Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20071015

Dossier : IMM-288-07

Référence : 2007 CF 1048

Ottawa (Ontario), le 15 octobre 2007

En présence de Monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

SERGE TAPIE

 

demandeur

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Serge Tapie est de citoyenneté camerounaise. Le 9 novembre 2004, il a revendiqué le statut de réfugié au Canada et presque immédiatement par la suite a présenté une demande de résidence permanente.

 

[2]               Le 26 mai 2005, il a reçu deux lettres du Centre de traitement des demandes du Ministère de Citoyenneté et Immigration. Une des lettres annonçait qu’ « Il a été déterminé que vous  répondez  aux conditions d’admissibilité au statut de résident permanent en tant que personne protégée. Une décision définitive sera prise lorsque vous aurez satisfait à toutes les exigences réglementaires ». L’autre lettre mentionnait que « Nous avons le plaisir de vous informer que le traitement de votre demande est terminé. Le Centre d’immigration Canada à Montréal communiquera avec vous au sujet de l’octroi de la résidence permanente. »

 

[3]               Depuis la réception de ces lettres, M. Tapie allègue n’avoir reçu aucune autre information. Il a donc retenu les services d’un avocat et, en janvier 2007 a commencé cette demande de contrôle judiciaire afin d'obtenir un bref de mandamus, enjoignant au défendeur de le convoquer immédiatement et de rendre une décision définitive, lui accordant le statut de résident permanent.

 

[4]               Il allègue qu’il a bel et bien rempli toutes les conditions d’admissibilité pour obtenir la résidence permanente depuis l’octroi du statut de réfugié en 2004 et que le délai habituel, pour rendre une décision suite à une telle demande, n’est pas supérieur à six mois. Au moment du dépôt de cette demande devant cette cour, il était déjà en attente d’une décision définitive depuis un peu plus de 2 ans.

 

[5]               Entretemps, la section des interventions de l’Agence des services frontaliers du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile étudiait la possibilité de demander l’annulation de son statut de réfugié.  Suite à une enquête menée en vertu de l’article 44 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, un rapport émis le 27 juillet 2006 concluait que M. Tapie n’était pas admissible du fait de l’obtention de son statut par la fraude soit par l’utilisation d’une fausse identité et que les raisons fournies pour appuyer sa supposée persécution au Cameroun étaient fausses.

 

[6]               Au mois d’août 2007, quelques semaines après avoir reçu l’autorisation de procéder avec cette demande de contrôle judicaire, M. Tapie a été informé que l’Agence avait transmis une demande d’annulation de son statut de réfugié à la Section de la protection des réfugiés conformément à la règle 57 des Règles de la Section de la protection des réfugiés et en vertu de l’article 109 de la Loi.

109. (1) La Section de la protection des réfugiés peut, sur demande du ministre, annuler la décision ayant accueilli la demande d’asile résultant, directement ou indirectement, de présentations erronées sur un fait important quant à un objet pertinent, ou de réticence sur ce fait.

109. (1) The Refugee Protection Division may, on application by the Minister, vacate a decision to allow a claim for refugee protection, if it finds that the decision was obtained as a result of directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter.

 

 

 

 

[7]               Dans les circonstances en espèce, un délai de deux ans n’est pas déraisonnable. Bien qu'à première vue il semble s’agir d’une longue période de temps pour quelqu'un qui attend l'émission du statut de résident permanent, les demandes de mandamus doivent être appréciées en fonction des faits particuliers de la cause. L'émission d'un bref de mandamus est un recours extraordinaire et la Cour d'appel fédérale a établi les conditions selon lesquelles il doit être accordé (Apotex Inc. c. Canada (Procureur Général), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.), [1993] A.C.F. no 1098; Conille c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 C.F. 33, [1998] A.C.F. no 1553). Les conditions qui doivent être réunies pour que le tribunal puisse émettre un bref de mandamus sont énoncées dans Apotex :

 

(i)  Il doit exister une obligation légale d'agir à caractère public;

(ii) L'obligation doit exister envers le requérant;

(iii) Il doit exister un droit clair d'obtenir l'exécution de cette obligation, notamment :

a)  le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation;

b)  il y a eu :

(i)         une demande d'exécution de l'obligation,

(ii)        un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle-ci n'ait été rejetée sur-le-champ;

(iii)       il y a eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable.

(iv)       Les demandeurs n'ont aucun autre recours;

(v)        L'ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique;

(vi)       Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, en vertu de l'équité, rien n'empêche d'obtenir le redressement demandé;

(vii)             Compte tenu de la "balance des inconvénients", une ordonnance de mandamus devrait être rendue

 

[8]               La Cour peut se guider sur d'autres points de repère pour déterminer ce qui constitue un délai déraisonnable. Dans le jugement Conille, au paragraphe 23, la juge Tremblay-Lamer explique qu’un délai, pour être considéré comme déraisonnable, doit remplir les trois conditions suivantes :

1)  le délai en question a été plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie;

 

2)  le demandeur et son conseiller juridique n'en sont pas responsables;

 

3)  l'autorité responsable du délai ne l'a pas justifié de façon satisfaisante.

 

[9]               Dans l’affaire Seyoboka c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1290, [2005] A.C.F. no 1611, la Cour a rejeté la demande pour l’émission d’un bref de mandamus, malgré un délai de neuf ans entre la demande de résidence permanente du demandeur et celle cherchant l’annulation de son statut de réfugié. Dans sa décision, M. le juge Pinard a dit :

10     De plus, le ministre de la Sécurité publique a ensuite demandé à la CISR d'annuler le statut de réfugié du demandeur. Cette demande, bien que tardive, n'est certes pas frivole. Si elle est accordée, tout droit de résidence permanente accordé au demandeur serait annulé. En attendant, donc, que la demande du ministre de la Sécurité publique ne soit décidée, je suis d'avis qu'il n'est pas utile d'émettre un bref de mandamus (voir, par exemple, Kang c. ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2001] A.C.F. no 1544 (QL), Chaudhry c. ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1998] A.C.F. no 1695 (QL) et Singh c. ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1998] A.C.F. no 585 (QL)).

 

 

[10]           Je suis du même avis. Le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile avait le droit et, à mon avis, était justifié compte tenu des faits de faire une telle enquête dans le dossier de M. Tapie. Si la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est d’accord avec les conclusions du Ministre, elle pourra décider de révoquer le statut de réfugié de M. Tapie.

 

[11]           Pour l’instant, M. Tapie semble rencontrer prima facie les conditions requises pour l’obtention du statut de résident permanent. Toutefois, si la Commission en arrive à une conclusion négative suite à un examen plus approfondi, c’est qu’il n’aura vraisemblablement pas rempli ces conditions.

 

[12]           Pour ces motifs, je suis d'avis qu'il n'est pas utile d'émettre un bref de mandamus. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[13]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification, et l’affaire n’en soulève aucune.

 

ORDONNACE

LA COUR ORDONNE QUE cette demande de contrôle judiciaire, recherchant l’émission d’une ordonnance pour forcer le Ministre à procéder immédiatement  “à la délivrance de la résidence permanente à Serge Tapie”, est rejetée.

 

 

 

« Sean Harrington »

 

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                IMM-288-07

 

INTITULÉ :                                               Serge Tapie c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                        Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                       Le 3 octobre 2007

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                              LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                             Le 15 octobre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Sangaré Salif

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Michel Pépin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sangaré Salif

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.