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Date : 20071018

Dossier : T-2206-06

Référence : 2007 CF 1071

ENTRE :

HUGH WILLIAM PERRY, EN SA QUALITÉ DE FIDUCIAIRE DU 2005 ROBERT

JULIEN FAMILY DELAWARE DYNASTY TRUST

demandeur     

et

CANADA (LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL)

et

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA)

défendeurs

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION ET HISTORIQUE

[1]               Dans une lettre datée du 23 février 2005, l’avocat du demandeur a écrit au directeur, Division des services de l’autorité compétente, Direction de l’impôt international, Direction générale des programmes d’observation de l’Agence du revenu du Canada. L’avocat a demandé à ce que la question de la résidence du 2005 Robert Julien Family Delaware Dynasty Trust (la fiducie demanderesse) soit réglée en conformité avec le paragraphe 4 de l’article IV de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune[1] signée le 26 septembre 1980 et modifiée par les protocoles signés le 14 juin 1983[2], le 28 mars 1984[3], le 17 mars 1995[4] et le 29 juillet 1997[5] (la Convention). Par souci de commodité, une copie de l’essentiel de cette lettre figure à l’annexe A.

[2]               Le paragraphe 4 de l’article IV de la Convention est ainsi libellé :

Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une succession, une fiducie ou une autre personne (autre qu’une personne physique ou une société) est un résident des deux États contractants les autorités compétentes des États contractants s’efforcent d’un commun accord de trancher la question et de déterminer les modalités d’application de la Convention à ladite personne.

Where by reason of the provisions of paragraph 1 an estate, trust or other person (other than an individual or a company) is a resident of both Contracting States, the competent authorities of the States shall by mutual agreement endeavour to settle the question and to determine the mode of application of the Convention to such person.

 

[3]               Dans une lettre datée du 17 juin 2005, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a répondu à la demande faite au nom du demandeur et elle a conclu ce qui suit :

[Traduction]

[…] nous ne pouvons pas acquiescer à votre demande. Toutefois, dans le cas où des revenus, des profits ou des gains de la fiducie seraient assujettis à l’impôt à la fois aux États-Unis et à la fois au Canada, nous serions disposés à examiner une demande d’allégement quant à toute double imposition.

Encore une fois, par souci de commodité, l’essentiel de la lettre de l’ARC figure à l’annexe B.

[4]               La Cour ne dispose d’aucune preuve selon laquelle la fiducie demanderesse, ou son avocat, a poursuivi sa demande plus loin, directement auprès de l’ARC. L’avocat s’est plutôt adressé à l’Internal Revenue Service des États‑Unis (l’IRS) et a demandé, comme il avait le droit de la faire en vertu de la Convention, que l’IRS tente de régler auprès de l’ARC la question de la résidence de la fiducie demanderesse. L’IRS a soulevé la question auprès de l’ARC. Une transcription des notes prises à la réunion tenue par l’ARC et l’IRS à Washington (District de Columbia), le 11 juillet 2006, plus de douze mois après l’échange de correspondance susmentionné entre l’avocat du demandeur et l’ARC, témoigne que la question fut discutée. Un extrait de cette transcription figure à l’annexe C des présents motifs.

[5]               Il vaut la peine de souligner trois points qui figurent dans l’extrait de la transcription : premièrement, la discussion a eu lieu dans le contexte du « projet d’article 94 de la Loi de l’impôt sur le revenu ». Il ne s’agit pas de l’article 94 de cette loi, tel qu’il était libellé au moment de la discussion et tel qu’il est toujours libellé aujourd’hui[6]; deuxièmement, un représentant de l’ARC s’est engagé envers les représentants de l’IRS [Traduction] « […] à demander des directives supplémentaires quant à la question en litige »; troisièmement, l’ARC a proposé de demander ces directives au ministère des Finances du Canada et non pas à ses propres ressources, malgré le fait que l’ARC soit, par délégation, le représentant désigné du Canada, l’« autorité compétente », en vertu de la Convention, aux fins des discussions bilatérales.

 

[6]               L’IRS a fait rapport à l’avocat de la fiducie demanderesse dans une lettre datée du 15 novembre 2006. Essentiellement, elle a déclaré que l’ARC avait refusé de tenter, ou de tenter davantage, de régler la question de la résidence de la fiducie demanderesse en conformité avec la Convention. Encore une fois, par souci de commodité, l’essentiel de la réponse de l’IRS à l’avocat du demandeur figure à l’annexe D.

 

[7]               L’avocat de la fiducie demanderesse a traité la réponse de l’IRS comme étant le premier avis à la fiducie demanderesse d’une réponse définitive de la part de l’ARC à la demande qu’il a faite dans sa lettre du 23 février 2005 susmentionnée. À la lumière de cette réponse « définitive », la présente demande de contrôle judiciaire a été déposée afin d’obtenir le redressement suivant :

 

[Traduction]

[…]

La demande de contrôle judiciaire vise ce qui suit :

1.   La délivrance d’une ordonnance annulant la décision du ministre du Revenu national rendue le 11 juillet 2006 par sa représentante, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC), et par laquelle la demande du demandeur que la question de la résidence du 2005 Robert Julien Family Delaware Dynasty Trust (la fiducie) soit réglée en conformité avec le paragraphe 4 de l’article IV de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune signée à Washington le 26 septembre 1980 telle que modifiée par les protocoles signés le 14 juin 1983, le 28 mars 1984, le 17 mars 1995 et le 29 juillet 1997 (la Convention) a été officiellement rejetée;

2.   La délivrance d’une ordonnance (ordonnance de mandamus) prescrivant que le ministre du Revenu national ou sa représentante, l’ARC, tente de régler la question de la résidence de la fiducie avec le secrétaire américain au Trésor ou avec son délégué, l’Internal Revenue Service, en conformité avec le paragraphe 4 de l’article IV de la Convention.

