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  Date : 20071105

Dossier : IMM-1614-07

Référence : 2007 CF 1138

Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

 

 

ENTRE :

ANTONIO ERINALDO da SILVA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, d’une décision qu’un agent d’immigration (l’agent) a rendue en date du 14 février 2007, refusant au demandeur, Antonio Erinaldo da Silva, de lui délivrer un permis de travail sans avoir obtenu un avis relatif au marché du travail de la part de Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC).

 

LA QUESTION EN LITIGE

[2]               La présente demande soulève la question suivante : l’agent a-t-il manqué à l’obligation d’équité procédurale en ne donnant pas de motifs suffisants à l’appui de sa décision?

 

LES FAITS

[3]               Le demandeur est citoyen du Brésil. Il a fait une demande de permis de travail fondée sur l’alinéa 205a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), qui permet de se soustraire à l’exigence de fournir un avis relatif au marché du travail de RHDSC, au motif que le travail de l’étranger « permet de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages sociaux, culturels ou économiques pour les citoyens canadiens ou les résidents permanents ».

 

[4]               Le demandeur s’est trouvé un emploi auprès de Ache Brazil, une école d’arts martiaux  à Vancouver, en Colombie-Britannique, qui offre des cours de capoeira, un type d’arts martiaux brésilien.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE JUDICIAIRE

[5]               L’agent affecté au dossier a décidé qu’une dispense fondée sur l’alinéa 205a) du Règlement n’était pas justifiée parce que le travail du demandeur ne créerait pas suffisamment d’avantages culturels ou économiques au Canada.

 

[6]               La décision de l’agent est rédigée ainsi :

[TRADUCTION]

 

La présente a trait à la demande de permis de travail que vous avez présentée au Consulat général le 22 janvier 2007.

 

Je vous ai informé, dans un courriel envoyé par mon auxiliaire le même jour, que vous deviez obtenir une confirmation relative au marché du travail de la part d’un agent de Ressources humaines et Développement des compétences Canada.

 

Votre représentant a demandé des motifs écrits justifiant cette exigence. À titre d’agent chargé de traiter votre demande, je vous informe que j’ai décidé que les avantages culturels et économiques potentiels dont pourrait jouir le Canada, que vous avez décrits par l’entremise de votre représentant, ne justifient pas une dispense de l’exigence d’obtenir une confirmation relative au marché du travail de RHDSC.

 

 

[7]               Bien que cette lettre et d’autres lettres subséquentes n’écartent pas la possibilité d’obtenir un permis de travail si un avis relatif au marché du travail est fourni, le demandeur l’interprète comme étant une décision défavorable lui refusant un permis de travail. Puisque le défendeur ne conteste pas cette interprétation, je vais traiter la lettre datée du 14 février 2007 comme étant une décision finale.

 

LA LÉGISLATION PERTINENTE

[8]               Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

200. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis de travail à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

[. . .]

c) il se trouve dans l’une des situations suivantes :

[. . .]

 

 

(ii) il entend exercer un travail visé aux articles 204 ou 205, [. . .]

 

203. (1) Sur demande de permis de travail présentée conformément à la section 2 par un étranger, autre que celui visé à l’un des sous-alinéas 200(1)c)(i) et (ii), l’agent décide, en se fondant sur l’avis du ministère du Développement des ressources humaines, si l’offre d’emploi est authentique et si l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien.

 

205. Un permis de travail peut être délivré à l’étranger en vertu de l’article 200 si le travail pour lequel le permis est demandé satisfait à l’une ou l’autre des conditions suivantes :

 

a) il permet de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages sociaux, culturels ou économiques pour les citoyens canadiens ou les résidents permanents; . . .

200. (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a work permit to a foreign national if, following an examination, it is established that

. . .

(c) the foreign national

. . .

 

 

 

(ii) intends to perform work described in section 204 or 205, or . . .

 

203. (1) On application under Division 2 for a work permit made by a foreign national other than a foreign national referred to in subparagraphs 200(1)(c)(i) and (ii), an officer shall determine, on the basis of an opinion provided by the Department of Human Resources Development, if the job offer is genuine and if the employment of the foreign national is likely to have a neutral or positive effect on the labour market in Canada.

