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Date : 20071018

Dossier : T-1595-03

Référence : 2007 CF 1065

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 octobre 2007

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

DENNIS NOWOSELSKY

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS ET ORDONNANCE

 

[1]               Dennis Nowoselsky interjette appel de l’ordonnance d’une protonotaire agissant à titre de gestionnaire d’instance. La protonotaire a refusé de proroger le délai pour lui permettre de produire des affidavits et d’autres documents à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue par la Commission canadienne des droits de la personne dans laquelle elle rejetait sa plainte liée aux droits de la personne. M. Nowoselsky demande aussi le sursis de l’ordonnance prescrivant le calendrier rendue par la protonotaire jusqu’au moment où son appel en sera disposé.

 

[2]               M. Nowoselsky affirme qu’on lui a refusé son droit à une audience équitable devant la protonotaire. Selon M. Nowoselsky, la conduite de la protonotaire dans le cadre de cette instance et dans une instance antérieure l’impliquant, montre qu’elle avait eu un préjugé contre lui. À titre subsidiaire, M. Nowoselsky affirme qu’il a, à tout le moins, une crainte raisonnable selon laquelle elle avait un préjugé contre lui.

 

[3]               M. Nowoselsky soutient aussi que la protonotaire a commis une erreur en lui refusant la permission de présenter des affidavits et d’autres documents à l’appui de sa demande et que ces documents étaient pertinents aux questions soulevées dans sa demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, je ne puis souscrire à sa thèse. Par conséquent, l’appel sera rejeté.

 

Faits

[5]               Afin de situer les observations de M. Nowoselsky dans leur contexte, particulièrement dans la mesure où elles portent sur les allégations de partialité de la part de la protonotaire, il faut comprendre la chronologie longue et sinueuse des procédures auxquelles M. Nowoselsky a participé en ce qui concerne son emploi, qui comprend, sans toutefois s’y limiter, la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[6]               M. Nowoselsky a travaillé pendant de nombreuses années en tant qu’agent de libération conditionnelle au Service correctionnel du Canada, à Prince Albert (Saskatchewan). Dans le cadre de son emploi, M. Nowoselsky participait de façon très active aux activités syndicales.

 

[7]               En 1995, il a été annoncé que les agents de libération conditionnelle de Prince Albert devraient s’acquitter de certaines fonctions de bureau, y compris la rédaction de rapports à l’ordinateur. Ce changement a inquiété M. Nowoselsky, dont un doigt a été amputé et un autre, endommagé à la suite d’un accident survenu alors qu’il était enfant. M. Nowoselsky affirme qu’il a demandé la prise de mesures d’adaptation en raison de son invalidité, ce que son employeur a refusé de faire.

 

[8]               En 1996, un certain nombre de questions ont été soulevées sur la conduite de M. Nowoselsky, ce qui a mené à la tenue d’une série d’enquêtes. À la suite de ces enquêtes, le SCC a congédié M. Nowoselsky pour inconduite le 16 novembre 1998.

 

[9]               M. Nowoselsky a lancé une série de griefs sur la conduite de son employeur à son égard, y compris un grief sur son congédiement. C’est finalement la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) qui a tranché ces griefs.

 

[10]           Entre‑temps, en octobre 1997, M. Nowoselsky a communiqué avec la Commission canadienne des droits de la personne en affirmant que le SCC avait fait preuve de discrimination à son égard dans le cadre de son emploi en omettant de prendre des mesures d’adaptation pour composer avec son invalidité.

 

[11]           En août 1998, la Commission a refusé de statuer sur la plainte de M. Nowoselsky à ce moment, puisqu’il poursuivait ces affaires dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

 

[12]            Après une longue audience devant la CRTFP, la Commission a présenté sa décision le 26 février 2001, dans laquelle elle rejetait les griefs présentés par M. Nowoselsky. La CRTFP a conclu qu’il était justifié pour le SCC de congédier M. Nowoselsky en raison de son inconduite.

 

[13]           La CRTFP, dans sa décision, abordait aussi l’allégation de M. Nowoselsky selon laquelle le SCC avait manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation pour composer avec son invalidité en concluant que l’employeur [traduction] « aurait pu aborder cette question de façon plus proactive », mais M. Nowoselsky aurait pu le faire aussi. La CRTFP a conclu que rien ne prouvait que M. Nowoselsky avait soulevé la question de son invalidité au personnel des ressources humaines du SCC avant que les allégations d’inconduite soient faites. Qui plus est, la CRTFP a conclu qu’en tant que membre actif du syndicat, M. Nowoselsky aurait été entièrement au fait de ses droits à cet égard.

 

[14]           La CRTFP a aussi établi le fait que M. Nowoselsky, après avoir soulevé la question de son invalidité à la direction, n’avait pas effectué de suivi auprès de son superviseur, comme on lui avait exigé de faire, afin de trouver des mesures d’adaptation convenables. La CRTFP a aussi conclu que M. Nowoselsky avait refusé de subir un examen médical et qu’il n’avait fourni aucune explication à ce refus.

 

[15]           M. Nowoselsky a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la CRTFP. Le 30 juin 2005, à la suite d’un examen de l’état de l’instance, sa demande de contrôle judiciaire a été rejetée pour cause de retard. M. Nowoselsky a entrepris d’interjeter appel de cette décision, sans toutefois le faire en temps opportun.

 

[16]           M. Nowoselsky mentionne que la protonotaire qui a rejeté sa demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision rendue par la CRTFP est la même que celle dont la décision fait l’objet du présent appel.

 

[17]           Le 19 mars 2002, la Commission a accepté de se pencher sur la plainte liée aux droits de la personne déposée par M. Nowoselsky. Une enquête menée par la Commission a donné lieu à un rapport dans lequel on recommandait d’accueillir la plainte déposée par M. Nowoselsky, nonobstant le fait qu’elle avait été déposée à l’extérieur de la période d’un an prévue dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

[18]           L’enquêteur de la Commission a toutefois recommandé par la suite de rejeter la plainte puisque les questions y étant soulevées avaient été abordées dans le cadre d’une procédure prévue dans une autre loi fédérale.