3.   Subsidiairement, la prise de toute autre mesure de redressement de même nature visant à contraindre les intimés à se conformer au paragraphe 4 de l’article IV de la Convention.

4.   L’émission d’une déclaration à l’effet que le jugement est exécutoire, nonobstant appel.

 

LE TOUT AVEC DÉPENS.

 

[…]

 

[8]               La demande a été entendue le 30 août 2007dans les locaux de la Cour à Montréal. Le prononcé de la décision a été remis à plus tard. Voici les motifs de la décision rendue aujourd’hui.

 

LES PARTIES

[9]               Le demandeur est brièvement décrit dans l’intitulé de la présente demande. La « convention de fiducie » est également brièvement, mais suffisamment décrite, dans la lettre dont l’essentiel figure à l’annexe A des présents motifs.

 

[10]           Le ministre du Revenu national est le ministre responsable aux fins de la mise en application de la Loi sur la Convention et il est également responsable de l’ARC.

 

[11]           L’ARC, auparavant désignée comme l’Agence des douanes et du revenu du Canada « […] fournit l’appui nécessaire à l’application ou au contrôle d’application […] de la Loi de l’impôt sur le revenu[7] et est, par délégation du ministre du Revenu national, « l’autorité compétente » aux fins de la Convention.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[12]           L’avocat de la fiducie demanderesse, dans son exposé des faits et du droit, a brièvement décrit de la manière suivante les questions en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire :

a) une ordonnance de mandamus peut‑elle être délivrée à l’égard des défendeurs eu égard aux faits de la présente affaire;

b) devrait‑on délivrer une ordonnance annulant la décision.

 

[13]           L’avocat des défendeurs a ajouté la question suivante : [Traduction] « la [fiducie] demanderesse est‑elle incapable, pour des raisons de prescription, de contester la décision de l’autorité canadienne compétente [l’ARC]de ne pas régler la question de la résidence de la fiducie [demanderesse] avec l’autorité américaine compétente ».

 

[14]           L’avocat des défendeurs a reformulé la question du mandamus à savoir si une ordonnance de mandamus peut être délivrée contre les défendeurs afin de les obliger à tenter davantage de régler la question de la résidence de la fiducie demanderesse avec les autorités américaines compétentes en conformité avec le paragraphe 4 de l’article IV de la Convention.

 

[15]           J’élaborerais et je reformulerais de la façon suivante les questions en litige soumises à la Cour : premièrement, et cette question n’a pas été contestée par l’une ou l’autre partie, la Cour a‑t‑elle compétence pour entendre la présente demande; deuxièmement, la présente demande de contrôle judiciaire est‑elle prescrite en raison du fait que la lettre envoyée par l’ARC le 17 juin 2005 à l’avocat de la fiducie demanderesse constituait la « décision » des défendeurs à l’égard de la demande présentée au nom de la fiducie demanderesse figurant dans la lettre de l’avocat du 23 février 2005; troisièmement, la réponse de l’IRS, dont l’essentiel est reproduit à l’annexe D, est‑elle une décision susceptible de contrôle ou, subsidiairement, la demande de contrôle judiciaire est‑elle prématurée parce que, pour l’essentiel, elle vise le contrôle de l’application à la fiducie demanderesse d’un projet de loi plutôt que d’une loi qui est en vigueur; quatrièmement, quelle norme de contrôle convient‑il d’appliquer à la « décision » faisant l’objet de la demande de contrôle; cinquièmement, au regard de la norme à appliquer, la décision faisant l’objet du présent contrôle devrait‑elle être annulée, et, enfin, si la décision faisant l’objet du présent contrôle doit être annulée, la fiducie demanderesse peut‑elle avoir recours au mandamus.

 

[16]           Le demandeur et les défendeurs ont réclamé des dépens et cette question sera brièvement traitée.

 

L’ANALYSE

1)  La compétence

[17]           Comme il a déjà été mentionné dans les présents motifs, aucun des avocats devant la Cour n’a contesté la compétence de la Cour quant à la présente affaire, mais, par contre, aucune jurisprudence étayant la compétence de la Cour n’a été mentionnée par les avocats. Par mesure de prudence, et, notamment, compte tenu de la mise en garde servie par la Cour suprême du Canada dans Canada c. Addison & Leyen Ltd.[8], il m’apparaît important de traiter brièvement cette question. Aux paragraphes 10 et 11 des brefs motifs qu’elle a rendus dans Canada c. Addison & Leyen Ltd., la Cour suprême a écrit ce qui suit :

Le ministre dispose du pouvoir discrétionnaire d’établir une nouvelle cotisation à l’égard d’un contribuable en tout temps. Cela ne veut pas dire que l’exercice de ce pouvoir ne peut jamais faire l’objet d’un contrôle. Toutefois, en raison du terme « en tout temps » à l’article 160 de la LIR, la longueur du délai écoulé avant qu’il soit décidé d’établir une cotisation à l’égard d’un contribuable ne suffit pas à fonder un contrôle judiciaire, sauf, peut-être, s’il s’agit d’autoriser un recours comme le mandamus pour inciter le ministre à faire preuve de diligence raisonnable une fois l’avis d’opposition déposé. De plus, en l’espèce, les allégations de fait dans la déclaration n’expliquent pas pourquoi il aurait été impossible d’examiner les questions relatives à l’obligation fiscale, tant en ce qui a trait à la cotisation fiscale sous-jacente établie à l’encontre de York qu’aux cotisations établies à l’égard des intimés au cours d’une procédure d’appel normale.

