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Date : 20071016

Référence : 2007 CF 1052

Ottawa (Ontario), le 16 octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

Dossier : T-2241-95

ENTRE :

MARGARET HORN

demanderesse

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défenderesse

et

 

ABORIGINAL LEGAL SERVICES OF TORONTO

intervenante

 

et

 

Dossier : T-2242-95

 

ENTRE :

SANDRA WILLIAMS

demanderesse

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE

PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défenderesse

et

 

ABORIGINAL LEGAL SERVICES OF TORONTO

intervenante

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          APERÇU

[1]               Margaret Horn et Sandra Williams sont toutes deux des Indiennes inscrites et toutes deux travaillent pour Native Leasing Services (NLS), une entreprise de louage de services dont le bureau principal est situé dans la réserve des Six Nations près de Brantford (Ontario). NLS a loué les services des deux demanderesses à des organismes sans but lucratif situés à l'extérieur de leurs réserves respectives.

 

[2]               Les deux organismes sans but lucratif, le Odawa Native Friendship Centre (le Centre) et le Hamilton-Wentworth Native Women’s Centre (le Refuge), fournissent des services tant aux Autochtones qu'aux non Autochtones. Dans les présents motifs, les termes « amérindien » et « autochtone » sont utilisés de façon interchangeable, selon l'utilisation de ces termes dans la preuve documentaire et les témoignages.

 

[3]               Il était primordial, aux fins de l'emploi des demanderesses auprès de NLS, que ces dernières ne paient aucun impôt sur le revenu en raison de leur statut d'Autochtones.

 

[4]               L'organisme que l'on appelle aujourd'hui l'Agence du revenu du Canada (ARC) a déterminé que le revenu d'emploi que les demanderesses ont reçu de la NLS en contrepartie du travail qu'elles ont exécuté pour leurs organisations respectives était un revenu imposable.

 

[5]               Les demanderesses souhaitent obtenir un jugement déclaratoire suivant lequel le revenu d'emploi est visé par l'exonération d'impôt prévue à l'article 87 de la Loi sur les Indiens :

87. (1) Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l’article 83 et de l’article 5 de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations, les biens suivants sont exemptés de taxation :

 

a) le droit d’un Indien ou d’une bande sur une réserve ou des terres cédées;

 

b) les biens meubles d’un Indien ou d’une bande situés sur une réserve.

 

 (2) Nul Indien ou bande n’est assujetti à une taxation concernant la propriété, l’occupation, la possession ou l’usage d’un bien mentionné aux alinéas (1)a) ou b) ni autrement soumis à une taxation quant à l’un de ces biens.

 

 (3) Aucun impôt sur les successions, taxe d’héritage ou droit de succession n’est exigible à la mort d’un Indien en ce qui concerne un bien de cette nature ou la succession visant un tel bien, si ce dernier est transmis à un Indien, et il ne sera tenu compte d’aucun bien de cette nature en déterminant le droit payable, en vertu de la Loi fédérale sur les droits successoraux, chapitre 89 des Statuts revisés du Canada de 1952, ou l’impôt payable, en vertu de la Loi de l’impôt sur les biens transmis par décès, chapitre E-9 des Statuts revisés du Canada de 1970, sur d’autres biens transmis à un Indien ou à l’égard de ces autres biens.

87. (1) Notwithstanding any other Act of Parliament or any Act of the legislature of a province, but subject to section 83 and section 5 of the First Nations Fiscal and Statistical Management Act, the following property is exempt from taxation:

 

(a) the interest of an Indian or a band in reserve lands or surrendered lands; and

 

 

(b) the personal property of an Indian or a band situated on a reserve.

 

 (2) No Indian or band is subject to taxation in respect of the ownership, occupation, possession or use of any property mentioned in paragraph (1)(a) or (b) or is otherwise subject to taxation in respect of any such property.

 

 

 (3) No succession duty, inheritance tax or estate duty is payable on the death of any Indian in respect of any property mentioned in paragraphs (1)(a) or (b) or the succession thereto if the property passes to an Indian, nor shall any such property be taken into account in determining the duty payable under the Dominion Succession Duty Act, chapter 89 of the Revised Statutes of Canada, 1952, or the tax payable under the Estate Tax Act, chapter E-9 of the Revised Statutes of Canada, 1970, on or in respect of other property passing to an Indian.

 

[6]               Les demanderesses soutiennent également que l'application à leur égard de l'article 87 de la Loi sur les Indiens par l'ARC en conformité avec les Lignes directrices de l'ARC est discriminatoire au sens du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[7]               La présente affaire porte principalement sur le critère des « facteurs de rattachement » énoncé dans l'arrêt Williams c. La Reine, [1992] 1 R.C.S. 877, que la Cour d'appel fédérale a analysé longuement dans Shilling c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2001] A.C.I. no 951 (QL), 2001 CAF 178.

 

[8]               Si l'on tient compte de ces facteurs, plus particulièrement en ce qui concerne le lieu et la nature du travail des demanderesses, notamment la prestation de services sociaux à l'extérieur des réserves à des Autochtones qui vivent également à l'extérieur de la réserve, les demanderesses n'ont pas droit à l'exonération d'impôt à l'égard de leur revenu d'emploi.

 

II.         CONTEXTE FACTUEL

[9]               La preuve dans la présente affaire a revêtu la forme d'un exposé conjoint des faits et des dépositions de quelque 20 témoins.

 

A.        Exposé conjoint des faits

[10]           Les faits dont les parties ont convenu ne sont pas tous décrits dans les paragraphes suivants, mais les principaux aspects le sont :

Margaret Horn

a)      Margaret Horn (Horn) est une Indienne au sens de la Loi sur les Indiens. Elle appartient à la bande de Kahnawake, une bande au sens de la Loi sur les Indiens.

b)      Dans les déclarations de revenus qu'elle a produites pour les années d'imposition 1993 et 1994, Horn n'a pas inclus les revenus de 9 000 $ et de 45 000 $ respectivement que lui a versés Native Leasing Services (NLS) au titre de son placement au Centre et des services qu'elle a fournis à celui‑ci.

c)      Dans les déclarations de revenus qu'elle a produites pour l'année d'imposition 1995, Horn a inclus le revenu de 31 426 $, mais elle a ensuite déduit le même montant à titre de déduction « autre ».

d)      Les cotisations ont été établies à l'égard des déclarations de revenus de Horn pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, telles que celles‑ci ont été déposées, le 12 décembre 1994, le 15 mai 1995 et le 7 octobre 1996 respectivement.

e)      Les demanderesses ont tiré profit du Décret de remise de l'impôt sur le revenu visant les Indiens, C.P. 1993‑523, 16 mars 1993 (T.R./93‑44), modifié, dans les années d'imposition 1993 et 1994 relativement au revenu d'emploi tiré au cours de la période du mois d'octobre 1993 au mois de décembre 1994. En conséquence, les années d'imposition 1993 et 1994 ne sont pas en litige dans la présente affaire.

f)        Dans la présente action, on tente d'obtenir un jugement déclaratoire sur l'applicabilité de l'article 87 de la Loi sur les Indiens à l'égard du revenu d'emploi de 31 426 $ que NLS a versé à Horn en 1995 au titre de son placement au Centre.

 

Sandra Williams

a)      Sandra Williams (Williams) est une Indienne au sens de la Loi sur les Indiens. Elle appartient à la bande des Six Nations, une bande au sens de la Loi sur les Indiens.

b)      Dans les déclarations de revenus qu'elle a produites pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993, Williams a inclus dans son revenu le revenu d'emploi que NLS lui a versé au titre de son placement au Refuge, soit des montants de 27 993 $, 29 118 $ et 29 330 $ respectivement.

c)      Les cotisations ont été établies à l'égard des déclarations de revenus de Williams pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993, telles que celles‑ci ont été produites, les 28 août 1992, 22 avril 1993 et 1er septembre 1994 respectivement.

d)      Dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1994, Williams a inclus dans le revenu un revenu d'emploi de 29 486 $, que lui a versé NLS au titre de son placement au Refuge.

e)      La cotisation a été établie à l'égard de la déclaration de revenus de Williams pour l'année d'imposition 1994 le 6 février 1996, de manière que l'impôt soit remis en vertu du Décret de remise de l'impôt sur le revenu visant les Indiens, C.P. 1993‑523, 16 mars 1993 (T.R./93‑44), modifié, relativement au revenu d'emploi touché au cours de l'année d'imposition 1994.

f)    En ce qui concerne l'année d'imposition 1995, Williams a déposé le 5 juillet 1995 une déclaration de revenus préfaillite, dans laquelle elle a inclus un revenu d'emploi de 16 510 $. Williams a déposé également une déclaration après‑faillite relativement au reste de l'année d'imposition 1995, dans laquelle elle a inclus le revenu d'emploi de 14 449 $ que lui a versé NLS au titre de son placement au Refuge, mais qu'elle a ensuite déduit à titre de déduction « autre ».

g)   Une cotisation a été établie à l'égard de la déclaration préfaillite telle qu'elle a été produite le 6 février 1996.

h)   La cotisation établie à l'égard de la déclaration après‑faillite le 26 août 1996 a rejeté la déduction du revenu d'emploi de 14 449 $. La cotisation a été établie compte tenu du fait que le revenu d'emploi versé par NLS au titre de son placement au Refuge n'était pas exonéré d'impôt en application de l'article 87 de la Loi sur les Indiens.

i)    Le 21 juillet 1997, une cotisation  établie à l'égard de la déclaration de revenus de 1996 de Williams a inclus le revenu de 30 917 $ qui lui a été versé par NLS au titre de son placement au Refuge. La cotisation a été établie compte tenu du fait que son revenu d'emploi n'était pas exonéré d'impôt en application de l'article 87 de la Loi sur les Indiens.

j)    La présente demande vise à obtenir un jugement déclaratoire sur l'applicabilité de l'article 87 de la Loi sur les Indiens à l'égard du revenu d'emploi de 14 449 $ et de 30 917 $ que Williams a gagné en 1995 et 1996 respectivement, à savoir les montants qui lui ont été versés par NLS au titre de son placement au Refuge.

