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Date : 20071002

Dossier : T-753-05

Référence : 2007 CF 1004

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

PASSY ANN WILCOX

demanderesse

 

 

et

 

LES PROPRIÉTAIRES ET AUTRES PERSONNES INTÉRESSÉES

AU NAVIRE « MISS MEGAN »

et GARY ROSS HANLEY

 

défendeurs

 

RAPPORT CONSÉCUTIF À UN RENVOI

(en vertu de la règle 161 des Règles des Cours fédérales)

 

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

[1]               Le présent est un examen des dommages à la suite de l’arbitrage d’une action à la suite d’un décès causé par autrui déposé en vertu de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, LC 2001, ch. 6 (la Loi).

 

[2]               John Wilcox (la victime) s’est noyé au cours d’un tragique accident de bateau en haute mer le 8 mai 2004, au large de Back Bay, dans le comté de Charlotte au Nouveau-Brunswick. La victime avait travaillé deux jours à terre pour préparer le navire Miss Megan en prévision d’une pêche aux homards. Le troisième jour, il a filé avec l’équipage du bateau de pêche pour la première journée de pêche. Tandis que le bateau quittait le port ce jour-là à pleine cargaison, il a commencé à prendre l’eau et après avoir navigué 30 minutes, le Miss Megan a coulé au large. La victime, qui ne savait pas nager, s’est noyée, malgré les efforts de sauvetage de ceux qui l’entouraient. Il avait 63 ans au moment de son décès.

 

[3]               Patsy Ann Wilcox, la veuve du défunt, a intenté une action au nom de la succession du défunt pour dommages-intérêts contre Gary Ross Hanley, le propriétaire de Miss Megan, accusant M. Hanley de négligence et d’avoir navigué un navire qui n’était pas navigable. À titre d’exécuteur testamentaire et partie nominale, la demanderesse Mme Wilcox demande les dommages-intérêts pour perte de conseils, de soins et de compagnie en son nom, au nom des trois enfants adultes du couple, Thomas Wilcox, Tammy-Lynn Wilcox-Doiron (Tammy Wilcox), et Tina Marie Wilcox, le frère du défunt, David Leslie Wilcox, et sa sœur, Mary Eileen Wilcox, qui renvoient collectivement ces motifs à titre de « personnes à charge » ou de « demandeurs ». Des réclamations séparées pour perte de soutien financier et perte de services importants ont été déposées au nom de Mme Wilcox et Tina Wilcox.

 

[4]               M. Hanley a admis la responsabilité de la mort du défunt, mais a rejeté les requêtes des divers comptes de dommages-intérêts. Madame la juge Danièle Tremblay-Lamer a accueilli la demande de la demanderesse pour un jugement sommaire contre les défendeurs en s’appuyant sur l’admission de responsabilité de Hanley. Elle a ordonné que l’audience soit renvoyée à un arbitre pour établir le montant des dommages-intérêts auquel les personnes à charge avaient droit pour leur perte à la suite de sa mort.

 

[5]               Je vais tout d’abord examiner la question soulevée par les défendeurs concernant l’admissibilité de la requête de dommages-intérêts des frères et sœurs du défunt, puis j’aborderai les pertes pécuniaires subies par Mme Wilcox et Tina Wilcox, et terminerai avec l’examen de la perte de soins, de conseils et de compagnie des demandeurs.

(A) Les personnes à charge en vertu de l’article 6 de la Loi

[6]               Les demandeurs soutiennent qu’ils ont subi une perte à la suite du décès du défunt, et qu’ils ont le droit d’obtenir les dommages-intérêts à titre de personnes à charge conformément à l’article 6 de la Loi.

 

[7]               Les paragraphes 6(2) et (3) se lisent comme suit :

6. (2) Lorsqu’une personne décède par suite de la faute ou de la négligence d’autrui dans des circonstances qui, si le décès n’en était pas résulté, lui auraient donné le droit de réclamer des dommages-intérêts, les personnes à sa charge peuvent saisir le tribunal compétent d’une telle réclamation.

 

 

 

 

 

(3) Les dommages-intérêts recouvrables par une personne à charge peuvent comprendre :

 

a) une indemnité compensatoire pour la perte des conseils, des soins et de la compagnie à laquelle la personne à charge aurait été en droit de s’attendre à recevoir de la personne blessée ou décédée n’eût été les blessures ou le décès

6. (2) If a person dies by the fault or neglect of another under circumstances that would have entitled the person, if not deceased, to recover damages, the dependants of the deceased person may maintain an action in a court of competent jurisdiction for their loss resulting from the death against the person from whom the deceased person would have been entitled to recover.

 

 

 

(3) The damages recoverable by a dependant of an injured or deceased person may include

 

(a) an amount to compensate for the loss of guidance, care and companionship that the dependant could reasonably have expected to receive from the injured or deceased person if the injury or death had not occurred;

 

 

[8]               L’article 4 de la Loi donne la liste des individus qui peuvent faire une demande à titre de personnes à charge.

Dans la présente partie, « personne à charge », à l’égard d’une personne blessée ou décédée, s’entend de toute personne qui, au moment où le fait générateur du litige s’est produit, dans le cas de la personne blessée, ou au moment du décès, dans le cas de la personne décédée, était :

 

a) le fils, la fille, le beau-fils ou la belle-fille, le petit-fils, la petite-fille, le fils adoptif ou la fille adoptive de la personne blessée ou décédée ou tout autre personne à qui cette dernière tenait lieu de parent;

 

b) l’époux de la personne blessée ou décédée, ou la personne qui cohabitait avec cette dernière dans une relation de nature conjugale depuis au moins un an;

 

c) le frère, la sœur, le père, la mère, le grand-père, la grand-mère, le beau-père ou la belle-mère, le père adoptif ou la mère adoptive de la personne blessée ou décédée, ou toute autre personne qui tenait lieu de parent à cette dernière

In this Part, “dependant”, in relation to an injured or deceased person, means an individual who was one of the following in relation to the injured or deceased person at the time the cause of action arose, in the case of an injured person, or at the time of death, in the case of a deceased person:

 

 

(a) a son, daughter, stepson, stepdaughter, grandson, granddaughter, adopted son or daughter, or an individual for whom the injured or deceased person stood in the place of a parent;

 

 

 

(b) a spouse, or an individual who was cohabiting with the injured or deceased person in a conjugal relationship having so cohabited for a period of at least one year; or

 

(c) a brother, sister, father, mother, grandfather, grandmother, stepfather, stepmother, adoptive father or mother, or an individual who stood in the place of a parent.

