchia. Un autre participant a dit que l’existence du tunnel avait été révélée par d’autres prisonniers et que ceux qui disaient avoir pris part à l’opération étaient battus. Il n’a pas parlé de morts[33]. M. Vecchia n’a pas pu expliquer les contradictions.

 

[96]           Mme Menici n’avait aucun souvenir de l’incident décrit par M. Vecchia. Elle a reconnu qu’il aurait été impossible de le manquer.

 

[97]           M. Vecchia a dit que, un peu plus tard, en février ou en mars 1945, le sergent Haage avait ordonné aux prisonniers de se rassembler dans la cour. Ils avaient alors vu les gardiens connus sous les noms de « Sette » et d’« Otto » traverser la cour jusqu’à un endroit situé derrière le bloc cellulaire en tirant un homme mort par les jambes. Une balle avait transpercé le front de l’homme. M. Vecchia l’a reconnu : il s’agissait d’une personne emprisonnée dans le même bâtiment que lui qui avait essayé de s’échapper. Il n’avait pas mentionné cet incident dans ses déclarations antérieures au sujet des événements survenus dans le camp.

[98]           Mme Menici a décrit un incident au cours duquel un garçon attaché à un poteau avait été battu à mort avec un bâton. Le lieutenant Titho avait réuni les prisonniers dans la cour un soir, tout juste avant ou après Noël 1944, et leur avait dit de bien regarder ce qui arrivait à ceux qui essayaient de s’échapper. Le garçon avait été traîné dans la cour par des gardiens et attaché à un poteau. Le gardien connu sous le nom de « Misha » l’avait frappé avec la crosse d’un fusil. Mme Menici avait reconnu ce gardien même s’il faisait noir, mais pas les autres gardiens qui participaient à l’agression. Elle ne croyait pas que le garçon ait eu une blessure par balle à la tête. Elle pensait qu’il était toujours vivant à ce moment‑là parce que, s’il était mort, il n’aurait pas été battu. Le garçon était toujours là au moment de l’appel le lendemain matin. Le sergent Haage avait profité de l’occasion pour rappeler aux prisonniers ce qui leur arriverait s’ils essayaient de s’échapper. Mme Menici a dit que cette règle était souvent répétée.

 

[99]           Mme Scala a confirmé que, selon la règle en vigueur au camp, les prisonniers qui s’échappaient étaient capturés et tués.

 

[100]       M. Makelke a décrit un incident au cours duquel un prisonnier qui avait tenté de s’échapper avait eu une altercation avec un gardien. Le prisonnier avait été abattu et son corps avait été ramené au camp et placé dans l’enclos situé à l’extérieur du pavillon des femmes.

 

[101]       À une autre occasion, il a entendu dire qu’il y avait des corps près du bloc cellulaire, mais il ne les a jamais vus. Il a reconnu qu’il était possible de sortir des corps des cellules d’isolement sans être vu par les gardiens en service. Les corps pouvaient être chargés sur un camion et emmenés sans que personne ne les voie.

 

[102]       M. Makelke se rappelait qu’un tunnel avait été découvert à un certain moment. Il était allé y jeter un coup d’œil. Il ne se souvenait pas à quel moment la découverte avait été faite, ni ce qui s’était passé par la suite. Il pensait que le tunnel avait simplement été fermé.

 

[103]       M. Seifert a dit qu’il n’avait jamais vu aucun prisonnier ayant été capturé après s’être échappé, ni aucun autre prisonnier, attaché à un poteau ou à une clôture. Il a toutefois reconnu que les gardiens avaient l’ordre de tirer sur les prisonniers qui s’enfuyaient. Les prisonniers savaient ce qui leur arriverait. M. Seifert a dit que personne n’essayait de s’échapper parce que tous savaient que la guerre était presque terminée.

 

XVI.                        Les décès survenus à Bolzano

[104]       Un rapport préparé peu de temps après la fin de la guerre, le rapport Schoster, fait état d’un certain nombre de décès survenus au camp de Bolzano[34]. Selon le rapport, des prisonniers ont été exécutés au camp de Bolzano en septembre 1944, sur les ordres du BdS de Vérone. Le rapport fait mention également de la mort de 17 prisonniers pendant la période allant du 1er janvier 1945 au 30 avril 1945. Huit de ces prisonniers sont morts dans le bloc cellulaire. Diverses causes de décès sont mentionnées. M. Seifert est mentionné dans le rapport, mais le ministre reconnaît que cela ne prouve pas qu’il est responsable du meurtre ou du mauvais traitement de prisonniers.

[105]       Des certificats de décès de la ville de Bolzano correspondent aux décès du bloc cellulaire mentionnés dans le rapport Schoster. Ces certificats n’indiquent toutefois pas la cause des décès[35].

[106]       Le lieutenant Titho a formulé des allégations contre M. Seifert dans différentes déclarations qu’il a faites après la guerre. Par exemple, il a déclaré en 1965 qu’il avait entendu dire que M. Seifert et M. Sein avaient assassiné un prisonnier italien[36]. À une autre occasion par la suite, il a dit qu’il n’en savait pas plus au sujet de ce prétendu crime et qu’il n’avait jamais vu le corps[37]. Le lieutenant Titho a nié toute connaissance directe de meurtres qui auraient été commis.

 

XVII.                        L’accusation, la poursuite et la détention de M. Seifert

[107]       M. Makelke a décrit une soirée au cours de laquelle il s’était rendu à une fête dans la ville de Bolzano avec M. Seifert et d’autres gardiens. À un moment donné, la fête est devenue un peu trop animée. M. Makelke et un gardien nommé Eugen Hapvaff ont décidé de partir. Le lendemain, une jeune femme est venue au camp pour voir le lieutenant Titho. Elle a accusé M. Seifert de viol. Ce dernier a été arrêté et emprisonné dans le bloc cellulaire avec Otto Sein. M. Makelke a dit qu’il avait assisté au procès de M. Seifert. Le procès, qui s’est déroulé dans une maison située à l’extérieur du camp, était présidé par un capitaine SS. Tous les gardiens qui n’étaient pas en service avaient reçu l’ordre d’y assister. M. Makelke a entendu la sentence prononcée contre M. Seifert : un emprisonnement de neuf ans et demi pour viol. M. Makelke a dit qu’il n’était pas interdit de fréquenter des femmes de la région. Sa petite amie et celle du lieutenant Titho venaient d’ailleurs de la région.

[108]       M. Seifert a admis que, pendant qu’il était gardien à Bolzano, il avait eu des rapports sexuels avec une Italienne, ce qui constituait une infraction militaire à l’époque. Il a dit qu’il était sorti prendre un verre à Bolzano un soir avec Otto Sein et Peter Makelke. Alors qu’ils retournaient au camp vers 2 h, une Italienne était apparue à une fenêtre d’un deuxième étage et s’était dévêtue devant leurs yeux. Elle était ensuite venue à la porte et avait conduit M. Seifert et M. Sein au sous‑sol. Après avoir eu une relation sexuelle consensuelle avec elle, M. Seifert était retourné au camp. Le lendemain matin, le sergent Haage lui avait demandé de lui remettre son arme. Il avait été arrêté, conduit au bloc cellulaire et enfermé avec M. Sein. Selon lui, cet incident était survenu en novembre 1944.

 

[109]       M. Seifert a dit qu’il était resté dans le bloc cellulaire jusqu’à l’approche de Noël 1944. Il avait alors été jugé et condamné. Le capitaine SS Guido Held avait été envoyé du tribunal des SS et de la police de Vérone pour présider le procès [38]. Ce tribunal avait compétence pour juger les membres des SS, le personnel du chef des SS et de la police, ainsi que les membres des unités de police engagées dans des opérations spéciales[39]. (Il s’agit d’une preuve supplémentaire du service de M. Seifert au sein de la SD.)

 

[110]       M. Seifert a dit que la plaignante était présente au procès, mais qu’elle n’a pas témoigné. Il a été déclaré coupable d’association avec l’ennemi et a été condamné à un emprisonnement de quatre ans et neuf mois, une peine qui devait être purgée après la guerre. M. Sein a été condamné à un emprisonnement de plus de cinq ans. M. Seifert a insisté sur le fait qu’il avait été déclaré coupable seulement de l’infraction militaire d’association avec l’ennemi et non de viol. M. Makelke et le lieutenant Titho n’avaient pas le même problème que M. Seifert, car leurs petites amies étaient d’origine ethnique allemande, non italienne.

[111]       M. Seifert a dit que, malgré le fait qu’ils étaient emprisonnés dans une cellule du bloc cellulaire, lui et M. Sein pouvaient utiliser la salle de bain qui se trouvait plus loin dans le couloir. Leur porte n’était pas verrouillée. De plus, ils continuaient à avoir les mêmes repas que les gardiens; ces repas étaient supérieurs à ceux servis aux prisonniers. M. Seifert a dit qu’ils étaient restés dans le bloc cellulaire jusqu’à une dizaine de jours avant l’anniversaire d’Hitler en avril 1945. Il a dit aussi qu’il n’avait plus été de service dans le camp après avoir été libéré. Il a quitté le camp peu de temps après, le 1er mai 1945.

 

[112]       M. Seifert a mentionné à plusieurs reprises qu’il avait été détenu dans le bloc cellulaire du moment où il avait été accusé à l’automne 1944 jusqu’au début d’avril 1945. Il a toutefois affirmé également avoir été incarcéré pendant une période maximale de deux mois et demi. Il a dit par la suite que la période de deux mois et demi était antérieure à son procès, de sorte qu’il a été incarcéré pendant une période d’environ cinq mois au total. Le rapport Schoster indique que M. Seifert a été incarcéré de décembre 1944 à avril 1945[40].

XVIII.                        Le bloc cellulaire à Bolzano

 

[113]       Mme Theresa Scala a été emprisonnée dans les cellules d’isolement après avoir été accusée à tort d’avoir fourni à des prisonniers des outils pouvant leur permettre d’ouvrir les wagons qui les transportaient à l’extérieur du camp de Bolzano. Elle a passé plusieurs semaines en isolement. Sa cellule mesurait environ 1,5 mètre de large par 2,5 mètres de long. Elle était munie de deux lits superposés et d’une petite ouverture d’aération sur le mur extérieur.

 

[114]       Mme Scala apercevait les deux gardiens chargés du bloc cellulaire lorsque la porte de sa cellule était ouverte le soir à l’heure du repas. Les gardiens servaient des louches de bouillon, aidés de deux prisonniers. Avant son incarcération, elle avait remarqué ces deux gardiens alors qu’ils marchaient du bloc cellulaire à la salle à manger. Elle a dit qu’on les appelait [traduction] « les deux Ukrainiens » dans le camp et que leurs noms étaient « Misha » et « Otto ». Elle ne savait pas lequel s’appelait Misha et lequel s’appelait Otto. L’un était grand, robuste et rougeaud; l’autre était maigre et foncé. Les deux avaient la jeune vingtaine et parlaient allemand.

 

[115]       Mme Scala a déclaré dans son témoignage que la cellule voisine de la sienne était occupée par un prêtre, Don Gaggero, avec qui elle pouvait parler à travers le mur de briques creuses. Elle a dit que Don Gaggero l’avait avertie qu’elle entendrait des pleurs et des cris terribles pendant la nuit. Elle a effectivement entendu ces pleurs ainsi que ces cris et, un soir, elle aurait vu d’où ils provenaient. Ce soir‑là, la porte de sa cellule n’avait pas été verrouillée et elle a pu voir ce qui se passait par une fente. Elle aurait aperçu l’un des deux gardiens frapper un jeune prisonnier dans les yeux pendant que l’autre gardien le tenait. Les gardiens riaient. Les deux nuits suivantes, elle a entendu encore plus de pleurs. Elle n’a jamais revu le jeune prisonnier.

 

[116]       La preuve documentaire[41] et l’autobiographie de Don Gaggero[42] portent à croire que Mme Scala s’est trompée en ce qui concerne la date de sa détention dans le bloc cellulaire. Don Gaggero a été envoyé à Mauthausen en décembre 1944. Dans son livre, il ne mentionne pas Mme Scala parmi les prisonniers du bloc cellulaire. En fait, il a écrit qu’il était le seul prisonnier à cet endroit, à part un jeune Juif italien qui, d’après lui, avait été mis là pour transmettre de l’information à son sujet. Il ne décrit pas non plus la torture du jeune homme dont Mme Scala aurait été témoin. Selon la même preuve documentaire, Mme Scala aurait été emprisonnée dans le bloc cellulaire du 9 janvier au 11 février 1945, ce qui corrobore son témoignage selon lequel elle était dans le pavillon des femmes à Noël 1944 et a été emprisonnée dans le bloc cellulaire quelque temps après. Cette preuve documentaire contredit par contre son témoignage selon lequel elle était détenue dans le bloc cellulaire en même temps que Don Gaggero.

 

[117]       Mme Scala a affirmé catégoriquement qu’elle n’avait jamais été frappée ou torturée pendant qu’elle était dans le bloc cellulaire. En fait, elle n’a été témoin d’aucun meurtre et n’a jamais vu de mort dans le camp. Elle n’a jamais aperçu non plus de personnes en train de transporter des corps à l’extérieur du bloc cellulaire.