 

205. A work permit may be issued under section 200 to a foreign national who intends to perform work that

 

 

 

(a) would create or maintain significant social, cultural or economic benefits or opportunities for Canadian citizens or permanent residents; . . .

 

ANALYSE

La norme de contrôle

[9]               La question soulevée par le demandeur relativement au droit de recevoir des motifs suffisants est une question d’équité procédurale. Par conséquent, la norme que la Cour doit appliquer est la décision correcte; il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue quant aux questions d’équité procédurale (Kharrat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 842, [2007] A.C.F. n° 1096 (QL), au paragraphe 18; Shaker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 185, [2006] A.C.F. n°  201 (QL), au paragraphe 26; S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539).

 

L’agent a-t-il omis de fournir des motifs suffisants?

[10]           En l’espèce, l’agent n’a pas violé le droit du demandeur à l’équité procédurale en ne motivant pas sa décision de façon adéquate. 

 

[11]           La Cour a statué, à maintes reprises, que le caractère suffisant des motifs doit être évalué en contexte. Certains facteurs peuvent limiter la teneur de l’obligation de motiver la décision, notamment sa nature et son importance, la nature du régime législatif, l’importance de la décision ou les conséquences qu’elle aura pour le demandeur, l’absence d’un droit reconnu par la loi d’obtenir un visa, l’obligation de démontrer l’admissibilité, le fait que l’agent soit peut-être mieux placé pour aborder la question soulevée et l’efficacité administrative (Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 345, [2001] A.C.F. n° 1699 (QL), aux paragraphes 30 à 32; Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1298, [2006] A.C.F. n° 1615 (QL), aux paragraphes 19 et 20; Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1381, [2006] A.C.F. n° 1734 (QL), au paragraphe 32; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.S.C. 817, au paragraphe 21).

 

[12]           Je suis d’accord avec l’argument du défendeur voulant que l’obligation de motiver sa décision soit moindre dans le cadre d’une demande de statut de résident temporaire. Un bon nombre des facteurs énumérés précédemment indiquent que l’obligation de motiver la décision est minime : le demandeur n’a pas de droit d’obtenir un visa selon la loi et il lui incombe de démontrer le

bien-fondé de sa demande; le refus d’octroyer un permis de travail à la suite d’une demande présentée de l’extérieur du Canada a moins de répercussions sur le demandeur qu’en aurait le retrait d’un avantage existant; l’agent est mieux placé que le demandeur pour évaluer les avantages culturels et économiques de l’emploi futur du demandeur.

 

[13]           De plus, il est utile de se référer au paragraphe 5.29 du FW1 Guide des travailleurs étrangers de Citoyenneté et Immigration Canada, qui énonce ce qui suit :

En examinant les dispenses en matière d’AMT ou de confirmation de la part de Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC) avant d’émettre un permis de travail, les agents doivent retenir le principe général suivant : autoriser un étranger à travailler au Canada a un impact sur le marché du travail et l’économie du Canada. Et, en général, les agents doivent hésiter à émettre un permis de travail sans l’assurance de RHDSC que l’impact sur le marché du travail canadien est susceptible d’être neutre ou positif. [. . . ]

 

[. . . ] L’alinéa R205a) donne à l’agent la flexibilité voulue pour faire face à ces situations. Il est impératif que ce pouvoir ne soit pas utilisé par souci de commodité, ni d’aucune autre manière susceptible de contourner ou d’amoindrir l’importance de la confirmation de RHDSC dans le processus du permis de travail. Il concerne plutôt les situations où les avantages sociaux, culturels ou économiques que le Canada pourrait tirer en émettant le permis de travail sont si clairs et convaincants que l’importance de la confirmation peut être éclipsée.

 

 

[14]           Les lignes directrices de Citoyenneté et Immigration Canada sont utiles parce qu’elles donnent un large pouvoir discrétionnaire à l’agent dans des circonstances exceptionnelles. À mon avis, le fait qu’une demande visée à l’alinéa 205a) devrait être accordée seulement dans des cas exceptionnels est un facteur additionnel qui atténue l’obligation d’équité envers le demandeur relativement aux motifs appuyant la décision.

