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Date : 20071022

Dossier : T‑1498‑07

Référence : 2007 CF 1089

Ottawa (Ontario), le 22 octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MANDAMIN

 

ENTRE :

TPG TECHNOLOGY CONSULTING LTD.

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS

ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

et CGI GROUP INC.

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

            VU la requête de la demanderesse, en date du 18 septembre 2007, visant à obtenir sous le régime de l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, une injonction interdisant au ministre défendeur d’attribuer un marché dans le cadre de l’appel d’offres no EN869‑04‑0407/A jusqu’à la décision par la Cour à l’égard de la demande sous-jacente de contrôle judiciaire ou jusqu’à la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE) concernant la plainte de la demanderesse, selon la décision qui sera rendue en premier;

 

VU les documents soumis à la Cour;

 

ET VU les observations orales présentées par les avocats des parties,

 

la Cour rend la décision motivée qui suit.

 

[1]            La demanderesse, TPG Technology Consulting Ltd. (TPG), sollicite une injonction en attendant soit l’instruction de sa demande de contrôle judiciaire à l’égard de la décision rendue le 16 juillet 2007 au nom du ministre défendeur, à savoir le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le ministre ou TPSGC), soit la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE) à l’égard de sa plainte portant le numéro de dossier PR‑2007‑025, selon ce qui arrivera en premier.

 

[2]            Je suis saisi de la question de savoir s’il convient d’accorder à TPG l’injonction qu’elle demande. J’ai conclu que cette injonction ne devrait pas être accordée pour les motifs qui suivent.

 

[3]            La plainte dont TPG a saisi le TCCE le 27 juin 2007 porte que le ministre n’a pas évalué convenablement les soumissions présentées dans le cadre de l’appel d’offres no EN869‑04‑0407/A, concernant les services de soutien à l’ingénierie et aux services techniques (le nouveau marché IST), et qu’il a ainsi manqué à ses obligations légales et violé les accords commerciaux applicables.

 

[4]            Le nouveau marché IST, d’une durée de trois ans à compter de la signature du contrat, prévoit pour le gouvernement du Canada une option irrévocable de prorogation du contrat jusqu’à un maximum de quatre périodes d’un an chacune. La valeur du marché est d’environ 428 millions de dollars.

[5]            Le 6 juillet 2007, le TCCE a accepté d’enquêter sur la plainte de TPG. Il a alors ordonné au ministre de reporter, en vertu du paragraphe 30.13(3) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.) (la Loi sur le TCCE), l’adjudication du nouveau marché IST jusqu’à ce qu’il se prononce sur la validité de la plainte.

 

[6]            Le 16 juillet 2007, conformément au paragraphe 30.13(4) de la Loi sur le TCCE, le sous‑ministre adjoint responsable de la Direction générale des acquisitions de TPSGC a certifié par écrit que l’acquisition des fournitures et des services faisant l’objet de nouveau marché IST était urgente et qu’un retard pourrait être contraire à l’intérêt public. Par suite de cette mesure du représentant du ministre défendeur, le TCCE se trouvait légalement obligé d’annuler son ordonnance de report de l’adjudication, ce qu’il a fait le 20 juillet 2007.

 

[7]            TPG a déposé la présente requête en injonction provisoire le 14 août 2007.

 

[8]            TPG soutient que l’attestation d’urgence produite par le ministre est frappée de nullité et que l’ordonnance de report de l’adjudication rendue par le TCCE devrait être rétablie aux motifs suivants :

 

a)    Le ministre, en produisant cette attestation, a abusé de son pouvoir discrétionnaire.

 

b)    Cette attestation est entachée d’une erreur manifeste, en ce qu’elle ne comporte aucune justification de l’urgence supposée ni d’explication de l’intérêt public en cause.

c)   Le ministre a envers la demanderesse une obligation d’équité en vertu de l’article 313 de la Loi fédérale sur la responsabilité.

 

d)  La décision du ministre de produire l’attestation en cause enfreint les règles de justice naturelle de la common law et porte atteinte au droit de la demanderesse à une procédure équitable devant le TCCE.

 

e)  Le mécanisme d’attestation d’urgence, tel qu’il est actuellement administré par le ministre, est arbitraire et inéquitable et doit être soumis aux obligations d’équité et de transparence que prévoient le droit écrit et la common law.