 

[118]       M. Seifert a affirmé qu’il n’était jamais entré dans les autres cellules pendant qu’il était emprisonné dans le bloc cellulaire. Il n’a jamais non plus participé à la distribution de nourriture aux prisonniers. Il a dit que les prisonniers sortaient de leur cellule un à la fois pour recevoir leur repas dans le corridor. Ils retournaient ensuite dans leur cellule avec leur bol de bouillon. Il dit qu’il n’a jamais été en service au bloc cellulaire. En fait, il a indiqué qu’aucun gardien n’était affecté au bloc cellulaire. Un officier se rendait dans les cellules une ou deux fois par semaine pour voir ce que les prisonniers faisaient. Par ailleurs, M. Seifert n’avait aucun souvenir de Don Gaggero.

 

[119]       M. Seifert a confirmé que les cellules n’étaient pas réservées aux prisonniers du camp et que des personnes mises sous garde par le KdS de Bolzano y étaient aussi emprisonnées.

 

XIX.          Identification de M. Seifert à Bolzano

 

[120]       Mme Scala a témoigné qu’elle avait vu une photographie de « Misha Seifert » en 1999 dans le journal La Stampa[43] dans lequel on a relaté qu’on l’avait retracé au Canada. Elle a déclaré qu’elle avait reconnu en lui l’un des deux gardiens affectés au bloc cellulaire. Dans l’article, l’auteure avait affirmé que la plupart des prisonniers du camp étaient maintenant décédés. Mme Scala avait communiqué avec l’auteure pour lui faire part du fait qu’elle était bien vivante. Elle a été interviewée par le journal dans une nouvelle complémentaire.[44] Elle est également apparue dans des émissions au sujet du camp. Un procureur militaire, le Dr Vittore Constantini, a alors communiqué avec elle. Il lui a montré diverses photographies de soldats allemands. Elle a reconnu l’un d’eux comme étant l’un des « deux Ukrainiens ». Elle a déclaré que [traduction] « par la suite, j’ai appris qu’il s’agissait de Misha Seifert ».

 

[121]       Dans l’article de La Stampa, Mme Scala décrit les deux Ukrainiens comme étant blonds. Elle a concédé s’être basée sur la nouvelle du journal pour établir le lien entre le « Misha » qu’elle savait être un gardien à Bolzano et le « Michael Seifert » qui avait été retracé au Canada. Avant cela, elle ne connaissait pas son nom de famille.

 

[122]       M. Vecchia se souvenait de deux gardiens ukrainiens au camp dont les surnoms étaient (en italien) « Sette » et « Otto » (correspondant aux mots « sept » et « huit »). Il croyait que ces surnoms venaient des prénoms des gardiens. Ces deux gardiens figuraient parmi ceux qui frappaient les prisonniers lorsqu’ils sortaient des baraques pour l’appel. Il a affirmé que deux d’entre eux étaient toujours ensemble.

 

[123]       M. Vecchia n’a pas mentionné « Sette » ni « Otto » dans ses précédentes déclarations aux autorités italiennes. Il a affirmé qu’il ne l’avait pas fait parce qu’on l’avait seulement interrogé au sujet du sergent Haage.

 

[124]       Le Dr Constantini a montré à M. Vecchia les mêmes photographies qu’à Mme Scala. Toutefois, M. Vecchia n’était pas certain de celle qu’il avait identifiée comme étant de M. Seifert. Il n’a pu que ramener le choix à quatre des six photographies qu’on lui avait montrées. Par la suite, le procureur lui a montré une photographie de M. Seifert et lui a dit que [traduction] « c’est celle‑ci ». Il a appris le nom « Seifert » au procès qui s’est tenu en Italie. Avant cela, il ne connaissait les deux gardiens ukrainiens que par les noms de « Sette » et « Otto ». Il a décrit « Sette » comme étant blond et ayant un visage rond ainsi qu’une voix aiguë. « Otto » avait la même apparence mais avec une chevelure un peu plus foncée. Il a déclaré qu’ils étaient habillés différemment des autres gardiens, avec des bottes noires, des gants noirs et un fouet. M. Vecchia a toutefois concédé n’avoir vu que rarement ces deux gardiens en raison de ses responsabilités relatives au travail. Il les voyait parfois lorsqu’il partait travailler. Il croyait qu’ils étaient affectés au bloc cellulaire. Dans une déclaration antérieure, M. Vecchia n’avait pas été en mesure de décrire les deux Ukrainiens et ne s’était pas souvenu de leurs noms. Il a concédé qu’il pouvait effectivement avoir entendu d’autres anciens prisonniers prononcer les noms « Sette », « Otto » et « Misha » au cours des dernières années.

[125]       Mme Menici a déclaré qu’un gardien nommé « Misha » était souvent de faction à l’entrée principale et qu’il criait fréquemment des insultes aux prisonniers. Elle a également affirmé que les « deux Ukrainiens » étaient les seuls gardiens à ne pas porter de casquette, ce qui, selon elle, permettait de conclure qu’ils se croyaient supérieurs aux autres. Elle les connaissait comme étant les « bêtes ».

[126]       Mme Menici affirme se souvenir de M. Seifert comme du gardien appelé « Misha ». Elle a par la suite concédé, cependant, qu’elle ne se rappelait pas le nom « Misha » jusqu’à ce qu’elle s’en souvienne récemment, après avoir fait des déclarations au Dr Constantini. Elle a peut‑être entendu d’autres témoins en Italie utiliser ce nom au cours de l’instance contre M. Seifert. Elle était présente dans la salle d’audience pendant certains témoignages, tout comme d’autres témoins.

 

[127]       Selon Mme Menici, certains prisonniers considéraient que « Misha » était un gardien particulièrement dur. Elle l’a décrit comme étant de taille moyenne, avec des pommettes saillantes, un visage rond et des yeux sans expression. Elle n’a pas pu donner de description de l’autre gardien ukrainien. Lorsqu’on lui a montré les photographies du Dr Constantini, elle a cru que deux des visages lui étaient familiers et elle a pensé qu’il pourrait s’agir de la même personne, un des deux gardiens ukrainiens, mais elle n’était pas certaine duquel des deux. Parmi les photographies que le Dr Constantini lui a montrées, il y avait une image agrandie d’une personne qu’elle a fini par appeler « Misha ». Dans une déclaration antérieure qu’elle avait faite au Dr Constantini, Mme Menici avait décrit Misha comme étant trapu avec des yeux bleus et une frange de cheveux blonds tombant devant un œil.

 

XX.          La réponse de M. Seifert aux allégations soulevées contre lui

1.      Torture, passages à tabac et meurtres

 

[128]       Comme il a été mentionné précédemment, Mme Scala a témoigné que M. Seifert avait soit frappé les yeux d’un prisonnier ou soit tenu le prisonnier alors qu’un autre gardien le faisait. Elle a déclaré n’avoir jamais constaté aucune autre inconduite de la part de M. Seifert dans le camp.

 

[129]       M. Seifert a nié l’accusation portée par Mme Scala selon laquelle lui et M. Sein avaient frappé les yeux d’un prisonnier. Il a affirmé qu’il n’avait rien eu à voir avec les prisonniers dans le bloc cellulaire. M. Seifert a également nié avoir participé à l’incident relaté par M. Vecchia – soit qu’on ait traîné un évadé mort à travers le camp. En outre, M. Seifert a nié avoir eu connaissance du meurtre d’un évadé ou y avoir participé, tel que l’a relaté Mme Menici. Il affirme avoir été sous garde dans le bloc cellulaire pour une période allant d’avant Noël 1944 jusqu’au printemps 1945.

 

[130]       Comme il a été mentionné, le lieutenant Titho a affirmé, dans certaines déclarations qu’il a faites après la guerre[45], qu’il avait entendu dire que M. Seifert avait participé, en même temps que M. Otto Sein, au meurtre d’un prisonnier italien dans le bloc cellulaire. M. Seifert a fermement nié toute implication dans quelque décès que ce soit. M. Seifert n’a pas pu expliquer pourquoi Titho, un homme qu’il considérait comme un ami, l’aurait dénoncé.

 

2.      La messe de Pâques à Bolzano

 

[131]       M. Vecchia a témoigné que la messe de Pâques avait été célébrée au camp au printemps 1945. Environ 30 ou 40 prisonniers avaient assisté au service, lequel a eu lieu dans l’enceinte de la cour. Durant la messe, il a entendu des hurlements provenant du bloc cellulaire. Le prêtre a élevé la voix afin de se faire entendre malgré les cris. Les filles de la chorale locale ont aussi élevé leurs voix. Regardant dans la direction du bloc cellulaire, il a vu « Sette » et « Otto » transportant une personne dans une couverture militaire. Les hurlements ont duré environ quinze minutes.

 

[132]       On a interrogé M. Vecchia relativement au récit détaillé de la messe de Pâques dans le journal d’un autre prisonnier, lequel ne fait aucunement référence à l’un quelconque des événements relatés par M. Vecchia[46]. Dans un compte rendu ultérieur de la messe, un autre prisonnier a également omis de faire mention de hurlements ou du transport d’un corps à l’extérieur des cellules. M. Vecchia n’a pas pu expliquer la contradiction[47].

[133]       M. Seifert a déclaré ignorer tout des événements racontés par M. Vecchia concernant le dimanche de Pâques 1945. M. Seifert a témoigné qu’à l’époque, il était toujours emprisonné et il n’avait eu connaissance d’aucune célébration de Pâques. Il a nié avoir transporté un corps à l’extérieur des cellules durant la messe de Pâques.

 

XXI.          Les conclusions concernant le camp de Bolzano

[134]       Je suis convaincu que le camp de Bolzano était un endroit tout à fait désagréable pour les hommes et les femmes qui y étaient incarcérés en 1944-1945. Les témoins que j’ai entendus m’ont bien fait comprendre cela. Je leur suis reconnaissant de leur témoignage et de leur consentement à revivre d’horribles souvenirs pour aider la Cour à tirer ses conclusions de fait.

[135]       Je suis convaincu que, dans le cadre de ses tâches de gardien, M. Seifert aurait participé au rassemblement des prisonniers pour l’appel, supervisé les travaux forcés, patrouillé les entrées ainsi que le périmètre du camp et escorté des prisonniers jusqu’aux trains destinés aux camps de concentration. Toutefois, je ne suis pas convaincu qu’on a fait la preuve de l’un quelconque des actes particuliers de torture et de meurtre qui ont été allégués à son encontre.

[136]       J’ai fait mention de la preuve d’identification ci‑dessus (voir la section XIX ci‑dessus). Je conclus qu’il y avait des problèmes dans la manière dont la preuve photographique a été présentée aux témoins par les autorités italiennes, ce qui affaiblit leur témoignage à ce sujet. En outre, la preuve d’identification a été contaminée par les médias et par l’exposition des témoins au témoignage des autres. Ces difficultés ne se rapportent pas seulement à l’image physique de M. Seifert, mais également à son prénom, à son nom de famille ainsi qu’à tout surnom pouvant lui avoir été donné par les prisonniers du camp. En réalité, sans l’admission de M. Seifert selon laquelle il avait servi en tant que gardien au camp de Bolzano, il m’aurait été même difficile de tirer cette conclusion.

[137]       Il semble bien clair, cependant, qu’il y avait une paire de gardiens, appelés les « deux Ukrainiens », qui avaient la réputation de traiter les prisonniers d’une manière particulièrement rude. Vu la faiblesse de la preuve d’identification, il serait difficile de conclure que M. Seifert était l’un d’eux. Il y avait d’autres gardiens ukrainiens au camp, notamment M. Makelke (mais pas M. Otto Sein), et on accepte donc mal que M. Seifert soit sorti du lot sur cette seule base. Mais, même si M. Seifert était l’un des « deux Ukrainiens », il est tout à fait possible que leur réputation de brutalité ait été un produit de ragots et de suppositions des prisonniers, plutôt qu’une conduite pouvant leur être imputée directement.

[138]       Des témoins ont fait référence au phénomène de la « radio prison » – l’échange d’informations de bouche à oreille entre prisonniers, que ce soit dans la cour, lors des travaux forcés, ou au travers des ouvertures dans les murs entre les baraques. Toute réputation que les prisonniers ont attribuée à M. Seifert et à M. Sein peut avoir été causée ou exacerbée par leurs condamnations ainsi que leur incarcération dans le bloc cellulaire. Les prisonniers peuvent les avoir perçus comme étant responsables des événements survenus dans le bloc cellulaire entre décembre 1944 et avril 1945, lorsque, en fait, il est possible qu’une bonne partie des mauvais traitements subis par les prisonniers dans le bloc cellulaire ait été à l’initiative du KdS de Bolzano, du BdS de Verona, du sergent Haage (en tant que responsable de l’isolement protecteur au camp) ou de M. Albino Cologna (qui a été poursuivi, jugé et déclaré coupable après la guerre pour sa conduite dans le bloc cellulaire)[48].