 

[15]           Pour ces motifs,  je suis d’avis que l’agent n’a pas porté atteinte au droit à l’équité procédurale du demandeur. Il était loisible à l’agent de tout simplement affirmer qu’il n’était pas convaincu que le demandeur s’était acquitté du fardeau de démontrer que les avantages culturels et économiques étaient si grands qu’ils le soustrayaient à l’exigence d’obtenir un avis relatif au marché du travail.

 

[16]           Lors de l’audience, le demandeur s’est opposé au dépôt de l’affidavit de l’agent. L’affidavit en question avait été déposé en exécution de l’ordonnance du juge Campbell, datée du 30 juillet 2007.  Le défendeur soutient que cette objection a été faite trop tard et que le demandeur aurait pu contre-interroger l’agent ou présenter une requête visant l’exclusion de l’affidavit avant l’audience. Rien n’a été fait et, en conséquence, l’objection doit être rejetée.

 

[17]           J’ai examiné l’affidavit en question et j’ai comparé les affirmations de l’agent aux notes générées par le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (notes du STIDI) afin de vérifier si le demandeur avait subi un préjudice en raison du dépôt de l’affidavit de l’agent.  Je n’ai trouvé aucune différence sauf que l’agent affirme qu’il a consulté le paragraphe 5.29 du FW1 Guide des travailleurs étrangers de Citoyenneté et Immigration Canada avant de rendre sa décision. Je suis convaincu que l’affidavit doit faire partie du dossier du défendeur. En conséquence, l’objection du demandeur est rejetée.

 

[18]           Le demandeur soumet les questions suivantes aux fins de certification :

[TRADUCTION]

            1.         Jusqu’à quelle étape du processus le défendeur peut-il, selon le cas, modifier ou faire des ajouts aux motifs appuyant sa décision :

 

a.         lorsque la décision est rendue et que les notes du STIDI sont simultanément rédigées,

 

b.         lorsque le défendeur envoie les motifs appuyant la décision au demandeur, à sa demande,

 

c.         lorsque la Cour fédérale demande les motifs de la décision une fois que la procédure de contrôle judiciaire est commencée,

 

d.         lorsque les affidavits du défendeur doivent être produits dans le cadre de la demande d’autorisation,

 

e.                   lorsque le dossier d’instruction est déposé,

 

f.          lorsque les affidavits du défendeur doivent être produits dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire,

 

g.         à la date de l’audition de la demande de contrôle judiciaire?

 

            2.         Si le demandeur demande les motifs de la décision et que ces motifs sont fournis par le défendeur mais que cela ne comprend pas le contenu des notes du STIDI, le défendeur peut-il alléguer, par la suite, que les notes du STIDI font partie des motifs appuyant la décision?

 

[19]           Le défendeur s’oppose à la demande de certification.  Je souscris à l’opinion du défendeur voulant que les questions soulevées ne découlent pas des faits en l’espèce. L’affidavit de l’agent présente les notes du STIDI, qui constituent les motifs de sa décision. Cette méthode est une façon acceptable de déposer des motifs en preuve (Kalra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 941, [2003] A.C.F. n° 1199 (QL)).

 

[20]           Même si la Cour n’avait pas donné de directives au demandeur quant à la soumission d’une réponse aux observations du défendeur relativement aux questions à certifier, la Cour a analysé et examiné la réponse du demandeur avant de rendre sa décision.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1614-07

 

INTITULÉ :                                       ANTONIO ERINALDO da SILVA

                                                            c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION                                                

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 18 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT DE LA COUR :    LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 5 NOVEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Martin Bauer                                                                            POUR LE DEMANDEUR

                                                                                               

 

Sandra Weafer                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                               

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bauer & Company Law Offices                                                POUR LE DEMANDEUR

Burnaby (Colombie-Britannique)

 

John Sims, c.r.                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

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