 

[19]           Afin de parvenir à cette conclusion, l’enquêteur avait déterminé si des questions liées aux droits de la personne soulevées par M. Nowoselsky et auxquelles la CRTFP n’avait pas répondu demeuraient en suspens. Afin de répondre entièrement à cette question, l’enquêteur a demandé à M. Nowoselsky de lui fournir des renseignements sur ce qui suit :

[traduction]

 

-           sa position sur la raison pour laquelle la Commission devrait procéder à une enquête sur sa plainte;

-           des détails sur les questions liées aux droits de la personne (c.‑à‑d. défaut de prendre des mesures d’adaptation pour composer avec son invalidité; et congédiement en raison de son invalidité), qui n’avaient pas été réglées dans le cadre de la procédure de grief;

-           des détails sur tout élément de preuve (témoins ou documents) qui soutiendrait ses allégations selon lesquelles aucune mesure d’adaptation n’a été prise pour composer avec son invalidité et qu’il a été congédié en raison de son invalidité, n’ayant pas été pris en considération dans le cadre de l’autre procédure.

 

 

[20]           M. Nowoselsky a choisi de ne pas transmettre les renseignements demandés à l’enquêteur de la Commission; il a plutôt demandé à celle‑ci de mener une enquête indépendante rigoureuse sur sa plainte.

 

[21]           L’enquêteur de la Commission a ensuite recommandé à cette dernière de rejeter la plainte liée aux droits de la personne déposée par M. Nowoselsky conformément à l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. À cet égard, l’enquêteur a précisé que la CRTFP avait abordé les questions liées aux droits de la personne soulevées par le plaignant et qu’il n’en restait aucune sur laquelle statuer.

 

[22]           L’enquêteur a aussi mentionné que M. Nowoselsky n’avait pas expliqué pourquoi son dossier devait faire l’objet d’une enquête supplémentaire et qu’il n’allait pas dans l’intérêt du public de mener une telle enquête.

 

[23]           La Commission a accepté cette recommandation. Dans une lettre de décision datée du 30 juillet 2003, la Commission a informé M. Nowoselsky qu’elle avait conclu qu’elle ne renverrait pas sa plainte devant le Tribunal canadien des droits de la personne étant donné que la CRTFP avait déjà abordé l’objet de sa plainte et qu’il n’était donc pas nécessaire de mener une autre enquête.

 

[24]           Il s’agit de la décision qui sous‑tend la présente demande de contrôle judiciaire.

 

La chronologie des procédures liées à la présente demande de contrôle judiciaire.

[25]           La demande de contrôle judiciaire a été amorcée le 28 août 2003. Dans son avis de demande, M. Nowoselsky désignait la Commission canadienne des droits de la personne en tant que défenderesse. Le 16 septembre 2003, la Commission a écrit à la Cour afin de l’informer qu’elle croyait avoir été désignée à tort en tant que défenderesse dans l’avis de demande de M. Nowoselsky.

 

[26]           Hormis une correspondance sur l’identité de la défenderesse adéquate, il semble ne s’être rien produit dans cette affaire jusqu’à l’émission d’un avis d’examen de l’état de l’instance le 30 mars 2004.

 

[27]           Après examen des observations des parties sur cette affaire, le 28 mai 2004, la protonotaire a permis de poursuivre la demande en tant qu’instance à gestion spéciale, en avertissant M. Nowoselsky d’agir rapidement afin de désigner la partie défenderesse appropriée et de s’engager à suivre une procédure pour corriger toute erreur dans l’intitulé.

 

[28]           En ce qui concerne la question de l’appellation inappropriée, la protonotaire a indiqué que [traduction] « l’avocat semble avoir été aussi inefficace que le demandeur afin de trouver une solution au problème perçu ».

 

[29]           La protonotaire a aussi indiqué que M. Nowoselsky était en défaut de signifier et de présenter des affidavits requis en vertu de l’article 306 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles). Elle a donc ordonné à M. Nowoselsky de demander une prorogation de délai pour lui permettre de présenter ses affidavits à l’appui, ce qu’il devait faire au plus tard le 30 juin 2004.

 

[30]           En réponse à cette ordonnance, le 18 juin 2004, M. Nowoselsky a présenté une requête en modification de l’intitulé et prorogation de délai pour modifier et signifier son avis de demande. M. Nowoselsky a aussi demandé à obtenir une prorogation de délai afin de préparer, de présenter et de signifier son affidavit et ses pièces documentaires.

 

[31]           Le 5 août 2004, la protonotaire a rejeté la demande présentée par M. Nowoselsky en vue de modifier l’intitulé et de proroger le délai pour produire ses affidavits, en mentionnant qu’il n’avait fourni aucune explication à son défaut de présenter ses affidavits au cours des huit mois suivant la présentation de son avis de demande.

 

[32]           La protonotaire a aussi indiqué que M. Nowoselsky n’avait pas présenté les affidavits proposés, et ce, même s’il avait eu suffisamment de temps pour le faire. Enfin, la protonotaire a fait remarquer qu’en rejetant la demande de prorogation de délai présentée par M. Nowoselsky, sa demande en vue de modifier l’intitulé était devenue théorique.

 

[33]           La décision de la protonotaire a finalement été infirmée par la Cour d’appel fédéral : voir Nowoselsky c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), 2006 CAF 382. Ce faisant, la Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suit :

Avec égards, nous estimons que la protonotaire a commis une erreur de principe. La question du retard a été réglée lorsque la protonotaire a décidé de permettre que cette affaire se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale. Le retard que l’appelant devait justifier dans sa réponse à l’avis d’examen de l’état de l’instance avait trait au dépôt des affidavits requis en vertu de l’article 306 des Règles. [...] La protonotaire, qui avait accepté l’explication de l’appelant et décidé de la gestion spéciale de l’instance, a commis une erreur en exigeant que l’appelant traite d’une question qu’elle avait déjà tranchée.

 

[...] Quant au second motif fondant le rejet de la requête de l’appelant, la protonotaire, manifestement, n’a pas jugé que l’appelant avait respecté son ordonnance conformément à sa teneur. Or, l’interprétation qu’a faite l’appelant des prescriptions de cette ordonnance n’était pas déraisonnable.

 

[34]           En réglant la question, la Cour d’appel fédérale a ordonné à M. Nowoselsky de signifier et de présenter les affidavits et la preuve documentaire prescrits par l’article 306 des Règles dans les 45 jours suivant l’ordonnance (ou le 5 janvier 2007), ainsi que la jurisprudence sur laquelle il entendait se fonder pour permettre à la protonotaire « d’évaluer s’il existe des éléments de preuve utiles et admissibles à l’appui de la demande de contrôle judiciaire en cours ».

