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Date : 20071102

Dossier : T-567-06

Référence : 2007 CF 1136

Ottawa (Ontario), le 2 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SUPPLÉANT BARRY STRAYER

 

 

ENTRE :

TERRY RANDOLPH THOMPSON

demandeur

et

 

LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION LEQ'Á:MEL

défendeur

 

MOTIFS ADDITIONNELS ET JUGEMENT

 

 

[1]               Le 5 juillet 2007, j’ai prononcé des motifs concernant la présente affaire et j’ai ordonné aux parties de présenter par écrit leurs observations quant aux dépens relatifs à la requête, ce qui est maintenant fait. Les choses ont été retardées par la mort de l’avocate du défendeur le 3 juillet 2007.

 

[2]               Le demandeur, qui a obtenu gain de cause sur le fond, a présenté un mémoire de dépens basé sur la colonne III du tarif B. J’estime qu’il s’agit d’une classification raisonnable de la cause. Bien que les faits fussent assez simples, l’affaire soulevait des questions importantes de droit constitutionnel. À mon avis, il n’y a qu’une seule erreur, là où le demandeur réclame des frais pour l’article 15, « préparation d’un plaidoyer écrit ». Je ne crois pas qu’un plaidoyer écrit ait été préparé ou déposé en l’espèce, outre le mémoire des faits et du droit, qui est bien sûr couvert par un autre article. Par conséquent, je déduirais les sept unités réclamées pour l’article 15, ce qui ferait un total de 58,5 unités autorisées.

 

[3]               Cependant, le défendeur soutient que le demandeur ne devrait pas avoir droit aux dépens et même que les dépens ne devraient pas être adjugés en sa faveur. Le défendeur soutient que le demandeur a rejeté un règlement à l’amiable et que la procédure a été menée de manière à faire augmenter inutilement les frais des deux parties.

 

[4]               D’abord, pour ce qui est du règlement de l’affaire, le défendeur invoque l’alinéa 420(2)a) des Règles des Cours fédérales, lequel dispose :

[…] si le demandeur obtient un jugement moins avantageux que les conditions de l’offre, il a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et le défendeur a droit, par la suite et jusqu’à la date du jugement au double de ces dépens mais non au double des débours;

 

Le défendeur s’appuie sur une offre de règlement présentée dans une lettre datée du 15 mai 2006 à l’avocate du demandeur. Il y est proposé un règlement par lequel les parties demanderaient à la Cour une ordonnance qui enjoindrait au défendeur de tenter de modifier l’article 4 du Règlement électoral en supprimant l’exigence qu’un électeur [traduction] « résid[e] sur le territoire traditionnel canadien du peuple Stó:lo ». L’offre prévoyait une vaste consultation auprès des membres de la Première nation Leq’á:mel, consultation à laquelle le demandeur lui‑même participerait. L’ébauche du nouveau Règlement électoral ferait alors l’objet d’un référendum et serait acceptée si 50 % plus un de tous les membres de la Première nation Leq’á:mel, indépendamment de leur lieu de résidence, votaient en faveur du règlement. Le défendeur a rapidement rejeté cette offre. À mon avis, une telle offre n’aurait pas été plus favorable au demandeur que le jugement que j’ai rendu. Étant donné les exigences du Règlement électoral en vigueur, je ne vois pas comment le Règlement aurait pu être modifié par une majorité de 50 % plus un de tous les membres, indépendamment de leur lieu de résidence. Comme nous l’avons vu précédemment, selon l’article 24.3, pour que le Règlement électoral soit modifié, une majorité de 60 % des électeurs admissibles doit appuyer les modifications. L’article 4 du Règlement interdit également aux non‑résidents du TTCS de voter. Le simple fait que les parties conviennent de modifier le Règlement sans se conformer à l’article 24.3, la disposition en vigueur, serait sans effet. La Cour ne pourrait pas non plus ordonner un tel résultat, à moins que la Cour conclue au préalable à l’invalidité du Règlement tel qu’il existe, y compris l’article 24.3. Par conséquent, du point de vue juridique, l’offre n’était pas valable ou, à tout le moins, aurait nécessité une audience devant la Cour et une décision concluant à l’invalidité de l’article 4 ainsi que de l’article 24. Par contre, le jugement que je dois maintenant rendre est fondé sur une conclusion établissant l’invalidité des articles 3 et 4 relatifs aux exigences de résidence et prévoit que, si la bande ne réussit pas à modifier son Règlement adéquatement, le Règlement électoral deviendra nul le 1er août 2008. En conséquence, malgré la promesse vaine de modifier le Règlement électoral conformément à l’offre de règlement, le demandeur, en soumettant l’affaire à la Cour, a réussi à obtenir l’assurance que le Règlement sera ultimement annulé. Pendant ce temps, bien entendu, le défendeur peut déployer tous les efforts raisonnables pour faire modifier adéquatement le Règlement, en conformité avec les exigences en vigueur. Le défendeur prétend que, parce que je n’ai pas accordé au demandeur dans mes motifs certaines des réparations qu’il demandait, celui‑ci n’a pas entièrement obtenu gain de cause. Le demandeur visait principalement à faire annuler le Règlement qu’il jugeait constitutionnellement invalide et il aura gain de cause sur ce point. Le fait que j’aie refusé d’accorder certaines réparations qui relevaient de mon pouvoir discrétionnaire, comme annuler la dernière élection ou ordonner à la bande de prendre un certain règlement, n’enlève rien au fait que le demandeur a eu gain de cause sur le fond.