 

Dans de telles circonstances, les tribunaux de révision ne doivent ouvrir la voie aux recours en contrôle judiciaire qu’avec beaucoup de circonspection. Il y a lieu de protéger l’intégrité et l’efficacité du système de cotisation et d’appel en matière fiscale. Le Parlement a édifié une structure complexe pour assurer le traitement d’une multitude de revendications se rapportant au fisc, et cette structure s’appuie sur un tribunal spécialisé et indépendant, la Cour canadienne de l’impôt. On ne saurait permettre que le contrôle judiciaire serve à créer une nouvelle forme de procédure connexe destinée à contourner le système d’appel établi par le Parlement en matière fiscale ainsi que la compétence de la Cour de l’impôt. Dans ce contexte, le contrôle judiciaire devrait demeurer un recours de dernier ressort.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[18]           Il ne s’agit pas d’un examen du pouvoir discrétionnaire du ministre d’établir une nouvelle cotisation à l’égard d’un contribuable « en tout temps ». Comme l’avocat de la fiducie demanderesse le prétend, il s’agit plutôt d’une demande de contrôle judiciaire de l’obligation du ministre de tenter de régler la question de la résidence d’une fiducie comme la fiducie demanderesse et de tenter également d’obtenir le recours du mandamus contre le ministre pour « manquement » à cette obligation après que demande fut faite. À ce titre, je suis d’avis que la présente demande se rapproche davantage de la question qui a été soumise à la Cour ainsi qu’à la Cour d’appel fédérale dans LJP Sales Agency Inc. c. Canada (Ministre du revenu national – M.R.N.)[9]. S’exprimant au nom de cette Cour, ma collègue la juge MacTavish, après avoir renvoyé à l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales[10], a écrit ce qui suit aux paragraphes 33 à 37 de ses motifs :

J’ai examiné l’argument du ministre attentivement et je suis convaincue que la Cour a bien la compétence pour traiter la demande de LJP.

 

L’objet de l’article 18.5 est d’éviter la multiplicité des instances. Par conséquent, le contrôle judiciaire est refusé s’il existe déjà, prévu par une loi, un droit d’appel à la Cour canadienne de l’impôt ou à tout autre organisme de ce genre.

 

Il est vrai qu’une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre d’établir ou de confirmer l’obligation fiscale d’une personne n’est pas du ressort de la Cour, parce que l’établissement de cette obligation peut être porté en appel devant la Cour canadienne de l’impôt : Addison & Leyen Tld et al.,[…]

 

Cependant, il faut rappeler que LJP ne cherche pas à porter en appel une cotisation devant la Cour, mais cherche plutôt à obtenir une ordonnance de mandamus, pour obliger le ministre à s’acquitter d’une obligation légale. À ce sujet, LJP soutient que le ministre a sans droit refusé d’exercer sa compétence, qu’il a commis une erreur de droit ou qu’il a agi de manière contraire à la loi. La Cour canadienne de l’impôt ne peut pas ordonner une telle mesure de réparation en faveur de LJP.

 

Je suis donc convaincue que, dans la mesure où la demande de LJP cherche à obtenir une ordonnance obligeant le ministre à s’acquitter d’une obligation légale, la demande a été correctement déposée devant la Cour. Qu’une telle obligation existe ou non dans les circonstances de l’espèce est une toute autre question.

[…]

 

[19]           Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la Cour a compétence pour examiner la présente demande de contrôle judiciaire ainsi que la demande de délivrance d’une ordonnance de mandamus.

 

2)  La présente demande de contrôle judiciaire et la demande de délivrance d’une ordonnance de mandamus sont‑elles prescrites?

[20]           L’avocat des défendeurs prétend que la présente demande de contrôle judiciaire et la demande de délivrance d’une ordonnance de mandamus sont prescrites parce que la lettre du 17 juin 2005 (voir l’annexe B) envoyée à l’avocat de la fiducie demanderesse constituait la décision des défendeurs en rapport avec la demande présentée au nom de la fiducie demanderesse figurant dans la lettre de l’avocat datée du 23 février 2005 (voir l’annexe B). L’avocat des défendeurs prétend de plus que, bien qu’il était loisible à la fiducie demanderesse de décider de pousser l’affaire plus loin auprès de l’IRS, cela ne remplaçait pas la présentation d’une demande de contrôle judiciaire de la « lettre de décision » datée du 17 juin 2005. Il prétend que cela ne revenait à rien de plus qu’à une demande indirecte faite aux défendeurs d’« examiner » la décision du 17 juin 2005, et qu’une demande d’examen n’empêche pas le délai de prescription prévu pour déposer une demande de contrôle judiciaire de s’écouler.

 

[21]           Bien qu’il n’eût pas traité directement de la question de la prescription, l’avocat de la fiducie demanderesse a prétendu que l’ARC a systématiquement, sciemment et catégoriquement refusé de tenter de régler la question de la résidence de la fiducie demanderesse auprès de l’IRS, et ce, sans justification et malgré le fait qu’une demande officielle fut présentée par la fiducie demanderesse et malgré l’existence de l’obligation légale d’agir à caractère public clairement prévue au paragraphe 4 de l’article IV de la Convention.

 

[22]           Malgré tout le respect que je dois à l’avocat de la fiducie demanderesse ainsi qu’à la fiducie de la demanderesse elle‑même, la question de l’existence d’une prétendue « obligation légale d’agir à caractère public manifeste » ne se pose pas sauf si une demande de contrôle judiciaire est déposée en temps opportun. Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales est ainsi libellé :

18.1  (2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

[je souligne]

 

18.1   (2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

[emphasis added]

 

La lettre de l’ARC datée du 17 juin 2005 constituait une communication claire et sans équivoque de sa décision rendue en réponse à la demande figurant dans la lettre de l’avocat datée du 23 février 2005. Par souci de commodité, voici le libellé de cette demande :

[Traduction]

Nous demandons à ce que la question de la résidence de la fiducie soit réglée en conformité avec le paragraphe 4 de l’article IV de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 26 septembre […]

 

[23]           La réponse, pour l’essentiel, fut la suivante : [Traduction] « Par conséquent, nous ne pouvons pas acquiescer à votre demande ». Cette réponse a été transmise à l’avocat de la fiducie demanderesse dans la lettre datée du 17 juin 2005 et on n’a pas fait valoir devant la Cour que la réponse n’a pas été reçue dans les quelques jours qui ont suivi la date de la réponse.