 

[35]           En tentant de respecter l’ordonnance de la Cour d’appel fédérale, M. Nowoselsky a déposé neuf affidavits, un mémoire des faits et du droit et volume relié de documents devant la Cour du Banc de la Reine de Regina le 4 janvier 2007. En plus de déposer ses documents devant la mauvaise cour, M. Nowoselsky a évidemment mal calculé également les délais en raison du congé des Fêtes. Par conséquent, M. Nowoselsky n’a pas respecté l’échéance établie dans l’ordonnance de la Cour d’appel fédérale.

 

[36]           Qui plus est, les documents qu’il a présentés ne respectaient pas les exigences prévues dans les Règles des Cours fédérales.

 

[37]           Le 20 février 2007, le juge Létourneau a statué que M. Nowoselsky devrait être réputé avoir signifié et présenté ses documents à temps et au cours de la période permise dans la décision de la Cour d’appel fédérale. Le juge Létourneau a aussi accordé à M. Nowoselsky 30 jours supplémentaires pour se conformer aux exigences prescrites par l’article 306 des Règles.

 

[38]           À un moment donné dans cette chronologie, M. Nowoselsky a demandé l’aide d’un avocat. En vue de se respecter la deuxième ordonnance de la Cour d’appel fédérale, un avocat du cabinet Balfour Moss LLP a présenté une lettre à la Cour, dans laquelle il indiquait que neuf affidavits et une lettre du Dr Rabuka faisaient partie du dossier présenté à la Commission et qu’ils avaient donc été déposés adéquatement devant la Cour en vertu de l’article 309 des Règles des Cours fédérales.

 

[39]           L’avocat a aussi indiqué que l’affidavit de Fred Payton avait été présenté à la Commission après qu’elle ait rendu sa décision et qu’il avait donc été présenté adéquatement devant la Cour en vertu de l’article 306 des Règles. L’avocat a également soutenu qu’un volume relié de documents qui n’était pas appuyé par un affidavit [traduction] « pouvait être présenté plus tard dans cette procédure en vertu de l’article 309 des Règles ». Enfin, il a été soutenu que le mémoire des faits et du droit avait été présenté adéquatement en vertu de l’article 309 des Règles.

 

[40]           Dans une lettre datée du 17 avril 2007, l’avocat du procureur général du Canada a demandé à obtenir des précisions sur le statut de Balfour Moss LLP. L’avocat a mentionné que, même si la Cour d’appel fédérale avait remarqué que le cabinet avait accepté d’aider M. Nowoselsky à présenter ses documents dans le format approprié, il avait depuis formulé des observations au nom de M. Nowoselsky et avait signifié et présenté des documents en son nom sans être désigné en tant qu’avocat inscrit au dossier.

 

[41]           Comme l’avocat l’a mentionné, cette situation soulevait des questions d’ordre éthique sur la capacité de l’avocat à continuer de traiter directement avec M. Nowoselsky. L’avocat a aussi indiqué que, dans les circonstances, l’article 123 des Règles des Cours fédérales entrerait en cause afin de rendre le cabinet Balfour Moss LLP l’avocat réputé inscrit au dossier pour M. Nowoselsky.

[42]           Le 27 avril 2007, la protonotaire a émis une ordonnance de sept pages sur le statut de Balfour Moss LLP, dans laquelle elle critiquait vertement la conduite du cabinet. Après examen de la situation de façon relativement approfondie, et en exposant les problèmes pouvant découler du statut incertain de Balfour Moss LLP, la protonotaire a conclu que la Cour ne tiendrait pas compte des communications et des observations présentées par le cabinet à moins qu’il confirme être autorisé par M. Nowoselsky à agir en tant qu’avocat inscrit au dossier lorsqu’il avait communiqué avec la Cour et l’avocat du défendeur du 20 février au 20 avril 2017.

 

[43]           Le cabinet a par la suite confirmé son pouvoir d’agir au nom de M. Nowoselsky auprès de la Cour.

 

[44]           La protonotaire a ensuite mené un nouvel examen de la requête en prorogation de délai présentée par M. Nowoselsky pour signifier et présenter ses affidavits en vertu de l’article 306 des Règles, comme l’avait exigé la Cour d’appel fédérale.

 

L’ordonnance portée en appel

[45]           Le 6 juin 2007, la protonotaire a rendu son ordonnance sur la requête présentée par M. Nowoselsky en réexamen d’une prorogation du délai pour signifier et produire ses affidavits en vertu de l’article 306 des Règles. Il s’agit de l’ordonnance visée par le présent appel.

 

[46]           La protonotaire a fait remarquer qu’elle était tenue, selon la décision de la Cour d’appel fédérale, de trancher uniquement sur la pertinence et l’admissibilité des affidavits et de la preuve que M. Nowoselsky demandait à présenter, qui comprenaient les documents qui suivent :

                        a) Des documents continus dans l’affidavit, y compris :

                        1.         L’affidavit de Dennis Nowoselsky fait sous serment le 13 août 2001

                        2.         L’affidavit de Raymond Gosselin fait sous serment le 9 août 2001

                        3.         L’affidavit de Velera L. Thorpe fait sous serment le 9 août 2001

                        4.         L’affidavit de Della Hunter fait sous serment le 9 août 2001

                        5.         L’affidavit d’Alan Beasley fait sous serment le 10 août 2001

                        6.         L’affidavit de Lawrence F. Bell fait sous serment le 13 août 2001 

                        7.         L’affidavit de Darlene McDougal fait sous serment le 27 mai 2002

                        8.         L’affidavit d’Audrey Johnson fait sous serment le 25 mars 2002

                        9.         L’affidavit de Fred Payton fait sous serment le 13 décembre 2004

            b) Une lettre du Dr Rabuka datée du 14 novembre 1997

            c) Un volume relié de documents;

            d) Un mémoire des faits et du droit au nom du demandeur.

 

[47]           La protonotaire a mentionné que les observations de M. Nowoselsky n’abordaient pas la pertinence des documents en questions et qu’elles portaient [traduction] « principalement sur l’admissibilité de ces documents et sur la prétention selon laquelle, hormis l’affidavit de Fred Payton daté du 13 décembre 2004, les documents “sont actuellement présentés en vertu de l’article 306 des Règles; quoi qu’il arrive, ils peuvent adéquatement être présentés dans le cadre du dossier du demandeur, conformément à l’article 309 des Règles, parce qu’ils faisaient partie du dossier présenté à la Commission canadienne des droits de la personne” ».