 

Native Leasing Services

a)      Au cours des années 1992 à 1996, NLS a conclu des ententes de placement avec 81 organismes de placement.

b)      L'exercice financier de NLS se termine le 31 janvier de chaque année.

c)      Pour les années 1995 et 1996, les états financiers de NLS ont été dressés par Mark Schlein, comptable agréé.

d)      L'état des résultats d'exploitation de NLS pour l'année 1995, qui fait partie des états financiers de NLS pour l'année en question, indique ce qui suit :

                                                                                                1995

                                                                                                    $

Honoraires gagnés                                                           15 692 945

Salaires et avantages des sous‑entrepreneurs              14 958 303

Bénéfices bruts                                                                     734 642

 


Dépenses

Contributions aux Autochtones et Traité                                   213 183

Fonds de défense des droits

Salaires et avantages du personnel du bureau                            213 274

Publicité et promotion                                                              113 967

Frais bancaires et coûts salariaux                                                17 632

Bureau et général                                                                       17 202

Honoraires professionnels                                                          15 000

Téléphone                                                                                 14 694

Loyer                                                                                          9 810

Formation                                                                                    4 968

Déplacements                                                                              3 023

Amortissement                                                                                901

                                                                                               613 654

Moins : Intérêt                                                                           24 069

                                                                                               599 585

Bénéfices nets                                                                       135 057

 

e)      Au cours de son exercice financier 1995, NLS a engagé les dépenses suivantes dans la réserve :

Salaires et avantages du personnel du bureau                            213 274

Loyer                                                                                          9 810

Bureau et général                                                                         9 780

TOTAL                                                                                   232 864

 

f)        L'état des résultats d'exploitation de NLS pour l'année 1996, qui fait partie des états financiers de NLS pour l'année en question, indique ceci :

                                                                                                1996

                                                                                                    $

Honoraires gagnés                                                           13 344 801

Salaires et avantages des sous‑entrepreneurs              12 708 747

Bénéfices bruts                                                                     636 054

Dépenses

Contributions aux Autochtones et Traité                                   105 658

Fonds de défense des droits

Salaires et avantages du personnel du bureau                            217 041

Publicité et promotion                                                                29 152

Frais bancaires et coûts salariaux                                                16 804

Bureau et général                                                                       30 644

Honoraires professionnels                                                            8 579

Téléphone                                                                                 17 425

Loyer                                                                                        11 772

Formation                                                                                    3 979

Déplacements                                                                                 -    

Amortissement                                                                             1 248

                                                                                               442 302

Moins : Intérêts                                                                          28 163

                                                                                               414 139

Bénéfices nets                                                                       221 915

 

g)      Au cours de l'exercice financier 1996, NLS a engagé les dépenses suivantes dans la réserve :

Salaires et avantages du personnel du bureau                            217 041

Loyer                                                                                        11 772

Bureau et général                                                                       11 807

TOTAL                                                                                240 620 $

 

B.         Témoignages entendus à l'audience

1)         Margaret Horn

[11]           Ainsi qu'il a été mentionné précédemment, Horn appartient à la bande de Kahnawake. Elle est née dans la réserve de Kahnawake, tout juste à l'extérieur de Montréal, et est issue d'une famille de neuf enfants, dont huit vivent à l'heure actuelle dans la réserve de Kahnawake avec leurs propres enfants.

 

[12]           Horn a été élevée dans la réserve et y a vécu jusqu'en 1972, année au cours de laquelle elle s'est mariée avec un non Autochtone et a ainsi perdu son statut d'Indienne. Elle a acquis de nouveau son statut lorsqu'elle s'est remariée avec un Autochtone de Kahnawake, en 1975.

 

[13]           La même année, elle a acheté une maison dans la réserve ainsi que quatre acres de terrain. Elle est demeurée propriétaire de ce terrain et a entretenu une maison qu'elle habite lorsqu'elle fréquente la réserve.

 

[14]           Horn a maintenu des liens avec la vie dans la réserve. Elle est membre de la Longhouse (Longue Maison), le gouvernement social et politique traditionnel des Mohawks des Six Nations. Elle et sa famille participent aux cérémonies et aux activités de la Longhouse; elles ont notamment représenté celle‑ci aux conférences des Nations Unies qui ont eu lieu en 1991 et 1992 sur la prévention de la discrimination et la protection des minorités.

 

[15]           De 1982 à 1995, Horn et ses enfants résidaient principalement dans la ville d'Ottawa, où elle avait un appartement. Au cours de cette période, elle a travaillé dans la ville d'Ottawa, d'abord pour l'Association nationale des centres d'amitié, puis pour le Bureau du Solliciteur général, dans le domaine des questions touchant les Autochtones. Tout au long de cette période, elle a maintenu ses liens avec la réserve de Kahnawake.

 

[16]           En 1992, Horn a obtenu une maîtrise ès arts en études canadiennes à l'Université Carleton.

 

[17]           De 1993 jusqu'en 1995, Horn a travaillé à titre de directrice exécutive du Centre situé à Ottawa. À compter de 1993, elle était une employée de NLS et travaillait au Centre. Au cours de cette période également, elle a conservé un petit appartement à Ottawa, mais elle se rendait à la réserve les fins de semaine. Elle considérait la réserve comme étant le centre de sa vie.

 

[18]           Le Centre est une société sans but lucratif qui offre des services à la communauté autochtone d’Ottawa et des environs. Il agit à titre de lien culturel pour les Premières Nations et les peuples autochtones et offre des services d'orientation et autres destinés à répondre aux besoins de cette communauté.

 

[19]           Ainsi qu'il est indiqué dans ses lettres patentes et sa brochure, l'objet du Centre est le suivant :

·                    Promouvoir un service de conseil et d'orientation destiné aux Indiens inscrits et à ceux qui ne le sont pas, aux Métis et aux Inuits, ci‑après appelés les « Amérindiens », dans la ville d'Ottawa et les environs;

·                    Faciliter la compréhension et les possibilités éducatives des personnes d'origine amérindienne de manière qu'elles intègrent la structure sociale et économique de la collectivité;

·                    Agir à titre d'agent de liaison entre les peuples d'origine amérindienne et les organismes gouvernementaux, l'industrie et d’autres groupes;

·                    Fournir des installations à ceux et celles qui fréquent une université ou une école de formation professionnelle en vue de leur donner l'occasion d'organiser des activités sociales, culturelles et récréatives;

·                    Établir un centre que les peuples non amérindiens pourront fréquenter et où ils pourront socialiser avec des Amérindiens;

·                    Offrir aux Amérindiens de passage et aux résidents permanents une occasion d'utiliser le centre à des fins d'activités sociales et comme lieu de rencontre où les Amérindiens peuvent nouer des liens d'amitié avec des personnes aux intérêts et aux passés similaires; [Non souligné dans l’original.]

 

[20]           Au cours de la période pertinente, Odawa fournissaient des services notamment dans le cadre de programmes récréatifs destinés aux jeunes, ainsi que des services communautaires comme des services de conseil, d'appui à la famille et de garderie, tenait des événements culturels et linguistiques autochtones, et offrait une formation dans ce domaine.

 

[21]           L'objectif des centres d'amitié a été décrit par l'Association nationale des centres d'amitié dans les termes suivants :

[traduction]

Le concept de « Centre d'amitié » a pris naissance au milieu des années 1950. Un nombre considérable d'Autochtones s'installaient alors dans les grands centres urbains du Canada, principalement dans l'espoir d'y trouver une meilleure qualité de vie. Soucieux de répondre aux besoins exprimés par leurs communautés, des individus préoccupés par la question ont commencé à promouvoir l'établissement d'agences spécialisées, qui auraient pour mandat d'offrir des services d'orientation et de conseils sur des questions d'emploi, de logement, d'éducation, de santé, et d'assurer une liaison avec d'autres organisations communautaires.  […] En dépit des nombreux obstacles, les Centres ont continué d'élargir les programmes et les services offerts aux Autochtones vivant dans les villes. [Non souligné dans l’original.]

 

[22]           Horn a décrit les Centres d'amitié dans les termes suivants :

[traduction]

Des organisations non confessionnelles, non politiques et sans but lucratif qui tentent d'établir des ponts entre les Amérindiens et les non Amérindiens qui vivent dans des collectivités rurales et ceux qui vivent dans les villes, et qui leur offre une aide concrète aux fins de s'adapter dans un environnement urbain.

 

Horn a témoigné que les Centres d'amitié pourraient offrir des services aux Amérindiens de passage et à ceux qui vivaient et qui travaillaient en ville.

 

[23]           Le personnel du Centre était composé d'Amérindiens et de non Amérindiens, tandis que le conseil de direction était exclusivement amérindien. En outre, la preuve a établi que l'objectif et le travail véritables du Centre consistaient à fournir des services aux membres de la communauté amérindienne généralement, qu'ils se retrouvent en ville à titre temporaire ou à titre de résidents permanents.