 

[24]           Je suis convaincu que la présente demande de contrôle judiciaire est prescrite. Malgré que ma conclusion susmentionnée tranche entièrement la question de la présente demande de contrôle judiciaire, je vais néanmoins continuer d’examiner la troisième question mentionnée dans mon résumé des questions en litige.

 

3) La prématurité

[25]           Comme il est mentionné au paragraphe 4 des présents motifs, la consultation qui a eu lieu entre les représentants de l’ARC et les représentants de l’IRS (dont la transcription figure à l’annexe C des présents motifs ainsi que dans la lettre de l’IRS envoyée à l’avocat de la fiducie demanderesse et dont des extraits figurent à l’annexe D), portait sur la question de la résidence de la fiducie demanderesse en vertu du nouvel article 94 que l’on envisage d’insérer dans la Loi de l’impôt sur le revenu et non pas en vertu du libellé actuel de l’article 94 de la Loi.

 

[26]           Il est bien reconnu en droit que ce n’est pas à la Cour qu’il revient de se prononcer sur la situation d’une personne ou d’une fiducie, comme la fiducie demanderesse, en vertu d’une éventuelle modification législative. Le Parlement est maître de ses processus et de ses conclusions. La Cour n’a pas à présumer que le Parlement va adopter, sans modification, les propositions de loi déposées devant lui par le gouvernement en place[11]. Ce principe est encore plus rigide dans son application lorsque le gouvernement en place ne dispose d’aucune loi portant sur la question sous étude en l’espèce devant le Parlement et peut choisir de ne pas réintroduire l’article 94 envisagé de la Loi de l’impôt sur le revenu ou, subsidiairement, peut choisir de le réintroduire avec des modifications au libellé qui a déjà été soumis au Parlement et qui est mort au feuilleton entre la date à laquelle la demande de contrôle judiciaire a été entendue et la date des présents motifs.

 

[27]           Il s’ensuit qu’il ne convient pas que la Cour demande, par voie d’une ordonnance de mandamus, qu’un ministre, ou des fonctionnaires agissant en son nom, tente de régler la question de la résidence d’une fiducie en vertu d’une disposition d’une loi qui sera peut-être adoptée un jour par le Parlement.

 

[28]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire dont la Cour est saisie, telle que formulée, est non seulement « prescrite », mais elle est prématurée car elle ne concerne pas une « décision », s’il y a eu décision à l’été 2006, à l’égard de laquelle la Cour pourrait accorder ou envisager d’accorder un mandamus.

 

[29]           Je n’examinerai pas davantage la question de savoir s’il y avait, dans les communications figurant à l’annexe C et à l’annexe D, une décision de la part des défendeurs.

 

CONCLUSION

[30]           Compte tenu de mes conclusions concernant la compétence de la Cour, concernant la prescription de la demande de contrôle judiciaire dont la Cour est saisie et concernant la question de la prématurité, je n’ai pas à examiner et je n’examinerai pas les autres questions mentionnées au paragraphe [15] des présents motifs. La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. De plus, compte tenu de mes conclusions et du résultat, les défendeurs ont droit à leurs dépens, calculés selon le barème habituel, contre la fiducie demanderesse.

LES DÉPENS

[31]           Dans le cours normal d’un litige devant la Cour, les dépens suivent l’issue de la cause, c’est‑à‑dire que les dépens doivent être versés par la partie qui n’a pas eu gain de cause. Rien dans la présente affaire ne justifie un résultat différent. Les défendeurs ont droit à leurs dépens, calculés selon le barème habituel. Ceux‑ci seront versés par la fiducie demanderesse.

« Frederick E. Gibson »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 18 octobre 2007

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


ANNEXE A

(paragraphe [1])

 

[Traduction]

 

[…]

 

Nous demandons à ce que la question de la résidence de la fiducie soit réglée en conformité avec le paragraphe 4 de l’article IV de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 26 septembre 1980 et modifiée par les Protocoles signés le 14 juin 1983, le 28 mars 1984, le 17 mars 1995 et le 29 juillet 1997 (la Convention). 

 

La fiducie est une fiducie discrétionnaire irrévocable créée en vertu d’une convention de fiducie conclue le 1er février 2005 par Mme Delia Moog, la donatrice, M. Hugh William Perry, le fiduciaire initial et Christiana Bank & Trust Company, le fiduciaire administratif initial (la convention de fiducie). Une copie de la convention de fiducie est annexée au présent document.

 

Comme la fiducie vient tout juste d’être créée, l’Agence du revenu du Canada et l’Internal Revenue Service ne lui ont pas encore attribué de numéro d’identification. Aucune procédure d’opposition ou d’appel n’est en cours en rapport avec la fiducie.

 

Mme Moog est une résidente du Canada et M. Perry est un résident des États‑Unis. Cristiana Bank & Trust Company est une société bancaire du Delaware.

 

Mme Moog a versé un montant de 400 000 $US dans la fiducie et aucune autre contribution n’a été faite à la fiducie par qui que ce soit. Mme Moog a principalement créé la fiducie au profit de son neveu, Robert Julien, un résident des États‑Unis. Les autres bénéficiaires de la fiducie sont l’épouse et les enfants de M. Julien ainsi que les entités dans lesquelles M. Julien (ou l’un de ses enfants) a un intérêt. M. Julien n’a pas encore d’enfant et son épouse demeure avec lui aux États‑Unis.