 

[48]           À cet égard, la protonotaire a mentionné que [traduction] « [m]alheureusement pour le demandeur, outre sa déclaration générale à ce sujet dans ses observations écrites, aucune preuve selon laquelle ces affidavits ou ces documents faisaient partie du dossier dont la CCDP était saisie ne m’a été présentée ».

 

[49]           La protonotaire a mentionné que les documents acheminés à la Commission conformément à la demande présentée par M. Nowoselsky en vertu de l’article 317 des Règles ne contenaient aucun des affidavits en question et aucun des autres documents qu’il demandait à présenter.

[49]

[50]           La protonotaire a aussi fait remarquer que M. Nowoselsky avait déjà demandé à la Commission d’acheminer son dossier d’enquête complet à la Cour et que celle‑ci s’était opposée à sa divulgation, en indiquant qu’elle n’était pas saisie du dossier d’enquête lorsqu’elle avait rendu sa décision. Elle a ajouté que les seuls documents dont elle disposait au moment de rendre la décision faisant l’objet du contrôle avaient été remis à la Cour, conformément à l’article 317 des Règles. M. Nowoselsky n’a pas demandé à obtenir des directives ou une ordonnance de la Cour sur l’opposition de la Commission à la présentation de ces documents.

 

[51]           Par conséquent, la protonotaire a conclu que les documents étaient inadmissibles en vertu des articles 306 ou 309 des Règles, en tant qu’éléments du dossier présenté à la Commission.

 

[52]           La protonotaire s’est ensuite demandé si les documents étaient autrement pertinents ou admissibles. Pour répondre à cette question, la protonotaire a examiné les affidavits et les documents eux‑mêmes, en plus de tenir compte de l’avis de demande et des motifs aux erreurs soi-disant commises par la Commission qui y étaient invoqués.

 

[53]           La protonotaire a indiqué que les six premiers affidavits avaient été présentés au départ à la Cour en lien avec la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Nowoselsky à l’encontre de la décision de la CRTFP. À cet égard, la protonotaire s’est exprimée en ces termes :

[traduction]

 

Je ne vois pas en quoi des affidavits présentés dans une procédure de contrôle judiciaire qui a ultimement été rejetée pourraient être pertinents ou admissibles dans le contexte d’un contrôle judiciaire différent d’une décision différente par un tribunal différent. La réponse à cette question n’apparaît dans aucune des observations formulées par le demandeur à la suite d’un examen minutieux de l’avis de demande ou de la décision rendue par la Commission canadienne des droits de la personne. En fait, cette entreprise dans son ensemble sent la tentative interdite par M. Nowoselsky de faire une attaque collatérale de la décision rendue par l’arbitre de grief à l’égard de ses griefs et du rejet, par la Cour, de sa demande de contrôle judiciaire de cette décision.

           

 

[54]           En ce qui concerne les affidavits de Darlene McDougal et d’Audrey Johnson, la protonotaire a indiqué qu’ils portaient sur des événements survenus dans le cadre d’une réunion du personnel à l’automne 1995, où M. Nowoselsky avait soi‑disant soulevé la question de son invalidité auprès de son gestionnaire de secteur. À cet égard, la protonotaire s’est exprimée en ces termes :

 

 

[traduction]

 

La pertinence de ces éléments de preuve par rapport à la légalité de la décision de la CCDP de ne pas statuer sur la plainte déposée par le demandeur parce qu’ils avaient été abordés dans un grief dont la CRTFP était saisie n’est expliquée nulle part dans les documents présentés par le demandeur et elle demeure un mystère, même après une interprétation plus libérale de la demande de contrôle judiciaire. Encore une fois, il semble que ces éléments de preuve sont liés à une tentative d’examen du bien‑fondé de la décision rendue par l’arbitre de grief à l’égard du grief.

 

 

[55]           En ce qui concerne la lettre du Dr Rabuka, la protonotaire a mentionné que rien ne prouvait qu’elle avait été présentée à la Commission et qu’elle n’était pas soutenue par un affidavit. Qui plus est, dans la mesure où il était question de la pertinence du document, la protonotaire a indiqué que la lettre [traduction] « aborde l’invalidité du demandeur et sa capacité à effectuer des tâches. Il est impossible de trouver une pertinence avec l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire ».

 

[56]           Dans la mesure où il était question du volume de documents relié, la protonotaire a conclu qu’à l’instar de la lettre du Dr Rabuka, le volume était inadmissible parce qu’il n’avait pas été présenté au moyen d’un affidavit et qu’il ne faisait pas partie du dossier du tribunal. Qui plus est, elle a mentionné que les documents ne portaient pas sur le processus décisionnel de la Commission, hormis quelques pages, et qu’ils étaient donc hors sujet.

 

[57]           Enfin, la protonotaire a abordé le mémoire des faits et du droit de M. Nowoselsky, et a fait remarquer qu’il ne s’agissait ni d’un affidavit ni d’un autre élément de preuve documentaire qui serait admissible à une production en vertu de l’article 306 des Règles; il devait plutôt être présenté en vertu de l’article 309 des Règles, ce qui signifie qu’il n’était pas nécessaire de rendre une décision en vertu de l’article 306 des Règles.

 

[58]           La protonotaire a ensuite mentionné qu’un examen du contenu du mémoire des faits et du droit lui avait permis de confirmer ses conclusions sur le but apparent des affidavits et des documents, soit une [traduction] « tentative manifeste et sans équivoque d’examiner le bien‑fondé de la décision rendue par l’arbitre de grief sur les griefs [de M. Nowoselsky] ».

 

[59]           Même si elle savait qu’il ne lui appartenait pas de trancher le caractère approprié du mémoire des faits et du droit proposé, la protonotaire a mentionné que, si M. Nowoselsky avait l’intention de présenter ce mémoire en vertu de l’article 309 des Règles, [traduction] « [e]n tant que gestionnaire d’instance, il m’incombe d’indiquer à cette étape précoce que l’argument présenté dans le mémoire est entièrement non pertinent dans le cadre du contrôle judiciaire d’une décision de la CCDP selon la façon dont il est exposé dans l’avis de demande et comme le droit le permet ».