 

[9]               Les défendeurs soutiennent que le frère et la sœur du défunt ne sont pas des « personnes à charge » puisqu’ils ne sont pas des personnes « à qui [le défunt] tenait lieu de parent ». En s’appuyant sur la règle des mots associés à l’interprétation de la loi, ils soutiennent que l’ajout des mots « ou toute autre personne qui tenait lieu de parent » précise que les individus dont il s’agit précisément au paragraphe 4c) doivent tenir lieu de parent au défunt pour se qualifier à titre de « personnes à charge » en vertu de la Loi. Je ne suis pas d’accord.

 

[10]           Il est bien établi qu’il faut donner aux termes contenus dans une loi leur sens ordinaire. Les autres principes d’interprétation législative n’entrent en jeu que lorsque les termes à définir sont ambigus (R. ce McCraw [1991] 3 RCS, 72 à 80).

 

[11]           La règle des mots associés a été définie par le juge Martin dans R. ce Goulis (1981), 32 O.R. (2d) 55 (CA) :

Quand deux mots ou plus susceptibles d’avoir un sens analogue sont jumelés, il est entendu de les utiliser dans leur sens apparenté. Ils prennent leur teinte de l’un et de l’autre, le sens le plus général étant restreint à un sens analogue au sens le moins général du mot.

 

Comme le déclare Ruth Sullivan dans Sullivan AMD Driedger on té Construction of Statutes, 4e éd. (Markham: Butterworths, 2002), à la page 173, il ne faut s’appuyer sur cette règle que pour résoudre l’ambiguïté des termes ou en limiter la portée.

 

[12]           Il n’y a simplement aucune ambiguïté au paragraphe 4c). Comme le paragraphe 4c) de la Loi l’indique, les personnes qui tiennent lieu de parent sont des individus d’une catégorie différente qui pourraient se qualifier comme personnes à charge. Cette interprétation est cohérente à la version française de la disposition qui fait référence à « toute autre personne », en d’autres termes, tout individu qui ne correspond pas à la catégorie des membres de la famille dans la liste.

 

[13]           Ayant conclu que les frères et sœurs du défunt ont droit aux dommages-intérêts à titre de personnes à charge, je me penche maintenant sur les dommages-intérêts qu’ont subis Mme Wilcox et Tina Wilcox pour la perte de soutien financier et la perte de services de valeur.

 

(B) Dommages-intérêts pécuniaires

            (i) Introduction

[14]           La perte financière subie par une personne à charge, comme le soutien financier et la perte de service de valeur, doit se mesurer par ce qu’elles auraient reçu du défunt selon un degré raisonnable de probabilité s’il ou elle avait survécu. Pour établir l’étendue de la perte causée par la mort prématurée du défunt, toutes les circonstances et les probabilités qui ont une incidence sur cette perte doivent être considérées, y compris l’âge et l’état de santé général du défunt et des personnes à charge, la personnalité et le caractère du défunt, ses habitudes et coutumes, et la relation qui existait entre le défunt et les personnes à charge.

 

[15]           La demanderesse a déposé comme preuve un rapport actuariel préparé par une actuaire, Jessie Shaw Gmeiner (Gmeiner). L’objet du rapport était d’établir la valeur d’une somme forfaitaire pour la perte financière subie par la famille Wilcox à la suite du décès du défunt. Le rapport présente des résultats selon diverses hypothèses, toutefois, l’utilisation de multiplicateurs permet de facilement faire des calculs alternés, quels que soient les revenus annuels ou la durée de la perte future.

 

[16]           Les défendeurs n’ont pas sérieusement contesté la méthodologie que Mme Gmeiner a utilisée pour préparer son rapport. Ils ont toutefois contesté les six hypothèses principales qui ont été utilisées pour calculer les dommages-intérêts, qui, selon eux, ne sont pas appuyées par des preuves. 

 

[17]           Premièrement, les défendeurs disent que, bien que le défunt eût déclaré un salaire annuel moyen de 25 000 $ au cours des trois dernières années avant sa mort, il n’y a aucune preuve qui démontre qu’il aurait continué à toucher un revenu similaire dans l’avenir. Selon les défendeurs, le revenu annuel du défunt aurait été au mieux de 7 000 $ si l’accident n’avait pas eu lieu.

 

[18]           Deuxièmement, les défendeurs contestent que le défunt aurait pu travailler jusqu’à l’âge de 70 ans. Ils soutiennent que son état de santé ne lui aurait pas permis de travailler au-delà de ses 65 ans.

 

[19]           Troisièmement, ils ne sont pas d’accord que l’espérance de vie du défunt aurait été de 13,89 années de plus, comme l’a établi Mme Gmeiner. Selon l’expert des défendeurs, l’espérance de vie du défunt ne pouvait être de plus de huit ans additionnels étant donné son mauvais état de santé.

 

[20]           Quatrièmement, les défendeurs contestent l’hypothèse que Tina Wilcox, la fille handicapée du défunt, ne décéderait pas au cours de la vie du défunt. L’opinion d’expertise médicale qu’ils ont obtenue établit l’espérance de vie de sa fille à seulement trois ans.