 

La fiducie ne possède aucun bien canadien imposable et n’exerce aucune activité au Canada. Les revenus de la fiducie proviennent uniquement de sources situées aux États‑Unis. La fiducie ne prévoit posséder aucun bien canadien imposable, ne prévoit exercer aucune activité au Canada et ne prévoit recevoir aucun revenu de source canadienne.

 

La fiducie est une personne américaine au sens de l’article 7701(a)(30) de l’Internal Revenue Code parce qu’une cour de justice américaine peut exercer la supervision principale quant à l’administration de la fiducie en conformité avec l’article 8.1 de la convention de fiducie et parce qu’une personne américaine (M. Perry) exerce un pouvoir de contrôle quant à toutes les décisions importantes de la fiducie. En tant que personne américaine, la fiducie est assujettie à l’impôt américain quant à ses revenus de toutes provenances et est donc résidente des États‑Unis aux fins de la Convention.

 

Malgré que la fiducie n’ait aucun bénéficiaire canadien, elle est réputée être une personne résidant au Canada à certaines fins prévues au paragraphe 94(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) parce qu’elle a acquis des biens d’une résidente canadienne (Mme Moog) et parce que des personnes résidant au Canada qui ont un lien de dépendance avec Mme Moog pourraient obtenir un droit de bénéficiaire dans la fiducie à la suite de l’exercice du pouvoir de désignation prévu à l’article 5.1(kk) de l’acte de fiducie.

 

Le 30 octobre 2003, un avis de motion de voies et moyens visant à modifier la LIR en rapport avec l’imposition des fiducies non‑résidentes et des entités de placement étrangères (les règles proposées) a été déposé à la Chambre des Communes. Si les règles proposées entrent en vigueur, elles s’appliqueront rétroactivement aux années d’imposition de la fiducie postérieures à 2002. Comme la fiducie a reçu une contribution en bien d’une résidente canadienne (Mme Moog), elle sera réputée être résidente du Canada à certaines fins prévues au paragraphe 94(3) des règles proposées. Dans les notes techniques des règles proposées, les observations suivantes ont été faites en rapport avec le paragraphe 94(3).

 

Une fiducie à laquelle le paragraphe 94(3) s’applique est réputée résider au Canada tout au long de l’année aux fins susmentionnées, y compris aux fins du calcul de son revenu et de son revenu imposable et aux fins de l’article 2 de la Loi. En vertu de l’article 2 de la Loi, un impôt sur le revenu doit être payé, pour chaque année d’imposition, sur le revenu imposable de toute personne résidant au Canada à un moment quelconque au cours de l’année.

 

Selon le paragraphe 1 de l’article sur la résidence contenu dans les conventions fiscales auxquelles le Canada est partie, la mention, dans une telle convention, d’un « résident d’un État contractant » vaut mention de toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l’impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son lieu de constitution ou de tout autre critère similaire. Dans ce contexte, une « personne » engloberait généralement une fiducie en raison de la définition de « personne » figurant dans les conventions fiscales auxquelles le Canada est partie. Puisqu’une fiducie à laquelle le paragraphe 94(3) s’applique est réputée résider au Canada et est redevable de l’impôt au Canada sur son revenu imposable, elle sera réputée résider au Canada en vertu du paragraphe 1 de l’article sur la résidence contenu dans les conventions fiscales auxquelles le Canada est partie, qu’elle soit considérée ou non, aux termes de la convention applicable, comme résidant dans un autre pays.

 

Pour une fiducie qui est aussi un résident de l’autre État contractant en vertu du paragraphe 1 de l’article sur la résidence contenue dans la convention pertinente, il y aurait double résidence aux fins de la convention. En pareil cas, les règles de départage prévues à cet article et applicables aux particuliers ne s’appliqueraient pas. L’Agence du revenu du Canada (ARC) estime que, dans ce contexte, le terme « particulier » doit être interprété pour désigner une personne physique, et non une fiducie. L’ARC a indiqué que cette interprétation prévaudrait généralement dans la plupart, sinon la totalité, des conventions fiscales auxquelles le Canada est partie si la définition de « personne » dans la convention en question faisait référence à la fois à un « particulier » et à une « fiducie ». Même si une fiducie était assimilée à un particulier aux fins d’une convention fiscale, le contexte de la règle de départage applicable aux particuliers montre clairement qu’elle est conçue pour s’appliquer uniquement aux personnes physiques. Il en est ainsi parce que les références, dans les règles de départage, au « foyer d’habitation permanent », au « centre des intérêts vitaux » et au lieu où « cette personne séjourne de façon habituelle » n’ont de sens qu’en parlant d’une personne physique et ne permettraient pas de préciser le lieu de résidence d’une fiducie aux fins d’une convention fiscale.

 

Donc, en général, en vertu du traité fiscal, les autorités compétentes de chacun des États contractants doit conclure une entente afin déterminer dans quel état la fiducie est résidente aux fins du traité en cause. À défaut d’une telle entente, le Canada exercera sont droit d’imposer en premier. Le Canada accordera des crédits pour impôt étranger quant à l’impôt payé par la fiducie à l’autre État.

 

Nous ne souscrivons pas nécessairement à la position susmentionnée. Par conséquent, la présente demande est présentée sans préjudice du droit qu’a notre client de faire trancher la présente affaire par un tribunal.

 

La première condition d’application du paragraphe 94(3) des règles proposées est que la fiducie doit être non‑résidente du Canada (résidence déterminée sans égard au paragraphe 94(3)) à la fin d’une année d’imposition donnée. Comme le fondement de l’application du paragraphe 94(3) est la non‑résidence de la fiducie, il serait illogique de prétendre qu’elle est assujettie à l’impôt au Canada du fait de sa résidence au Canada. En fait, c’est exactement le contraire : la fiducie sera assujettie à l’impôt au Canada, non pas du fait de sa résidence, mais du fait de sa non‑résidence conjugué avec la présence d’un contribuant résident. En d’autres mots, la réputée résidence canadienne de la fiducie pour certaines fins ne serait pas la cause de son assujettissement à l’impôt canadien, mais la conséquence de sa non‑résidence conjuguée avec l’existence d’un contribuant résident.