 

[139]       Par conséquent, je ne suis pas convaincu que les allégations soulevées contre M. Seifert, lesquelles sont énoncées dans la déclaration (voir le paragr. 11 ci‑dessus), ont été prouvées selon la prépondérance de la preuve. En réalité, en ce qui a trait à la plupart des allégations, je ne dispose tout simplement d’aucune preuve. Quant aux autres accusations portées par des anciens prisonniers, encore une fois, je ne puis conclure qu’elles ont été prouvées. L’identification de M. Seifert en tant qu’auteur de ces actes particuliers est faible. En outre, les événements qui auraient dû être vus et corroborés par d’autres ne l’ont pas été. Certains des événements allégués sont survenus dans la noirceur (le passage à tabac d’un évadé relaté par Mme Menici ainsi que la torture d’un jeune prisonnier dans le bloc cellulaire rapporté par Mme Scala). Il y a des contradictions dans les descriptions des événements données par les témoins dans leurs différentes déclarations. Il s’est écoulé beaucoup de temps depuis. Je précise tout de suite que je n’insinue pas que les témoins ont fabriqué de la preuve, ou même qu’ils se trompent. Je conclus simplement que, en me fondant sur la preuve dans son ensemble, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance de la preuve, que M. Seifert est responsable des événements rapportés par les témoins.

 

[140]       J’estime cependant que M. Seifert a, en 1944, été déclaré coupable de la plus grave infraction d’agression sexuelle, et non seulement d’association avec l’ennemi. Je fonde cette conclusion sur la gravité de la sentence qui lui a été imposée et sur la formalité de la procédure intentée contre lui

 

XXII.          Le voyage de Bolzano à Lutenröde

[141]       M. Seifert a témoigné que peu avant la fin de la guerre, des officiers ont brûlé les dossiers du camp. Il a quitté le camp le 1er mai 1945, une semaine avant que la guerre se termine. Il a voyagé dans un camion avec le sergent Haage, M. Walter Lessner, M. Otto Sein et un autre soldat dans les montagnes près de Bolzano. La première nuit, il ont séjourné dans une ferme au nord‑est du camp. L’épouse du fermier lui a donné quelques vêtements civils afin qu’il puisse se débarrasser de son uniforme. Comme ils ne pouvaient aller plus loin avec le camion, le jour suivant, ils ont continué à pied en direction de l’Allemagne. Il avait décidé d’aller en Allemagne, parce qu’il parlait la langue et qu’il espérait retrouver ses parents. La dernière lettre qu’il avait reçue d’eux mentionnait qu’ils étaient à Ruegen, une île dans la mer Baltique. Il ne voulait pas se rendre là, cependant, parce qu’il croyait qu’à cette époque, elle était sous le contrôle des Soviétique. Il estimait que, s’il retournait en Union soviétique, il serait exécuté pour trahison.

 

[142]       M. Seifert et M. Sein ont été pris par le Fliegende Streife américain, l’escadron volant, et emmenés à Bad Reichenhall. Il a été conduit devant un officier allemand, lequel l’a interrogé au sujet de son lieu de naissance et son service militaire. Il n’avait plus d’argent ni de pièces d’identité. Il a affirmé que c’était un soldat américain qui les lui avait pris. Il avait déjà brûlé son passeport ainsi que son certificat de naissance à Bolzano, avant de quitter le camp. Lorsqu’il a expliqué à l’officier qu’il était originaire d’Ukraine, ce dernier a déclaré que cela posait un problème, mais qu’il [traduction] « y réfléchirait ». À titre de comparaison, le lieu de naissance de M. Sein, l’Estonie, ne présentait aucun problème. (Probablement que c’était en raison du fait que l’Ouest ne reconnaissait pas la revendication de l’Union soviétique au sujet de l’Estonie, ce qui faisait que le risque qu’une personne née en Estonie soit rapatriée était moindre).

 

[143]       Lorsque l’officier est revenu, il a présenté à M. Seifert et à M. Sein des fiches de renvoi. La fiche de M. Seifert mentionnait qu’il était né à Narva, en Estonie (tout comme celle de M. Sein). Elle portait la date du 23 mai 1945. Il y était également écrit que M. Seifert n’avait jamais été un soldat allemand et qu’il avait été libéré d’un camp de prisonniers de guerre à Bad Bad Reichenhall avec le consentement du commandant américain[49]. M. Seifert a cru que l’officier présumait qu’il était un travailleur migrant parce qu’à ce moment‑là, il portait des vêtements civils. L’officier lui avait dit que lorsque les choses se calmeraient après la guerre, il devrait recommencer à utiliser le bon lieu de sa naissance. M. Seifert n’a jamais apporté la correction.

 

[144]       De Bad Bad Reichenhall, M. Seifert a pris la direction nord‑est, vers Hanovre. Il ne s’est pas aventuré plus loin à l’est, de peur de tomber sur des troupes soviétiques. De Hanovre, il est allé vers l’ouest jusqu’à Lutenrode, où il a trouvé du travail sur une ferme appartenant à M. Wilhelm Ahlborn. Il est arrivé le 20 août 1945. Au moment de s’enregistrer auprès des autorités locales, il a donné comme lieu de naissance Narva, en Estonie[50]. Il a séjourné à Lutenrode pendant environ deux ans pour ensuite déménager à Eddigehausen, où il a habité et travaillé avec un fermier, M. Otto Gastrock[51]. Il y est demeuré jusqu’à ce qu’il quitte pour le Canada en 1951.

XXIII.          La demande de visa canadien

 

[145]       Alors que M. Seifert travaillait à Lutenrode, il a rencontré M. Walter Lessner à Bovenden. Celui‑ci avait été le responsable de la paie aux camps de Fossoli et de Bolzano. M. Lessner l’a invité chez lui pour le déjeuner.

 

[146]       M. Makelke a témoigné qu’il avait aussi rencontré M. Lessner par hasard en 1951. Ce dernier lui avait dit que M. Seifert était dans la région. M. Makelke a affirmé qu’il ne tenait pas à renouer connaissance avec M. Seifert mais qu’il avait néanmoins fini par le rencontrer chez M. Lessner pour le déjeuner. Ils ont tous les deux exprimé leur espoir d’immigrer au Canada.

 

[147]       M. Seifert dit qu’il tenait à déménager au Canada, parce qu’il craignait de vivre et de travailler si près de la frontière soviétique. Il avait compris que l’accord de Yalta exigeait que les citoyens soviétiques soient rapatriés et il avait peur des conséquences en cas de retour en Ukraine. Le lieutenant Titho lui avait expliqué cela lorsque M. Seifert lui avait rendu visite à Detmold en 1947. M. Seifert a affirmé que les troupes soviétiques étaient en mesure de localiser les anciens citoyens soviétiques par l’entremise des registres tenus par les maires locaux. Ils faisaient des descentes durant la nuit dans le but de rapatrier de force d’anciens citoyens. De plus, M. Seifert a déclaré qu’il était évidemment intéressé à améliorer sa situation économique en déménageant au Canada.

 

[148]       Suivant les instructions qu’il avait reçues du consulat du Canada à Hanovre, M. Seifert a obtenu un certificat de naissance, un passeport et des références de son médecin et d’un ministre protestant à l’appui de sa demande de visa canadien. Pour obtenir les documents nécessaires, il a fait une déclaration solennelle dans laquelle il mentionnait que son lieu de naissance était Narva, en Estonie[52]. Ce renseignement est passé dans son passeport, délivré à Göttingen le 6 juillet 1951[53].

 

[149]       Lorsqu’il est retourné à Hanovre avec les documents requis, un fonctionnaire canadien l’a approché dans la file et lui a demandé s’il voulait se rendre au Canada. M. Seifert a suivi le fonctionnaire ainsi qu’un interprète dans l’édifice et il a présenté ses documents. Lorsque le fonctionnaire, lequel parlait l’allemand et le russe, l’a interrogé sur ces activités durant la guerre, M. Seifert a menti. Il a déclaré avoir été en Italie et avoir travaillé comme dresseur de chevaux avec les cosaques. Il a affirmé qu’il s’était senti obligé de mentir. Il craignait que, s’il avait dit la vérité, on ne lui aurait pas permis d’aller au Canada. Il savait que de nombreuses questions étaient soulevées au sujet de ce qui s’était passé dans certains camps, comme Auschwitz, au cours de la guerre. Même si le camp de Bolzano dans lequel il avait servi n’avait rien à voir avec Auschwitz, M. Seifert pensait que, en tant qu’ancien gardien de camp, on ne l’autoriserait pas à entrer au Canada. S’il avait dit la vérité, M. Seifert était convaincu qu’il aurait été renvoyé en Union soviétique.

 

[150]       M. Seifert a également menti à propos de son lieu de naissance. Il a expliqué qu’il s’inquiétait toujours de la possibilité d’être rapatrié en Union soviétique s’il disait qu’il était né en Ukraine. Et, si cela était arrivé, il aurait été expédié en Sibérie ou exécuté.

XXIV.          La vérification de sécurité des immigrants éventuels[54]

1.  L’équilibre entre les préoccupations en matière de sécurité et l’accroissement de l’immigration

[151]       Jusqu’en 1950, les questions d’immigration au Canada relevaient du ministère des Mines et des Ressources. En 1950, une nouvelle Loi sur l’immigration a été édictée, laquelle créait un ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. Ces développements découlaient d’une sensibilisation accrue, tant au sein du Cabinet que de la fonction publique, que la politique en matière d’immigration était une question d’une extrême importance dans les années d’après‑guerre. Avant la guerre, la politique en matière d’immigration mettait principalement l’accent sur les motifs d’interdiction, plutôt que d’accueil, des immigrants. Toutefois, après la guerre, le Canada s’est montré intéressé à accueillir un plus grand nombre d’immigrants. Pourtant, les fonctionnaires sont demeurés préoccupés quant à savoir si certains de ceux qui désiraient s’établir au Canada possédaient les qualités requises. Le premier ministre Mackenzie King a exprimé son point de vue quant aux orientations de la politique canadienne en matière d’immigration dans un discours prononcé à la Chambre des communes le 1er mai 1947[55]. Le premier ministre a clairement mentionné que le Canada était intéressé à accueillir un plus grand nombre d’immigrants, en particulier ceux qui ont été déplacés par la guerre, et que de nouvelles règles seraient établies en matière d’immigration au moyen de dispositions législatives, d’une réglementation et de mesures administratives.

 

[152]       Depuis 1923, on exigeait des immigrants éventuels au Canada qu’ils aient un visa délivré par un bureau canadien des visas[56]. En outre, dès 1945, le Cabinet a ordonné que les nouveaux arrivants au Canada fassent l’objet d’une vérification de la part de la GRC aux fins de sécurité[57].

 

[153]       En 1946, le premier ministre Mackenzie King a créé un comité appelé le Conseil de sécurité dont le rôle était d’examiner les questions relatives à la sécurité du Canada en général, notamment les questions de sécurité soulevées dans le cadre de l’immigration, et de donner des avis. Le président du Conseil de sécurité était M. Arnold Heeney, qui était secrétaire du Cabinet. Parmi les autres membres, il y avait notamment des membres du personnel du Bureau du Conseil privé, des Affaires extérieures et de la Défense nationale, de même que des représentants des différentes forces armées et de la GRC. Le Conseil s’est réuni pour la première fois en juin 1946[58].

 

[154]       Lors de sa deuxième réunion, en juillet 1946, le Conseil de sécurité a examiné la question de savoir s’il existait une autorisation légale adéquate pour refuser l’entrée à des immigrants éventuels pour des motifs de sécurité. Il a créé un sous‑comité pour effectuer une enquête plus approfondie sur la question[59]. Le sous‑comité a remis son rapport et recommandé que la Loi sur l’immigration soit modifiée pour interdire l’entrée au Canada de membres de groupes particuliers. Toutefois, lorsque le ministre responsable a présenté la proposition au Cabinet, elle a été rejetée. On a plutôt décidé d’assurer la vérification de sécurité des immigrants éventuels par d’autres moyens; c’est‑à‑dire, par des mesures administratives [60].

 

[155]       Le Conseil de sécurité a également décidé en juillet 1946 qu’il y avait lieu de demander l’aide du Foreign Office de la Grande‑Bretagne pour l’établissement d’un système de vérification de sécurité. Les Britanniques ont accepté et des agents de la GRC ont été envoyés à Londres à l’automne 1946 pour commencer leur travail[61]. La GRC a découvert qu’il existait un grand arriéré de demandes en attente de vérification à Londres. On a par la suite demandé au Cabinet de donner des directives quant à la façon dont la GRC devait procéder dans les circonstances. Essentiellement, le Cabinet a laissé à la GRC le pouvoir discrétionnaire de décider comment et où effectuer la vérification de sécurité[62].

 

[156]       La GRC a demandé d’autres lignes directrices au Cabinet en 1949. Encore une fois, le Cabinet a laissé à la GRC le soin de régler la question. Les critères alors utilisés par la GRC ont été énoncés dans un mémoire envoyé au premier ministre Louis St‑Laurent le 21 septembre 1949[63]. Les personnes frappées d’exclusion du Canada pour des motifs de sécurité comprenaient les membres des [traduction] « SS ou de la Wehrmacht allemande et dont on découvre qu’ils portent la marque du groupe sanguin des SS (non‑Allemands) ». Il ne faisait pas nommément mention de la SD.

 

[157]       En mars 1950, le Cabinet a pris un décret portant que les ressortissants allemands ayant de la parenté au Canada ainsi que les gens d’origine ethnique allemande qui n’étaient pas citoyens de l’Allemagne avant le 1er septembre 1939 étaient susceptibles d’être admis au Canada[64]. Ce changement de politique s’est reflété dans une circulaire officielle du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration[65]. Un autre décret, C.P. 1950-2856, est entré en vigueur le 1er juillet 1950, portant qu’étaient admissibles à entrer au Canada les personnes qui pouvaient établir qu’elles possédaient les qualités requises [traduction] « eu égard aux conditions climatiques, sociales, éducatives, industrielles, ouvrières ou autres, ainsi qu’aux besoins du Canada ». Un autre décret de cette année‑là a retiré les ressortissants allemands de la catégorie des étrangers ennemis[66].