 

[21]           Cinquièmement, les défendeurs soutiennent que la portée des services de valeur effectués par le défunt à sa famille était exagérée. Ils soutiennent en particulier que les dommages-intérêts pour la perte de services de valeur devraient être considérablement dévalués étant donné que ce sont des professionnels engagés et payés par le gouvernement provincial qui aide Tina Wilcox.

 

[22]           Sixièmement, les défendeurs soutiennent que le revenu de Mme Wilcox a considérablement augmenté depuis 2005 et que, par conséquent, elle n’a pas subi de perte de soutien financier.

 

[23]           Je me penche maintenant sur la preuve invoquée par les parties, me penchant principalement sur les questions en litige soulevées par les défendeurs.

 

            (ii) Faits concernant la revendication de la perte pécuniaire

 

[24]           Huit témoins ont été convoqués par la demanderesse. Tous les témoins, à l’exception de Tina Wilcox, ont témoigné sur la relation qu’ils avaient avec le défunt, et la perte qu’ils ont subie à la suite de son décès. Mme Gmeiner a donné une preuve d’expert concernant la méthodologie qu’elle a utilisée pour préparer son rapport actuariel, l’information sur laquelle elle s’est appuyée, et les hypothèses qu’elle a faites. Pour soutenir les hypothèses soulignées dans le rapport, la demanderesse a convoqué le Dr Kenneth Melvin, un médecin et cardiologue, et le Dr Brian Craig, un médecin de famille, pour opiner sur l’état de santé et l’espérance de vie du défunt et de Tina Wilcox au moment de l’accident.

 

[25]           Les défendeurs ont convoqué quatre témoins en réponse : Janene Hickman, travailleuse sociale au ministère des Services familiaux et communautaires du Nouveau-Brunswick; Shirley Beaudry, aide aux soins personnels à domicile; Samuel LeBreton, un économiste de Service Canada et le Dr Andrew Ian Maugham Armstrong, un médecin et expert en matière de mortalité pour le secteur de l’assurance.

 

[26]           À l’exception de l’opinion d’expert du Dr Armstrong, qui était particulièrement contraire à celle des trois experts de la demanderesse, les faits présentés par les parties ne sont pas particulièrement litigieux. La crédibilité n’a pas été soulevée étant donné que les témoins ont témoigné de manière franche, sincère et directe, et aucun n’avait tendance à exagérer. J’expose ci-dessous un sommaire des faits pertinents distillés à partir du témoignage des témoins et des documents déposés avec le consentement des parties, suivi de mes conclusions sur les six questions principales soulevées par les défendeurs.

 

[27]           Au moment du décès du défunt, sa veuve à laquelle il avait été marié durant 37 ans, Patsy Ann Wilcox, ses filles Tina Wilcox et Tammy-Lynn Wilcox-Doiron, son fils Thomas Wilcox, sa sœur Mary Wilcox et son frère David Wilcox, lui survivaient.

 

[28]           Mme Wilcox a rencontré le défunt en 1966 et l’a épousé en 1967. Jusqu’au décès prématuré du défunt, ils ont maintenu une relation aimante et stable tout en élevant trois enfants. Leur relation est succinctement décrite par Mme Wilcox comme suit : [traduction] « Nous faisions juste ce que nous devions faire. Nous l’avons fait ensemble [...] Nous nous aimions l’un l’autre et nous travaillions juste ensemble à - à garder la famille ensemble et élever nos enfants à faire la différence entre le bien et le mal à d’être de bons travailleurs. »

 

[29]           Le défunt a quitté l’école à la septième année et a toujours été employé au cours de sa vie d’adulte. Soutien de la famille, il faisait surtout du travail d’ouvrier ou de construction, et faisait la cueillette des bleuets pendant la saison des bleuets. Bien que le défunt et Mme Wilcox aient eu du mal à gagner un revenu modeste, ils étaient fiers de pourvoir à toutes les nécessités de la vie pour leur famille. Mme Wilcox a témoigné que le défunt « travaillait toujours à quelque chose » et n’avait pas tendance à ne rien faire et se reposer.

 

[30]           En 2003, le défunt travaillait pour les producteurs de bleuets Hawkins Blueberry Farms et pour la manufacture Acadian Seaplants (Acadian). Il a décidé de quitter Acadian parce qu’il ne se sentait pas en sécurité en conduisant un tracteur. Toutefois, il s’est immédiatement remis sur pied et a trouvé du travail comme ouvrier pour Hanley sur le Miss Megan, pour lequel il recevrait 100 $ par jour. Au cours des trois années précédant son décès, le revenu annuel du défunt était relativement stable, atteignant approximativement une moyenne de 25 760 $.

 

[31]           Mme Wilcox était agente immobilière au moment de l’accident. Son revenu a beaucoup varié entre 2001 et 2004. En 2001, elle a déclaré une perte de 2 319 $. En 2002, son revenu s’élevait à 7 639 $, mais a chuté à 16 $ en 2003. En 2004, l’année de l’accident du défunt, elle a déclaré un revenu de 2 699 $. Pour arriver à joindre les deux bouts après le décès de son mari, Mme Wilcox a commencé à travailler à temps partiel pour 7 $ de l’heure au magasin Home Hardware. Elle travaille également à temps partiel pour 8,50 $ de l’heure comme gestionnaire de bureau au Complete Care Treatment Centre, une entreprise dont sa fille Tammy Wilcox est propriétaire. Son revenu annuel en 2005 était de 16 784 $.

 

[32]           En 2006, Mme Wilcox a commencé à recevoir un supplément de la Sécurité de la vieillesse de 1 000,17 $ et une pension de survivant de 394,88 $ par mois du Régime de Pension du Canada. Elle a gagné un revenu de travail de 14 700 $ et des commissions de vente immobilière de 3 500 $ bruts, desquels des dépenses seraient déduites.

