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Date : 20071029

Dossier : IMM-4506-06

Référence : 2007 CF 2006

Toronto (Ontario), le 29 octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’REILLY

 

 

ENTRE :

HUI YUE

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Hui Yue a présenté une demande de résidence permanente au Canada en tant qu’investisseur. En 2006, sa demande a été examinée puis rejetée par une agente des visas du Consulat général du Canada à Hong Kong. L’agente n’était pas convaincue que M. Yue avait fourni une preuve suffisante de la provenance de son avoir net.

 

[2]               M. Yue soutient que l’agente l’a traité inéquitablement en ne lui donnant pas la possibilité de répondre à ses préoccupations et en laissant entendre qu’il avait participé d’une certaine façon à des activités criminelles. Il me demande d’ordonner une nouvelle évaluation de sa demande par un autre agent. Je conviens que M. Yue a été traité inéquitablement et que la présente demande de contrôle judiciaire doit par conséquent être accueillie.

 

I.                    Question

 

[3]               L’agente a-t-elle traité M. Yue inéquitablement en ne lui donnant pas la possibilité de répondre à ses préoccupations ou en laissant sous‑entendre qu’il pourrait être interdit de territoire au Canada pour criminalité?

 

II.                 Analyse

 

[4]               Dans sa lettre rejetant la demande de M. Yue, l’agente a correctement indiqué qu’il incombait à M. Yue de fournir de la documentation suffisante pour établir l’historique des fonds et des actifs dont il dispose pour satisfaire à l’exigence d’avoir net applicable. Elle a aussi précisé qu’elle n’était pas convaincue que M. Yue s’était acquitté de ce fardeau. Elle a donné deux principales raisons à l’appui de sa décision. Premièrement, elle a trouvé étrange que les fonds utilisés pour acquérir la propriété unique de l’entreprise principale de M. Yue apparaissent dans un rapport comptable sous l’intitulé « Inventaire ». Deuxièmement, elle était préoccupée par la présence de transferts d’actions entre M. Yue et son ancien associé effectués plus ou moins en même temps, les deux hommes ayant tous deux déposé des demandes distinctes de résidence permanente au Canada. Il lui était difficile de déterminer ce qui appartenait à chacun d’eux; certains des mêmes actifs figuraient dans les deux demandes.

[5]               Se fondant sur ces préoccupations, l’agente a conclu qu’elle n’était pas convaincue que M. Yue avait « obtenu de façon légale » ses fonds et actifs ou qu’il satisfaisait aux exigences de l’article 36 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. C-27 (voir l’annexe). L’article 36 prévoit que les personnes ayant commis des crimes sont interdites de territoire au Canada.

 

[6]               En ce qui a trait à la première préoccupation de l’agente, il est clair qu’elle a posé des questions à M. Yue au sujet du rapport comptable au cours de son entrevue et qu’il y a répondu, mais d’une manière qu’elle n’a pas estimée satisfaisante. Cet aspect de la décision de l’agente ne soulève pas de problème.

 

[7]               Toutefois, en ce concerne sa deuxième préoccupation, l’agente a soulevé un point qui n’a pas été communiqué à M. Yue et s’est fondée sur des documents dont il ne connaissait pas l’existence. Il ressort des notes et de l’affidavit de l’agente qu’elle a interrogé M. Yue sur son ancien associé et lui a dit qu’il avait lui aussi présenté une demande de résidence permanente. Les notes précisent aussi que M. Yue a déclaré ne pas avoir eu de contact avec son ancien associé et ni de nouvelles de lui. L’agente a néanmoins fondé en partie sa décision sur les renseignements contenus dans la demande de l’ancien associé. L’agente a en outre laissé entendre que M. Yue pourrait être interdit de territoire au Canada pour criminalité.