 

[60]           Qui plus est, vu sa décision sur l’admissibilité des affidavits et d’autres preuves documentaires, les arguments n’étaient pas soutenus par la preuve. La protonotaire a ensuite recommandé à M. Nowoselsky de présenter un mémoire des faits et du droit plus approprié s’il entendait procéder avec sa demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

 

[61]           Enfin, la protonotaire a abordé l’affidavit de Fred Payton. M. Payton était l’un des superviseurs de M. Nowoselsky au SCC. La protonotaire a indiqué qu’il s’agissait du seul affidavit présenté conformément à l’article 306 des Règles. La protonotaire a indiqué que l’affidavit portait uniquement sur l’affirmation de M. Nowoselsky selon laquelle il avait soulevé la question de son incapacité physique auprès de M. Payton, qui l’avait ensuite portée à l’attention de son superviseur. Par conséquent, la protonotaire a conclu que l’affidavit n’était pas pertinent dans le cadre de la demande d’examen de la décision rendue par la Commission.

 

[62]           Après avoir déterminé qu’aucun des affidavits présentés par M. Nowoselsky conformément au jugement de la Cour d’appel fédérale n’était pertinent, et qu’aucun des documents qu’il avait présentés n’était admissible ou pertinent, il s’en est suivi que la requête en prorogation de délai pour déposer les documents présentée par M. Nowoselsky devait être rejetée.

 

[63]           La protonotaire a ensuite indiqué qu’à la suite de sa décision, aucun des documents ne ferait partie du dossier de la demande de contrôle judiciaire. Le seul document qui pouvait être inclus dans le dossier de demande de M. Nowoselsky était le dossier certifié du tribunal. La protonotaire a aussi déterminé que le défendeur n’aurait aucun droit de signifier et de présenter des affidavits et des preuves documentaires de plein droit, conformément à l’article 307 des Règles.

 

Norme de contrôle

[64]           L’argument de partialité avancé par M. Nowoselsky soulève une question d’équité procédurale. La question de la norme de contrôle n’est pas soulevée dans ce genre de questions – il appartient à la Cour de déterminer si l’individu a reçu une audience équitable ou pas, vu l’ensemble des circonstances pertinentes : Canada (Procureur général) c. Sketchley, [2005] A.C.F. no 2056, 2005 CAF 404, aux paragraphes 52 et 53.

 

[65]           Dans la mesure où il est question de la norme de contrôle applicable au bien‑fondé de la décision rendue par la protonotaire, lorsque l’exercice, par un protonotaire, de son pouvoir discrétionnaire est crucial à la question définitive dans une instance, la décision doit être examinée de novo : voir Merck & Co. Inc. c. Apotex, [2003] A.C.F. no 1925, 2003 CAF 488, aux paragraphes18 et 19.

[66]           Toutefois, lorsque la décision visée par le contrôle n’est pas cruciale à la question définitive de l’instance, elle ne doit pas être modifiée en appel à moins d’être entachée d’une erreur flagrante, en ce sens où la protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits : Merck, au paragraphe 19.

 

[67]           M. Nowoselsky soutient que les questions que la protonotaire devait trancher avaient une influence déterminante sur l’issue du principal, puisque la décision touche fondamentalement sa capacité à présenter ses arguments dans cette instance. En conséquence, M. Nowoselsky indique que la question doit être examinée de novo.

 

[68]           La première question consiste donc à déterminer si la décision de la protonotaire avait une influence déterminante sur l’issue de cette affaire. À cet égard, la décision dans Merck indique clairement que la référence à une « question ayant une influence déterminante sur l’issue du principal » renvoie à l’objet d’une ordonnance émise par un protonotaire et pas à l’influence d’une telle ordonnance.

 

[69]           En ce qui concerne le genre de questions qui seront considérées comme ayant une influence déterminante sur l’issue du principal, Merck nous enseigne que le critère est exigeant. La juge Reed a donné des exemples de questions ayant une influence déterminante dans James River Corp. of Virginia c. Hallmark Cards, Inc., (1997), 72 C.P.R. (3d) 157 (C.F.P.I.) où elle a indiqué ce qui suit :

[traduction]

 

Les questions ayant une influence déterminante sur l’issue d’une affaire sont, par exemple, la soumission d’un jugement par défaut, la décision de refuser une modification de la plaidoirie, la décision d’ajouter des défendeurs et d’ainsi réduire potentiellement la responsabilité du défendeur actuel ou une décision sur une requête en rejet pour défaut de poursuite. [À la page 160, notes de bas de page omises]

 

[70]           Comme mon collègue le juge Blanchard l’a indiqué dans Association des crabiers acadiens inc. c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. no 1591, 2005 CF 1309 (au paragraphe 25), une ordonnance de radiation d’un affidavit n’a aucune incidence déterminante sur l’issue d’un litige puisque l’ordonnance n’a pas pour effet de limiter les droits substantifs de la partie, parce que la demande de contrôle judiciaire peut tout de même être instruite.

 

[71]           Dans le même ordre d’idées, une ordonnance de refus de prorogation de délai pour présenter des affidavits à l’égard d’une partie n’a pas une influence déterminante sur l’issue d’un litige et elle attire donc la norme de contrôle la plus empreinte de retenue.

 

[72]           En conséquence, je ne modifierai pas la décision de la protonotaire à moins d’être convaincue que l’ordonnance est entachée d’une erreur flagrante, en ce sens où elle se fondait sur un mauvais principe ou sur une mauvaise interprétation des faits.

 

La question de la partialité

[73]           La première question qu’il faut trancher vise à savoir si l’affirmation de M. Nowoselsky selon laquelle il n’a pas eu droit à une audience équitable devant la protonotaire parce qu’elle avait un préjugé à son égard ou, à tout le moins, que sa conduite tout au long de cette affaire – et dans le litige connexe, donnait lieu à une crainte raisonnable de partialité de la part de la protonotaire.

 

[74]           À cet égard, M. Nowoselsky se fonde sur les circonstances qui suivent pour appuyer son allégation de partialité réelle ou de crainte de partialité de la part de la protonotaire :

            1.         Il s’agissait de la protonotaire dont la décision est en litige dans la présente instance qui avait rejeté sa demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la CRTFP pour cause de retard, alors que l’avocat de M. Nowoselsky à ce moment n’avait pas respecté le délai de production de deux semaines seulement.

            2.         L’ordonnance originale de la protonotaire du 5 août 2004 dans laquelle elle rejetait la requête en prorogation de délai de M. Nowoselsky témoignait d’une prédisposition défavorable à l’égard du bien‑fondé de la demande de contrôle judiciaire de M. Nowoselsky.

            3.         La Cour d’appel fédérale a déterminé que la protonotaire avait commis une erreur de principe en rendant son ordonnance le 5 août 2004. La protonotaire était au courant de cette décision et du fait que la Cour d’appel fédérale avait formulé des critiques à son égard, ce qui la mènerait sans doute à nourrir une animosité à l’égard de M. Nowoselsky.