 

[33]           Le défunt participait activement au maintien du foyer, en tondant le gazon, nettoyant le sous-sol et en effectuant des travaux généraux dans la maison. Il était également occupé à aider aux soins de sa fille aînée, Tina Wilcox. Tina Wilcox est née le 5 mai 1969, et est profondément handicapée, à la suite d’une radiothérapie qu’elle a reçue lorsqu’elle était petite après la découverte d’une tumeur au cerveau. Elle a toujours vécu à la maison, et demeure complètement dépendante de ses parents. Elle nécessite des soins 24 heures sur 24 par une personne qui a une formation de premiers soins. Plus précisément, elle a besoin d’aide pour manger (parce qu’elle peut s’étouffer facilement), pour enfiler son armature de jambe et ses souliers, et pour les soins dentaires.   

 

[34]           Le défunt emmenait régulièrement Tina Wilcox à l’école et aux rendez-vous chez le médecin et l’aidait à la maison, en particulier la nuit ou pour s’habiller. Il participait ensemble à des activités qui la rendaient très heureuse. Souvent, en soirée, le défunt et Tina Wilcox allaient se promener en voiture ensemble et s’arrêtaient pour manger une crème glacée.

 

[35]           Selon tous les témoignages, l’amour entre le père et la fille était intense. Malgré son âge, elle était la petite fille à papa. Selon tous les témoignages, son comportement a considérablement changé après le décès de son père. Elle est devenue plus réservée avec les membres de sa famille et prend maintenant beaucoup moins de plaisir à participer à des activités qu’elle aurait normalement faites avec son père.

 

[36]           La famille Wilcox a profité d’une aide fournie par le ministère provincial des Services familiaux et communautaires à l’intention de Tina Wilcox. Mme Hickman, gestionnaire ministérielle des services à domicile, a témoigné qu’avant et après son accident vasculaire cérébrale en 2000, Tina Wilcox a reçu les services d’un travailleur social 40 heures par semaine. Ce service a été fourni sans frais par le ministère.

 

[37]           Mme Beaudry, une ancienne employée de Vocational Plus, et qui était responsable des soins de Tina Wilcox, a fourni plus d’éléments de preuve concernant les services que Tina Wilcox a reçu. Elle allait parfois la chercher à l’école et la ramenait à la maison où elles effectuaient des activités, comme des exercices de diction. Mme Beaudry préparait également ses repas, lui donnait un bain et la mettait au lit au besoin. Cet appui s’est poursuivi après le décès du défunt jusqu’en août 2006 quand Mme Beaudry a cessé d’aider Tina Wilcox pour des raisons personnelles.

 

[38]           Au moment de l’accident, le défunt était légèrement obèse, faisait de l’hypertension et recevait des traitements pour un diagnostic de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Le défunt avait fumé des cigarettes pendant 42 ans avant d’arrêter en 1999 à la suite du conseil de son médecin. En 2002 et en 2003, le défunt se plaignait de douleur à la poitrine à son médecin.

 

[39]           Le Dr Kenneth Melvin, médecin et cardiologue à Toronto, a donné son opinion d’expert concernant la présence, l’absence ou la gravité de la BPCO et l’espérance de vie du défunt après consultation de son dossier médical. Le Dr Melvin a conclu que le défunt avait une athérosclérose légère à modérée, normale pour un homme de son âge. Ce diagnostic était cohérent avec l’obésité et l’hypertension du défunt, état que le médecin de famille, le Dr Craig, suivait adéquatement.

 

[40]           Selon les observations du Dr Craig et le rapport d’autopsie, le Dr Melvin a conclu qu’il n’y avait rien dans l’état de santé du défunt qui indiquerait que son espérance de vie serait considérablement différente de celle d’un Canadien moyen typique vivant au Nouveau-Brunswick.

 

[41]           Le Dr Melvin a opiné que, selon la prépondérance des probabilités, le défunt n’aurait pas de risque excessif de mourir d’une coronaropathie selon la comparaison favorable aux autres membres du même groupe par rapport à ce risque. Selon le Dr Melvin, le défunt avait, de plus, un risque calculé de 27 % sur dix ans de mourir d’une coronaropathie, selon l’échelle des risques de Framingham. Le Dr Melvin a décrit que le risque de mourir d’une coronaropathie était aussi au bas que la moyenne, ce qui est attendu d’un homme qui a une maladie légère à modérée, comme l’a prouvé l’autopsie. 

 

[42]           Le Dr Craig a pratiqué la médecine familiale à Saint John au Nouveau-Brunswick depuis 1984. Il a fourni la preuve experte concernant son diagnostic médical et le pronostique à la fois du défunt et de Tina Wilcox, qu’il a commencé à traiter en 1990. Il a témoigné que l’état de santé du défunt était tout à fait raisonnable pour un homme de 63 ans. Bien qu’il y eût quelques problèmes chroniques dans l’état de santé du défunt, le Dr Craig suivait ces problèmes et travaillait de près avec lui pour aborder les problèmes précis si et quand ils faisaient surface. À titre d’exemple, sur le conseil du Dr Craig, le défunt a cessé de fumer en 2001. 

 

[43]           Le Dr Craig a noté une « BPCO » et un « essoufflement à l’effort » au cours des examens médicaux du défunt. Le Dr Craig a indiqué que ces notes faisaient référence aux plaintes du défunt d’essoufflement à l’effort et un diagnostic de BPCO. Au contre-interrogatoire, les avocats pour les défendeurs ont suggéré que ces notes indiquaient qu’il y avait de graves inquiétudes concernant l’état de santé du défunt. Toutefois, le Dr Craig n’était pas d’accord avec cette caractérisation et a noté qu’il n’y avait aucune inquiétude importante et là où il y avait eu des préoccupations, elles avaient été traitées et suivies de manière appropriée. Il s’est avéré qu’un inhalateur était tout ce dont avait besoin le défunt pour régler ses problèmes respiratoires.