 

[8]               J’estime que l’agente a traité M. Yue inéquitablement. L’agente avait le devoir de lui permettre de présenter une réponse à l’égard des renseignements dont il n’avait pas eu connaissance, notamment si elle s’appuyait sur ces renseignements pour tirer une conclusion défavorable très grave : Cornea c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 972; Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1111. Je remarque aussi que la lettre envoyée par l’agente dans la présente affaire est semblable, dans sa teneur, à celle que le juge Edmond Blanchard a estimé contenir une conclusion manifestement déraisonnable dans Zhong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1636, au paragraphe 20. Comme l’a précisé le juge Blanchard, c’est une chose de conclure qu’une personne n’a pas fourni de preuves suffisantes pour que sa demande de résidence permanente soit approuvée et une autre de laisser entendre que cette personne pourrait avoir acquis ses fonds par des moyens illicites (paragraphe 24).

 

[9]               Par conséquent, je dois ordonner un réexamen de la demande de M. Yue par un autre agent. Les parties ne m’ont soumis aucune question de portée générale aux fins de certification et aucune question n’est formulée.




 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la demande du demandeur doit être réexaminée par un autre agent.

2.                  Aucune question de portée générale n’est formulée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


Annexe

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. C-27

 

Grande criminalité

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

 

Criminalité

(2) Emportent, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité les faits suivants :

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions à toute loi fédérale qui ne découlent pas des mêmes faits;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions qui ne découlent pas des mêmes faits et qui, commises au Canada, constitueraient des infractions à des lois fédérales;

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation;

d) commettre, à son entrée au Canada, une infraction qui constitue une infraction à une loi fédérale précisée par règlement.

Application

(3) Les dispositions suivantes régissent l’application des paragraphes (1) et (2) :

a) l’infraction punissable par mise en accusation ou par procédure sommaire est assimilée à l’infraction punissable par mise en accusation, indépendamment du mode de poursuite effectivement retenu;

b) la déclaration de culpabilité n’emporte pas interdiction de territoire en cas de verdict d’acquittement rendu en dernier ressort ou de réhabilitation — sauf cas de révocation ou de nullité — au titre de la Loi sur le casier judiciaire;

c) les faits visés aux alinéas (1)b) ou c) et (2)b) ou c) n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui, à l’expiration du délai réglementaire, convainc le ministre de sa réadaptation ou qui appartient à une catégorie réglementaire de personnes présumées réadaptées;

d) la preuve du fait visé à l’alinéa (1)c) est, s’agissant du résident permanent, fondée sur la prépondérance des probabilités;

e) l’interdiction de territoire ne peut être fondée sur une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions ni sur une infraction à la Loi sur les jeunes contrevenants.

 

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

 

Serious criminality

36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

(b) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.

Criminality

(2) A foreign national is inadmissible on grounds of criminality for

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by way of indictment, or of two offences under any Act of Parliament not arising out of a single occurrence;

(b) having been convicted outside Canada of an offence that, if committed in Canada, would constitute an indictable offence under an Act of Parliament, or of two offences not arising out of a single occurrence that, if committed in Canada, would constitute offences under an Act of Parliament;

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an indictable offence under an Act of Parliament; or

(d) committing, on entering Canada, an offence under an Act of Parliament prescribed by regulations.

Application

(3) The following provisions govern subsections (1) and (2):

(a) an offence that may be prosecuted either summarily or by way of indictment is deemed to be an indictable offence, even if it has been prosecuted summarily;

(b) inadmissibility under subsections (1) and (2) may not be based on a conviction in respect of which a pardon has been granted and has not ceased to have effect or been revoked under the Criminal Records Act, or in respect of which there has been a final determination of an acquittal;

(c) the matters referred to in paragraphs (1)(b) and (c) and (2)(b) and (c) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or foreign national who, after the prescribed period, satisfies the Minister that they have been rehabilitated or who is a member of a prescribed class that is deemed to have been rehabilitated;

(d) a determination of whether a permanent resident has committed an act described in paragraph (1)(c) must be based on a balance of probabilities; and

(e) inadmissibility under subsections (1) and (2) may not be based on an offence designated as a contravention under the Contraventions Act or an offence under the Young Offenders Act.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                        IMM-4506-06

 

INTITULÉ :                                       HUI YUE c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 octobre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              le juge O’Reilly

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 29 octobre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS

 

                                                                              Shoshana T. Green POUR LE DEMANDEUR

 

David Joseph                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                                 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

                                                                              Green & Spiegel     POUR LE DEMANDEUR Toronto (Ontario)

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John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

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