 

La question de la non‑résidence ou de la résidence du contribuant n’est manifestement pas un critère de « nature analogue » à ceux qui sont utilisés pour déterminer la résidence aux fins de l’article IV de la Convention. Le juge Iacobucci, dans l’arrêt Crown Forest[12], a souligné que les États‑Unis ont inscrit une réserve à l’article 4, paragraphe 1 du Modèle de convention de l’OCDE quant au droit d’utiliser le « lieu de constitution » comme un indice de résidence.

 

Bien que le Canada se soit également réservé le droit d’utiliser le « lieu de constitution », il ne s’est jamais réservé le droit d’utiliser d’autres critères particuliers, comme le fait qu’il y a un contribuant résident (encore moins la non‑résidence reconnue, laquelle est l’antithèse de la résidence). Le Canada n’a jamais négocié avec les parties avec lesquelles il a signé des traités quant à la capacité d’imposer les entités de ces parties en fonction de critères non traditionnels et novateurs, à plus forte raison des critères qui sont étrangers à l’entité visée (comme la résidence de ses contribuants et de ses bénéficiaires). Par conséquent, le paragraphe 94(3) des règles proposées n’a aucune incidence sur la détermination de la résidence en vertu de la Convention parce qu’il est fondé sur des critères non reconnus qui ne ressemblent pas aux critères énumérés au paragraphe 1 de l’article IV de la Convention.

 

Compte tenu que l’ensemble des fiduciaires et des bénéficiaires de la fiducie sont résidents des États‑Unis et que la fiducie ne reçoit aucun revenu de sources canadiennes, nous croyons que l’autorité compétente canadienne devrait accepter de traiter la fiducie comme étant résidente des États‑Unis pour l’année d’imposition 2005 et suivantes.

Selon nous, la fiducie ne devrait pas être assujettie à l’impôt au Canada du seul fait qu’elle a reçu un bien de la part d’une résidente canadienne qui n’est pas et qui ne peut pas devenir bénéficiaire de la fiducie.

 

Même si la fiducie était traitée comme résidente du Canada, ses revenus seraient exonérés d’impôt au Canada en vertu du paragraphe 2 de l’article XXII de la Convention dans la mesure où ces revenus sont distribués à ses bénéficiaires.

 

La fiducie aimerait néanmoins avoir la capacité d’accumuler des revenus dont les bénéficiaires n’ont pas immédiatement besoin. L’accumulation de revenus dans la fiducie ne permettrait aucune économie d’impôt américain car tous les revenus non distribués seraient pleinement imposables entre les mains de la fiducie. L’unique avantage présenté par l’accumulation de revenus dans la fiducie serait d’empêcher que des biens additionnels fassent partie de la succession du bénéficiaire aux fins de la protection des biens et droit de succession aux États‑Unis.

 

Compte tenu de ce qui précède, nous croyons qu’il n’y a aucun motif pour lequel le Canada devrait exiger de traiter la fiducie comme étant résidente du Canada. Cela ne rapporterait aucun revenu d’impôt additionnel pour le Canada et ne ferait qu’augmenter l’impôt américain sur les successions des bénéficiaires ainsi que l’exposition des créanciers au risque [sic] et imposer aux fiduciaires la présentation au Canada de déclarations de renseignements et de déclarations de revenus complexes et longues à rédiger.

 

Le cas en l’espèce n’est manifestement pas le type de planification que le ministère des finances tente d’enrayer en introduisant les règles proposées. Par conséquent, le recours sollicité ne contreviendrait à aucun objectif sur le plan de la politique fiscale.

 

[…]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE B

(paragraphe [3])

[Traduction]

 

[…]

 

Nous vous écrivons en réponse à votre lettre du 23 février 2005 dans laquelle vous avez demandé, à l’autorité compétente, de l’aide en rapport avec la détermination de la résidence de la fiducie en vertu du paragraphe 4 de l’article IV de la Convention entre le Canada et les États‑Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune de 1980 (la Convention). À cet égard, vous avez émis l’avis que la fiducie est considérée comme étant résidente des États‑Unis aux fins de la Convention et que la fiducie serait réputée être résidente du Canada selon les modalités prévues dans le projet d’alinéa 94(3)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la Loi). Si le projet l’alinéa 94(3)a) est adopté , la fiducie sera réputée être résidente du Canada aux fins de certaines dispositions de la Loi pour les années d’imposition de la fiducie postérieures à 2002.

 

Comme il a été discuté dans nos conversations téléphoniques antérieures (Wilson/Gagnon, MacGillivrary/Gagnon), la position de l’Agence est qu’une fiducie qui est réputée être résidente du Canada en conformité avec le projet d’alinéa 94(3)a) de la Loi est réputée être résidente du Canada aux fins de la Convention. Dans l’éventualité où cette fiducie est également résidente des États‑Unis en vertu des lois fiscales américaines, l’autorité compétente canadienne ne réglera pas la question de la résidence de la fiducie avec l’autorité américaine compétente en vertu du paragraphe 4 de l’article IV(4) de la Convention de telle sorte que la Convention pourrait être appliquée à la fiducie au motif qu’elle est résidente des États‑Unis et non pas résidente du Canada.

 

Par conséquent, nous ne pouvons pas acquiescer à votre demande. Toutefois, dans le cas où des revenus, des profits ou des gains de la fiducie seraient assujettis à l’impôt à la fois aux États‑Unis et à la fois au Canada, nous serions disposés à examiner une demande d’allégement quant à toute double imposition.