 

[44]           Dans l’ensemble, le Dr Craig était satisfait de voir une amélioration dans l’état de santé du défunt par rapport aux années précédentes. Il a noté que le poids du défunt, qui avait augmenté après qu’il ait arrêté de fumer, et aussi son hypertension étaient normaux pour un homme de son âge, et auraient besoin de suivi. Le rapport post-mortem a confirmé que le défunt ne souffrait que d’une athérosclérose légère à modérée et d’une légère hypertension avec une hypertrophie ventriculaire concentrique gauche, qui se retrouvent normalement chez un homme de son âge.

 

[45]           Le dossier médical de Tina Wilcox est long. À l’âge de deux ans, une tumeur cancéreuse au cerveau lui a été diagnostiquée et a été traitée par radiothérapie au cobalt. Au moment de son traitement, les conséquences de la radiothérapie au cobalt étaient inconnues, mais il a été découvert plus tard que ce traitement causait des dépôts de calcium. Le traitement, conçu pour détruire les cellules cancéreuses, détruisait également les cellules en santé environnantes. Étant donné son emplacement, la tumeur a également affecté son hypophyse et ses glandes produisant des hormones, affectant sa croissance et sa fonction cognitive.

 

[46]           Tina Wilcox a également souffert d’hydrocéphalie, une conséquence d’une enflure de son cerveau et de l’enflure des cavités ventriculaires de son cerveau. Cela a exigé plusieurs dérivations ventriculo-péritonéales pour contrôler l’enflure.

 

[47]           En 2000, Tina Wilcox a souffert d’un accident vasculaire cérébral. Le Dr Craig était d’avis qu’elle s’était substantiellement rétablie, toutefois elle avait toujours besoin de l’aide de ceux qui l’entourent. Elle a perdu les sensations dans la gorge de manière à ne plus être capable de savoir si elle a avalé ou non les aliments. Cela a causé plusieurs étouffements. La mobilité et les activités quotidiennes requièrent également beaucoup d’aide. L’accident vasculaire cérébral a affecté son équilibre et elle doit maintenant porter une armature et une chaussure à semelle élevée qu’elle ne peut enfiler sans aide. Sans l’armature, elle a besoin d’aide pour se déplacer et même avec l’armature, elle a besoin d’aide de quelqu’un lorsqu’elle est à l’extérieur. Elle a également besoin d’aide dans la salle de bain.

 

[48]           Malgré ces difficultés, Tina Wilcox a surmonté les attentes et s’est épanouie. Sa famille lui donne un rôle indépendant à la maison et elle participe à Vocational Plus, une école qu’elle fréquente quotidiennement et qui a été conçue pour les adultes handicapés. Le Dr Craig a particulièrement fait remarquer qu’elle a une motivation extrêmement forte, appuyée non seulement par les responsabilités que lui confère sa famille, mais également à cause de sa détermination personnelle.

 

[49]           Le Dr Andrew Armstrong, le médecin de famille de Toronto, a témoigné à la demande des défendeurs. Au cours des trente dernières années, le Dr Armstrong a travaillé à temps partiel dans le secteur de la médecine de l’assurance vie, concernant l’évaluation des taux de mortalité des demandeurs d’assurances. 

 

[50]           À partir de l’examen des notes du Dr Craig, le Dr Armstrong a conclu que le défunt avait pris considérablement du poids, et qu’il développait un essoufflement et des douleurs à la poitrine. Il a de plus noté que le défunt avait une hypertension qui n’était pas traitée. Dans son rapport, il a conclu que, si le défunt avait survécu, il ne lui resterait plus que huit ans à vivre au moment de son décès.

 

[51]           Le Dr Armstrong a conclu que Tina Wilcox avait une espérance de vie globale de 3 ans selon ce qu’il a observé comme étant un trouble neurologique important, une athérosclérose vasculaire, un accident vasculaire ischémique en 2000, une insuffisance cardiaque aiguë en 2006, tous associés au diabète et à l’obésité.

 

[52]           Mme Gmeiner a conclu qu’il n’y avait aucune preuve qui indiquait que l’espérance de vie du défunt et de Mme Wilcox serait différente respectivement de celle d’autres hommes ou femmes du même âge résidant au Canada. Par conséquent, en utilisant les Tableaux des données sur l’espérance de vie au Canada pour les hommes et les femmes comme tables sur lesquelles fonder ses calculs, elle a conclu que l’espérance de vie qui reste au couple à partir de la date d’évaluation du 1er mai 2007, si le défunt n’était pas décédé prématurément dans un accident, aurait été de 13,89 années.

 

[53]           En se penchant sur l’espérance de vie de Tina Wilcox, Mme Gmeiner a utilisé les taux de mortalités de Canadiennes du même âge sans ajustement. Elle a tenu compte du fait que Tina Wilcox venait de se rétablir assez bien de son accident vasculaire cérébral et qu’elle avait déjà survécu à l’espérance de vie projetée par divers médecins. 

 

(C) Dommages pécuniaires

 

(iii) Perte du soutien financier

 

[54]           Mme Gmeiner a fait un certain nombre d’hypothèses dans son rapport concernant le défunt et le revenu d’emploi de Mme Wilcox pour les besoins de calculer la perte du soutien financier de la famille survivante. Elle fait l’hypothèse que le revenu d’emploi du défunt aurait continué d’être stable et que le revenu familial aurait augmenté de 25 801 $ en 2004 à 32 200 $ en 2010, quand le défunt aurait atteint l’âge de 70 ans. L’augmentation sur les années est en grande partie attribuable à la qualification au Régime de Pension du Canada et aux prestations de sécurité de vieillesse. 