 

[24]           Le Centre maintenait des liens avec les communautés des réserves, mais il fournissait ses services à l'extérieur de celles‑ci aux Amérindiens qui étaient également à l'extérieur des réserves temporairement ou en permanence. Il n'existe aucune « démarcation claire » entre les Amérindiens qui vivent dans les villes et ceux qui vivent dans les réserves; il y a un certain va‑et‑vient entre les deux endroits ou collectivités. Dans cette mesure, toute réserve tire des avantages (la nature et la quantité précises de ceux‑ci demeurent incertaines)  de la décision de membres de se prévaloir des services du Centre. Toutefois, le Centre ne cible pas le « marché » des Amérindiens d'une réserve donnée ou d'une réserve quelconque, mais plutôt les Amérindiens qui, pour une raison ou une autre, sont à l'extérieur des réserves.

 

2)         Sandra Williams

[25]           Sandra Williams, une Indienne au sens de la Loi sur les Indiens, appartient à la bande des Six Nations de la région de Brantford (Ontario) et vit dans la réserve des Six Nations depuis l'âge de cinq ans. Sauf pour la période de 1977 à 1983, elle a continué à vivre dans la réserve. Elle a vécu à l'extérieur de la réserve au cours de la période susmentionnée parce qu'elle travaillait à Hamilton et n'était pas propriétaire d'une automobile.

 

[26]           Le lien de Williams avec la réserve est profond. Elle vit à l'heure actuelle dans une maison qu'elle a construite sur un terrain qu'elle a hérité de sa famille. Elle vit là avec son mari et leur fille. Avant d'être propriétaire, Williams louait une maison dans la réserve. La majorité des membres de sa famille vivent eux aussi dans la réserve.

 

[27]           Abstraction faite de la nourriture, qu'elle achète à Brantford, Williams fait toutes ses autres courses à la réserve. C'est là également que sont concentrées ses activités sociales et religieuses.

 

[28]           Sa situation est à l'opposé de celle de Horn, qui a vécu à l'extérieur de la réserve, mais qui a maintenu des liens avec celle‑ci. Williams réside physiquement dans la réserve.

 

[29]           Williams travaille au Refuge depuis 1977. Elle a travaillé en qualité de superviseur de nuit, de conseillère de nuit et de conseillère principale. Elle a travaillé également en tant qu'agente de liaison avec la communauté et, à l'occasion, à titre de directrice exécutive.

 

[30]           En 1993, Williams a signé un contrat de travail avec NLS et a conservé ses fonctions antérieures, mais à titre d'employée de NLS dont les services étaient loués au Refuge. Elle a travaillé exclusivement au Refuge, à Hamilton, qui se trouve à une distance de 30 à 35 milles de la réserve des Six Nations.

 

[31]           Au cours des années d'imposition 1995 et 1996, les membres du conseil de direction du Refuge étaient des Amérindiens, dont quatre appartenaient à la bande des Six Nations. Tous les directeurs résidaient à l'extérieur de la réserve.

 

[32]           En 1996, tous ceux et celles qui travaillaient au Refuge étaient des employés de NLS et des Amérindiens. La plupart d'entre eux étaient membres de la bande des Six Nations.

 

[33]           Ainsi que le prévoient les objectifs du Refuge, et comme l'ont confirmé plusieurs témoins, l'objectif premier du Refuge est d'offrir un abri aux femmes autochtones et à leurs enfants. Le texte dit expressément que cet objectif consiste à [traduction] « offrir un logement d'urgence dans un environnement stable aux femmes et à leurs enfants pendant une situation de crise ».

 

[34]           Le Refuge offre un certain nombre de ressources aux femmes pour les aider à résoudre divers problèmes, dont certains peuvent se rapporter au domaine juridique, à la consommation de drogues et d'alcool, au domaine financier, à la famille et à leur situation conjugale. Il offre également des programmes culturels destinés aux Autochtones, dont les « cérémonies purificatoires » trimestrielles, et le recours à des guérisseurs traditionnels.

 

[35]           La seule preuve statistique pertinente se rapportant aux services fournis a permis d'établir que, au cours de l'exercice financier 1995‑1996, le Refuge a offert des services à 100 femmes et à 50 enfants; 38 de ces femmes étaient amérindiennes. On n'a produit aucune statistique sur le pourcentage de ces utilisateurs qui se trouvait dans la réserve ou à l'extérieur de celle‑ci.

 

[36]           Au cours de l'année 1995‑1996, le Refuge était l'un des cinq refuges de la région de Hamilton. À l'instar de tous les autres refuges, il offrait un abri aux femmes dans le besoin [traduction] « peu importe leur âge, leur origine, leur culture, leur lieu d'origine ou leur orientation sexuelle ».

 

[37]           Ce mandat dénué de caractère discriminatoire est une condition préalable à l'obtention d'un financement provincial et autre, sans lequel ces refuges ne pourraient probablement pas survivre.

 

[38]           Un certain nombre de refuges offraient des services dans la région extérieure à Hamilton et dans une proximité raisonnable de la Réserve des Six Nations. L'un de ces refuges, Ganohkwa’Sra’, était situé dans cette réserve. Les refuges situés à l'extérieur des réserves, s'ils acceptaient les Amérindiens, ne les ciblaient pas ni n'établissaient de programmes pour eux, alors que le Refuge lui le faisait.

 

[39]           La Cour a entendu le témoignage convaincant d'une certaine Mme B (dont le témoignage est visé par un interdit de publication), qui a abordé la question des limites des refuges dans les réserves et du désir des femmes violentées de conserver leur anonymat et leur confidentialité – essentiels à leur protection. Mme B a parlé de la crainte des femmes que l'auteur des sévices les retrouve dans une réserve, peu importe qu’elles ou leurs enfants aient été victimes de ces sévices. Il est difficile, voire impossible, de cacher la présence de quelqu'un dans un refuge situé dans une réserve. La difficulté est semblable à celle qui existe dans les petites communautés, où les auteurs de sévices  peuvent plus facilement retrouver leurs victimes.

 

[40]           S'il est vrai que les personnes qui cherchent un abri le font principalement parce qu'elles ont besoin de protection et non en raison de leur ethnicité, le Refuge ne perd pas son caractère autochtone du seul fait qu'il ne fait preuve d'aucune discrimination en faveur des Autochtones. Un refuge de l'Armée du Salut n'est pas moins lié à l'Armée du Salut du seul fait qu'il accepte tout le monde. Le foyer catholique pour personnes âgés n'est pas lui non plus moins affilié à cette Église parce qu'il accepte d'autres confessions.

 

[41]           Toutefois, ce qui est particulièrement pertinent relativement aux questions en litige dans la présente affaire est la preuve selon laquelle les services du Refuge étaient semblables à ceux qu'offraient d'autres refuges de la région, et que les fonctions du poste de Williams et son salaire correspondaient à ceux qu'offraient d'autres refuges.

 

3)         Native Leasing Services

[42]           Il faut absolument comprendre, aux fins d'examiner la situation d'emploi de chacune des demanderesses et de déterminer le situs de leur bien meuble (leur revenu), la nature de NLS et sa relation avec ses employés, plus particulièrement avec les demanderesses.

 

[43]           NLS est une entreprise individuelle exploitée par Roger Obonsawin (Obonsawin), un Indien inscrit et membre des Premières nations Odanak. Pendant les périodes pertinentes à la présente action, Obonsawin résidait à Toronto.

 

[44]           Initialement, Obonsawin exploitait son entreprise par l'entremise d'une société – O.I. Employee Leasing Inc. – constituée en 1987. L'entreprise était et est encore aujourd'hui exploitée pour réaliser des bénéfices, au moyen des honoraires qu'elle facture.

 

[45]           Obonsawin avait une vaste expérience et une formation approfondie de la prestation de services sociaux. Il a témoigné de manière claire, spontanée et crédible. L'objectif de son entreprise, mis à part celui de réaliser des bénéfices, était d'améliorer les organisations qui étaient ses clientes en leur offrant une formation, un savoir‑faire en matière de gouvernance et des services administratifs, dont le louage de services d'employés.

 

[46]           Le concept du louage de services d'employés est un autre aspect de l'impartition. En contrepartie d'honoraires, une organisation embauche une entreprise de louage de services, qui lui fournit un personnel et le soutien administratif afférent à celui‑ci, lequel personnel, bien qu'il soit employé par l'entreprise de louage, travaille pour l'organisation qui embauche.

 

[47]           Le concept du louage de services d'employés autochtones a pris naissance après que Obonsawin et son associé, Ljuba Irwin, eurent formé Obonsawin‑Irwin Consulting Inc., une entreprise d'expert‑conseil en gestion dont la cible principale était les organisations autochtones. Obonsawin a décelé la nécessité d'améliorer les compétences de ces dernières.

 

[48]           La première entreprise de louage de services d'employés était exploitée par O.I. Employee Leasing Inc. Toutefois, en 1991, NLS a été constituée en tant qu'entreprise individuelle, et les activités d'O.I. Employee Leasing Inc. ont été scindées. Les clients d'O.I. Employee Leasing Inc. étaient des ministères et organismes de divers ordres de gouvernement alors que les clients de NLS étaient des organismes autochtones sans but lucratif.