 

[158]       En août 1950, l’exclusion d’anciens membres du parti nazi a aussi été assouplie[67]. Le commissaire de la GRC a donné instruction aux agents sur le terrain de ne pas exclure d’immigrants au motif de leur appartenance au parti nazi[68]. Cet assouplissement de l’admissibilité à l’entrée au Canada a donné lieu à un nouvel examen des critères utilisés pour écarter des arrivants potentiels. Lorsqu’on a demandé son avis au Conseil de sécurité à l’automne 1950, il a confirmé que les personnes qui étaient membres de certaines organisations, dont le SD, devraient continuer à être frappées d’exclusion, mais il a aussi mentionné que cette interdiction ne devrait pas s’étendre aux personnes se trouvant dans les territoires occupés par les Allemands, lesquelles pourraient avoir subi des pressions pour servir au sein des forces allemandes[69].

 

[159]       En juillet 1951, le Conseil de sécurité faisait savoir que l’appartenance à la Waffen SS n’était plus considérée comme un fondement à une exclusion générale d’immigrants[70]. Cet avis était fondé sur des informations au sujet de la pression exercée par les forces allemandes pour que les jeunes hommes s’engagent, en particulier dans les pays Baltes. Par conséquent, ceux qui pouvaient établir qu’ils avaient été conscrits dans la Waffen SS étaient considérés comme admissibles. La GRC avait toujours des doutes concernant les membres de la Waffen SS, qu’ils aient été conscrits ou non, et continuait à appliquer les critères antérieurs de manière stricte. L’année suivante, le Conseil de sécurité a formellement confirmé sa position générale selon laquelle les membres d’organisations particulières devraient toujours être écartés, mais il a également réitéré sa politique concernant les membres conscrits de la Waffen SS. La GRC a pris pour position que seules les personnes qui avaient été conscrites après la fin de 1943 étaient admissibles à entrer au Canada[71].

 

[160]       La vérification de sécurité donnait lieu à des recherches auprès de différentes sources de renseignements. En ce qui a trait aux immigrants éventuels provenant de l’Allemagne, par exemple, il y avait comme sources importantes de renseignements le Centre documentaire de Berlin et le Centre des archives criminelles de Hambourg. Les sources alliées, telles que le MI6 ou le Home Office du R.‑U., étaient aussi consultées de façon régulière. Du fait des arriérés, cependant, on reconnaissait, au début de 1951, que le principal outil de vérification de sécurité était l’entrevue personnelle avec le demandeur, même si cela comportait des limites évidentes[72].

 

[161]       Le 15 mai 1952, le Conseil de sécurité a encore une fois précisé les groupes particuliers dont les membres devaient être frappés d’exclusion du Canada[73]. Parmi ces groupes, il y avait [traduction] « les anciens membres des SS, du Sicherheitsdienst, de l’Abwehr et de la Gestapo, ainsi que tout ancien membre du parti nazi qui, selon la directive 38 du Conseil de contrôle allié, datée du 12 octobre 1946, était considéré comme un auteur d’une infraction majeure ou un contrevenant ». Les membres actifs de la Gestapo, de la SD et des SS faisaient partie des « auteurs d’une infraction majeure »[74]. Il a également fait savoir que [traduction] « un soin particulier devrait être pris pour exclure les personnes responsables des brutalités dans les camps de concentration ou de travail »[75].

 

[162]       Il y a deux manières de lire la décision du Conseil de sécurité. Premièrement, on peut l’interpréter comme si elle interdisait absolument tous les membres des SS, de la SD, de l’Abwehr et de la Gestapo, de même que les membres du parti nazi visés par les catégories d’« auteurs d’une infraction majeure » ou de « contrevenants ». De manière subsidiaire, elle peut être interprétée comme interdisant les membres des SS, de la SD, de l’Abwehr, de la Gestapo et du parti nazi, seulement s’ils entrent dans les catégories d’« auteurs d’une infraction majeure » ou de « contrevenants ». L’inspecteur William Kelly de la GRC semble avoir privilégié cette dernière interprétation. Toutefois, après avoir analysé la décision du Conseil de sécurité, il a préparé une liste simplifiée des groupes interdits destinée aux agents sur le terrain[76]. En effet, sa liste est compatible avec la première interprétation des instructions du Conseil de sécurité dans la mesure où il exclurait absolument tous les membres des organisations désignées. La liste de l’inspecteur Kelly ne fait pas référence à la directive 38 du Conseil de contrôle allié et elle n’utilise pas non plus les termes « auteur d’une infraction majeure » ou « contrevenant ». Au lieu de cela, selon son interprétation des lignes directrices du Conseil de sécurité et son analyse de la directive même du Conseil de contrôle allié, L’inspecteur Kelly a conclu que tous les anciens membres de la SD, par exemple, étaient, par définition, des « auteurs d’une infraction majeure ». Il n’était donc pas utile de faire référence à ce terme, ou à la directive même, dans les instructions données aux agents à l’étranger. La liste de l’inspecteur Kelly semble compatible avec les critères qui ont été appliqués sur le terrain dès décembre 1950[77] et qui étaient en place au moment où M. Seifert a demandé d’entrer au Canada.

 

[163]       Par conséquent, les personnes qui étaient membres des SS ou de la SD auraient été écartées pour des motifs de sécurité si elles avaient demandé un visa canadien en 1951. Les anciens gardiens de camps auraient fait l’objet d’un examen particulièrement minutieux. Une certaine tolérance aurait pu être accordée aux personnes qui pouvaient démontrer qu’elles avaient subi des pressions pour joindre les forces allemandes, en particulier dans les pays Baltes. M. Seifert n’a pas prétendu avoir été sous une pression particulière pour servir dans les forces allemandes. Il avait simplement besoin d’un emploi.

 

2.   Le processus de vérification de sécurité

                        (i)  Les agents des visas

[164]       M. J.A.W. Gunn a servi en tant que pilote de chasse dans l’ARC au cours de la Seconde Guerre mondiale et, après son retour de la guerre, il a pris un poste à la Direction de l’immigration du ministère des Mines et des Ressources. Il a commencé à travailler à l’aéroport de Dorval où il examinait les arrivants au Canada – touristes, gens d’affaires et immigrants éventuels. En janvier 1954, il a été transféré à l’ambassade du Canada à Bruxelles pour occuper le poste d’agent des visas. Lorsqu’il a débuté son travail dans le domaine de l’immigration, la politique prédominante du gouvernement concernant l’immigration était énoncée dans le décret C.P.-695, daté du 21 mars 1931 et intitulé « General Prohibition to Admission »[78]. En termes généraux, il interdisait l'entrée au Canada, sauf pour les membres de certains groupes précis. Comme cela a déjà été mentionné[79], le Cabinet a au fil du temps modifié ce décret afin de permettre à un plus grand nombre d’immigrants d’entrer au Canada.

 

[165]       M. Gunn a décrit le processus de vérification de sécurité relatif aux personnes cherchant à entrer au Canada. C’est la GRC qui était chargée du processus. Les agents des visas n’avaient rien à voir avec la vérification de sécurité. Cette fonction relevait plutôt des « contrôleurs des visas », lesquels étaient membres de la GRC. Suivant les instructions données aux agents d’immigration en 1947, les personnes ayant servi avec l’ennemi, à quelque titre que ce soit, durant la guerre n’étaient pas admissibles à entrer au Canada[80].

 

[166]        M. Gunn a expliqué que les personnes sollicitant l’entrée au Canada devaient remplir un formulaire appelé « OS8 ». Dans un bureau à l’étranger, l’OS8 était examiné par un agent des visas pour voir si la personne était susceptible d’être admise au Canada. Cela comprenait un éventail de renseignements personnels au sujet du demandeur, ainsi que de ses antécédents professionnels depuis 1939 (à l’origine, ces derniers n’étaient pas inclus dans le formulaire[81] mais étaient recueillis séparément; plus tard, le formulaire a été modifié[82] afin de les inclure). Le demandeur devait aussi fournir des documents à l’appui, comme un certificat de police. Si la documentation semblait correcte, elle était alors envoyée à un contrôleur des visas, lequel procédait à la vérification de sécurité. On référait quelquefois à la vérification de sécurité comme de l’« étape B » du traitement d’une demande de visa. Pendant le processus de vérification, on demandait au demandeur de fournir tout document additionnel requis et de subir un examen médical. Après que les processus de vérification de sécurité et de certificat de santé avaient été complétés, l’agent des visas interrogeait le demandeur. Seuls les demandeurs qui satisfaisaient à la vérification de sécurité pouvaient se voir accorder un visa. De même, si on concluait que la personne était médicalement inapte (p.ex. si elle souffrait de tuberculose), l’agent des visas ne délivrait pas de visa. L’agent des visas vérifiait toujours le dossier du demandeur pour voir s’il avait « passé l’étape B ».

 

[167]       Lors de l’entrevue, la dernière étape du processus de demande de visa, l’agent des visas essayait de déterminer si le demandeur était susceptible de réussir son établissement au Canada. En d’autres mots, ce ne sont pas toutes les personnes qui passaient à travers les contrôles de sécurité et de santé qui obtenaient un visa. L’agent des visas possédait en fin de compte le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non un visa.

 

(ii)  Les contrôleurs des visas

 

[168]       M. D.D. Cliffe était un mécanicien de bord dans l’ARC au cours de la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, il a joint les rangs de la GRC. En 1951, il a été affecté en Italie (Rome, Naples et Gênes) en tant que contrôleurs des visas. En 1953, il a été transféré en Allemagne, ensuite en Suède, en Finlande et en Suisse. Il est revenu au Canada en 1958.

 

[169]       À titre de contrôleurs des visas, M. Gunn a expliqué que son rôle était d’appliquer les critères de rejet des demandes de visa pour des motifs de sécurité. Dès qu’il recevait le formulaire OS8 d’un demandeur, il demandait aux autorités locales (p. ex. italiennes, allemandes, etc.), de même qu’aux autorités britanniques et américaines, de lui fournir toute documentation qu'elles possédaient sur la personne en cause. Afin de vérifier ces documents, il était important de connaître la date et le lieu de naissance du demandeur[83]. Il interrogeait ensuite les demandeurs au sujet de leur passé, en particulier sur leurs activités durant la guerre. Les demandeurs n’étaient pas sous serment lorsqu’ils répondaient, mais on leur donnait instruction de dire la vérité. Leur demande pouvait être rejetée si les demandeurs se montraient évasifs ou s’ils mentaient. Selon les renseignements dont il disposait, M. Gunn apposait sur le formulaire OS8 du demandeur un cachet mentionnant qu’il avait [traduction] « passé l’étape B » ou n’avait [traduction] « pas passé l’étape B ». Dans ce dernier cas, il préparait un rapport énonçant ses motifs, mais le demandeur n’était jamais informé de ces motifs.

 

[170]       M. Cliffe a dépeint la situation en Allemagne alors qu’il y était affecté en 1953. Contrairement à ce qui se passait en Italie, où les demandeurs avaient généralement de nombreux documents à l’appui, les demandeurs en Allemagne n’en avaient pas beaucoup. D’habitude, les ressortissants allemands possédaient un certificat de naissance et un passeport, mais les résidents étrangers avaient peu de documents. Les autorités canadiennes de l’immigration se fiaient aux entrevues afin de recueillir les renseignements dont elles avaient besoin. Dans l’ensemble, néanmoins, le processus de vérification était essentiellement le même qu’il avait été en Italie.

 

[171]       M. Cliffe a affirmé qu’il rejetait les demandes des membres de la SD sur la base de sa compréhension, et des directives écrites, selon quoi les membres de la SD faisaient également partie des SS. Le premier critère de rejet qu’on lui demandait d’appliquer comprenait les [traduction] « membres des SS ou de la Wehrmacht allemande dont on découvre qu’ils portent la marque du groupe sanguin des SS (non‑Allemands) »[84]. Si un demandeur avait déclaré qu’il avait été un gardien de camp durant la guerre, M. Cliffe lui demandait des détails au sujet du camp, de son emplacement et de sa vocation, des tâches du demandeur, de la sorte d’uniforme qu’il portait, du genre de prisonniers qui étaient détenus, et ainsi de suite. M. Cliffe a confirmé que les membres des SS devaient prêter le serment de loyauté à Adolf Hitler. Ils portaient un uniforme distinctif, que ce soit dans la Waffen SS ou dans l’Allgemeine SS, et les membres de la SD avaient un écusson spécial sur la manche de leurs uniformes. S’il avait rencontré un demandeur qui avait admis avoir porté un uniforme de la SD, transporté une arme et servi au sein de la structure de la SD, il l’aurait frappé d’exclusion à la lumière du critère prédominant. Selon son expérience, les gardiens de camp étaient en général des membres des SS et n’étaient pas autorisés à entrer au Canada.

 

XXV.          La vérification de sécurité de M. Seifert

[172]       Le passeport allemand de M. Seifert[85] a été délivré le 6 juillet 1951 à Göttingen. Il mentionne que le 19 juillet 1951, à Hanovre, un agent du nom de J.M. Logan lui a accordé un visa, en application du décret C.P.‑2856. Le passeport démontre que M. Seifert a aussi bénéficié d’un prêt d’indemnité de passage, qu’il a remboursé en 1953. Le passeport porte le cachet d’un médecin agréé daté du 16 juillet 1951.