 

[55]           Les défendeurs suggèrent que j’accorde peu de poids aux hypothèses d’un rapport actuariel parce que, selon eux, Mme Gmeiner ne tient pas compte de l’obligation de Mme Wilcox à atténuer ses pertes suite au décès de son mari. Par conséquent, les défendeurs soutiennent que ses calculs ont été exagérés et peu fiables. Cependant, les défendeurs n’appuient pas cet argument avec leur propre rapport actuariel pour y refléter leurs calculs de remplacement.

 

[56]           En ce qui a trait à l’obligation d’atténuation, la preuve était que Mme Wilcox travaille à temps partiel au magasin Home Hardware, a travaillé comme réceptionniste et comme commis-comptable pour l’entreprise de massothérapie de sa fille. Les défendeurs laissent entendre que parce qu’après le décès de son mari Mme Wilcox a commencé à travailler à différents emplois pour remplacer la perte de revenu d’emploi de son mari, elle a atténué ses pertes, comme c’était son obligation de le faire, et tout montant gagné doit être déduit du montant qui lui sera adjugé.

 

[57]           L’avocat des défendeurs a cité les décisions qui soutiennent la proposition qu’une épouse a une obligation d’atténuer ses pertes au moment de la mort de son époux en cherchant un emploi; Baumgartner c Ripplinger, [1982] SJ no 625 et Cookson c Knowles, [1977] 2 All ER 820. L’avocat a également cité le paragraphe 74 de la décision de la Cour suprême du Canada dans Keizer c Hanna [1987] 2 SCR 342.

 

[58]           La jurisprudence citée ne soutient pas la position des défendeurs. Premièrement, dans Baumgartner c Ripplinger, le juge Maurice de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a noté qu’en Saskatchewan, il semble y avoir diverses approches à la question. Mais en l’espèce, le juge Maurice a soutenu que parce qu’une veuve n’a pas travaillé à l’extérieur de la maison avant le décès de son mari, son emploi subséquent n’était pas un facteur pertinent dans l’examen des dommages-intérêts.

 

[59]           Il a été suggéré que parce que Mme Wilcox touchait un revenu avant le décès de son mari, le précédent pouvait être écarté, et son travail devrait être un facteur pertinent auquel tenir compte. En toute déférence, je ne peux pas être d’accord. L’objet de dommages-intérêts en l’espèce est de restaurer la position financière qu’une personne à charge aurait occupée sans le décès (Keizer c Hanna aux pages 461 et 462). Cela est le cas en l’espèce, peu importe si la personne à charge avait un certain revenu avant le décès ou non.

 

[60]           De toute façon, parce que le juge Maurice n’a pas voulu tenir compte de la capacité antérieure à toucher un revenu de la personne à charge, il n’a jamais expliqué comment il serait possible d’en tenir compte. Par conséquent, le défendeur a suggéré que les commentaires suivants de Lord Denning dans Cookson c Knowles exigent que Mme Wilcox atténue ses pertes, réduisant ainsi ce auquel elle aurait droit à la suite du décès :

 

[traduction]

 

Il touchait à sa mort 1 820 livres par année. Son épouse était ménagère dans une école de Chipping 32 heures par semaine. Elle touchait 900 livres par année. Mais elle ne pouvait le faire sans l’aide de son époux. Il avait l’habitude de s’occuper de la chaudière, de nettoyer les fenêtres et autres tâches connexes. C’était du travail d’homme qu’elle ne pouvait pas faire. Après que son époux ait été tué, elle était incapable de trouver un autre homme sur place pour l’aider. Alors elle a dû abandonner son travail à l’école [...] le juge a conclu que, à cause du décès de son époux, sa capacité de toucher 920 avait été complètement détruite, mais nous ne croyons pas que la preuve soutient cette conclusion.

 

Considérant que l’époux aide l’épouse dans son travail, il était tout à fait légitime au juge de les considérer comme étant une opération conjointe. Il a pris les revenus conjoints de l’époux et de l’épouse et a calculé la dépendance comme étant deux tiers du total combiné. Il l’a considéré comme étant complètement perdu par son décès. Il semble ne pas avoir tenu compte de la capacité future de l’épouse à toucher un revenu. Nous ne pensons pas que cela était juste. Après son décès, elle a gardé sa capacité de toucher un revenu. Par son décès, les personnes à charge ont été privées de la contribution fournie par l’époux. Mais non pas la contribution de l’épouse. [Non souligné dans l’original.]

 

[61]           Cet extrait ne soutient pas la proposition qu’une épouse a l’obligation d’atténuation. Il confirme plutôt simplement que la capacité de toucher un revenu de l’épouse avant le décès doit être déduite du montant qui lui sera adjugé. Cela est cohérent avec l’objet des dommages pécuniaires qui doivent remettre la personne à charge au même endroit qu’il ou elle aurait été sans le décès.

 

[62]           Le rapport actuariel de Mme Gmeiner reflète précisément cette approche. Elle a tenu compte du faible revenu de Mme Wilcox de son travail comme agente immobilière qu’elle avait fait au cours des années précédant le décès de son mari, du travail qu’elle avait trouvé pour améliorer les finances de la famille. Mme Gmeiner n’avait pas besoin de faire de réduction malgré son nouvel emploi. En fait, le rapport de Mme Gmeiner représente un examen rigoureux, juste et professionnel des revenus de la famille Wilcox. Son témoignage était également professionnel et franc. La suggestion des défendeurs que Mme Gmeiner n’était pas un témoin fiable est sans aucun fondement.

 

(iv) Attentes en matière de travail

[63]           Mme Gmeiner se fondait sur l’hypothèse que le défunt aurait continué à travailler jusqu’à l’âge de 70 ans et aurait vécu jusqu’au même âge que vivrait un homme normal du Nouveau-Brunswick. Les défendeurs contestent ces hypothèses, suggérant que l’état de santé du défunt était mauvais, qu’il souffrait d’une maladie coronaire et qu’il n’aurait pas pu continuer à travailler.