 

[49]           Obonsawin a témoigné que NLS avait été constituée au départ aux fins de résoudre les difficultés liées à la TPS et que ce n'est que subséquemment qu'il avait appris l'existence de l’arrêt de la Cour suprême R. c. Nowegijick, [1983] 1 R.C.S. 29. Obonsawin a témoigné qu'il avait vu les avantages fiscaux immédiats de l'article 87, en ce que la disposition permettait à des organisations autochtones d'offrir des salaires plus concurrentiels et d'attirer une main‑d'œuvre davantage qualifiée.

 

[50]           Ce témoignage est révélateur en ce qu'il porte surtout sur les salaires concurrentiels et soulève la question de savoir [traduction]« qui représente la concurrence au plan des salaires ». Il donne à penser que l'on accorde de l'attention au « marché » ou au « commerce général ». Il indique implicitement que, le revenu des employés étant exonéré d'impôt, les clients de NLS pourraient offrir un emploi à des Amérindiens par l'intermédiaire de NLS, et ces employés toucheraient le même montant net alors que les clients de NLS assumeraient des coûts bruts inférieurs. Les honoraires réclamés par NLS étaient inférieurs au taux d'imposition applicable au revenu des employés amérindiens.

 

[51]           Personne ne conteste que NLS est l'employeur des demanderesses. L'existence de cette relation de travail a été admise dans l'exposé conjoint des faits. Personne ne conteste non plus que NLS et sa méthode de louage de services d'employés sont légitimes. Le fait que NLS peut être un véhicule créatif de planification fiscale et d'avantage fiscal ne constitue pas une raison de miner sa légitimité. Les structures fiscales innovatrices ne sont pas l'apanage des entités non autochtones.

 

[52]           Il est cependant permis de revoir la nature de cette relation de travail, la manière dont elle interagit avec les organismes sans but lucratif qui sont les clients de NLS et le travail des employés de NLS, plus particulièrement dans la mesure où elle se rapporte à la gamme de facteurs de rattachement qui doivent être examinés.

 

[53]           La principale caractéristique de l'entreprise de NLS tient à sa fonction de louage des services de ses employés. Elle n'est cependant pas l'unique caractéristique – NLS offrait des avantages aux organisations autochtones qui étaient ses clientes, plus particulièrement une formation en vue d'aider les nouveaux directeurs et ceux qui étaient déjà en poste, et une formation en vue de l'élaboration de plans stratégiques et financiers. La preuve fait état de nombreux cas où NLS a aidé ses clients à régler des questions de structure et de gouvernance. Toutefois, ces organisations, comme celles du Centre et du Refuge, ont continué d'assurer leur propre formation. De toute évidence, la formation offerte par NLS était un complément à celle qu'assuraient ces clients.

 

[54]           Du point de vue commercial, l'entreprise de louage de services d'employés est une condition essentielle aux activités de NLS. Cela ressort clairement de la preuve produite sous forme d'états financiers :

·                    En 1995 et en 1996 respectivement, NLS a tiré des revenus bruts de 15 692 945 $ et 13 344 801 $, qui tous découlaient du travail des employés de NLS accompli à l'extérieur des réserves.

·                    95 % des coûts assumés par NLS ressortissaient aux salaires et aux avantages versés aux employés dont les services étaient offerts par contrat à des organisations situées à l'extérieur de la réserve. Ces coûts liés à la paie et aux avantages des employés sont financés par les clients dans le cadre de ce qui est essentiellement une opération de transit : la paie et les avantages des employés sont déposés par le client dans le compte bancaire de NLS, sur lequel seront tirés les salaires — moins les honoraires à discuter —  des employés de NLS dont les services sont loués au client.

·                    Les dépenses de NLS dans la réserve s'élevaient à 232 864 $ en 1995 et à 240 620 $ en 1996.

 

[55]           Suivant la structure des paiements que les clients versaient à NLS, 5 % du revenu de chaque employé dont les services étaient loués donnait droit au client à des services de gestion de la paie et des avantages sociaux, à un soutien au chapitre des ressources humaines, à une formation et au partage de renseignements entre d'autres organisations semblables. Le principal avantage dont jouissait l'employé amérindien dont les services étaient loués était celui d'être exonéré d'impôt.

 

[56]           L'importance pour un employé d'avoir un tel statut aux fins de l'impôt ressort clairement de la situation de Horn, qui a payé des honoraires de 2 200 $ pour faire partie de NLS et pour jouir des avantages consistant à être une employée dont les services sont loués. Il s'agissait d'une situation  exceptionnelle, attribuable aux difficultés financières du Centre, mais cela fait ressortir le fait que, pour un employé dont les services étaient loués, l'exonération d'impôt prévue à l'article 87 était un aspect essentiel du fait d'être un employé de NLS dont les services étaient loués.

 

[57]           On s'est grandement efforcé dans la présente affaire d'établir l'emplacement de l'employeur, NLS, et son lien avec la réserve. La thèse de la défenderesse est que NLS exploitait son entreprise à l'extérieur de la réserve avec des clients extérieurs à la réserve pour le bénéfice d'Obonsawin, le propriétaire de NLS, qui vivait à l'extérieur de la réserve. La question des avantages est analysée aux paragraphes 66 à 69.

 

[58]           L'essence de l'entreprise de NLS consistait à embaucher les employés de l'organisation cliente et de louer à cette dernière les services de ces employés. Aucune des organisations clientes, dont celles qui sont concernées dans la présente affaire, n'était située dans la réserve.

 

[59]           Pendant une longue période, notamment au cours des années pertinentes, Obonsawin vivait à Toronto. Il n'était ni membre de la bande des Six Nations ni membre de la bande de Kahnawake.

 

[60]           Dans une certaine mesure, en tant qu'entreprise individuelle, NLS exerçait des activités là où Obonsawin se trouvait à n'importe quel moment. Toutefois, pour tirer profit des principes énoncés dans l'arrêt Nowegijick, Obonsawin devait absolument faire en sorte que le bureau principal de NLS soit situé dans une réserve, dans ce cas‑ci la réserve des Six Nations.

 

[61]           En dépit du lieu où se trouvait Obonsawin, il ne fait aucun doute que NLS, en tant qu'unité opérationnelle, se trouvait dans une réserve. NLS louait ses bureaux au Woodland Cultural Centre, situé dans la réserve des Six Nations. La preuve, produite par voie d'un papier à en‑tête et de matériel promotionnel, que NLS et d'autres membres du groupe d'entreprises de O.I. avaient des bureaux à Toronto et à Winnipeg, ne change rien au fait que NLS était exploitée dans la réserve des Six Nations.

 

[62]           NLS effectuait ses opérations bancaires à la succursale de CIBC de Hagersville, puisque la réserve n'offrait pas un tel service. Toutefois, les fonctions clés que sont la préparation de la paie et l'émission de chèques aux employés de NLS étaient exécutées à partir de la réserve.

 

[63]           Obonsawin a pris grand soin de faire en sorte que les décisions relatives à la gestion soient prises dans la réserve et que les contrats y soient signés. La vaste majorité des membres du personnel de NLS étaient des membres des Six Nations et travaillaient dans la réserve. Les fonctions clés liés aux activités de louage de services d'employés –  gestion des ressources humaines, administration de la paie et des avantages sociaux, facturation et comptabilité ainsi que le soutien administratif général — étaient exécutées dans la réserve.

 

[64]           Dans la mesure où il a pu y avoir des dérogations aux procédures pour concentrer la fonction administrative et commerciale dans la réserve, ces cas étaient négligeables et ne revêtaient aucune importance. NLS était comparable à de nombreuses organisations de louage de services, en ce que les actifs qu'elle louait étaient situés ailleurs qu'à son bureau principal.

 

[65]           Mis à part le fait qu'elle était le véritable employeur, NLS était également véritablement située, comme entreprise, dans la réserve des Six Nations. Si le situs de l'employeur était le facteur déterminant aux fins de l'exonération d'impôt, les demanderesses obtiendraient gain de cause. Toutefois, il ne constitue que l'un des facteurs à prendre en considération, et le poids à lui accorder compte tenu de l'ensemble des facteurs de rattachement fait l'objet d'une analyse aux paragraphes 93 à 98.

 


4)         Avantages

[66]           Mis à part une certaine formation (dont Horn n'a pas tiré profit) et un accès à certains documents, l'avantage primordial que représentait NLS pour les demanderesses tenait à la possibilité de tirer profit d'une exonération d'impôt. Il ne fait aucun doute que l'avantage fiscal était important pour les demanderesses puisque, d'après le témoignage de Obonsawin, la vaste majorité des employés de NLS, qui étaient des femmes, représentaient l'unique soutien de leurs familles, et travaillaient dans le domaine des services sociaux pour les peuples autochtones en contrepartie de revenus moyens assez peu élevés.

 

[67]           Les avantages que représentait NLS pour les clients de cette dernières ont été abordés au paragraphe 52. Ils sont notamment les fonctions administratives et liées aux ressources humaines, la gestion de la paie, la formation, l'établissement de réseaux, les ressources éducatives et l'accès à des pensions –  de manière générale, les avantages de l'impartition et la formation. Toutefois, pour le client dont les travailleurs ne sont pas tous des employés de NLS (une situation assez courante), les activités de cette dernière présentent un inconvénient en ce que, ainsi que M. Maracle l'a dit dans son témoignage, le client doit effectuer toutes les mêmes tâches pour les employés qui ne sont pas des employés de NLS et payer NLS pour effectuer les mêmes tâches pour ses employés amérindiens. Ce recoupement tend à illustrer que l'avantage fiscal en question représente un avantage principal pour l'employé et un avantage indirect pour l'employeur.