 

[9]            Bien que le ministre n’ait pas encore officiellement attribué le nouveau marché IST, TPG affirme que c’est à CGI Group Inc. (CGI) qu’il l’accordera et que CGI et le ministre sont en train de mettre la dernière main au projet de contrat. CGI est le second défendeur dans la présente requête.

 

[10]        Le 7 septembre 2007, le TCCE a avisé TPG et les défendeurs qu’il rendra sa décision sur la plainte PR‑2007‑025 au plus tard le 9 novembre 2007.

 

Le critère applicable aux requêtes en injonction interlocutoire

 

[11]        Selon l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, notre Cour a compétence, lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, pour prendre des mesures provisoires avant de rendre sa décision définitive.

[12]        Le critère dont dépend l’issue des requêtes en injonction interlocutoire est formulé dans RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 (arrêt RJR‑MacDonald Inc.). Le demandeur doit établir qu’une question sérieuse à juger découle de la demande de contrôle judiciaire, qu’il subira un préjudice irréparable si la Cour refuse de prononcer l’injonction et que la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur, compte tenu des situations respectives des parties. C’est sur le demandeur que repose la charge de la preuve, définie selon la norme de preuve en matière civile, pour chacun des trois volets du critère.

 

Une question sérieuse à juger

 

[13]        Ce premier volet du critère est exposé dans l’arrêt RJR‑MacDonald Inc., précité, où la Cour a expliqué que le seuil applicable est bas puisqu’il s’agit de savoir si la demande est futile ou vexatoire.

 

[14]        Au paragraphe 12 de Cognos Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2002] A.C.F. no 1156 (décision Cognos), le juge Beaudry affirme que les questions relatives à l’application adéquate du paragraphe 30.13(4) de la Loi sur le TCCE, qui confère au ministre le pouvoir de certifier que l’attribution d’un marché déterminé est urgente et qu’un retard pourrait être contraire à l’intérêt public, méritent d’être soulevées.

 

[15]        Je pense aussi que les questions relatives à l’application adéquate du paragraphe 30.13(4) sont importantes. J’estime donc que TPG a rempli la condition voulant que la demande de contrôle judiciaire soulève une question sérieuse.

 

Un préjudice irréparable

[16]        TPG est le fournisseur de services actuel du marché IST. Ce marché représente 70 % de ses opérations. La demanderesse soutient qu’elle perdra 70 % de son exploitation si la Cour n’accorde pas l’injonction demandée et que ces 70 % constituent l’essentiel de ses activités et sa principale source de revenus. Elle ajoute qu’elle subira des pertes commerciales et perdra des employés.

 

[17]        TPG soutient en outre que s’il était établi plus tard, après l’attribution du nouveau marché IST à CGI, que ce marché aurait dû lui être adjugé, il lui serait impossible de reconstituer le personnel nécessaire pour fournir les services exigés, ce qui constituerait un préjudice permanent qu’une indemnisation pécuniaire ne pourrait réparer.

 

[18]        TPG invoque l’arrêt rendu le 7 juillet 2007 par le juge Ryer de la Cour d’appel fédérale dans une instance connexe concernant le nouveau marché IST ([2007] A.C.F. no 810). Dans cette affaire, le TCCE a conclu que la plainte de la demanderesse n’était pas valide parce que le délai pour son dépôt était expiré. Dans cette affaire, TPG avait demandé la suspension de l’adjudication en attendant l’issue de la demande de contrôle judiciaire visant la décision du TCCE de ne pas enquêter sur sa plainte. Le juge Ryer a affirmé, au paragraphe 23 de sa décision, que TPG pourrait subir un préjudice irréparable si elle perdait son contrat avant le contrôle judiciaire de la décision du TCCE :

[TRADUCTION] Compte tenu des éléments relatifs à ce volet du critère, j’estime que la perte d’un contrat si important avant l’issue de la demande de contrôle judiciaire pourrait causer un préjudice irréparable à TPG, qui pourrait se traduire par une perte commerciale irréversible, une perte définitive d’employés qualifiés et de sous-traitants expérimentés, une incapacité à passer d’autres marchés publics importants et une atteinte à sa réputation.

 

[19]        La demanderesse soutient que, comme les circonstances entourant le nouveau marché IST n’ont pas beaucoup changé depuis l’arrêt du juge Ryer, la question du préjudice irréparable a déjà été décidée, et l’a été en sa faveur.