 

[173]       M. Cliffe a témoigné qu’il connaissait le contrôleur des visas en poste à Hanovre en 1951, M. Fontanne, qui parlait couramment l’allemand et le russe. La Dr Angelika Sauer, professeur d’histoire à la Texas Lutheran University[86], qui se spécialise dans l’histoire du Canada et la politique étrangère canadienne durant et après la Seconde Guerre mondiale, a recherché les listes de personnel du bureau de Hanovre et, sur la base de celles‑ci, elle croyait que M. Fontanne n’avait pas commencé à travailler à Hanovre avant novembre 1951. Le témoignage de M. Cliffe sur cet aspect était tout de même très clair : il a visité M. Fontanne à Hanovre à l’été 1951. Compte tenu que M. Seifert a affirmé avoir rencontré un homme qui parlait couramment tant l’allemand que le russe, il est probable qu’il a fait l’objet d’une vérification de la part de M. Fontanne.

[174]       M. Seifert, en tant que réfugié d’origine ethnique allemande qui avait acquis la citoyenneté allemande après 1939, était admissible à entrer au Canada[87], du moment qu’il n’était pas visé par l’un des critères de non‑admissibilité qui étaient en vigueur à l’époque. Toutefois, à mon avis, M. Seifert aurait été écarté en raison de son association avec la SD, de même que de son service comme gardien de camp. Même si M. Seifert n’était pas un « membre » de la SD, et qu’il n’était qu’un auxiliaire, je suis convaincu qu’un contrôleur des visas l’aurait considéré comme non admissible en application du critère prédominant. En résumé, si M. Seifert avait divulgué ses états de service durant la guerre, on ne lui aurait pas permis d’entrer au Canada. En outre, en mentionnant l’Estonie comme lieu de naissance, il a pu bénéficier d’une attitude plus complaisante de la part des fonctionnaires canadiens, même s’ils le soupçonnaient de mentir concernant ses états de service. Comme il a été mentionné, on croyait que les personnes provenant des pays Baltes avaient été contraintes à servir dans les forces allemandes, en particulier après 1943 (au moment où M. Seifert est devenu soldat). Enfin, si les fonctionnaires canadiens avaient vérifié les dossiers de renseignements étrangers dont ils disposaient, sous le nom de « Michael Seifert », ils auraient pu découvrir des renseignements donnant à penser qu’il était l’un des « deux Ukrainiens » du camp de Bolzano[88]. Toutefois, il se peut qu’ils n’aient pas fait de lien avec le dénommé Michael Seifert qui affirmait être originaire de l’Estonie.

 

XXVI.          La vie de M. Seifert au Canada

1.   En général

 

[175]       M. Seifert est arrivé à Québec à bord du SS Nelly en août 1951. La fiche d’établissement mentionne qu’il a déclaré être né à Narva, en Estonie, et avoir la nationalité allemande[89]. Il a pris le train et s’est rendu jusqu’à Prince George, en Colombie‑Britannique. Il y est demeuré pendant cinq ans et a travaillé pour les Chemins de fer nationaux du Canada. Il a ensuite déménagé dans la région de Vancouver et a travaillé dans l’industrie du bois de sciage pendant de nombreuses années. Ses relevés d’emploi démontrent qu’il a continué à donner comme lieu de naissance Narva, en Estonie[90].

 

[176]       Au début des années 1950, M. Seifert et M. Makelke se sont de nouveau croisés à Vancouver et, en fait, sont devenus des voisins. Les deux familles se sont fréquemment rencontrées au cours des décennies suivantes et se sont brouillées par la suite.

[177]       Mme Christine Seifert est arrivée au Canada en 1954. Elle a vécu avec son frère et la famille de celui‑ci à New Westminster, en Colombie‑Britannique, et a travaillé dans une usine de contreplaqués. Elle a rencontré M. Seifert lors d’une soirée dansante au club Alpen au printemps 1956. Ils se sont mariés à l’automne de cette année‑là. M. Makelke a été le témoin de M. Seifert.

 

2.  La demande de citoyenneté

 

[178]       M. Seifert a demandé la citoyenneté canadienne en 1966[91]. Il n’a pas rempli la demande; il a eu de l’aide de son voisin et de Mme Seifert. Toutefois, c’est M. Seifert qui a signé la demande et il a confirmé que les renseignements qu’elle contenait étaient vrais. La demande mentionnait comme lieu de naissance Narva, en Estonie. Elle mentionnait aussi que M. Seifert n’avait jamais été accusé d’une infraction ni condamné à l’emprisonnement. M. Seifert a reconnu que ces renseignements étaient inexacts. Mme Seifert savait également que la demande contenait de faux renseignements concernant tant le lieu de naissance de son mari que l’accusation et la peine qui lui avait été imposée à l’époque où il se trouvait au camp de Bolzano. M. Seifert s’est vu accorder la citoyenneté canadienne le 24 juin 1966.

 

[179]       M. Seifert a demandé un passeport canadien en 1969. Encore une fois, il a donné comme lieu de naissance Narva, en Estonie[92]. M. Seifert a témoigné qu’il n’avait pas corrigé les renseignements au sujet de son lieu de naissance en raison du fait qu’il craignait la possibilité d’être renvoyé en Allemagne.

[180]       Pendant les années où il a vécu au Canada, M. Seifert n’a jamais changé de nom ou autrement essayé de se soustraire aux autorités.

 

XXVII.          La défense de nécessité

 

[181]       M. Seifert fait valoir qu’il était justifié de ne pas divulguer son vrai lieu de naissance parce qu’il avait raison de croire qu’il aurait été rapatrié de force en Union soviétique, où il aurait été sévèrement puni ou tué. En outre, il laisse entendre qu’il devait quitter l’Allemagne en raison d’une peur constante d’être capturé par les forces soviétiques qui se trouvaient à proximité. Par conséquent, il croit qu’il était aussi justifié de ne pas divulguer ses activités durant la guerre car, s’il avait dit la vérité, il n’aurait pas été autorisé à entrer et à vivre en sécurité au Canada.

 

[182]       La défense de nécessité est reconnue en droit criminel et est définie par des paramètres très stricts[93]. En règle générale, elle s’applique dans des situations où une personne fait face à un danger urgent et imminent, n’a pas d’autre issue raisonnable que de contrevenir à la loi et son comportement illégal est proportionnel au préjudice qui a été évité. La défense peut aussi être soulevée en matière civile (par exemple, dans des actions en responsabilité délictuelle), mais c’est rare[94]. Les exigences strictes du droit criminel ne s’appliquent pas. Toutefois, pour que la défense soit acceptée, le défendeur doit encore prouver qu’il faisait face à un danger véritable et que sa réaction était raisonnable et proportionnée dans les circonstances[95].

 

[183]       La République fédérale d’Allemagne, ou Allemagne de l’Ouest, est devenue un pays en 1949. Le ministre fait valoir qu’il n’y avait plus de risque pour les citoyens allemands, comme M. Seifert, d’être rapatriés en Union soviétique après 1949. M. Seifert a affirmé que, bien qu’il n’en ait pas été témoin directement, les autorités soviétiques capturaient toujours d’anciens citoyens soviétiques en 1951, au moment où il a quitté l’Allemagne.

 

[184]       La Dr Sauer a témoigné qu’une personne dans la situation de M. Seifert aurait eu une crainte légitime d’être rapatriée de force en Union soviétique en 1945, mais non pas en 1951, au moment où il a fait une demande d’entrée au Canada.

[185]       M. Makelke croyait que, à la fin de la guerre, les Forces alliées avaient entrepris de rapatrier des citoyens soviétiques. Il était notoire que des soldats alliés ramassaient d’ex‑soldats allemands et, s’ils provenaient de l’Union soviétique, les remettaient aux autorités soviétiques. M. Makelke a affirmé que les personnes qui étaient remises dans ces circonstances disparaissaient sans laisser de traces. Elles étaient exécutées ou envoyées en Sibérie. Il pensait que c’est ce qui était arrivé à son ami, Eugen Hapvaff, qui avait également été gardien à Bolzano.

[186]       M. Makelke a déclaré que l’une des raisons pour lesquelles il avait voulu immigrer au Canada, c’était parce que des troupes soviétiques se trouvaient à quelques kilomètres seulement de l’endroit où il demeurait en Allemagne. Si ces troupes avaient décidé de marcher vers l’ouest en Allemagne, il avait le sentiment qu’il aurait été exécuté.

 

[187]       M. Gunn a témoigné qu’il était au courant de quelques cas de rapatriement forcé de citoyens soviétiques après la guerre. Il croyait qu’il y avait une entente cadre entre les organismes s’occupant des immigrants et des réfugiés selon laquelle les personnes déplacées du fait de la guerre devraient être retournées dans leur pays d’origine. En ce qui concerne l’Union soviétique en particulier, M. Gunn savait que certains parmi ceux qui étaient forcés d’y retourner après la guerre étaient par la suite envoyés en Sibérie à titre de châtiment pour avoir servi dans les forces allemandes. Il a convenu que le rapatriement en U.R.S.S. constituait un danger.

 

[188]       M. Gunn a affirmé que l’on demandait à tous les demandeurs de visa quel était leur lieu de naissance. Les agents des visas ne visaient pas particulièrement les personnes provenant de l’Union soviétique – ils ne tentaient pas de repérer les gens qui devaient être rapatriés en U.R.S.S.

 

[189]       M. Cliffe a affirmé qu’il n’était au courant d’aucun cas de rapatriement de l’Allemagne à l’Union soviétique. En fait, il croyait qu’il y avait une règle de droit qui interdisait le rapatriement. Toutefois, il a convenu que si un citoyen soviétique qui avait servi dans les forces allemandes avait été rapatrié, il aurait probablement été exécuté.

 

[190]       Certains éléments de preuve documentaire appuient la prétention de M. Seifert selon laquelle le rapatriement forcé vers l’Union soviétique constituait une possibilité réelle dans les années suivant la guerre. Un contrôleur des visas canadien, J.M. Knowles, en service à Fallingbostel, en Allemagne, a écrit à son supérieur à Karlsrühe, en janvier 1950, et a décrit sommairement la situation vécue par des anciens citoyens soviétiques qui désiraient entrer au Canada[96]. Il a fait remarquer que de nombreux Ukrainiens, par exemple, avaient réservé un accueil chaleureux aux troupes allemandes lorsqu’elles étaient arrivées en 1941 et les avaient soutenues avec plaisir. Toutefois, cela a placé ces partisans, lesquels, comme M. Seifert, se trouvaient en dehors de l’Union soviétique après la fin de la guerre, dans une position difficile :

[traduction]

 

Au moment où la dernière guerre tirait à sa fin en 1945, ces personnes, alors en Allemagne, considéraient que ce serait une grave erreur d’être surpris avec des papiers mentionnant qu’ils étaient en fait des citoyens soviétiques, puisqu’il n’y avait que deux possibilités pour eux : une mort lente en Sibérie ou une chute rapide suspendus à une corde de chanvre[97].


[191]       Le mémoire de M. Knowles confirme que, jusqu’en 1947, les citoyens soviétiques étaient rapatriés de force en Union soviétique aux termes de l’accord de Yalta. Afin d’éviter cela, les citoyens soviétiques obtenaient souvent de faux papiers, notamment des passeports, qui démontraient qu’ils étaient des citoyens de la Pologne. La pratique de M. Knowles, laquelle, selon lui, devait continuer et être suivie par ses collègues, était d’émettre des visas aux demandeurs se trouvant dans cette situation et de simplement mentionner sur le formulaire de demande ou le visa que leur lieu de naissance était en Union soviétique, en dépit de leurs documents allant dans le sens contraire. Il avait tenu compte de ce que cette pratique impliquait sur le plan de la sécurité et avait souligné qu’il fallait procéder à une nouvelle vérification de sécurité avec les bons renseignements; autrement, un « rejet pour motif de sécurité » pouvait être approuvé en raison de renseignements inexacts. Toutefois, il est évident que M. Knowles pensait que c’était improbable. En outre, il était sincèrement convaincu que les personnes vivant cette situation représentaient [traduction] « les réfugiés les plus vrais de l’oppression politique » et qu’ils ne posaient pas de risque sur le plan de la sécurité. Je fais tout de même remarquer qu’il a déclaré avoir accordé des visas à des personnes qui étaient [traduction] « d’autre part admissible« » au Canada, ce qui donne à penser qu’il avait quand même effectué une vérification de sécurité de ces demandeurs se trouvant dans la situation difficile qu’il a décrite.

 

[192]       On ne sait pas avec certitude ce qui est arrivé à la suite du mémoire de M. Knowles. Il semble, cependant, que la question a été considérée comme étant de nature délicate. On s’est demandé si les relations avec l’Union soviétique se dégraderaient au cas où on viendrait à apprendre que le Canada admettait sciemment des personnes qui auraient dû être rapatriées en Union soviétique[98]. En plus, on a reconnu que certains immigrants éventuels avaient changé de nom dans le but de protéger contre les représailles leurs parents demeurés en Union soviétique. Visiblement, le Canada n’a pas voulu forcer ces personnes à utiliser leur vrai nom[99]. Il semble bien que le Canada ait considéré que le problème était temporaire et qu’il se soit contenté de laisser les agents d’immigration sur le terrain s’en occuper[100].