 

[64]           Toutefois, selon tous les témoignages, le défunt était un homme motivé qui ne rebutait pas le travail manuel. Il n’avait ni économies ni régime de pensions qui lui auraient permis de prendre une retraite confortable. De plus, en raison de son sens du devoir à l’égard de sa famille, il aurait travaillé tant que sa santé le lui aurait permis. Je suis convaincu que le défunt aurait probablement continué à travailler jusqu’à l’âge de 70 ans et que son revenu d’emploi aurait été au moins à peu près équivalent à celui qu’il a gagné au cours des trois années précédant son décès. Mme Gmeiner avait donc raison de présumer que bien que l’âge normal de la retraite soit de 65 ans, le défunt aurait continué à travailler jusqu’à l’âge de 70 ans.

 

(v) L’espérance de vie du défunt

[65]           Il n’y a pas de science exacte pour prédire la mortalité. Toutefois, il y a des approches scientifiques utilisées par les actuaires, les économétriciens et les statisticiens, qui permettent de prévoir la mortalité. Tous les experts convoqués par la demanderesse ont conclu de manière cohérente que le défunt aurait probablement vécu jusqu’à l’âge de 75 ans. Le témoignage du Dr Armstrong est problématique pour un certain nombre de motifs, dont non le moindre, est l’approche adoptée pour rédiger son rapport. Le Dr Armstrong a admis qu’il a tenté d’établir l’espérance de vie à la fois du défunt et de Tina Wilcox du point de vue de l’assurance. En le faisant, l’intention fondamentale du rapport du Dr Armstrong est d’exposer le risque assurable d’un assuré potentiel, non un examen impartial de l’espérance de vie.

 

[66]           La conséquence de cette approche a été démontrée au cours du contre-interrogatoire de M. Armstrong, particulièrement au moment de discuter le contenu de son rapport concernant Tina Wilcox. Le Dr Armstrong a admis que plusieurs des problèmes dont il y fait mention, comme l’ostéoporose, ne sont pas des problèmes actuels, mais seulement des problèmes potentiels. Des problèmes de santé potentiels sont peut-être pertinents à un assureur, toutefois, ils n’aident pas la Cour à décider comment les problèmes de santé actuels d’un individu affecteraient son espérance de vie.

 

[67]           De plus, comme le révèle le témoignage du Dr Craig, bien qu’il ait noté des inquiétudes concernant l’essoufflement et les douleurs à la poitrine du défunt, il avait tenu compte de ces facteurs, mais ne croyait pas qu’à l’époque ils étaient assez graves pour s’en inquiéter sérieusement. Donc, le Dr Armstrong a donné aux notes du Dr Craig plus de poids qu’elles n’en méritent.

 

[68]           Par conséquent, je n’accorde aucun poids au rapport produit par le Dr Armstrong ni à ses opinions concernant l’espérance de vie du défunt et de Tina Wilcox.

 

[69]           Le défunt aurait physiquement été capable de continuer à travailler, et en effet, à vivre. Conséquemment, les deux parties ont fourni des témoignages de témoins experts afin d’établir l’espérance de vie du défunt. Je suis encore plus convaincu que Mme Gmeiner a correctement présumé que le défunt aurait vécu jusqu’à l’âge de 75 ans.

 

(vi) L’espérance de vie de Tina Wilcox

 

[70]           Le Dr Armstrong a opiné que l’espérance de vie de Tina Wilcox est d’environ trois ans à partir de la date de son rapport. Sa preuve n’était pas fiable, toutefois, à cause de l’approche déséquilibrée qu’il a prise pour examiner le risque de mortalité, biaisant ainsi les résultats. Il me reste les opinions de deux experts qui ont été convoqués par la demanderesse. L’opinion médicale du Dr Craig est que la force et la motivation de Tina Wilcox lui permettront de vivre encore plusieurs années à venir. Mme Gmeiner voit Tina Wilcox comme une survivante qui a été capable de surmonter des problèmes de santé très difficiles. En l’absence de preuve impartiale qui suggère le contraire, je suis convaincu que l’espérance de vie de Tina Wilcox n’est pas plus différente que celle des Canadiennes du même âge. Tina Wilcox a surmonté de nombreuses prédictions faites par des professionnels concernant son décès imminent depuis près de quatre décennies. Je conclus donc que l’espérance de vie de Tina Wilcox est beaucoup plus grande que celle de son père s’il avait vécu, soit 14 ans à partir de la date de l’accident.

 

(vii) Méthode appropriée de rajustement

[71]           Il reste la méthode de calcul que Mme Gmeiner a utilisée. Lorsque le défunt n’est pas le seul contributeur au revenu de la famille, une réduction doit être faite pour les dépenses personnelles du défunt. Afin de faire le calcul approprié, le rapport de Mme Gmeiner adopte deux approches afin d’y arriver, la méthode de la dépendance réciproque et la méthode de la dépendance unique modifiée.

 

[72]           Il n’y a pas de règle sans équivoque pour établir quelle méthode est appropriée dans une affaire donnée. À la place, les circonstances particulières de l’affaire dictent l’approche à adopter. En l’espèce, les calculs atteignent des résultats presque identiques, différenciés seulement par environ 10 000 $ dans le résultat. Néanmoins, je crois que la méthode de la dépendance réciproque est appropriée dans les circonstances en l’espèce.

 

[73]           Dans le cadre de la méthode de la dépendance réciproque, la perte de soutien financier est établie à 70 % du revenu net après impôts d’une unité familiale, moins le revenu après impôts du défunt ou de la défunte. Lorsqu’il y a trois enfants ou moins, la perte de soutien financier de chaque enfant est établie à 4 % du revenu net après impôts. Le résultat pratique de ce modèle provient de l’hypothèse que les dépenses personnelles du défunt constitueraient 26 % du revenu net après impôts de la famille avec un seul enfant à charge.