            4.         L’ordonnance de la protonotaire du 27 avril 2007 sur le statut de Balfour Moss LLP comprenait un certain nombre de commentaires gratuits et désobligeants sur la société et [traduction] « il s’agit d’un exercice stupéfiant, qui évoque une conduite répréhensible de la part du cabinet ». Tout cela après que la protonotaire avait déjà critiqué l’avocat précédent de M. Nowoselsky dans sa décision du 28 mai 2004.

            5.         Au moment de rendre son ordonnance du 6 juin 2007, qui constitue la décision visée par l’appel, la protonotaire était manifestement frustrée par les retards dans la progression de ce litige, en ne reconnaissant pas que ces retards étaient majoritairement attribuables à sa propre erreur commise dans son ordonnance du 5 août 2004.    

            6.         Dans son ordonnance du 6 juin 2007, la protonotaire, de sa propre initiative, a rendu une décision préventive en ce qui concerne le contenu du dossier de demande de M. Nowoselsky alors qu’elle n’était pas saisie de cette question et sans lui permettre de formuler des observations à cet égard.

            7.         La protonotaire a aussi agi de manière injuste en examinant le contenu du mémoire des faits et du droit de M. Nowoselsky dans le cadre de son analyse, alors que le mémoire des faits et du droit avait été « présenté prématurément » et qu’il n’était pas visé par la requête.

            8.         Dans ses interactions avec M. Nowoselsky, la protonotaire a utilisé un langage dur et hyperbolique, qui était à la fois injustifié et très critique à l’égard de M. Nowoselsky et de son avocat.

            9.         La protonotaire n’a jamais donné de directives à M. Nowoselsky sur les étapes procédurales qu’il devait suivre afin de permettre l’instruction adéquate de sa demande de contrôle judiciaire.

 

[75]           Le critère en vue de déterminer l’existence d’une partialité réelle ou d’une crainte raisonnable de partialité par rapport à un décideur en particulier est bien connu : la Cour doit se demander à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui examinerait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Autrement dit, croirait‑elle que, selon toute vraisemblance, le décideur, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste : voir Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394.

 

[76]           Une allégation de partialité, surtout une allégation de partialité réelle plutôt qu’apparente, est une allégation grave. En fait, elle remet en question l’intégrité même de l’arbitre dont la décision fait l’objet du litige. En conséquence, le seuil pour établir la partialité est élevé : R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, au paragraphe 113.

 

[77]           Avec ces principes à l’esprit, j’examinerai maintenant les arguments avancés par M. Nowoselsky. Je dois mentionner dès le départ que la seule décision dont je suis directement saisie dans le présent appel est l’ordonnance de la protonotaire du 6 juin 2007, où elle rejetait la demande de prorogation de délai de M. Nowoselsky pour présenter des affidavits et des documents à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire. Je ne siège pas en appel pour aucune des décisions antérieures rendues par la protonotaire dans le cadre de la présente instance ou d’instances connexes et il ne m’appartient pas de mettre en doute ces décisions.

 

[78]           Ainsi, la question dont je suis saisie vise à déterminer, non pas si ces décisions antérieures étaient erronées, mais plutôt si l’effet cumulatif de l’ensemble des interactions entre M. Nowoselsky et la protonotaire dans le cadre de la présente instance et d’instances connexes montraient une partialité réelle ou une crainte de partialité se sa part, donnant lieu au refus de son droit à une audience équitable sur la requête en litige dans le présent appel.

 

[79]           Après examen de l’ensemble des motifs exposés à l’appui de son affirmation de partialité, de façon individuelle et collective, et après examen minutieux des observations de M. Nowoselsky, j’ai conclu qu’il n’a pas établi une partialité réelle ou une crainte raisonnable de partialité de la part de la protonotaire.

 

 

[80]           Le fait qu’un décideur a rendu une décision défavorable à l’égard d’une partie dans une instance antérieure ne donne pas lieu en soi à une crainte raisonnable de partialité et ne constitue pas non plus une partialité réelle.

 

[81]           De même, je ne suis pas convaincue qu’il serait raisonnable de croire que l’infirmation, par la Cour d’appel fédérale, de l’ordonnance originale de la protonotaire du 5 août 2004, où elle rejetait la requête en prorogation de délai présentée par M. Nowoselsky, donnerait lieu à une partialité de sa part.

 

[82]           Les décideurs s’efforcent de faire de leur mieux, mais des erreurs surviennent; c’est pourquoi nous avons un processus d’appel. Néanmoins, en l’absence de preuve convaincante du contraire, on s’attend à ce que le décideur en question, en vertu de son serment professionnel et de son professionnalisme, continue à traiter avec les parties de manière équitable et impartiale, même si l’on conclut qu’il a commis une erreur dans une instance antérieure.

 

[83]           Je ne puis souscrire à la thèse selon laquelle la protonotaire a agi de manière injuste en examinant le contenu du mémoire des faits et du droit de M. Nowoselsky dans le cadre de son analyse de la décision visée par l’appel alors que le mémoire avait été, selon M. Nowoselsky, [traduction] « présenté prématurément » et qu’il n’était pas visé par la requête.

 

[84]           Après examen des documents que M. Nowoselsky a présenté dans le cadre des efforts qu’il a déployés pour présenter les documents qu’il voulait devant la Cour dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, il est difficile de déterminer quelles sont les questions qui font l’objet de la demande sous‑jacente et quels sont ses arguments précis à cet égard. Dans ces circonstances, la protonotaire n’a pas agi de manière inadéquate, selon moi, en lisant effectivement le mémoire des faits et du droit que lui avait remis M. Nowoselsky, dans un effort manifeste de sa part de mieux comprendre le fondement de son attaque de la décision rendue par la Commission.

 

[85]           Je ne puis non plus souscrire à la thèse selon laquelle la protonotaire, en rendant la décision visée par l’appel, a affiché sa frustration à l’égard des retards dans la progression de cette affaire, tout en ne reconnaissant pas que ces retards étaient majoritairement attribuables à sa propre erreur. La décision faisant l’objet du contrôle témoigne d’un désir manifeste de la part de la protonotaire d’instruire rapidement l’instance dans le cadre d’une audience. Étant donné qu’un contrôle judiciaire se veut une procédure sommaire, il s’agissait assez dûment de son rôle en tant que gestionnaire de l’instance.