 

[68]           Les activités de NLS apportaient certains avantages à la réserve des Six Nations. On peut penser notamment à la formation des employés qui vivent ou peuvent venir s'installer dans la réserve; toutefois, cet avantage était difficile à quantifier. L'avantage plus direct ressort clairement du loyer qui est versé à la réserve et des salaires et avantages qui sont versés au personnel dans la réserve — entre 230 000 $ et 240 000 $.

 

[69]           Si les avantages que tiraient les demanderesses, les clients de NLS et les réserves étaient intangibles dans une certaine mesure, les principaux avantages étaient, eux, tangibles — exonération d'impôt, impartition et loyer.

 

5)         Résumé des facteurs de rattachement

[70]           De manière générale, les demanderesses ont fait porter leurs témoignages et leurs arguments sur les aspects personnels et les aspects liés aux avantages de l'analyse des facteurs de rattachement. Ces aspects portaient notamment sur les liens personnels des demanderesses avec leurs réserves respectives, leurs liens avec leurs réserves par le truchement de leur travail, l'emplacement de l'employeur et sa relation avec les employés et les réserves, de même que les avantages qu'en tirait la réserve des Six Nations en particulier.

 

[71]           La défenderesse, pour sa part, a mis l'accent en particulier sur les aspects liés au travail de l'analyse des facteurs de rattachement. On peut penser notamment au lieu et à la nature du travail des employés, à l'emplacement de l'employeur, à la résidence des employés et à d'autres facteurs pertinents se rapportant à l'emploi.


 

III.       ANALYSE

[72]           L'objet de l'alinéa 87b) de la Loi sur les Indiens a été décrit par le juge La Forest dans l'arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, au paragraphe 130 :

[…] L'objet de l'al. 87b) de cette loi est de soustraire les biens personnels des Indiens à la taxation de manière à empêcher les Couronnes provinciales ou fédérale de porter atteinte à leur capacité de posséder ces biens et d'en jouir. […]

 

[73]           Le juge La Forest a souligné également que la protection s'applique aux biens « qu'ils possèdent en tant qu'Indiens, c'est‑à‑dire leur territoire et les chatels qui y sont situés ». Le juge a souligné aussi les limites de cette protection – elle ne vise pas à remédier à un désavantage économique ni à soustraire les Indiens aux conséquences commerciales qui s'appliquent sur le marché.

88.       Il est également important de souligner la conséquence de la conclusion que je viens de tirer.  Le fait que la loi contemporaine, comme sa contrepartie historique, prenne tant de soin pour souligner que les exemptions de taxe et de saisie ne s'appliquent que dans le cas des biens personnels situés sur des réserves démontre que l'objet de la Loi n'est pas de remédier à la situation économiquement défavorable des Indiens en leur assurant le pouvoir d'acquérir, de posséder et d'aliéner des biens sur le marché à des conditions différentes de celles applicables à leurs concitoyens.  Un examen des décisions portant sur ces articles confirme que les Indiens qui acquièrent et aliènent des biens situés à l'extérieur des terres réservées à leur usage le font aux mêmes conditions que tous les autres Canadiens.

 

[74]           Dans l'arrêt Nowegijick, la Cour suprême a conclu qu'il fallait remplir quatre conditions pour pouvoir se prévaloir de l'exonération prévue par l'article 87 :

·                    le bien en cause doit être considéré comme un « bien meuble », dont le revenu d'impôt est un impôt sur ce bien, qui est le revenu d'emploi;

·                    un Indien inscrit qui doit être propriétaire du bien;

·                    un impôt doit pouvoir être réclamé à l'Indien relativement à ce bien;

·                    le bien doit être situé dans une réserve.

 

[75]           L'arrêt Nowegijick portait en partie sur le fait que le situs du salaire que M. Nowegijick avait touché était la réserve parce que c'est là où la débitrice avait sa résidence ou son lieu d'affaires et parce que c'est là que le salaire devait être payé.

 

[76]           Cette conclusion était manifestement primordiale dans l'établissement et l'exploitation de NLS. La preuve confirme qu'Obonsawin a établi NLS et ses activités dans la réserve des Six Nations pour se conformer à ce critère du « lieu d'affaires du débiteur » et du lieu du paiement du salaire comme fondement sur lequel les employés amérindiens de NLS pouvaient se prévaloir de l'exonération d'impôt sur le revenu. Le fait que NLS était exploitée en partie pour tirer profit d'avantages fiscaux est sans pertinence.

 

[77]           Toutefois, la Cour suprême soit s'est écartée de l'arrêt Nowegijick, soit a précisé celui‑ci, de telle sorte que le lieu d'affaires du débiteur est seulement l'un des facteurs à prendre en considération pour déterminer si le bien est situé dans une réserve.

 

[78]           Pour déterminer si un bien est situé dans une réserve, on a adopté le critère des « facteurs de rattachement » en tant que cadre analytique. Le critère a été créé pour surmonter les problèmes qui découlaient de l'application du critère du situs habituel, lequel mettait l'accent exclusivement sur la résidence du débiteur. Bien que le recours à ce critère soit logique dans le contexte des conflits des lois, il était insuffisant eu égard à l'objectif de l'article 87.

 

[79]           La question ultime à laquelle il faut répondre pour déterminer si le bien d'un Indien est « situé sur une réserve » est celle de savoir si l'imposition du bien en cause aurait pour effet de miner le droit de l'Indien, en tant qu'Indien, dans une réserve, et de mettre ainsi en péril son style de vie traditionnel.

 

[80]           La perspective historique à l'égard de l'article 87 et de ses prédécesseurs a été décrite dans le rapport d'expert du professeur Alain Beaulieu. Son analyse historique prend fin en 1952 et ne tient pas compte de l'analyse effectuée par le juge La Forest dans l'arrêt Mitchell. Quelles que puissent être les limites de son rapport, celui‑ci indique effectivement que les dispositions qui protègent les Indiens de l'imposition s'inscrivent depuis longtemps dans l'histoire politique, législative et juridique du Canada.

 

[81]           La tâche de cerner un objectif législatif est difficile car, ainsi que le professeur Beaulieu l'a montré, les politiques gouvernementales touchant les peuples autochtones sont passées d'un extrême à l'autre, c'est‑à‑dire de tentatives d'assimilation à des tentatives de ségrégation. Une analyse historique ajoute peu à la résolution des questions en litige dans la présente affaire.

 

[82]           En revanche, la tentative des demanderesses (et celle de l'intervenante) d'invoquer les objectifs de principe de l'autonomie gouvernementale n'est pas particulièrement conforme à l'histoire ni, plus important encore, à l'avertissement servi par le juge La Forest, selon lequel la loi ne vise pas à remédier à la situation économiquement désavantagée des Indiens. Il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit ici de déterminer le situs de biens aux fins de leur imposition et non d'examiner une politique sociale/juridique polycentrique.

 

[83]           L'interprétation et l'application de l'alinéa 87b) doivent être conformes à l'objectif, prononcé par le juge La Forest, qui consiste à prévenir l'érosion du droit à une exonération d'impôt d'un Indien en tant qu'Indien. Il se peut qu'une telle interprétation et une telle application aient pour effet de renforcer les communautés autochtones et d'accroître leur autonomie. En 1995‑1996, l'exercice n'avait cependant pas comme objectif de favoriser l'autonomie gouvernementale des Premières nations. En fait, dans l'arrêt Union of New Brunswick Indians c. Nouveau‑Brunswick (Ministre des Finances), [1998] 1 R.C.S. 1161, la Cour suprême a interprété l'exonération de manière restrictive dans la mesure où elle se rapportait à la taxe de vente, en limitant expressément l'exonération aux ventes effectuées dans la réserve. De même, en ce qui concerne les ententes d'autonomie gouvernementale, nombre d'entre elles prévoient l'abrogation de l'article 87 aux fins d'atteindre l'autonomie gouvernementale — et non pas l'élargissement de la portée de l'article 87.

 

[84]           Suivant le critère des facteurs de rattachement, les facteurs qui relient potentiellement le bien à une réserve doivent être cernés, analysés et soupesés à la lumière de trois importants facteurs, ainsi que les a décrits le juge Gonthier dans l'arrêt Williams c. La Reine, [1992] 1 R.C.S. 877, aux paragraphes 37 et 38 :

37.       La méthode qui tient le mieux compte de ces préoccupations est celle qui analyse la situation sous le rapport des catégories de biens et des types d'imposition.  Par exemple, la pertinence des facteurs de rattachement peut varier selon qu'il s'agit de prestations d'assurance‑chômage, de revenu d'emploi ou de prestations de pension.  Il faut d'abord identifier les divers facteurs de rattachement qui peuvent être pertinents.  On doit ensuite analyser ces facteurs pour déterminer le poids à leur accorder afin d'identifier l'emplacement du bien, en tenant compte de trois choses:  1) l'objet de l'exemption prévue dans la Loi sur les Indiens, 2) le genre de bien en cause et 3) la nature de l'imposition de ce bien.  Il s'agit donc de déterminer, relativement à chaque facteur de rattachement, le poids qui devrait lui être accordé pour décider si l'imposition en cause de ce type de bien représenterait une atteinte aux droits de l'Indien à titre d'Indien sur une réserve.

 

38.       Cette méthode conserve la souplesse de la méthode cas par cas, mais à l'intérieur d'un cadre qui identifie correctement le poids à accorder à divers facteurs de rattachement.  Il est évident que ce poids ne peut être déterminé avec précision.  Cette méthode a cependant l'avantage de préserver la capacité de traiter de façon appropriée les cas qui, à l'avenir, présenteront des considérations jusque‑là non évidentes.