 

[20]        La question en litige dans la présente espèce n’est pas la même que celle dont était saisi le juge Ryer mais concerne plutôt les conséquences de l’attestation d’urgence produite par le ministre. Les dispositions applicables de la Loi sur le TCCE sont libellées comme suit :

Enquête

30.13 (1) Après avoir jugé la plainte conforme et sous réserve des règlements, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter. L’enquête peut comporter une audience.

 

Avis d’enquête

(2) S’il décide d’enquêter sur la plainte, le Tribunal notifie sa décision au plaignant, à l’institution fédérale concernée et à toute autre partie qu’il juge intéressée et leur donne l’occasion de lui présenter leurs arguments.

 

 

Report de l’adjudication

(3) Le cas échéant, le Tribunal peut ordonner à l’institution fédérale de différer l’adjudication du contrat spécifique en cause jusqu’à ce qu’il se soit prononcé sur la validité de la plainte.

 

 

 

Annulation

(4) Il doit toutefois annuler l’ordonnance dans le cas où, avant l’expiration du délai réglementaire suivant la date où elle est rendue, l’institution fédérale certifie par écrit que l’acquisition de fournitures ou services qui fait l’objet du contrat spécifique est urgente ou qu’un retard pourrait être contraire à l’intérêt public.

 

Refus

(5) S’il estime que la plainte est dénuée de tout intérêt ou entachée de mauvaise foi, le Tribunal peut refuser de procéder à l’enquête ou y mettre fin, auquel cas il notifie sa décision, motifs à l’appui, au plaignant, à l’institution fédérale concernée et à toute autre partie qu’il juge intéressée.

[Non souligné dans l’original.]

1993, ch. 44, art. 44.

 

Decision to conduct inquiry

30.13 (1) Subject to the regulations, after the Tribunal determines that a complaint complies with subsection 30.11(2), it shall decide whether to conduct an inquiry into the complaint, which inquiry may include a hearing.

Notice of inquiry

(2) Where the Tribunal decides to conduct an inquiry, it shall notify, in writing, the complainant, the relevant government institution and any other party that the Tribunal considers to be an interested party and give them an opportunity to make representations to the Tribunal with respect to the complaint.

Postponement of award of contract

(3) Where the Tribunal decides to conduct an inquiry into a complaint that concerns a designated contract proposed to be awarded by a government institution, the Tribunal may order the government institution to postpone the awarding of the contract until the Tribunal determines the validity of the complaint.

Idem

(4) The Tribunal shall rescind an order made under subsection (3) if, within the prescribed period after the order is made, the government institution certifies in writing that the procurement of the goods or services to which the designated contract relates is urgent or that a delay in awarding the contract would be contrary to the public interest.

Decision not to conduct or to cease inquiry

(5) The Tribunal may decide not to conduct an inquiry into a complaint or decide to cease conducting an inquiry if it is of the opinion that the complaint is trivial, frivolous or vexatious or is not made in good faith, and where the Tribunal so decides, it shall notify, in writing, the complainant, the relevant government institution and any other party that the Tribunal considers to be an interested party of that decision and the reasons therefore

[emphasis added].

1993, c. 44, s. 44.

 

 

[21]        La demande dont était saisi le juge Ryer concernait une situation où le TCCE avait refusé d’enquêter sur la plainte de TPG. TPG s’était ainsi vu priver du bénéfice éventuel des mesures correctives que prévoit la Loi sur le TCCE. Dans la présente espèce, le TCCE a accueilli la demande d’enquête de TPG. L’attestation d’urgence produite par le ministre permet la continuation du processus d’adjudication, mais n’empêche pas le TCCE de poursuivre son enquête sur la plainte de la demanderesse. Dans le cas où le TCCE donnerait gain de cause à TPG, celle‑ci pourrait se prévaloir des mesures correctives prévues par la Loi sur le TCCE.

 

[22]        L’article 30.15 de la Loi sur le TCCE énonce les mesures correctives que peut accorder le TCCE à l’issue d’une enquête :

 

Conclusions et recommandations

30.15 (1) Lorsqu’il a décidé d’enquêter, le Tribunal, dans le délai réglementaire suivant le dépôt de la plainte, remet au plaignant, à l’institution fédérale concernée et à toute autre partie qu’il juge être intéressée ses conclusions et ses éventuelles recommandations.

Mesures correctives

(2) Sous réserve des règlements, le Tribunal peut, lorsqu’il donne gain de cause au plaignant, recommander que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes :

a) un nouvel appel d’offres;

 

b) la réévaluation des soumissions présentées;

c) la résiliation du contrat spécifique;

d) l’attribution du contrat spécifique au plaignant;

e) le versement d’une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.