 

[86]           Je ne suis pas non plus convaincue que l’ordonnance de la protonotaire du 6 juin 2007 représente une [traduction] « décision préventive en ce qui concerne le contenu du dossier de demande de M. Nowoselsky ». Vu le refus de proroger le délai pour permettre à M. Nowoselsky de présenter des éléments de preuve à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire, il s’en suit nécessairement qu’il ne pourrait s’appuyer uniquement que sur le dossier certifier du tribunal et son mémoire des faits et du droit pour soutenir sa demande.

 

[87]           Je ne puis souscrire à l’opinion de M. Nowoselsky selon laquelle la protonotaire avait utilisé un langage tranchant dans les diverses décisions qu’elle a rendues dans cette instance et que son choix de langage était parfois fâcheux, particulièrement dans la décision du 27 avril 2007 sur le statut et la conduite de Balfour Moss LLP.

 

[88]           Cela étant dit, les propos tranchants ne constituent pas en soi une preuve de partialité réelle et ne donnent pas lieu à une crainte raisonnable de partialité : voir Ahani c. Canada, (2000), 184 F.T.R. 320 (C.A.F.).

 

[89]           Après examen du dossier complet qui m’est présenté et en situant le langage utilisé par la protonotaire dans le contexte de la chronologie de cette instance, je ne suis pas convaincue qu’elle a fait preuve de partialité réelle dans cette affaire. Je ne suis pas non plus convaincue que la conduite de la protonotaire donnait lieu à une crainte raisonnable de partialité.

 

[90]           J’en viens donc à étudier l’appel dans la mesure où il porte sur le bien‑fondé de la décision de la protonotaire.

 

La protonotaire a‑t‑elle commis une erreur en refusant de proroger le délai?

[91]           À titre de question préliminaire, je dois aborder la preuve nouvelle que M. Nowoselsky veut présenter à la Cour dans le cadre de cet appel.

 

[92]           Dans la décision visée par l’appel, la protonotaire a fait remarquer qu’elle ne disposait d’aucune preuve selon laquelle certains des documents que M. Nowoselsky voulait présenter à la Cour étaient bel et bien devant la Commission canadienne des droits de la personne lorsqu’elle a rendu la décision faisant l’objet du contrôle.

 

[93]           En appui à son appel, M. Nowoselsky a présenté un affidavit dans lequel il affirme que les documents en question ont été remis à l’enquêteur de la Commission dans le cadre de l’enquête.

[94]           Il est de jurisprudence constante à la Cour qu’aucun élément de preuve ne peut être présenté dans le cadre d’un appel d’une décision d’un protonotaire, sauf dans des exceptions limitées qui ne s’appliquent pas en l’espèce. La Cour doit plutôt instruire l’affaire selon le dossier qui était devant le protonotaire au moment où la décision a été rendue : voir, par exemple, Advanced Emissions Technologies Ltd. c. Dufort Testing Services, [2006] A.C.F. no 1012, 2006 CF 794, aux paragraphes 2 et 3, et Société Odessa c. Canada (Ministre du revenu national), [2003] A.C.F. no 1814, 2003 CF 1420.

 

[95]           En conséquence, je n’entends pas tenir compte des nouveaux éléments de preuve soumis dans le cadre du présent appel. Je ferai seulement remarquer que même si M. Nowoselsky a effectivement présenté les documents en question à l’enquêteur de la Commission, cela ne signifie pas que ces documents étaient devant les commissaires eux‑mêmes lorsqu’ils ont rendu la décision faisant l’objet du contrôle. D’ailleurs, le fait que les documents en question n’étaient pas inclus dans le dossier certifié du tribunal sous‑entend qu’ils ne l’ont pas été.

 

[96]           En ce qui concerne le bien‑fondé de la décision de la protonotaire, pour déterminer si elle devait accorder à M. Nowoselsky une prorogation de délai pour présenter son affidavit, la protonotaire a cerné adéquatement la question dont elle était saisie, à savoir si les éléments de preuve proposés étaient admissibles et pertinents pour les questions liées à la demande de contrôle judiciaire.

 

[97]           En ce qui concerne la lettre du Dr Rabuka et le volume de documents relié, la protonotaire a souligné à juste titre que ces documents n’étaient pas appuyés par un affidavit. Ils n’étaient donc pas admissibles. Ainsi, la protonotaire n’a commis aucune erreur en refusant de proroger le délai pour présenter les documents.

 

[98]           En ce qui concerne les affidavits, six d’entre eux (Nowoselsky, Gosselin, Thorpe, Hunter, Beasley et Bell) avaient été présentés au départ devant la Cour en lien avec la demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision rendue par la CRTFP présentée par M. Nowoselsky. Vu ce fait, il n’est peut‑être pas surprenant qu’il ne soit aucunement question de l’enquête ou de la décision de la Commission canadienne des droits de la personne dans ces affidavits. Ils portent plutôt sur le bien‑fondé de la décision rendue par la CRTFP.

 

[99]           À titre d’exemple, dans l’affidavit de M. Nowoselsky, on aborde longuement ce qui est ressorti de l’audience devant la CRTFP et on conteste le poids que l’arbitre de grief a accordé à divers éléments de preuve dans cette affaire.

 

[100]       Les cinq autres affidavits proviennent de personnes ayant témoigné pendant les audiences de la CRTFP. Ces affidavits renvoient au témoignage des auteurs devant la Commission. Dans certains cas, les auteurs contestent le poids accordé à leur témoignage. Dans d’autres, les affidavits renvoient à des erreurs alléguées dans la décision de la CRTFP.

 

[101]       La protonotaire a indiqué qu’elle n’arrivait pas à voir comment des affidavits présentés dans une instance de contrôle judiciaire pouvaient être pertinents ou admissibles dans le contexte d’un contrôle judiciaire différent d’une décision différente par un tribunal différent. En fait, la décision de la Commission de rejeter la plainte liée aux droits de la personne présentée par M. Nowoselsky se fondait sur sa conclusion selon laquelle la CRTFP avait abordé les questions touchant les droits de la personne. En conséquence, les deux instances se chevauchent un peu nécessairement et les affidavits liés à la procédure devant la CRTFP pourraient, théoriquement du moins, être pertinents dans le cadre d’un contrôle judiciaire où l’on conteste la décision de la Commission.

 

[102]       Cela étant dit, il est difficile de voir en quoi les affidavits précis en jeu en l’espèce sont liés aux questions soulevées par M. Nowoselsky dans sa demande de contrôle judiciaire.

