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Date : 20071031

Dossier : T‑1048‑07

Référence : 2007 CF 1126

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 31 octobre 2007

En présence de madame la juge Johanne Gauthier

 

ENTRE :

ELI LILLY CANADA INC., ELI LILLY AND COMPANY,

ELI LILLY COMPANY LIMITED et ELI LILLY SA

 

demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

et

 

NOVOPHARM LIMITED

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Novopharm interjette appel de l’ordonnance, en date du 25 septembre 2007, par laquelle la protonotaire Tabib a fait droit à la requête en disjonction présentée par les demanderesses en vertu de l’article 107 des Règles des Cours fédérales (1998, DORS/98‑106) en vue de faire examiner séparément les questions de quantum et celles de la validité et de la contrefaçon du brevet en litige. Il convient de signaler que la protonotaire Tabib est chargée de la gestion de l’instance dans la présente affaire.

 

[2]               Tous les principes applicables au présent appel sont bien connus. Comme la requête dont la protonotaire Tabib était saisie ne soulevait pas de question ayant une influence déterminante sur l’issue du principal, la Cour ne devrait intervenir en appel que si la décision de la protonotaire était entachée d’une erreur flagrante, « en ce sens que [la] protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits » (ZI Pompey Industrie c ECU‑Line NV, [2003] 1 RCS 450, au paragraphe 461), Merck and Co c Apotex Inc (2003), 30 CPR (4th) 40 (CAF); [2003] ACF no 1925, au paragraphe 19). Les principes ou conditions à respecter pour pouvoir prononcer une ordonnance en vertu de l’article 107 des Règles sont également bien établis (voir, par exemple, Apotex Inc c Bristol‑Myers Squibb Co, 2003 CAF 263, (2003), 26 CPR (4th) 129, au paragraphe 7); Illva Saronno SpA c Privilegiata Fabbrica Maraschino « Excelsior » (CF 1re inst), [1998] ACF no 1500; Illva Saronno SpA c Privilegiata Fabbrica Maraschino, [2000] ACF no 170, au paragraphe 8; Merck & Co et al c Brantford Chemicals Inc, [2004] ACF n1704, 35 CPR (4th) 4, conf par [2005] ACF no 837, 39 CPR (4th) 524 (CAF); Apotex Inc c Merck & Co, [2004] ACF no 1372, au paragraphe 3). Il est de droit constant qu’il incombe au demandeur de convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que, compte tenu de la preuve et de toutes les circonstances de l’affaire  y compris la nature de la demande, le déroulement de l’instance, les questions en litige et les réparations demandées , la disjonction permettra fort probablement d’apporter une solution au litige qui soit juste, expéditive et la plus économique possible.

 

[3]               Cela étant dit, après avoir examiné attentivement tous les arguments avancés par les parties dans le cadre du présent appel, la Cour n’est pas convaincue que la protonotaire Tabib a commis une erreur qui justifierait l’intervention de la Cour.

 

[4]               Ainsi qu’il a été mentionné à l’audience, compte tenu du fait que le respect des délais constitue une condition essentielle en l’espèce, la Cour ne commentera pas chacune des questions soulevées par Novopharm (lesquelles sont résumées au paragraphe 2 des observations écrites). Toutefois, vu l’importance qui a été accordée à l’audience aux questions suivantes, il convient de préciser que la Cour ne peut souscrire à la prétention de Novopharm selon laquelle la protonotaire Tabib a implicitement appliqué une présomption favorable à la disjonction dans les causes portant sur la contrefaçon de brevet ou qu’elle a présumé l’existence de cette présomption, inversant ainsi en fait le fardeau de la preuve et le faisant porter par Novopharm. La protonotaire Tabib disposait d’éléments de preuve sur la disjonction des questions de quantum dans les procès en contrefaçon de brevet au cours des quinze dernières années (notamment les affidavits souscrits par Nancy Gallinger et Alisha Meredith). La protonotaire Tabib a expressément cité l’arrêt Apotex Inc c Bristol‑Myers Squibb Co, précité, dans lequel la Cour d’appel fédérale a convenu que « [s]i les avocats d’expérience spécialisés en droit de la propriété intellectuelle ont l’habitude de consentir à une ordonnance de disjonction, un juge est en droit de supposer qu’une telle ordonnance puisse en général favoriser un règlement juste et rapide des revendications ».