 

[85]           Dans le contexte du paiement de prestations d'assurance‑emploi, le juge Gonthier a indiqué que les facteurs de rattachement potentiellement pertinents sont la résidence du débiteur, la résidence de la personne qui touche les prestations, le lieu où les prestations sont payées et le lieu du revenu d'emploi qui a donné naissance au droit à des prestations.

 

[86]           Dans le contexte du revenu d'emploi, comme la décision rendue dans l'arrêt Shilling, précité, le fait ressortir clairement, l'emplacement (et les circonstances) donnant lieu au revenu d'emploi revêt une grande importance ou un poids considérable.

 

[87]           Les facteurs de rattachement suivants relatifs au revenu d'emploi ont été désignés dans l'arrêt Desnomie c. Canada, [2000] A.C.F. no 528 (QL), 186 D.L.R. (4th) 718 (C.A.) (autorisation d'appel refusée) comme des facteurs pertinents dans le cadre de cette analyse :

1.         résidence de l'employeur;

2.         résidence de l'employé;

3.         lieu où le travail est accompli;

4.         lieu où l'employé a été payé;

5.         nature des services fournis ou circonstances spéciales dans lesquelles ils ont été accomplis.

 

[88]           Les demanderesses ont donné à entendre que d'autres facteurs, comme le maintien par elles de leur relation avec le peuple autochtone et leurs réserves respectives, leur acceptation par la réserve, la question de savoir si le travail profite aux Amérindiens généralement, sans égard au lieu où ils vivent, et celle de savoir si l'employeur est une organisation dirigée par des Amérindiens, qui travaille au profit des Amérindiens, sont des facteurs pertinents aux fins de la présente analyse.

 

[89]           La question des activités de NLS et du droit à l'exonération d'impôt de ses employés a été examinée par la Cour d'appel fédérale dans Shilling. En dépit du fait que cette affaire se distingue d'une certaine manière de la présente affaire en ce qu'il a depuis été remédié à certaines des lacunes qui avaient été relevées par la Cour au plan de la preuve (la question de savoir quels aspects de l'entreprise de NLS sont menés dans la réserve, celle de savoir si les employés sont des résidents de la réserve et celle de savoir quels avantages la réserve en tire), le point de vue de la Cour d'appel et les commentaires qu'elle a formulés sur les facteurs clés lient la Cour.

 

[90]           Aux fins de déterminer l'emplacement du revenu d'emploi, la Cour d'appel a précisé les facteurs suivants :

·                    l'emplacement et le lieu de résidence de l'employeur;

·                    la nature, le lieu et les circonstances du travail accompli par l'employé, y compris la nature de tout avantage qu'en tire la réserve.

 

[91]           La Cour d'appel a fait remarquer que le lieu du paiement peut être pertinent, mais qu'il ne constitue pas un facteur particulièrement important.

 

[92]           La conclusion de la Cour selon laquelle la nature du travail accompli et les circonstances l'entourant méritent une attention particulière revêt une certaine importance.

 


A.        Application du critère des facteurs de rattachement

1)         Emplacement de l'employeur

[93]           Pour les motifs énoncés précédemment, aux paragraphes 61 à 65, du point de vue commercial, NLS est située dans la réserve des Six Nations. Toutefois, aux fins de soupeser ce facteur, il faut tenir compte également de la nature du travail de NLS, du lieu où se trouve son âme dirigeante et des avantages qu'apporte à la réserve l'emplacement de NLS.

 

[94]           Le travail réel des actifs de NLS (ses employés dont les services sont offerts en louage) est exécuté exclusivement à l'extérieur de la réserve. Certains membres du personnel travaillent dans la réserve, mais le revenu brut provient de l'extérieur de la réserve Les seules fonctions exécutées dans la réserve sont de nature administrative.

 

[95]           L'analyse relative à l'emplacement de NLS est compliquée davantage par le fait qu'il ne s'agit pas d'une société, mais d'une entreprise individuelle. Obonsawin est NLS, mais il ne travaillait pas régulièrement dans la réserve; il travaillait principalement à Toronto et ne résidait pas dans la réserve.

 

[96]           Les avantages que représente NLS pour la réserve des Six Nations ne sont pas énormes, mais ils demeurent réels. La majorité des membres du personnel administratif étaient des membres des Six Nations, dont certains vivaient dans la réserve. NLS payait un loyer à la réserve également. Toutefois, les dépenses relatives au loyer et aux salaires/avantages étaient peu élevées globalement (approximativement 240 000 $) et représentaient un faible pourcentage seulement du revenu brut de NLS (approximativement 2 %).

 

[97]           Par conséquent, si NLS est située dans la réserve des Six Nations, ces autres circonstances indiquent que ce facteur n'est pas particulièrement important. Il est presque sans importance pour Horn, puisqu'elle n'est pas membre des Six Nations et que sa bande de Kahnawake ne tire aucun avantage direct du fait que NLS est située dans la réserve des Six Nations.

 

[98]           Dans l'arrêt Bell c. Sa Majesté la Reine, [2000] A.C.F. no 680 (QL), 2000 DTC 6365 (C.A.), le contribuable avait fait valoir que, en employant simplement des Amérindiens, l'entreprise offrait des avantages importants à leurs familles et à la collectivité. La Cour d'appel fédérale a statué que ce ne sont pas là les types d'avantages qui constituent un facteur de rattachement important aux fins de l'analyse fondée sur l'article 87.

41.       Il est certain que le fait que les appelants touchaient un salaire et qu'ils le rapportaient dans la réserve constituait un avantage économique pour la réserve, mais de toute évidence, ce ne sont pas des avantages de cette nature que cette cour a reconnus dans les arrêts Folster et Recalma, supra. De fait, comme cette cour l'a dit dans l'arrêt Southwind c. La Reine, 98 DTC 6084, à la page 6087 (C.A.F.), l'expression « commerce general » « a pour but d'isoler les activités commerciales dont profite un Autochtone en particulier plutôt que l'ensemble de sa communauté, bien qu'il soit évidemment reconnu [...] que la collectivité tire profit du fait qu'une personne assure la subsistance de sa famille ». Autrement, tout emploi exercé en dehors de la réserve, même en l'absence de tout lien, serait considéré comme ayant un effet bénéfique sur la vie dans la réserve et donnerait donc lieu à une exonération d'impôt. Tel n'est pas le but de l'article 87 de la Loi qui, comme le juge La Forest l'a dit dans l'arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, aux pages 130 et 131, ne vise pas à conférer un avantage économique général aux Indiens, mais vise plutôt à protéger les Indiens contre les tentatives que les non autochtones font pour les déposséder des biens qu'ils ont à titre d'Indiens, c'est-à-dire leur territoire et les chatels qui y sont situés.

 

            2)         Résidence des demanderesses/Lien avec la réserve

[99]           Dans le cas de Horn, il est évident qu'elle réside à l'extérieur de la réserve, à Ottawa, et que c'est là également qu'elle travaille. De même, elle continue de maintenir des liens solides avec la réserve de Kahnawake.

 

[100]       Toutefois, l'analyse des facteurs de rattachement, appliquée à la résidence, s'intéresse principalement au lieu où une personne réside effectivement et non à l'existence de liens émotionnels.

 

[101]       Dans l'arrêt Canada c. Monias (C.A.), [2002] 1 C.F. 51 (C.A.) (autorisation d'appel refusée), la Cour a statué que la résidence des employés peut représenter un facteur important puisque, lorsque l'employé ne vit pas dans la réserve, il en découle que son revenu d'emploi n'a pas été acquis ni dépensé dans une réserve. La Cour a pris soin de noter qu'il ne s'agissait pas d'un facteur déterminant. Cette conclusion s'applique en l'espèce.

 

[102]       Dans l'arrêt Shilling, la Cour a accordé peu d'importance à la résidence en tant que facteur de rattachement.

58.       En l'espèce, l'intimée travaillait et résidait à Toronto. Le lieu du travail et sa nature sont les facteurs importants ayant pour effet de situer le revenu d'emploi en dehors d'une réserve. Le fait que l'intimée résidait en dehors d'une réserve est un facteur moins important tendant à indiquer la même chose.

 

[103]       En ce qui concerne Horn, sa résidence à l'extérieur de la réserve constitue un facteur important qui établit l'absence de liens. Il ne constitue pas cependant un facteur déterminant, puisque « la nature de l'emploi » est un facteur plus important.

 

[104]       Quant à Williams, elle réside dans la réserve des Six Nations. Elle entretient des liens solides avec la collectivité, tant physiques que sociaux et émotionnels. Toutefois, les avantages que tire la réserve de son emploi, mis à part les clients du Refuge qui viennent de la réserve, tiennent principalement au fait qu'elle consacre son revenu à ses frais de subsistance. Il ne s'agit pas d'un facteur de rattachement important en soi, ainsi qu'il a été conclu dans l'arrêt Bell.

 

[105]       Dans l'arrêt Williams, la Cour suprême a statué que, compte tenu de l'importance de l'emplacement de l'emploi admissible, la résidence était potentiellement un facteur important « s'il indique un emplacement différent de celui de l'emploi qui a rendu admissible aux prestations ».

 

[106]       Dans le cas de la demanderesse Williams, sa résidence dans la réserve est un facteur important parce qu'il indique un emplacement de son revenu qui est différent de celui de son emploi à Hamilton. Il est un facteur important qui joue en sa faveur, mais il n'annule pas le poids qu'il convient d'accorder à l'emplacement et à la nature de son travail.