 

[103]       Dans son avis de demande de contrôle judiciaire, M. Nowoselsky invoque les motifs qui suivent pour sa demande :

[traduction]

 

(5)        La Commission n’a pas [...] adéquatement appliqué l’article 44 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

(6)        La Commission canadienne des droits de la personne n’a pas adéquatement [...] accordé prépondérance à la Loi canadienne sur les droits de la personne plutôt qu’à la CRTFP.

(7)        La Commission n’a pas respecté les dispositions obligatoires de l’article 44 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

(8)        La Commission n’avait pas compétence pour agir, a outrepassé sa compétence ou a refusé d’exercer sa compétence.

(9)        La Commission n’a pas respecté les principes de justice naturelle, d’équité procédurale ou la procédure que le droit et la loi lui exigeaient de respecter.

 

 

[104]       Les six affidavits à l’étude n’ont réellement aucune incidence sur aucune de ces questions. Comme la protonotaire l’a constaté, ils correspondent plutôt à une attaque collatérale à l’égard de la décision rendue par l’arbitre de grief.

 

[105]       Il faut garder à l’esprit que la question à ce stade ne vise pas à déterminer si la décision de la CRTFP était viciée. Vu le défaut de M. Nowoselsky de poursuivre sa demande de contrôle judiciaire à l’égard de cette décision en temps opportun, la décision de la CRTFP est maintenant définitive. La question cruciale dans la présente demande vise plutôt à déterminer si la Commission canadienne des droits de la personne a commis une erreur en concluant que la CRTFP avait répondu aux questions liées aux droits de la personne présentées par M. Nowoselsky.

 

[106]       Il est vrai que les éléments de preuve présentés à un enquêteur sur les plaintes liées aux droits de la personne peuvent être admissibles dans le cadre d’un contrôle judiciaire si une allégation conteste l’exactitude ou l’intégralité du rapport d’enquête ou la rigueur de l’enquête, et ce, même s’ils n’avaient pas été présentés à la Commission canadienne des droits de la personne quand elle a pris sa décision : voir, par exemple, Pathak c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1995] 2 C.F. 455 (C.A.F.).

 

[107]       Il est aussi vrai qu’une telle erreur peut constituer un manquement à l’équité procédurale et que M. Nowoselsky allègue, dans son avis de demande de contrôle judiciaire, que la Commission canadienne des droits de la personne n’a pas respecté les principes d’équité procédurale dans cette instance.

 

[108]       Cela étant dit, après examen des observations présentées par M. Nowoselsky à la protonotaire, il est évident qu’aucune question liée à l’équité ou à la rigueur de l’enquête ne lui a été présentée. En fait, dans ses observations en réponse, l’avocat de M. Nowoselsky a indiqué que l’enquête avait été « approfondie ». Qui plus est, la protonotaire ne disposait d’aucun élément de preuve selon lequel les affidavits en question avaient été présentés à l’enquêteur. Par conséquent, on ne peut la blâmer pour avoir omis d’étudier cette question.

 

[109]       Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la protonotaire a fondé sa décision sur un mauvais principe ou une mauvaise interprétation des faits en concluant que ces affidavits n’étaient pas pertinents aux questions soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire puisque ces questions avaient été cernées par M. Nowoselsky.

 

[110]       Les affidavits McDougal et Johnson n’ont pas été présentés dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire de la décision de la CRTFP, mais ils auraient été présentés à l’enquêteur de la Commission, même si aucune preuve n’avait été présentée à la protonotaire à cet égard. Chacun des auteurs indique que M. Nowoselsky a soulevé la question de son invalidité auprès du personnel de la direction du Service correctionnel du Canada. La pertinence de ces éléments de preuve par rapport aux questions que soulève M. Nowoselsky dans son avis de demande n’est pas évidente et, encore une fois, ils semblent être réellement dirigés pour attaquer de façon collatérale la décision rendue par l’arbitre de grief de la CRTFP.

 

[111]       Contrairement aux autres affidavits sur lesquels le demandeur voulait s’appuyer, l’affidavit Payton n’a pas été présenté à la Commission dans le cadre de l’enquête. M. Nowoselsky demande plutôt à présenter cet affidavit en vertu des dispositions prévues à l’article 306 des Règles.

 

[112]       À l’instar des affidavits McDougal et Johnson, l’affidavit de M. Payton indique que M. Nowoselsky a soulevé la question de son invalidité auprès du personnel de direction du Service correctionnel du Canada.

 

[113]       Même si M. Nowoselsky a entrepris de définir que ces éléments de preuve étaient liés à une question de compétence, la preuve porte réellement sur le manquement allégué du SCC de composer avec l’invalidité de M. Nowoselsky. Pour les motifs exposés en ce qui concerne les autres affidavits, je ne suis pas convaincue que ces éléments de preuve sont pertinents pour les questions soulevées dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[114]       En conséquence, je ne suis pas convaincue que la protonotaire a commis une erreur en rejetant la demande de prorogation de délai présentée par M. Nowoselsky afin de présenter des affidavits et d’autres documents à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire.

 

Conclusion

[115]       Pour ces motifs, le présent appel est rejeté.

 

[116]       Les parties ont consenti à une ordonnance de sursis de l’ordonnance prescrivant le calendrier rendue par la protonotaire dans sa décision du 6 juin 2007 jusqu’à ce qu’il en soit disposé du présent appel. L’affaire est renvoyée aux gestionnaires de l’instance afin d’établir un nouveau calendrier pour les étapes restantes de cette instance.

 

[117]       Je laisserai au juge responsable de trancher du bien‑fondé de la demande le soin de traiter la question des dépens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

 

            1.         L’appel est rejeté;

 

            2.         L’affaire est renvoyée aux gestionnaires de l’instance afin d’établir un nouveau calendrier pour les étapes restantes de cette instance;

 

            3.         Les dépens suivront le sort de l’affaire.

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1595-03

 

 

INTITULÉ :                                       DENNIS NOWOSELSKY c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Regina (Saskatchewan)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 août 2007

 

 

MOTIFS ET JUGEMENT :

                                                            La juge Mactavish

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 18 octobre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Bob Hrycan et Mme Lindsay Ferguson                                COMPARAISSANT COMME

Balfour Moss LLP                                                                    AGENTS DU DEMANDEUR

 

M. Chris Bernier                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

                                                                              JOHN H. SIMS, c.r.

                                                                              Sous‑procureur général du Canada

Too                                                                        Calgary (Alberta)                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                                                                                                                   

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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