[193]       Un problème à plus long terme est survenu relativement aux demandes de citoyenneté de la part de ceux qui avaient fourni des renseignements inexacts au moment où ils avaient obtenu leur visa canadien. On a demandé au gouvernement du Canada comment il avait l’intention de traiter les personnes qui, sous l’effet de la peur, avaient donné de faux renseignements aux agents d’immigration, mais qui devaient également jurer devant un juge de la citoyenneté que leurs données personnelles étaient exactes afin d’obtenir la citoyenneté canadienne[101]. Le ministère de l’immigration a laissé entendre que ces personnes devaient prendre les mesures nécessaires pour faire corriger leur fiche d’établissement[102]. En retour, les fausses déclarations antérieures des demandeurs ne seraient pas retenues contre eux dans le cadre de leur demande de citoyenneté. Ils auraient le droit de conserver leur nom d’emprunt et leur véritable identité demeurerait confidentielle[103].

[194]       Ces éléments de preuve confirment que M. Seifert avait raison de craindre d’être rapatrié de force en Union soviétique, en particulier au cours des premières années qui ont suivi la guerre. Je n’ai aucun doute qu’il a continué d’avoir peur pendant quelque temps par la suite, peut‑être même jusqu’au moment où il a obtenu la citoyenneté canadienne.

[195]       Toutefois, sur le plan juridique, M. Seifert n’a pas établi que sa conduite pouvait être justifiée dans le cadre de la défense de nécessité. Il pouvait choisir d’autres options raisonnables au lieu d’obtenir le droit d’entrer au Canada au moyen de fausses déclarations. Il a passé plusieurs années dans un endroit près de la frontière soviétique, plutôt que de déménager dans un lieu plus sûr. La probabilité d’être rapatrié a diminué avec le temps et, en 1951, il n’aurait pas été raisonnable de croire que c’était imminent. En outre, M. Seifert a concédé que son désir d’aller au Canada avait été motivé en partie par des facteurs économiques. À mon avis, pour avoir gain de cause avec une défense de nécessité, une personne doit démontrer qu’elle a agi dans l’unique but d’éviter un péril imminent. Le fait d’avoir un autre objectif économique n’est pas compatible avec une défense de nécessité.

[196]       Ces éléments de preuve démontrent que, n’eût été de ses états de service durant la guerre, M. Seifert aurait pu recevoir une réponse favorable lorsqu’il a demandé un visa canadien, même s’il avait menti au sujet de son lieu de naissance. Les fonctionnaires canadiens auraient pu fermer les yeux s’ils avaient eu le sentiment qu’il était un simple citoyen soviétique tentant d’éviter le rapatriement. Toutefois, comme cela a déjà été expliqué, on a clairement interrogé`M. Seifert concernant ses activités durant la guerre et il a sciemment fait de fausses déclarations à ce sujet. S’il avait dit la vérité, il aurait été écarté en tant que gardien de camp ayant servi dans la SD. Par conséquent, je conclus que M. Seifert a obtenu le droit d’entrer au Canada, et a par la suite acquis la citoyenneté canadienne[104], par de fausses déclarations ainsi que par la dissimilation de ses activités durant la guerre et de son lieu de naissance.

 

XXVIII.          Les arguments relatifs à la Charte

[197]       M. Seifert fait valoir que la présente procédure contrevient aux principes de justice fondamentale qui sont garantis par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Plus particulièrement, il soutient que la décision du gouvernement du Canada d’initier des procédures, tant pour l’extrader que pour révoquer sa citoyenneté canadienne, est oppressive. En plus, il fait valoir qu’il a été privé des droits dont jouit normalement une personne accusée, du fait de la nature civile de ces procédures. Par exemple, s’il avait été accusé d’un crime, il aurait eu le droit d’être jugé dans un délai raisonnable ainsi que le droit de ne pas s’incriminer.

 

[198]       Toutefois, la jurisprudence précise clairement que l’article 7 ne s’applique pas à ces procédures. Dans l’arrêt Canada (Secrétaire d’État) c. Luitjens[105], le juge Allen Linden a expliqué ce qui suit :

 

[…] Tout d'abord, au moment où la Cour a rendu sa décision, au moins, l'article 7 n'était pas en cause parce que l'on n'avait pas encore porté atteinte au droit de M. Luitjen "à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne". Le juge de première instance a simplement statué que M. Luitjen avait obtenu la citoyenneté canadienne par fausse déclaration. Cette conclusion pourrait peut-être bien servir de fondement aux décisions d'autres tribunaux, qui pourraient porter atteinte ultérieurement à ce droit, mais cela n'est pas le cas de la décision dont il est question en l'espèce. Il ne s'agit donc que d'une étape d'une action qui peut aboutir ou non à la révocation définitive de la citoyenneté et à l'expulsion ou l'extradition de l'intéressé. […]

 

[Souligné dans l’original.]

 

[199]       En d’autres mots, mes conclusions de fait ne priveront pas, en soi, M. Seifert de la liberté ou de la sécurité de sa personne. Elles serviront simplement de fondement à un rapport qui pourra ou non donner lieu à la révocation de la citoyenneté et à l’expulsion[106].

 

[200]       Je souligne aussi que l’article 7 peut s’appliquer tant aux instances en matière d’extradition[107] qu’à celles en matière d’expulsion[108], parce qu’il existe un lien de causalité plus étroit entre l’action du gouvernement et les conséquences défavorables potentielles. M. Seifert a eu l’occasion de soulever des arguments relatifs à la Charte dans le cadre de la procédure d’extradition engagée contre lui et, effectivement, c’est ce qu’il a fait.

 

[201]       Je ne doute aucunement que M. Seifert et sa famille trouvent que ces instances sont oppressives dans les circonstances et qu’elles leur occasionnent des difficultés personnelles et financières. Je n’ai pu trouver aucun autre cas où, comme en l’espèce, une procédure d’extradition avait été montée en parallèle avec une autre en révocation de citoyenneté. Toutefois, dans d’autres cas, l’instance en matière d’extradition et celle en matière d’expulsion ont suivi leur cours simultanément.

 

[202]       Dans la décision Yousif c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[109], le demandeur faisait l’objet d’une enquête en matière d’immigration, dans laquelle on alléguait qu’il était non admissible au Canada. Au même moment, les États‑Unis visaient à obtenir son extradition pour qu’il fasse face à des accusations de meurtre. Le demandeur a sollicité l’interdiction de la poursuite de l’instance en matière d’immigration au motif qu’elle équivalait à un abus de procédure et à une double incrimination. Le juge Max Teitelbaum a conclu que la multiplicité des instances ne constituait pas un abus de procédure[110]. Il s’est appuyé sur la décision Blanusa c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)[111], dans laquelle le demandeur sollicitait une ordonnance d’interdiction ou une injonction à l’encontre du maintien d’une enquête en matière d’immigration jusqu’à la fin de l’instance en matière d’extradition. Le juge Barry Strayer a conclu qu’il pouvait rendre l’ordonnance seulement s’il était convaincu que l’arbitre de l’immigration était sur le point de faire quelque chose outrepassant sa compétence ou contraire à la loi, notamment la Charte[112]. Le demandeur a soulevé des questions similaires à celles soumises en l’espèce par M. Seifert. Le juge Strayer a conclu que les deux processus étaient complètement séparés. L’instance en matière d’immigration concernait une allégation selon laquelle le demandeur avait contrevenu à la loi canadienne lorsqu’il était entré au Canada, alors que celle en matière d’extradition alléguait une violation des lois des États‑Unis[113]. Il a refusé de rendre l’ordonnance.

 

[203]       Je fais remarquer que le juge Campbell s’est dit préoccupé par la multiplication des instances dans la décision Bembenek c. Canada (Minister of Employment and Immigration)[114]. Dans cette affaire, il y avait plusieurs procédures en cours, dont une demande d’asile et une instance en matière d’expulsion, de même qu’une autre en matière d’extradition. La demanderesse a fait valoir que l’instance en matière d’immigration constituait une forme déguisée d’extradition. Le juge Campbell a déclaré ce qui suit :

 

[traduction]

 

L’avocat du ministre prend la position selon laquelle l’expulsion et l’extradition devraient toutes les deux procéder en même temps. L’avocat n’a pas été capable de dire quelle instance procéderait en premier, laquelle aurait priorité ou laquelle céderait à l’autre. Cette position, que les deux suivent leur cours simultanément, pose des problèmes pratiques évidents. Cela aggrave la multiplicité des instances lorsque la demanderesse doit faire face à deux attaques simultanées concernant sa présence au pays par deux organes distincts du gouvernement exactement au même moment sans indication quant à la manière dont les deux instances simultanées sont censées interagir ni assurance que les problèmes pratiques de multiplicité ont été ou seront réglés[115].

 

[204]       Le juge Campbell a tout de même conclu que les fonctionnaires de l’immigration avaient une obligation indépendante de viser l’expulsion selon le principe que le Canada ne devrait pas devenir un refuge pour les condamnés étrangers[116]. En plus, il a fait remarquer que le danger de l’extradition déguisée survenait lorsque la procédure d’extradition avait échoué pour insuffisance de preuve et que l’instance en matière d’expulsion avait commencé à titre de « réserve ». Ce n’était pas la situation dont il était saisi.

 

[205]       Rien ne me permet de conclure que la procédure en l’espèce a été engagée pour un motif répréhensible ou inavoué, ou pour obtenir une réparation qui avait été refusée autre part.

 

[206]       M. Seifert fait également valoir que le processus de vérification de sécurité du Canada porte atteinte à sa liberté d’association garantie par l’alinéa 2b) de la Charte, de même qu’il viole son droit à l’égalité garanti par l’article 15. En ce qui a trait à l’alinéa 2b), il soutient que le fait d’interdire à tous les membres d’un groupe particulier, tel la SD, d’entrer au Canada va à l’encontre de la Charte, à moins qu’on puisse démontrer que le groupe poursuit une [traduction] « fin unique et brutale ». De la même façon, il laisse entendre que le processus de vérification de sécurité introduit une discrimination selon l’origine nationale. On n’a pas sérieusement soutenu devant moi ces autres arguments relatifs à la Charte. Aucune jurisprudence ni doctrine n’a été présentée à leur appui et, par conséquent, je refuse de les aborder.

 

XXIX.          Résumé des conclusions

 

[207]       Je suis convaincu que, en sa qualité de gardien à Nikolayev et aux camps de Fossoli et de Bolzano, M. Seifert était un auxiliaire au service de la SD. Toutefois, il n’était pas un membre à part entière de la SD.

[208]       Dans le cadre de ses tâches de gardien, M. Seifert aurait participé au rassemblement des prisonniers pour l’appel, supervisé les travaux forcés, patrouillé les entrées ainsi que le périmètre du camp et escorté des prisonniers jusqu’aux trains destinés aux camps de concentration.

 

[209]       Je suis convaincu qu’il y avait une paire de gardiens, appelés les « deux Ukrainiens », qui avaient la réputation de traiter les prisonniers d’une manière particulièrement rude. Vu la faiblesse de la preuve d’identification, il serait difficile de conclure que M. Seifert était l’un d’eux. Mais, même si M. Seifert était l’un des « deux Ukrainiens », la preuve ne démontre pas qu’il a commis des actes de torture et de meurtre.

 

[210]       Par conséquent, je ne suis pas convaincu que les allégations énoncées dans la déclaration (voir le paragr. 11 ci‑dessus) ont été prouvées selon la prépondérance de la preuve. En réalité, en ce qui concerne la plupart de ces allégations, je ne dispose tout simplement d’aucun élément de preuve. Quant aux autres accusations faites par d’anciens prisonniers qui ont témoigné dans la présente instance, encore une fois, je ne peux pas conclure qu’elles ont été prouvées. Je n’insinue pas que les témoins ont fabriqué de la preuve, ou même qu’ils se trompent. Je conclus simplement que la preuve n’établit pas, selon la prépondérance de la preuve, que M. Seifert est responsable des actes qui ont été allégués à son encontre.

[211]       J’estime cependant que M. Seifert a, en 1944, été déclaré coupable d’agression sexuelle, et non seulement d’association avec l’ennemi.

 

[212]       En 1951, M. Seifert, en tant que réfugié d’origine ethnique allemande qui avait acquis la citoyenneté allemande après 1939, était admissible à entrer au Canada[117]. Toutefois, à mon avis, M. Seifert aurait été écarté en raison de son association avec la SD, de même que de son service comme gardien de camp.

 

[213]       Même si M. Seifert n’était pas un « membre » de la SD, et qu’il n’était qu’un auxiliaire, je suis convaincu qu’un contrôleur des visas l’aurait considéré comme non admissible en application du critère prédominant. En résumé, si M. Seifert avait divulgué ses états de service durant la guerre, on ne lui aurait pas permis d’entrer au Canada. En outre, en mentionnant l’Estonie comme lieu de naissance, il a pu bénéficier d’une attitude plus complaisante de la part des fonctionnaires canadiens, même s’ils le soupçonnaient de mentir concernant ses états de service. Ils peuvent avoir pensé qu’il avait subi des pressions pour s’enrôler. En plus, si les fonctionnaires canadiens avaient vérifié les dossiers de renseignements étrangers dont ils disposaient, sous le nom de « Michael Seifert », ils auraient pu découvrir des renseignements donnant à penser qu’il était l’un des « deux Ukrainiens » du camp de Bolzano[118]. Toutefois, il se peut qu’ils n’aient pas fait de lien avec le dénommé Michael Seifert qui affirmait être originaire de l’Estonie.