Critères

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants :

a) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d’exécution du contrat.

Findings and recommendations

30.15 (1) Where the Tribunal decides to conduct an inquiry, it shall, within the prescribed period after the complaint is filed, provide the complainant, the relevant government institution and any other party that the Tribunal considers to be an interested party with the Tribunal’s findings and recommendations, if any.

Remedies

(2) Subject to the regulations, where the Tribunal determines that a complaint is valid, it may recommend such remedy as it considers appropriate, including any one or more of the following remedies:

(a) that a new solicitation for the designated contract be issued;

(b) that the bids be re-evaluated;

(c) that the designated contract be terminated;

(d) that the designated contract be awarded to the complainant; or

(e) that the complainant be compensated by an amount specified by the Tribunal.

Criteria to be applied

(3) The Tribunal shall, in recommending an appropriate remedy under subsection (2), consider all the circumstances relevant to the procurement of the goods or services to which the designated contract relates, including

(a) the seriousness of any deficiency in the procurement process found by the Tribunal;

(b) the degree to which the complainant and all other interested parties were prejudiced;

(c) the degree to which the integrity and efficiency of the competitive procurement system was prejudiced;

(d) whether the parties acted in good faith; and

(e) the extent to which the contract was performed.

 

Les dispositions relatives à la réparation portent également ce qui suit :

 

Mise en oeuvre des recommandations

30.18 (1) Lorsque le Tribunal lui fait des recommandations en vertu de l’article 30.15, l’institution fédérale doit, sous réserve des règlements, les mettre en oeuvre dans toute la mesure du possible.

Idem

(2) Elle doit en outre, par écrit et dans le délai réglementaire, lui faire savoir dans quelle mesure elle compte mettre en oeuvre les recommandations et, dans tous les cas où elle n’entend pas les appliquer en totalité, lui motiver sa décision.

Implementation of recommendations

30.18 (1) Where the Tribunal makes recommendations to a government institution under section 30.15, the government institution shall, subject to the regulations, implement the recommendations to the greatest extent possible.

Notice of intention

(2) Within the prescribed period, the government institution shall advise the Tribunal in writing of the extent to which it intends to implement the recommendations and, if it does not intend to implement them fully, the reasons for not doing so.

 

[23]        La juge Heneghan a formulé les observations suivantes au paragraphe 30 de Telus Integrated Communications c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 1429, concernant le préjudice invoqué qui découlerait de la passation d’un marché public avant que le TCCE ne se soit prononcé sur une plainte y afférente :

Je ne suis pas en meilleure position que les avocats des parties pour anticiper de quelle façon le TCCE va exercer la faculté que lui confère le paragraphe 30.15(2) de la Loi TCCE advenant qu’il fasse droit à la plainte de Telus. Le paragraphe 30.15(2) de la Loi TCCE n’est pas exhaustif mais simplement indicatif des remèdes que le tribunal peut recommander. Le tribunal a toute latitude pour recommander un remède efficace en faveur de la demanderesse Telus, si celle‑ci a gain de cause dans sa plainte devant le Tribunal. Il ne serait pas approprié pour moi de spéculer, positivement ou négativement, sur la façon dont ce tribunal peut exercer son pouvoir discrétionnaire en accordant un remède et je refuse de le faire.

 

 

[24]        S’il est vrai que le TCCE ne peut que formuler des recommandations, l’institution fédérale visée est tenue d’y répondre sur le fond en motivant sa décision de ne pas les appliquer, le cas échéant. Le juge Beaudry a écrit aux paragraphes 17 et 18 de la décision Cognos, précitée : 

[...] Il ressort du texte de la loi qu’une décision du TCCE impose des obligations à l’institution fédérale concernée. L’institution fédérale devra motiver son défaut de remplir les obligations en question.

 

Lorsqu’on les applique au cas qui nous occupe, ces dispositions de la Loi ont pour effet d’obliger le défendeur à accorder toute réparation que le TCCE peut désirer accorder, y compris le versement d’une indemnité ou la résiliation du contrat en cause, dans toute la mesure du possible, ou à justifier son défaut de le faire. La Cour peut intervenir en cas de défaut du défendeur de donner suite aux recommandations.