 

[5]               Le défendeur se plaint également de divers actes posés par l’avocate du demandeur, lesquels ont causé des retards inutiles. Ces actes consistent principalement en des refus de consentir à ce que le défendeur dépose des documents en retard ou, une fois, en une vaine tentative par le demandeur de déposer des documents supplémentaires peu avant l’audience. À mon sens, la plupart de ces documents déposés en retard n’aidaient en rien la Cour à résoudre le litige. Si l’une ou l’autre des parties s’opposait à la tenue d’audiences visant l’obtention d’une ordonnance pour déposer des documents en retard, audiences rendues nécessaires par les refus de consentir, elle aurait dû demander au juge ou au protonotaire une ordonnance quant aux frais engagés en ces occasions.

 

[6]               Selon moi, la seule plainte sérieuse soulevée par le défendeur se rapporte à la demande pour faire reporter l’audience présentée par l’avocate du demandeur un jour avant l’audition prévue de longue date de la demande. Le 20 septembre 2006, la Cour a ordonné qu’il soit inscrit que cette demande allait être entendue à Vancouver les 19 et 20 décembre 2006. Le 18 décembre 2006, l’avocate du demandeur a envoyé une télécopie à la Cour et à l’avocate du défendeur pour faire savoir qu’elle était soudainement tombée malade et ne serait pas en mesure de comparaître à l’audience. Entre autres choses, elle a affirmé ce qui suit dans sa lettre : 

[traduction]

En août 2006, je suis tombée très malade et je suis suivie par mes médecins depuis ce temps […] Je suis désolée de tout inconvénient causé par cette situation, mais mon état de santé est tel que je peux travailler productivement pendant de nombreuses semaines et tomber de nouveau malade subitement, comme cela s’est produit la semaine dernière […]

 

Bien que j’aie beaucoup de compassion pour l’avocate qui souffre d’une telle maladie, la lettre laisse entendre que l’avocate a eu amplement le temps de faire savoir qu’elle ne serait probablement pas en mesure de défendre sa cause aux dates prévues. Elle précise qu’elle était malade depuis août et qu’elle était suivie par son médecin. Elle affirme qu’elle est tombée [traduction] « de nouveau malade subitement […] la semaine dernière ». Dans ces circonstances il incombe à l’avocate soit de trouver un avocat pour la remplacer, soit d’avertir la Cour et l’avocat de l’autre partie le plus tôt possible. Il ne semble pas qu’elle l’ait fait. Sa version des faits n’a pas non plus été étayée par un affidavit, ni au moment où le report a été demandé, ni en réponse aux observations écrites du défendeur dans le cadre de la présente requête. Au vu de sa propre lettre, il semble que l’avocate a omis d’avertir la cour et la partie adverse à temps du fait qu’elle ne pouvait pas comparaître. 

 

[7]               Pour cette raison, je vais exercer mon pouvoir discrétionnaire pour réduire le nombre d’unités facturables du demandeur à 50.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

 

 

(1)                        Les alinéas 3.1b) et 4.1b) du Règlement électoral de la Première nation Leq’á:mel et la procédure qui y est prévue sont déclarés invalides, à partir du 1er août 2008;

 

(2)                        Le demandeur se voit adjuger les dépens, soit 50 unités pour honoraires d’avocat, qui seront taxés en conséquence, ainsi que les débours exposés dans son mémoire de dépens déposé le 28 septembre 2007 dans le dossier de requête en l’espèce.

 

 

 

 

« Barry L. Strayer »

   Juge suppléant

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross

  


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-567-06

 

INTITULÉ :                                                   TERRY RANDOLPH THOMPSON

                                                                        c.

                                                            LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION LEQ'Á:MEL

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 2 MAI 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE STRAYER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 2 NOVEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Renee Taylor

Sarah Rauch

 

POUR LE DEMANDEUR

Alisa Noda

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Renee Taylor

Avocate

Université de la Colombie‑Britannique

First Nations Legal Clinic

50, rue Powell

Vancouver (C.-B.) V5A 1E9

 

POUR LE DEMANDEUR

Alisa Noda

Avocate

Noda & Associates

890, rue Pender Ouest, bureau 710

Vancouver (C.-B.) V6C 1J9

POUR LE DÉFENDEUR

 

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