 

[5]               Il ne fait absolument aucun doute, à la lecture de sa décision, que la protonotaire Tabib a tenu compte de ce facteur, ainsi que de nombreux autres, avant de rendre son ordonnance. Elle s’est notamment dite convaincue, compte tenu de l’ensemble de la preuve dont elle disposait, des actes de procédure, de sa connaissance de l’historique de l’instance et des questions en litige, que non seulement la disjonction favoriserait probablement une solution plus rapide des questions de responsabilité  lesquelles, à cette étape de l’instance, soulevaient également de nouvelles questions de droit notamment en ce qui concerne la demande reconventionnelle présentée en vertu de l’article 8 , mais également que la disjonction permettrait fort probablement de faire l’économie d’au moins un aspect du processus de calcul, et ce, indépendamment de l’issue du procès sur les questions de responsabilité (page 4, dernière phrase, et pages 6 et 7).

 

[6]               De toute évidence, la protonotaire était convaincue qu’elle n’avait pas besoin d’éléments de preuve plus précis en ce qui concerne le nombre de jours qu’avait duré l’enquête préalable, ni de chiffres exacts quant aux jours et aux dépenses que l’on épargnerait, pour pouvoir se prononcer sur la question de savoir si la disjonction permettrait nécessairement d’épargner du temps et de l’argent tant à la Cour qu’aux parties.

 

[7]               Novopharm affirme qu’il s’agit là d’une erreur de droit étant donné que la protonotaire Tabib n’a pas respecté les exigences en matière de preuve énoncées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Realsearch Inc c Valon Kone Brunette, 31 CPR (4th) 101 (CAF), [2004] 2 RCF 514.

 

[8]               Tout comme la protonotaire Tabib, la Cour ne croit pas que l’arrêt Realsearch assujettisse le prononcé de l’ordonnance prévue à l’article 107 des Règles à de nouvelles conditions ou au respect d’une nouvelle norme. À l’instar de toute personne qui doit s’acquitter du fardeau de la preuve, celui qui sollicite pareille ordonnance doit soumettre à la Cour suffisamment d’éléments de preuve pour permettre à la Cour d’arriver à une conclusion sur la question dont elle est saisie. Il convient de signaler que, dans l’affaire Realsearch, aucun élément de preuve précis n’avait été présenté au sujet du temps et de l’argent que l’on pourrait épargner grâce à la disjonction et que ce fait revêtait une importance particulière, étant donné que la disjonction demandée dans cette affaire concernait une question de droit (l’interprétation de revendications de brevet). Une telle demande était inusitée et constituait une utilisation assez nouvelle de la disjonction permise par l’article 107 des Règles. En pareil cas, la Cour ne peut s’en remettre à son expérience ni tirer d’inférences en se fondant sur un usage constant en matière de disjonction de questions de quantum dans des affaires semblables, ni se fier aux connaissances acquises au cours de la gestion de l’instance. La situation est tout à fait différente dans le cas qui nous occupe.

 

[9]               Il ressort clairement de l’ordonnance en cause que la protonotaire Tabib était parfaitement consciente du fait que la demanderesse devait la convaincre selon la prépondérance des probabilités. Elle était parfaitement au courant de l’ensemble des arguments soulevés par Novopharm en ce qui concerne la qualité – ou plutôt l’absence de qualité – de la preuve qui lui avait été soumise. Elle a quand même conclu à la page 9 que, dans l’ensemble, elle était convaincue qu’il y avait de bonnes chances que la disjonction permette d’apporter une solution au litige qui soit juste, expéditive et la plus économique possible.

 

[10]           En fait, même si Novopharm l’avait convaincue qu’elle devait exercer son pouvoir discrétionnaire en reprenant l’affaire depuis le début, la Cour serait en fin de compte arrivée à la même conclusion que la protonotaire Tabib.


ORDONNANCE

 

LA COUR :

 

REJETTE l’appel avec dépens.

 

 

 « Johanne Gauthier »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑1048‑07

 

INTITULÉ :                                      ELI LILLY CANADA INC. ET AUTRES

                                                                                                                        demanderesses

                                                            et

                                                           

                                                            NOVOPHARM LIMITED                                                                                                    défenderesse

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 29 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE : La juge Gauthier

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 31 OCTOBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

ANTHONY G. CREBER

POUR LES DEMANDERESSES

JONATHAN STAINSBY

ANDY RADHAKANT

NEIL FINEBERG

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GOWLING LAFLEUR HENDERSON, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

HEENAN BLAIKIE S.E.N.C.R.L., SRL

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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