 

[25]        Si le TCCE fait droit à sa plainte, TPG pourra bénéficier de mesures correctives appréciables. Le paragraphe 30.15 prévoit entre autres la réévaluation des soumissions, l’attribution du marché au demandeur et une indemnité pécuniaire. De telles mesures correctives sont importantes et le demandeur pourrait en outre s’adresser à la Cour dans le cas où l’institution fédérale n’appliquerait pas les recommandations du TCCE sans raison valable.

 

[26]        La thèse du préjudice irréparable que soutient TPG se trouve affaiblie par les contradictions qu’a fait ressortir le contre-interrogatoire de son président. TPG fait valoir qu’elle subirait des pertes commerciales et de personnel. Or, la demanderesse n’a pas d’employés, mais recourt plutôt à des sous-traitants. En général, le lien entre l’employeur et ses employés est plus étroit que celui qui unit l’entrepreneur à ses sous-traitants, lesquels jouissent d’ordinaire d’un degré plus élevé d’indépendance.

 

[27]        Un autre facteur à prendre en considération dans l’examen de la question du préjudice irréparable est la période en fonction de laquelle il convient d’évaluer ce préjudice. Dans son analyse de cette question dans la décision Cognos, précitée, le juge Beaudry a également écrit ce qui suit, au paragraphe 23 :

[...] force m’est quand même de conclure que la capacité de la demanderesse d’obtenir des réparations satisfaisantes pour tout préjudice qu’elle peut subir d’ici au règlement de sa plainte constitue un facteur prédominant qui m’empêche d’accorder l’injonction demandée en l’espèce. [Non souligné dans l’original.]

 

[28]        Le TCCE a déclaré qu’il rendrait sa décision sur la plainte PR‑2007‑025 au plus tard le 9 novembre 2007, soit dans un délai relativement court. 

 

[29]        Enfin, le préjudice invoqué par TPG résulterait de l’attribution irrégulière du nouveau marché IST, et non de la décision du ministre de produire une attestation d’urgence lui permettant de poursuivre la procédure de passation du marché, comme la loi l’y autorise.

[30]        Je conclus que TPG n’a pas démontré, suivant la prépondérance des probabilités, qu’elle subirait un préjudice irréparable. Par conséquent, la présente requête en injonction doit être rejetée en raison du deuxième volet du critère énoncé dans l’arrêt RJR‑MacDonald Inc.

 

La prépondérance des inconvénients

[31]        Comme le demandeur doit satisfaire aux trois conditions du critère applicable pour avoir gain de cause et comme la demanderesse à la présente instance n’a pas rempli la deuxième, je n’ai pas à examiner la question de la prépondérance des inconvénients.

 

Conclusion

[32]        La Cour rejette la demande de TPG visant à obtenir une injonction en attendant l’instruction de sa demande de contrôle judiciaire ou la décision sur sa plainte par le TCCE, selon ce qui arrivera en premier.

 


ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE QUE la présente demande soit rejetée.

            LA COUR ORDONNE EN OUTRE QUE, vu l’issue de la présente requête, l’importance et la complexité de la question soulevée et la conclusion énoncée dans Singer c. Enterprise Rent-A-Car Co., [1999] A.C.F. no 1687, la demanderesse soit condamnée aux dépens et que ceux‑ci soient adjugés au ministre défendeur. Aucuns dépens ne sont adjugés à la défenderesse CGI.

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T‑1498‑07

 

INTITULÉ :                                       TPG TECHNOLOGY CONSULTING LTD.

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS

                                                            ET DES SERVICES GOUVERNEMENAUX

                                                            et CGI GROUP INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 18 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE LEONARD MANDAMIN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 22 OCTOBRE 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Phuong Ngo                                        POUR LA DEMANDERESSE

Ronald Lunau

 

R. Benjamin Mills                                POUR LA DÉFENDERESSE CGI GROUP INC.

Simon Potter

 

Ian Fraser                                            POUR LE DÉFENDEUR TPSGC

Robin Carter

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson, s.r.l.         POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

160, rue Elgin, bureau 2600

Ottawa (Ontario)  K1P 1C3

 

McCarthy Tétrault, s.r.l.                       POUR LA DÉFENDERESSE CGI GROUP INC.

Avocats

The Chambers

40, rue Elgin, bureau 1400

Ottawa (Ontario)  K1P 5K6

 

John H. Sims, c.r.                                POUR LE DÉFENDEUR TPSGC

Sous-procureur général du Canada      

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