 

[…]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE C

(paragraphe 4)

 

[Traduction]

 

La question en litige : les fiducies non‑résidentes et le projet d’article 94 de la Loi de l’impôt sur le revenu

 

  • […]
  •  

·        Jim Wilson (ARC) a expliqué la position du Canada concernant les fiducies visées par l’article 94 : la disposition repose sur le fait que le Canada estime que la résidence du contribuant est un élément essentiel qui permet de déterminer la résidence d’une fiducie. Jim a expliqué qu’il s’agit d’une disposition anti‑évitement au Canada visant à déjouer la facilité avec laquelle ces ententes peuvent être utilisées pour éviter l’impôt au Canada, en accumulant des revenus à l’extérieur du Canada et en faisant verser plus tard ces montants comme capital à un résident canadien, capital qui ne serait pas imposable au Canada. La renonciation au statut de résident présumé de ces fiducies rendrait cette disposition inefficace. On ne saurait s’attendre à que les États‑Unis rendre inefficace leurs lois anti‑évitement. Les contribuables qui résident au Canada et qui créent des fiducies dans d’autres ressorts peuvent éviter de payer l’impôt au Canada en n’accumulant aucun revenu dans la fiducie résidante à l’étranger, c’est‑à‑dire en versant les revenus à des bénéficiaires non‑canadiens à chaque année ou en versant d’un seul coup les biens aux bénéficiaires visés. Enfin, les résidents canadiens peuvent toujours créer une fiducie résidante au Canada qui détiendra des biens en fiducie au profit de résidents des États‑Unis.

·        Elizabeth Karzon (IRS) a demandé si l’ARC était disposée à négocier la question de la résidence quant aux fiducies qui ont la double résidence et qui ne sont pas des fiducies visées par l’article 94.

·        Jim Wilson a confirmé que l’ARC était toujours disposée à négocier la question de la double résidence des fiducies qui ne sont pas visées par l’article 94, c’est‑à‑dire les fiducies qui ont la double résidence en vertu des principes de common law.

·        Graham Clark (IRS) a mentionné que les règles américaines portant sur les fiducies de donateur s’appliqueront à la question de l’évitement associée aux fiducies et que le traité entre les États‑Unis et le Royaume‑Uni prévoit l’application de règles lorsque les États‑Unis imposent le donateur alors que le Royaume‑Uni impose la fiducie; le calcul de l’impôt fédéral et les règles de l’établissement de la source sont modifiés afin de régler le problème créé par l’imposition de personnes différentes. Graham a proposé que le Canada songe à adopter une telle solution dans le cas des fiducies visées par l’article 94.

·        Plus important encore, Graham a demandé pourquoi la fiducie en l’espèce est tombée sous le coup des règles de l’article 94. Il ajoute qu’il a de la difficulté à comprendre comment le Canada peut se concentrer uniquement sur le lieu de résidence du contribuant afin de déterminer le lieu de résidence d’une fiducie. Il souligne que, en l’espèce, de nombreux autres facteurs donnent à penser que la fiducie ne devrait pas être considérée comme résidant au Canada car il n’y a aucun bénéficiaire canadien en l’espèce, car tous les bénéficiaires sont des adultes américain, car il n’y aucun bien canadien et car, bien qu’il y ait une contribuante canadienne, celle‑ci a légalement renoncé à tous les droits sur les biens qu’elle a versés dans la fiducie et ceux‑ci ne peuvent pas lui être retournés. Graham a ajouté qu’il pouvait comprendre que le Canada soit préoccupé par le fait que la contribuante conserve d’une quelconque façon le contrôle sur les biens versés dans la fiducie, mais dans les cas où le contribuant et les personnes intimement liées au contribuant (p.ex. l’époux, les enfants, etc) n’ont plus aucun contrôle sur les biens, il se serait attendu à ce que le Canada reconnaisse ce fait et ne conserve pas son droit d’imposer les revenus provenant des biens versés dans la fiducie.

·        Jim Wilson a mentionné que la disposition prévoit que le fait qu’un contribuant réside au Canada constitue un lien suffisant avec le Canada pour que le Canada conserve son droit d’imposer les revenus provenant des biens versés dans la fiducie. Jim a ajouté qu’il n’était en position de contester la légitimité d’une telle approche mais comprenait qu’il peut être difficile de conclure qu’il existe un stratagème d’évitement en l’espèce car les seuls bénéficiaires sont des adultes qui résident aux États‑Unis, bien que ces faits peuvent changer dans l’avenir, notamment lorsque les fiduciaires ont le pouvoir de désigner de nouveaux bénéficiaires, comme c’est le cas en l’espèce, qui pourraient être des résidents canadiens. Néanmoins, Jim a proposé que nous demandions des directives supplémentaires au ministère des finances du Canada avant de prendre une décision finale quant au présent dossier car il semblait raisonnable d’examiner à nouveau la position du Canada dans les cas où il n’y a aucun évitement fiscal manifeste et où les revenus sont pleinement imposés aux États‑Unis.

·        Ross Kauffman a accepté de soumettre la question au ministère des finances et de répondre à la lettre de l’autorité américaine compétente concernant la présente affaire.

·        Jim a également confirmé que, malgré, la position du Canada quant à la question de la résidence de la fiducie, le Canada consentirait à régler la situation inattendue de la double imposition et à accorder des crédits pour impôt étranger à la fiducie le cas échéant.

·        Calvin Watson (IRS) a mentionné que cela ne satisferait pas les contribuables et que la fiducie préférerait n’être assujettie à aucun impôt canadien.

·        Jim a souligné que la fiducie ne serait assujettie qu’à l’écart entre les taux d’imposition aux États‑Unis et au Canada.

·        Calvin a répondu que la fiducie préfèrerait ne pas être assujettie à cet écart.