 


3)         Emplacement et nature du travail de l'employé

[107]       Pour ce qui est de ce facteur, la Cour tient compte également de l'avantage que tire une réserve du travail de l'employé. Dans l'arrêt Mitchell, la Cour suprême a averti, au paragraphe 91, que :

[…] en l'absence d'un lien discernable entre le bien en question et l'occupation des terres réservées par le propriétaire de ce bien, les protections et privilèges des art. 87 et 89 ne s'appliquent pas.

 

[108]       Dans le cas de Horn, le Centre s'intéresse particulièrement aux Amérindiens qui sont à l'extérieur de la réserve; c'est là l'objectif même du Centre. Pour cette raison, on ne peut pas rattacher le Centre à la réserve de Kahnawake. Les avantages que celle‑ci pourrait tirer le cas échéant, mis à part les dépenses effectuées par Horn, sont accessoires et ténus. Ils sont même plus ténus du fait que NLS n'entretient aucun lien avec cette réserve. En conséquence, les facteurs de l'emplacement de l'employeur et de l'avantage qu'en tire la réserve ont peu de poids dans son cas.

 

[109]       Aux fins de l'évaluation de l'emplacement et de la nature du travail, le fait que Horn a travaillé pour le Centre sans bénéficier d'une exonération d'impôt pendant un certain nombre d'années tout simplement comme d'autres employés l'ont fait est révélateur. Elle se fonde sur le fait qu'elle a dû payer 2 400 $ pour devenir une employée de NLS tout en continuant de faire exactement le même travail au même endroit, afin de se prévaloir des avantages de l'article 87. La simple présence de NLS à titre d'employeur ne change rien aux faits véritables qui se rapportent à l'emplacement et à la nature de son travail. Dans la mesure où les services sociaux relèvent du commerce général, Horn en fait partie.

 

[110]       Dans l'arrêt Shilling, les facteurs dont on a relevé l'absence, et qui sont maintenant présents, ne viennent pas en aide aux demanderesses. Obonsawin n'est pas dans la réserve, et c'est lui qui récolte les bénéfices. Une seule réserve en tire un avantage, et dans une faible mesure seulement.

 

[111]       Dans le cas de Williams, le Refuge offre des services aux Amérindiens de l'extérieur de la réserve et à ceux qui vivent dans celle‑ci, mais pas nécessairement à ceux des Six Nations. Cette situation diffère de celle dont il était question dans l'affaire Canada c. Folster (C.A.), [1997] 3 C.F. 269 (C.A.), où l'hôpital, qui était tout juste à l'extérieur de la réserve, offrait ses services pour ainsi dire exclusivement à la communauté de la réserve. Le Refuge est situé à Hamilton, à 50 kilomètres de la réserve, et ses services sont destinés à tous les Amérindiens, sans égard au lieu où ils vivent.

 

[112]       Par conséquent, Williams travaille à l'extérieur de la réserve, dans un centre de services sociaux destiné principalement aux Amérindiens qui sont à l'extérieur de la réserve (la Cour tient compte du fait que les Amérindiens qui vivent à l'extérieur de la réserve ne s'y trouvent pas tous par choix ou préférence). Les services sociaux fournis sont semblables à ceux qui sont fournis par d'autres refuges et relèvent donc du « commerce général ».

 

[113]       La défenderesse a fait valoir vigoureusement que le critère du commerce général visait à assurer un traitement fiscal uniforme des employés d'un employeur donné. Le fait que les employés ont un statut fiscal différent ne permet pas de nier à Williams ou à Horn l'exonération d'impôt si elles y ont droit. Dans la plupart des situations d'emploi, les employés ont des statuts fiscaux différents, certains donnant droit à un type de déduction, et d'autres, à un type de déduction différent.

 

[114]       En ce qui concerne Williams, les facteurs de rattachement à la réserve sont sa résidence et les fonctions administratives qui se rattachent à son emploi. L'emplacement et la nature de son travail à l'extérieur de la réserve destiné à une clientèle qui, en grande partie, se trouve à l'extérieur de la réserve également, l'emportent sur ces facteurs.

 

[115]       Dans l'arrêt Shilling, la Cour d'appel a précisé clairement que la prestation de services sociaux à des Amérindiens à l'extérieur des réserves ne donne pas droit à l'exonération prévue à l'article 87.

52.       En concluant que la nature des tâches de l'intimée ne constitue pas un facteur de rattachement avec une réserve, nous n'omettons pas de tenir compte du fait que les services fournis sont des services sociaux à l'intention des autochtones, par opposition à un emploi exercé dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise à but lucratif. Toutefois, il existe dans les villes canadiennes un grand nombre d'organisations à but non lucratif offrant des services sociaux. Les employés de pareilles organisations ne sont pas exemptés de l'impôt sur le revenu. Compte tenu du but restreint de l'alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens, le fait que l'emploi en question se rapporte à la prestation de services sociaux à des autochtones en dehors d'une réserve ne confère pas pour autant un traitement fiscal privilégié en vertu de cette disposition.

 

[116]       Par conséquent, les demanderesses ne sont pas admissibles à l'exonération prévue à l'article 87 de la Loi sur les Indiens.

 

B.         Discrimination – Les Lignes directrices de l'ARC et la Charte

[117]       Les demanderesses soutiennent qu'elles sont victimes de discrimination en raison de la manière dont la défenderesse applique l'article 87 dans les Lignes directrices sur l'exonération du revenu selon la Loi sur les Indiens (les Lignes directrices de 1994). C'est cette discrimination qui donne lieu à une violation de l'article 15 de la Charte. Le texte des Lignes directrices de 1994 a été modifié légèrement à la suite de l’arrêt Shilling, mais les parties pertinentes sont restées les mêmes.

 

[118]       Les demanderesses ne soutiennent pas que l'article 87 est discriminatoire, ni qu'une application correcte du critère des facteurs de rattachement entraîne une discrimination. Ce sont simplement les Lignes directrices de 1994, comme politique gouvernementale administrative, qui ont un effet discriminatoire.

 

[119]       Un examen des parties essentielles des Lignes directrices de 1994 établit non pas tant l'existence d'une discrimination, mais celle d'une politique administrative qui paraît contraire à la loi.

 

[120]       La ligne directrice 1 prévoit ceci :

Ligne directrice 1

 

Lorsqu'un Indien accomplit au moins 90 % des tâches liées à son emploi dans une réserve, tout son revenu d'emploi sera habituellement exonéré d'impôt sur le revenu.

 


Règle du prorata

 

Lorsqu'un Indien accomplit moins de 90 % des tâches liées à son emploi dans une réserve et que le revenu d'emploi n'est pas exonéré en vertu d'une autre ligne directrice, l'exonération doit être calculée au prorata. Dans un tel cas, la partie du revenu liée à des tâches  effectuées dans la réserve sera exonérée.

 

[121]       Contrairement à ce que prétendent les demanderesses, les Lignes directrices de 1994 ne portent pas exclusivement sur le lieu où le travail est effectivement accompli. L'utilisation du terme « habituellement » vise à indiquer que d'autres facteurs peuvent être pertinents. Toutefois, la règle du prorata n'a aucun fondement dans la loi ni dans la jurisprudence. Le situs du revenu est analysé compte tenu du fait que le revenu soit est dans une réserve, soit ne l'est pas. Il n'existe aucun fondement apparent qui appuie la notion suivant laquelle « le revenu est parfois situé en partie dans une réserve, et en partie à l'extérieur de celle‑ci ».

 

[122]       La ligne directrice 2 est libellée dans les termes suivants :

Tout le revenu qu'un Indien tire d'un emploi sera habituellement exonéré d'impôt sur le revenu si les conditions suivantes sont réunies :

 

·        L'employeur réside dans une réserve;

·        L'Indien vit lui-même dans une réserve.

 

[123]       Cette ligne directrice peut être sauvegardée grâce à l'emploi du terme « habituellement », mais elle semble faire fi de facteurs dont l'importance est cruciale, à savoir le lieu du travail et sa nature.

 

[124]       Le texte de la ligne directrice 3 est reproduit ci‑après :

Tout le revenu qu'un Indien tire d'un emploi sera habituellement exonéré d'impôt sur le revenu si les conditions suivantes sont réunies :

 

·        Plus de 50 % des tâches liées à l'emploi sont accomplies dans une réserve;

·        L'employeur ou l'Indien réside dans une réserve.

 

[125]       Il est vrai que, comme les demanderesses le font valoir, la ligne directrice n'offre aucun avantage si l'Indien travaille à l'extérieur de la réserve. Toutefois, puisque cette ligne directrice tient compte au moins du lieu du travail et (ou) du lien de l'employeur/employé avec la réserve, et qu'elle utilise cependant le terme « habituellement », elle ne semble pas être contraire à la jurisprudence.

 

[126]       La ligne directrice 4, que les demanderesses contestent, est libellée dans les termes suivants :

Tout le revenu qu'un Indien tire d'un emploi sera habituellement exonéré d'impôt sur le revenu si les conditions suivantes sont réunies :

 

·        L'employeur réside dans une réserve;

·        L'employeur est, selon le cas,

o       Une bande indienne possédant une réserve, ou un conseil de bande représentant une ou plusieurs bandes indiennes qui possèdent des réserves;

o       Une organisation indienne relevant d'un ou de plusieurs conseils ou bandes semblables et qui se consacre exclusivement au développement social, culturel, éducationnel ou économique d'Indiens qui vivent, pour la plupart, dans des réserves.