 

[214]       Ces éléments de preuve démontrent que, n’eût été de ses états de service durant la guerre, M. Seifert aurait pu recevoir une réponse favorable lorsqu’il a demandé un visa canadien, même s’il avait menti au sujet de son lieu de naissance. Les fonctionnaires canadiens auraient pu fermer les yeux s’ils avaient eu le sentiment qu’il était un simple citoyen soviétique tentant d’éviter le rapatriement. Toutefois, on a clairement interrogé`M. Seifert concernant ses activités durant la guerre et il a sciemment fait de fausses déclarations à ce sujet. S’il avait dit la vérité, il aurait été écarté en tant que gardien de camp ayant servi dans la SD. Par conséquent, M. Seifert a obtenu le droit d’entrer au Canada, et a par la suite acquis la citoyenneté canadienne[119], par de fausses déclarations ainsi que par la dissimilation de ses activités durant la guerre et de son lieu de naissance.

 

 

[215]       La preuve confirme que M. Seifert avait raison de craindre d’être rapatrié de force en Union soviétique, en particulier au cours des premières années qui ont suivi la guerre. Je n’ai aucun doute qu’il a continué d’avoir peur pendant quelque temps par la suite, peut‑être même jusqu’au moment où il a obtenu la citoyenneté canadienne.

 

[216]       Toutefois, sur le plan juridique, M. Seifert n’a pas établi que sa conduite pouvait être justifiée dans le cadre de la défense de nécessité. Il pouvait choisir d’autres options raisonnables au lieu d’obtenir le droit d’entrer au Canada au moyen de fausses déclarations. Il a passé plusieurs années dans un endroit près de la frontière soviétique, plutôt que de déménager dans un lieu plus sûr. La probabilité d’être rapatrié a diminué avec le temps et, en 1951, il n’aurait pas été raisonnable de croire que c’était imminent. En outre, M. Seifert a concédé que son désir d’aller au Canada avait été motivé en partie par des facteurs économiques. Pour avoir gain de cause avec une défense de nécessité, une personne doit démontrer qu’elle a agi dans l’unique but d’éviter un péril imminent. Le fait d’avoir un autre objectif économique n’est pas compatible avec une défense de nécessité.

[217]       Je ne doute aucunement que M. Seifert et sa famille trouvent que ces instances, qui ont été introduites en parallèle avec la procédure d’extradition, sont oppressives et qu’elles leur occasionnent des difficultés personnelles et financières. Je n’ai pu trouver aucun autre cas où, comme en l’espèce, une procédure d’extradition avait été montée simultanément avec une autre en révocation de citoyenneté. Toutefois, rien ne me permet de conclure que la procédure en l’espèce a été engagée pour un motif répréhensible ou inavoué, ou pour obtenir une réparation qui avait été refusée autre part. Par conséquent, je rejette l’observation faite par M. Seifert selon laquelle la présente procédure contrevient aux principes de justice fondamentale qui sont garantis par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

XXX.          Conclusion

[218]       M. Seifert a obtenu le droit d’entrer au Canada et a acquis la citoyenneté canadienne au moyen d’une fausse déclaration et de la dissimulation de faits essentiels.

[219]       Si les parties désirent être entendues par la Cour concernant toute question pendante, elles peuvent prendre les dispositions en ce sens en communiquant avec le greffe de la Cour.

 

 

 James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Annexe A

Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29

 

Décret en cas de fraude

10. (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu’il est convaincu, sur rapport du ministre, que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l’intéressé, à compter de la date qui y est fixée :

a) soit perd sa citoyenneté;

b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.

 

Présomption

(2) Est réputée avoir acquis la citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne qui l’a acquise à raison d’une admission légale au Canada à titre de résident permanent obtenue par l’un de ces trois moyens.

 

 

 

Avis préalable à l’annulation

18. (1) Le ministre ne peut procéder à l’établissement du rapport mentionné à l’article 10 sans avoir auparavant avisé l’intéressé de son intention en ce sens et sans que l’une ou l’autre des conditions suivantes ne se soit réalisée :

a) l’intéressé n’a pas, dans les trente jours suivant la date d’expédition de l’avis, demandé le renvoi de l’affaire devant la Cour;

b) la Cour, saisie de l’affaire, a décidé qu’il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

Nature de l’avis

  (2) L’avis prévu au paragraphe (1) doit spécifier la faculté qu’a l’intéressé, dans les trente jours suivant sa date d’expédition, de demander au ministre le renvoi de l’affaire devant la Cour. La communication de l’avis peut se faire par courrier recommandé envoyé à la dernière adresse connue de l’intéressé.

 

 

Caractère définitif de la décision

  (3) La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d’appel.

 

Charte canadienne des droits et libertés, Loi constitutionnelle de 1982, Édictée comme l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.)

 

Libertés fondamentales

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

 

a) liberté de conscience et de religion; 

 

b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression,
y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

 

c) liberté de réunion pacifique;

 

d) liberté d'association.

 

Vie, Liberté, Sécurité

 

  7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale

 

Égalité devant la loi, égalité de bénéfice et protection égale de la loi

 

 15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

 

Citizenship Act, R.S.C. 1985, c. C-29

 

Order in cases of fraud

10. (1) Subject to section 18 but notwithstanding any other section of this Act, where the Governor in Council, on a report from the Minister, is satisfied that any person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship under this Act by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances,

(a) the person ceases to be a citizen, or

(b) the renunciation of citizenship by the person shall be deemed to have had no effect,

as of such date as may be fixed by order of the Governor in Council with respect thereto.

 

Presumption

(2) A person shall be deemed to have obtained citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances if the person was lawfully admitted to Canada for permanent residence by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances and, because of that admission, the person subsequently obtained citizenship.

 

Notice to person in respect of revocation

18. (1) The Minister shall not make a report under s. 10 unless the Minister has given notice of his intention to do so to the person in respect of whom the report is to be made and

(a) that person does not, within thirty days after the day on which the notice is sent, request that the Minister refer the case to the Court; or

(b) that person does so request and the Court decides that the person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances.

Nature of notice

  (2) The notice referred to in subsection (1) shall state that the person in respect of whom the report is to be made may, within thirty days after the day on which the notice is sent to him, request that the Minister refer the case to the Court, and such notice is sufficient if it is sent by registered mail to the person at his latest known address.

 

Decision final

  (3) A decision of the Court made under subsection (1) is final and, notwithstanding any other Act of Parliament, no appeal lies therefrom

 

Canadian Charter of rights and Freedoms, Part I of the Constitution Act, 1982, being Schedule B to the Canada Act (U.K.), 1982, c. 11

 

Fundamental Freedoms

 

2. Everyone has the following fundamental freedoms:

a) freedom of conscience and religion;

 

b) freedom of thought, belief, opinion and expression, including freedom of the press and other media of communication;

 

c) freedom of peaceful assembly; and

 

d) freedom of association.

 

 

Life, Liberty and Security of person

 

   7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

 

Equality before and under law and equal protection and benefit of law

 

15. (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                T-2016-01

 

INTITULÉ :                                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                                                                                    c.

                                                                                    MICHAEL SEIFERT

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       les 1er et 2, du 6 au 9 ainsi que du 12 au 15 septembre 2005; les 13 et 14 ainsi que du 17 au 21 octobre 2005; les 9 et 10 février 2006; les 8 et 9 ainsi que du 13 au 17 mars 2006; du 18 au 21 avril 2006; du 5 au 15 septembre 2006

 

CONCLUSIONS DE FAIT :                                     Le juge O’Reilly

 

DATE DES CONCLUSIONS DE FAIT :                Le 13 novembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

                                                                              Barney Brucker      POUR LE DEMANDEUR

 

ouglas Christie                                                        Douglas H. Christie POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DEMANDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

                                                                             

Douglas H. Christie                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Victoria (Colombie‑Britannique)



Notes

 

[1] Pièce C-14.

[2] Pièce UU, jugement et peine prononcés par le tribunal militaire de Vérone en date du 18 octobre 2001 (doc. 743).

[3] Pièce VV, peine et motifs du jugement de la Cour militaire d’appel du district de Vérone, datée du 18 octobre 2001 (doc. 744); pièce WW, peine infligée par la Cour suprême de cassation en date du 8 octobre 2002 (doc. 745).

[4] Italy c. Seifert, 2003 BCSC 1317.

[5] Italy c. Seifert, 2007 BCCA 407.

[6] Michael Seifert c. Procureur général du Canada au nom de la République d’Italie et autre (dossier de la SCS no 32155; demande d’autorisation de pourvoi déposée le 1er octobre 2007).

[7] Les Règles des Cours fédérales (1998) (DORS/98-106) prévoient, à l’alinéa 169a), que les renvois visés à l’article 18 de la Loi sur la citoyenneté doivent être introduits par voie d’action conformément aux dispositions de la partie 4 des Règles.

[8] Voir Canada (Secrétariat d’État) c. Luitjens (1993), 142 N.R. 173 (C.A.F.) (ou [1992] A.C.F. no 319 (C.A.F.) (QL)); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tobiass et al., [1997] 3 R.C.S. 391; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Oberlander, [2000] A.C.F. no 229.

[9] Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29, paragraphe 18(3).

[10] Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29, alinéa 18(1)b).

[11] Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29, paragraphe 10(2).

[12] Voir le paragraphe 31 de la déclaration.

 

[13] Voir les décisions citées dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Skomatchuk, 2006 CF 994, au paragraphe 23, en particulier Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Bogutin, (1998), 144 F.T.R. 1 (1re inst.), au paragraphe 113, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Oberlander, [2000] A.C.F. no 229 (QL), au paragraphe 187.

 

[14] Voir le Rapport annuel 2004‑2005 du Programme canadien sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, en ligne : Justice Canada, http://canada.justice.gc.ca/fr/ps/wc/index.html.

[15] Oberlander c. Canada (Procureur général), [2005] 1 R.C.F. 3 (C.A.).

[16] L’information contenue dans la présente section provient en grande partie du témoignage d’expert du Dr Peter Black, historien principal au Center for Advanced Holocaust Studies, United States Holocaust Memorial Museum, à Washington, dont le rapport a été déposé en preuve par le demandeur (pièce 40, The Role of the SD in the Nazi SS and Police Apparatus, datée du 15 septembre 2004).

 

[17] Voir la note 16.

 

[18] L’information contenue dans la présente section provient en grande partie du témoignage d’expert de M. Carlo Gentile, un historien italien qui possède un intérêt et une expertise spécifiques concernant l’occupation allemande de l’Italie, dont le rapport a été déposé en preuve par le demandeur (pièce 37, The Police Transit Camps in Fossoli and Bolzano, Historical Report, datée du 24 juillet).

 

[19] Pièce BBB, note de service datée du 12 décembre 1943 concernant le déploiement de la police de sûreté et de la SD en Italie (doc. 370).

 

[20] Pièce CCC, ordre de service no 8 daté du 29 mars 1943 (doc. 381).

 

[21] Pièce 40, rapport du Dr Peter Black (voir ci‑dessus, note 16), à la note 96.

 

[22] Onglet 7, dossier du procès.

 

[23] Pièce AAAA, pages 6 et 7 de la transcription de l’audience en matière d’extradition datée du 14 juillet 2003.

 

[24] Pièce PPP, affidavit de Babette Heusterberg daté du 28 novembre 2002 et pièces jointes.

 

[25] Voir le rapport de M. Gentile, précité, note 18, à la p. 23.

[26] Pièce GGG, liste de recommandations pour l’attribution de la croix de service de guerre deuxième classe avec épée, datée du 15 janvier 1945 (doc. 387).

 

[27] Pièce C‑11, diagramme du camp extrait de la pièce C‑A.

[28] Pièce 38, rapport d’expert adressé à la Commission sur les crimes de guerre, au QG du SSU rég. 2677 (prov.), APO 512 (Rome) et au QG de la FSS, à Bolzano, par Artur Schoster, daté du 26 novembre 1945, à Bolzano.

[29] Pièce CCCC, rapport médical de M. Seifert.

 

[30] Pièce 4, photo de M. Seifert (constituait la pièce 1 lors de l’interrogatoire préalable de M. Seifert le 14 octobre 2003).

[31] Pièce LLL, télégramme de Titho daté du 16 décembre 1944, concernant le transport de Juifs à 18 h, le 14 décembre 1944 (doc. 385).

 

[32] Pièce NNN, affidavit de Piotr Setkiewicz daté du 21 mai 2002 et pièces jointes.

 

[33] Pièce C-33, article paru dans le Protagonisti en juin 2005 et note 80, concernant la messe de Pâques 1945, avec traduction anglaise; pièce C-34, extrait d’un article du Anche a Volarlo Renccontare E Impossibile, avec traduction anglaise; pièce C-E, affidavit de Lucy Segatti daté du 2 septembre 2005, avec parties traduites du journal de Berto Parotti portant la cote C‑E.

[34] Pièce 38, rapport d’expert adressé à la Commission sur les crimes de guerre, au QG du SSU rég. 2677 (prov.), APO 512 (Rome) et au QG de la FSS, à Bolzano, par Artur Schoster, daté du 26 novembre 1945, à Bolzano.