·        Nous avons convenu que Ross ferait part de ces préoccupations à notre ministère des finances et lui demanderait des directives avant de lui écrire à ce sujet.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE D

(paragraphe 6)

[Traduction]

 

[…]

 

Nous avons tenu des négociations avec des représentants du gouvernement canadien le 11 juillet 2006. Les fonctionnaires canadiens, représentants de l’autorité compétente de ce gouvernement en vertu de notre traité, ont soutenu que la fiducie susmentionnée était canadienne en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada parce qu’une résidente canadienne a transféré des biens dans la fiducie et parce que certains résidents canadiens pourraient éventuellement devenir bénéficiaires de la fiducie. Les fonctionnaires canadiens ont également affirmé que le seul fait que le contribuant soit canadien suffirait, en vertu du droit interne du Canada, pour réputer cette entité comme résidant au Canada.

 

De plus, on nous a informés, lors de cette réunion, que le ministère des finances du Canada avait expressément retiré le présent dossier ainsi que les autres dossiers semblables des négociations par les autorités compétentes; nous présumons qu’il s’agit des cas qui relèvent des paragraphes 94(1) et 94(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada). En d’autres mots, on nous a informés que le présent dossier ne sera pas examiné par l’autorité canadienne compétente.

 

Nous avons contesté cette position en affirmant qu’elle contrevenait à l’esprit et à la lettre de notre traité fiscal. Nous avons ensuite fait part de nos opinions quant au présent dossier à notre Département du Trésor, lequel est chargé des négociations relatives à notre traité fiscal et de la supervision de ce dernier.

 

Les représentants canadiens, qui étaient présents à la réunion du 11 juillet 2006 ont promis qu’ils écriraient une lettre dans laquelle ils donneraient leur point de vue définitif quant au présent dossier; toutefois, jusqu’à maintenant nous n’avons reçu aucune lettre. On nous a informés au moyen de communications téléphonique, la dernière ayant eu lieu le 6 novembre  2006, que le bureau de l’autorité compétente était en train d’approuver le règlement susmentionné quant au présent dossier avec son ministère des finances par l’entremise de la section de politique législative. Cette autorisation n’a pas encore été donnée; toutefois, on ne nous a fait part d’aucun changement dans le règlement prévu.

 

[…]

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    T-2206-06

 

INTITULÉ :                                                   HUGH WILLIAM PERRY, EN SA QUALITÉ DE FIDUCIAIRE DU 2005 ROBERT JULIEN FAMILY DELAWARE DYNASTY TRUST

 

                                                                        c.

 

                                                                        CANADA (LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL) et L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 30 AOÛT 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE GIBSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 18 OCTOBRE 2007

 

COMPARUTIONS :

Richard W. Pound, c.r.

Charles C. Gagnon

 

POUR LE DEMANDEUR

Susan Shaughnessy

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stikeman Elliott LLP

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

 



[1] Annexe 1 de la Loi de 1984 sur la Convention Canada‑États-Unis en matière d’impôts, L.C. 1984, ch. 20 (la Loi sur la Convention).

[2] Annexe II de la Loi sur la Convention.

[3] Annexe III de la Loi sur la Convention.

[4] Annexe IV de la Loi sur la Convention, L.C. 1985, ch. 3.

[5] Annexe V de la Loi sur la Convention, L.C. 1997, ch. 38 annexe v.

[6] Un certain temps avant la date de la lettre de l’avocat à l’ARC qui est mentionnée au paragraphe [1] des présents motifs et qui est en partie reproduite à l’annexe A, des gouvernements successifs ont proposé d’abolir et de remplacer l’article 94 de la Loi de l’impôt sur le revenu. La dernière proposition figure dans le Projet de loi C‑33 intitulé :

 

Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu, notamment en ce qui concerne les entités de placement étrangères et les fiducies non-résidentes ainsi que l’expression bijuridique de certaines dispositions de cette loi, et des lois connexes.

An Act to amend the Income Tax Act, including amendments in relation to foreign investment entities and non-resident trusts, and to provide for the bijural expression of the provisions of that Act.

 

Ce projet de loi a été lu pour la première fois le 22 novembre 2006. Il « est mort au feuilleton » à l’occasion de la récente prorogation de la première session de la 39e législature.

[7] Voir : Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada, L.C. 1999 ch. 17, modifiée.

[8] [2007] A.C.S. no 33, [2007] C.S.C. 33, 12 juillet 2007.

[9] [2006] A.C.F. no 939, 2006 CF 735, 12 juin 2006; décision confirmée dans 2007 A.C.F. no 403, 2007 A.C.F.114, 20 mars 2007.

[10] L.R.C. 1985, ch. F-7.

[11] Voir, par exemple, Federation of Saskatchewan Indian Nations c. Canada [2003] 2 C.N.L.R. 131 où mon collègue le juge MacKay a écrit ce qui suit au paragraphe 22 de ses motifs :

Des jugements déclaratoires de cette nature seraient prématurés et ne tiendraient pas compte du fait qu’à l’instar de toute autre mesure législative proposée, le projet de loi en question n’a force de loi que lorsqu’il est adopté par le Parlement, sanctionné par le représentant de Sa Majesté et, au besoin, promulgué.

et la décision que j’ai rendue dans Premières nations du Traité no sept c. Canada (Procureur général) [2003] A.C.F. no 464 (1re inst.) (QL), 20 mars 2003, dans laquelle les demandeurs ont demandé l’annulation d’un projet de loi et la délivrance d’une ordonnance de mandamus enjoignant au ministère public d’entreprendre des discussions avec eux. La demande a été rejetée au motif que le Parlement est maître de ses propres processus et que les demandeurs disposaient d’un autre recours adéquat, au moyen du processus de consultation du Parlement.

[12] [1995] 2 C.T.C. 64 (CSC).

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