·        Les tâches liées à l'emploi font partie des activités non commerciales de l'employeur, lesquelles ne visent que le mieux‑être des Indiens qui vivent, pour la plupart, dans des réserves.

 

[127]       Les demanderesses font valoir que l'exonération d'impôt sera accordée même si le travail n'est pas accompli dans une réserve et que l'employé n'entretient aucun lien avec la réserve. Cet argument est de nature purement conjecturale, puisqu'il n'y a aucune preuve que c'est effectivement la manière dont la défenderesse agirait dans de telles circonstances. La ligne directrice s'intéresse particulièrement à l'emplacement de l'employeur et à la nature du travail, mais, en l'absence de tout autre élément, la Cour ne peut conclure que la défenderesse agit contrairement aux normes juridiques.

 

[128]       Le cœur de la plainte des demanderesses, ainsi qu'il est souligné dans l'exposé des faits et du droit au paragraphe 179, est le suivant :

[traduction]

L'application de l'article 87 de la Loi sur les Indiens par l'ARC a donc un effet discriminatoire à l'égard des deux demanderesses lorsque l'on compare leur situation à celle d'autres Indiens qui sont admissibles à l'exonération prévue à l'article 87 aux termes des Lignes directrices.

 

[129]       En ce qui concerne la prétention selon laquelle cette discrimination est contraire au paragraphe 15(1) de la Charte, la Cour suprême, dans l'arrêt Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, appliqué dans l'arrêt Chippewas of Nawash First Nation c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (C.A.), [2002] A.C.F. no 1739 (QL), 2002 CAF 485, a énoncé les questions suivantes à trancher :

1)         Quel est le groupe de comparaison approprié?

2)         La mesure gouvernementale contestée a‑t‑elle pour effet d'imposer une différence de traitement entre le demandeur et d'autres personnes?

(3)        La différence de traitement est‑elle fondée sur un motif de distinction illicite ou un motif analogue?

(4)        La différence de traitement est‑elle discriminatoire au sens du paragraphe 15(1) de manière à porter atteinte à la dignité de la personne?

 

[130]       La première difficulté que pose la thèse des demanderesses sur le paragraphe 15(1) tient au fait que, abstraction faite des Lignes directrices de 1994, il existe très peu de documents sur le traitement différent. Les Lignes directrices de 1994 sont une politique qui ne peut être immuable (sinon elle cesse d'être suffisamment souple pour être une véritable politique). À titre de politique, elles utilisent un terme comme « habituellement », et il y a peu d'éléments de preuve tendant à établir l'existence d'une pratique véritable sur le fondement de laquelle la Cour peut tirer une conclusion appropriée.

 

[131]       La seconde difficulté ressortit au fait que les demanderesses utilisent un groupe de comparaison d'Indiens qui entretiennent des liens étroits avec la réserve et qui travaillent à l'extérieur de celle‑ci par opposition à des Indiens qui n'entretiennent absolument aucun lien avec la réserve. Or, la discrimination dont on allègue l'existence oppose les demanderesses (probablement des Indiens qui entretiennent des liens étroits avec la réserve et qui travaillent à l'extérieur de celle‑ci) et ceux et celles qui sont admissibles à l'exonération prévue à l'article 87 — les Indiens qui ont des biens meubles dans la réserve.

 

[132]       Il s'agit là d'un argument tortueux, car les contribuables qui sont admissibles aux termes de l'article 87 sont ceux qui satisfont au critère des facteurs de rattachement par opposition à ceux qui n'y satisfont pas. Les demanderesses ne font pas valoir que le critère des facteurs de rattachement est discriminatoire.

 

[133]       La troisième difficulté que pose la contestation des demanderesses fondée sur la Charte tient au fait que la distinction entre les demanderesses et l'un ou l'autre des groupes de comparaison ne repose pas sur une ou plusieurs caractéristiques personnelles. La distinction repose sur le situs du bien, notamment sur des facteurs comme le lieu où le travail est accompli, l'emplacement de l'employeur, l'emplacement de l'employé et la nature du travail accompli. Aucun de ces facteurs ne constitue une caractéristique personnelle (voir Beattie c. Canada, [2001] A.C.F. no 62 (QL), conf. par 2002 CAF 105).

 

[134]       La caractéristique personnelle qu'est la résidence n'est pas mentionnée dans les Lignes directrices de 1994, qui ne renvoient pas non plus à quelque autre caractéristique personnelle que ce soit.

 

[135]       Dans l'arrêt Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203, la Cour suprême a statué que la résidence autochtone était un motif analogue, puisque c'est sur le fondement de celle‑ci que l'on privait des gens d'un droit de vote. Elle n'était pas utilisée dans le contexte des biens.

 

[136]       Il n'y a rien d'immuable — comme la race, la religion ou une caractéristique qui ne peut être modifiée qu'au prix inacceptable de la liberté individuelle — dans les distinctions relatives au situs d'un bien. La distinction relative au situs d'un bien meuble dans une réserve n'est donc pas un motif analogue.

 

[137]       Même si les demanderesses réussissaient à prouver le bien‑fondé de leurs prétentions sur le fondement des motifs analogues, elles devraient établir, dans les Lignes directrices de 1994, l'existence d'une discrimination ayant pour effet de porter atteinte à la dignité humaine essentielle des demanderesses, ainsi qu'il en a été question au paragraphe 88 de la décision rendue dans l'arrêt Law.

 

[138]       La dignité humaine est une vaste notion, qui repose essentiellement sur des caractéristiques personnelles :

[…] La dignité humaine signifie qu'une personne ou un groupe ressent du respect et de l'estime de soi.  Elle relève de l'intégrité physique et psychologique et de la prise en main personnelle.  La dignité humaine est bafouée par le traitement injuste fondé sur des caractéristiques ou la situation personnelles qui n'ont rien à voir avec les besoins, les capacités ou les mérites de la personne.  Elle est rehaussée par des lois qui sont sensibles aux besoins, aux capacités et aux mérites de différentes personnes et qui tiennent compte du contexte sous-jacent à leurs différences.  La dignité humaine est bafouée lorsque des personnes et des groupes sont marginalisés, mis de côté et dévalorisés, et elle est rehaussée lorsque les lois reconnaissent le rôle à part entière joué par tous dans la société canadienne. [ …] (Law, précité, par. 53)

 

[139]       Aucune des distinctions relevées dans les Lignes directrices de 1994 ne repose sur des caractéristiques ou circonstances personnelles ou n'a d'effet sur la dignité humaine des demanderesses. L'emplacement des biens meubles d'une personne n'est pas en soi le type de facteur dont on peut raisonnablement dire qu'il a une incidence sur la dignité humaine. Il n'y a aucune preuve que Horn ou Williams ont atténué ou sont considérées comme ayant atténué leur statut d''Indiennes en tant qu'Indiennes, ni qu'elles sont considérées comme faisant moins partie intégrante de la vie de leur réserve du fait qu'elles ne sont pas admissibles à l'exonération d'impôt.

 

[140]       Avec le respect que je dois aux demanderesses, je ne peux conclure qu'il y a eu manquement au paragraphe 15(1) dans les Lignes directrices de 1994. Je n'ai donc pas à me pencher sur la justification aux termes de l'article premier de la Charte.

 

IV.       CONCLUSION

[141]       Pour les motifs qui précèdent, la Cour en arrive à la conclusion que le revenu que NLS a versé aux demanderesses au cours des années d'imposition pertinentes ne peut être exonéré d'impôt en vertu de l'article 87 de la Loi sur les Indiens.

 

[142]       La Cour conclut également que l'application de l'article 87 de la Loi sur les Indiens par l'ARC à leur égard, conformément à ses Lignes directrices, n'a aucun effet discriminatoire à leur égard au sens du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[143]       En conséquence, l'action des demanderesses sera rejetée avec dépens partie‑partie. L'intervenante paiera à la défenderesse des frais de 7 500 $ plus les débours.

 


JUGEMENT

            LA COUR STATUE que les actions des demanderesses sont rejetées, et que les demandes de jugement déclaratoire sont rejetées.

 

            La défenderesse a droit à ses dépens partie‑partie, séparément, contre chaque demanderesse.

 

            L'intervenante devra verser à la défenderesse des frais de 7 500 $, plus les débours qu'elle a engagés uniquement aux fins de répondre aux observations de l'intervenante.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-2241-95 et T-2242-95

 

INTITULÉ :                                                   MARGARET HORN

                                                                        c.

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL et

                                                            ABORIGINAL LEGAL SERVICES OF TORONTO

                        et

                                                                        SANDRA WILLIAMS

                                                                        c.

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL et

                                                            ABORIGINAL LEGAL SERVICES OF TORONTO

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           DU 16 AU 24 OCTOBRE 2006 et 

                                                                        LES 18 et  19 DÉCEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                   LE 16 OCTOBRE 2007

 

 


COMPARUTIONS :

 

Brian A. Crane

Max Faille

Graham Ragan

 

POUR LES DEMANDERESSES

John Shipley

Sandra Phillips

 

POUR LA DÉFENDERESSE

Julian N. Falconer

Kimberly R. Murray

POUR L'INTERVENANTE,

ABORIGINAL LEGAL SERVICES OF TORONTO

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

Falconer Charney

Toronto (Ontario)

POUR L'INTERVENANTE,

ABORIGINAL LEGAL SERVICES OF TORONTO

 

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