[35] Pièce MMM, affidavit of Timothy K. Nenninger, annexe A, numéro 10.

 

[36] Pièce FFFF, déclaration de Karl Titho numéro 711.

 

[37] Pièce IIII, déclaration de Karl Titho numéro 717.

 

[38] Pièce OOO, affidavit de Babette Heusterberg daté du 28 juillet 2005 et pièces jointes.

 

[39] Pièce RRR, document relatif à la note 87 du rapport de M. Black intitulé [traduction] « Décret relatif à une juridiction d’exception en matière criminelle pour les membres des SS et les personnes appartenant aux unités de police en déploiement spécial » signé par Goring, Frick et Lammers.

[40] Pièce 38, rapport d’expert adressé à la Commission sur les crimes de guerre, au QG du SSU rég. 2677 (prov.), APO 512 (Rome) et au QG de la FSS, à Bolzano, par Artur Schoster, daté du 26 novembre 1945, à Bolzano.

[41] Pièce C-21, Extraits de Foundation of Memory of the Deported, avec traduction anglaise.

[42] Pièce C-20, extraits de l’autobiographie d’Andrea Gaggero, Vestīa Da Omo, pages 128, 129, 130, 131 et 133 et page couverture, avec traduction anglaise.

[43] Pièce C-14, copie de l’article de La Stampa daté du 26 juin 1999, [traduction] « Les deux SS ukrainiens accusés de 14 meurtres et d’actes de torture commis contre des prisonniers ont été retrouvés. Les kapos du camp de Bolzano se trouvent au Canada. Le procureur militaire demandera leur extradition », accompagnée de la traduction anglaise.

[44] Pièce C-15, copie de l’article de La Stampa, [traduction] « J’ai été témoin des crimes commis au camp de Bolzano », daté du 28 juin 1999, accompagnée de la traduction anglaise.

[45] Pièces FFFF, GGGG, HHHH, et IIII, déclarations de Karl Titho nos 711, 713, 715 et 717.

 

[46] Pièce C-34, extrait d’un article de l’Anche a Volarlo Raccontare Ė Impossibile, accompagnée de la traduction anglaise.

 

[47] Pièce C-33, article du Protagonisti (juin 2005).

 

[48] Pièce YYY, affidavit de Leonardo Simeoni, pièce 4.

 

[49] Pièce 54, fiche de renvoi datée du 23 mai 1945 portant l’en‑tête [traduction« À tous les gardiens ».

 

[50] Pièce UUU, affidavit de Herbert Weibmann daté du 21 juillet 2003, auquel sont annexés des dossiers municipaux provenant d’Allemagne.

 

[51] Pièce RR, affidavit de Sigfried Dost daté du 21 juillet 2003.

 

[52] Pièce QQ, affidavit de Thomas Brandes daté du 21 juillet 2003.

 

[53] Pièce 19, copie du passeport de Michael Seifert.

 

[54] Une bonne partie de l’analyse dans la présente section découle du témoignage d’expert de M. Nicholas D’Ombrain et de son rapport écrit, lequel a été produit en preuve par le demandeur (Pièce 27, The Government of Canada’s Policy on Security Screening for Immigrants in the Post-War Period, datée de mars 2004), de même que le témoignage d’expert de la Dr Angelika Sauer dont le rapport écrit a également été produit en preuve par le demandeur (Pièce 32, Immigration Report, datée de juillet 2004).

[55] Pièce 28, discours du premier ministre MacKenzie King à la Chambre des communes, le 1er mai 1947, extraits du Hansard (onglet 10/doc. 89).

 

[56] Pièce DD, décret C.P. 185.

 

[57] Pièce H, mémoire daté du 20 septembre 1946 adressé à M. Robertson, Affaires extérieures/Conseil privé, objet : établissement des réfugiés (doc. 54); pièce I, mémoire du cabinet daté du 15 octobre 1945 d’Allison Glen, ministre, objet : arrangements relatifs aux réfugiés au Canada (doc. 21).

 

[58] Pièce J, procès‑verbal de la première réunion du Conseil de sécurité, datée du 24 juin 1946 (onglet 2/doc. 42).

 

[59] Pièce L, procès‑verbal du Conseil de sécurité, deuxième réunion, le 8 juillet 1946 (onglet 4/doc. 45).

 

[60] Pièce M, conclusion du Cabinet en date du 5 août 1946 (onglet 6/doc. 49).

 

[61] Pièce N, lettre datée du 9 octobre 1946 de L. St‑Laurent au commissaire Wood de la GRC.

 

[62] Pièce O, lettre datée du 7 février 1947 d’A. Heeney au ministre Glen (doc. 69).

 

[63] Pièce Q, Memorandum to the Prime Minister – Rejection of prospective immigrants on security grounds, datée du 21 septembre 1949 (onglet 16/doc. 204).

 

[64] Pièce 29, copie de la Gazette du Canada relative au décret C.P. 1606, datée du 28 mars 1950 (onglet 18/doc. 234).

 

[65] Pièce X, circulaire officielle no 72 du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration datée du 20 mai 1950; objet : application des règlements concernant les ressortissants allemands et les immigrants d’origine ethnique allemande (onglet 23/doc. 247).

 

[66] Pièce 33, décret 4364 du 14 septembre 1950, Entry of German Nationals Permitted (doc. 266).

 

[67] Pièce II, mémoire de l’inspecteur MacNeil de la GRC au superintendant McClellan, objet : membres du parti nazi et de la Waffen SS, datée du 11 août 1950 (doc. 277).

 

[68] Pièce W, document adressé au major J.E. Wright de la part de S.J. Wood, datée du 30 novembre 1950 (doc. 281); pièce V, document daté du 4 décembre 1950, de McNeil à Wright (onglet 30/doc. 282).

 

[69] Pièce U, procès‑verbal de la réunion du 27 octobre 1950 du Conseil de sécurité (doc. 275).

 

[70] Pièce KK, note au dossier rédigée par le sous‑ministre Fortier, datée du 9 juillet 1951 (doc. 318); pièce LL, lettre de l’inspecteur Hall adressée au major Wright en date du 11 juillet 1951 (doc. 319).

 

[71] Pièce AA, lettre de l’inspecteur Kelly à la Division spéciale, datée du 21 janvier 1953 (avec, en annexe, une copie de la pièce 22) (doc. 342); pièce 26, liste intitulée [traduction« Motifs de rejet » (doc. 342).

 

[72] Pièce MM, procès‑verbal de la rencontre tenue le 26 février 1951 entre la GRC et le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (doc. 301).

 

[73] Pièce Z, procès‑verbal de la 42e réunion du Conseil de sécurité en date du 15 mai 1952 (onglet 44/doc. 335).

 

[74] Pièce JJ, directive no 38 du Conseil de contrôle allié, datée du 14 octobre 1946 (doc. 56).

 

[75] Pièce Z, procès‑verbal de la 42e réunion du Conseil de sécurité en date du 15 mai 1952 (onglet 44/doc. 335).

 

[76] Pièce AA, lettre de l’inspecteur Kelly à la Division spéciale, datée du 21 janvier 1953 (avec, en annexe, une copie de la pièce 22) (doc. 342); pièce 22, Screening of Applicants for Admission to Canada, datée du 20 novembre 1948 (critères de rejet) (onglet 14/doc. 145).

 

[77] Pièce V, document daté du 4 décembre 1950, de McNeil à Wright (onglet 30/doc. 282); pièce W, document adressé au major J.E. Wright de la part de S.J. Wood, datée du 30 novembre 1950 (doc. 281).

 

[78] Pièce 8, décret C.P.-695, General Prohibition to Admission, daté du 21 mars 1931 (onglet 1/doc. 2).

 

[79] Pièce 11, décret C.P.-2856, « Immigration Act »: Prohibiting the landing in Canada of Immigrants with certain exceptions, daté du 9 juin 1950 (onglet 24/doc. 250).

 

[80] Pièce 9, Procedure in Handling Alien Immigration (directive no 1).

 

[81] Pièce 15, formulaire de demande d’admission au Canada – avec renseignements professionnels, datée du 1/2/5 (onglet 33/doc. 289).

 

[82] Pièce 16, Immigration OS8 - Application for admission to Canada (doc. 895).

 

[83] Cela a été confirmé par la pièce NN, lettre de J. Murray 10136, expédiée de Berlin le 21 avril 1947 et adressée au sgt é-m Hinton, à Londres, en Angleterre, objet : contrôle des visas.

 

[84] Pièce 22, Screening of Applicants for Admission to Canada, datée du 20 novembre 1948 (critères de rejet) (onglet 14/doc. 145).

 

[85] Pièce 19, copie du passeport de Michael Seifert.

 

[86] Voir le rapport précité à la note 54.

 

[87] Pièce 29, copie de la Gazette du Canada relative au décret C.P. 1606, datée du 28 mars 1950 (onglet 18/doc. 234).

[88] M. Seifert était nommé dans la pièce 38, rapport d’expert adressé à la Commission sur les crimes de guerre, au QG du SSU rég. 2677 (prov.), APO 512 (Rome) et au QG de la FSS, à Bolzano, par Artur Schoster, daté du 26 novembre 1945, à Bolzano et dans la pièce YYY, doc. 4 annexé à l’affidavit de Leonardo Simeoni daté d’octobre 2005 (concernant la procédure contre Albino Cologna).

[89] Pièce 18, affidavit de J. David Runnells signé le 14 février 2003.

 

[90] Pièce G, affidavit de Surinder Budial signé le 8 décembre 2004, accompagné de la pièce A en annexe.

 

[91] Pièce F, demande de citoyenneté de M. Seifert datée du 24 juin 1966.

 

[92] Pièce 7, affidavit de Gary Moore signé le 4 juin 2003, accompagné des pièces A à G en annexe.

 

[93] Voir les arrêts Perka c. R., [1984] 2 R.C.S. 232, et R. c. Latimer, 2001 CSC 1; [2001] 1 R.C.S. 3.

 

[94] L. Klar, Tort Law, 3e éd., Toronto, Thomson Carswell, 2003, p. 140.

 

[95] 933301 Ontario Inc c. Loewith, [1997] O.J. no 4120 (Div. gén.).

 

[96] Pièce 58, doc. 809, lettre datée du 3 janvier 1950, signée par J.M. Knowles, agent des visas à Fallingbostel.

[97] Pièce 58, doc. 809, lettre datée du 3 janvier 1950, signée par J.M. Knowles, agent des visas à Fallingbostel.

[98] Pièce 58, doc. 977, lettre datée du 24 février 1950, signée par C.E.S. Smith, directeur par intérim, ministère des Mines et des Ressources.

[99] Pièce 58, doc. 893, p. 2, note de service à l’intention du sous‑ministre, datée du 4 mars 1953.

[100] Pièce 58, doc. 981, lettre datée du 9 mars 1950, provenant du directeur par intérim.

 

[101] Pièce 58, doc. 811, lettre datée du 17 août 1950, signée par Dimitri Leuchtenberg-de Beauharnais.

[102] Pièce 58, doc. 813, lettre de M. Laval Fortier de la Direction de l’immigration au [traduction] « sous‑secrétaire d’État aux Affaires extérieures, à Ottawa », datée du 25 août 1950.

[103]  Pièce 58, doc. 893, mémoire au sous‑ministre, Application for citizenship by newcomers admitted to Canada under assumed names, daté du 4 mars 1953.

[104]  Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985 ch. C‑29, paragr. 10(2).

[105]  (1992), 9 C.R.R. (2d) 149 (C.A.F.), à la p. 152.

[106]  Ibid., voir aussi les arrêts Katriuk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 11 Imm. L.R. (3d) 178; [1999] A.C.F. no 1884 (C.A.F.) (QL), et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Obodzinsky, 2001 CAF 158; [2001] A.C.F. no 797 (C.A.F.) (QL); confirmant (2000), 14 Imm. L.R. (3d) 184 (C.F. 1re inst.).

[107]  Voir p. ex. les arrêts Kindler c. Canada (Minstre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779; [1991] A.C.S. no 63 (QL), aux paragr. 172 et suivants, États‑Unis c. Burns, 2001 CSC 7; [2001] A.C.S. no 8 (QL), aux paragr. 59 et 60, et États-Unis d’Amérique c.Ferras, 2006 CSC 33; [2006] A.C.S. no 33 (QL).

[108]  Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1; [2002] A.C.S. no 3 (QL), au paragr. 54.

[109]  [1998] A.C.F. no 1083 (1re inst.) (QL).

[110]  Au paragr. 27.

[111]  [1989] A.C.F. no 244 (1re inst.) (QL).

[112]  Au paragr. 2.

[113]  Au paragr. 3.

[114]  [1991] O.J. no 2162 (C. J. Ont. (Div. Gén.)) (QL).

[115]  À la partie 5.

[116]  À la partie 13.

[117] Pièce 29, copie de la Gazette du Canada relative au décret C.P. 1606, datée du 28 mars 1950 (onglet 18/doc. 234).

[118]  Pièce 38, rapport d’expert adressé à la Commission sur les crimes de guerre, au QG du SSU rég. 2677 (prov.), APO 512 (Rome) et au QG de la FSS, à Bolzano, par Artur Schoster, daté du 26 novembre 1945, à Bolzano.

[119]  Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985 ch. C‑29, paragr. 10(2).

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