 

[74]           Utilisant la méthode de la dépendance unique modifiée, les calculs s’appuient sur l’hypothèse que le revenu net estimé pour l’époux survivant serait égal à 60 % de celui du défunt après impôts et autres déductions. Cela est équivalent à des dépenses personnelles du défunt de 36 % de son revenu net avec un enfant à charge.

 

[75]           Le juge Fraser de l’Alberta Court of Queen’s Bench, a noté un peu de jurisprudence sur la question, a effectué une discussion exhaustive sur la méthode appropriée à adopter dans Millott Estate c Reinhard, 2001 ABQC 1100. Il a conclu ce qui suit :

 

[traduction]

 

[245] Il y a peu de discussion à ce sujet dans la jurisprudence. Il y a plutôt des hypothèses implicites. Souvent, une cour ni ne discutera de la justification en détail ni n’utilisera les étiquettes. La différence se situe dans certaines jurisprudences qui appliquent un taux de dépendance au revenu de la famille (réciproque), tandis que certaines autres appliquent un taux de dépendance au revenu du défunt (unique). À l’occasion, une cour conclut que le taux de dépendance est un certain montant, puis y applique un taux inférieur (modifiée).

 

[…]

 

[255] Par conséquent, je réserverais la dépendance unique aux affaires dont l’unique soutien économique est le défunt. À mon avis, la dépendance unique est inappropriée pour les ménages à deux revenus. Un certain ajustement doit être fait au revenu du survivant, parce qu’il faut tenir compte de la valeur du gain financier du survivant dans la perte subie par le survivant de ne plus dépenser une portion du revenu du survivant pour le défunt.

 

[256] La méthode appropriée de rajustement (réciproque ou modifiée) dépend des circonstances. En général, l’approche modifiée s’applique quand il y a la preuve que le revenu du survivant est beaucoup plus élevé que celui du défunt (ce qui mènerait à un résultat absurde si la dépendance réciproque était utilisée), ou quand il y a la preuve que le défunt était extraordinairement frugal ou qui a l’esprit de sacrifice (comme dans Hechavarria [c Reale (2000] 51 OR (3d) 364]).

 

Le juge Fraser poursuit en appliquant la méthode de la dépendance réciproque à une situation dans laquelle le défunt contribuait au revenu de la famille à parts égales. Dans cette affaire, les époux contribuaient à parts égales à un compte conjoint à partir duquel les dépenses de la famille étaient payées.

 

[76]           En l’espèce, les circonstances sont toutes particulières. Le défunt était le soutien économique principal. Toutefois, Mme Wilcox a obtenu son permis d’agente immobilière et touchait à un revenu d’environ 3 000 $ avant le décès de son époux.

 

[77]           Bien que le défunt touchât un salaire beaucoup plus important que celui de Mme Wilcox, leurs revenus étaient utilisés conjointement au profit de toute la famille. Il est raisonnable de présumer que les deux époux profitaient à parts égales de tout le revenu net de la famille.

 

[78]           Comme il est indiqué dans MacNeil c Gillis :

[traduction]

 

[190] En règle générale, en l’absence de la preuve du contraire, dans des familles à deux revenus où les revenus sont réunis, chaque époux dépenserait environ 30 % du revenu net de la famille pour leur usage personnel respectif. Par conséquent, il est raisonnable que dans la plupart des cas une telle somme soit déduite du revenu net de l’époux défunt pour commencer à établir le montant de soutien que l’époux survivant a perdu.

 

[79]           En conséquence, la méthode de la dépendance réciproque devrait être adoptée pour établir les dommages-intérêts.

 

(viii) Perte de services de valeur

[80]           Mme Wilcox et Tina Wilcox ont également droit aux dommages-intérêts liés à la perte de services de valeur que fournissait le défunt avant son décès.

 

[81]           Concernant le soutien que fournissait le défunt au fonctionnement du ménage, le rapport de Mme Gmeiner a utilisé les moyennes générales fournies dans l’Aperçu sur l’emploi du temps des Canadiens en 1998, un rapport produit par Statistique Canada. Dans cette étude, Mme Gmeiner a noté que la moyenne de temps que les Canadiens consacrent aux tâches ménagères en 1998, sans compter les activités de soins aux enfants, était de 2,1 heures par jour, ou environ 764 heures par année. Mme Gmeiner a adopté ces chiffres, mais a réduit les heures de 20 % en présumant que le défunt passerait du temps sur certaines tâches à son profit.

 

[82]           À mon avis, cette approche est prudente et tout à fait raisonnable dans les circonstances, compte tenu de la preuve présentée à la Cour. Cette preuve suggère que la contribution du défunt n’était ni plus ni moins celle de l’homme moyen.

 

[83]           Selon une étude préparée par Statistique Canada, intitulée La valeur du travail ménager au Canada, 1992, Mme Gmeiner a également conclu que le coût de remplacement du travail ménager au Nouveau-Brunswick était de 9,87 $ l’heure, ou 12,33 $ en dollars de 2004, 12,47 $ en dollars de 2005, 12,82 $ en dollars de 2006, et 12,98 $ en dollars de 2007, une somme utilisée pour toutes les années suivantes jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 75 ans, quand il est présumé que s’il vivait toujours, le défunt aurait lui-même eu besoin d’aide. Encore une fois cette preuve est tout à fait raisonnable et tient compte de la preuve présentée à la Cour.

 

[84]           La perte de Tina Wilcox a été évaluée sur l’hypothèse que le défunt lui fournissait 20 heures d’aide chaque semaine, pour laquelle le coût de remplacement serait d’environ 13 $ l’heure. Mme Gmeiner a concédé que ce chiffre n’était pas nécessairement précis, puisqu’elle fondait sa décision sur l’information qui lui avait été fournie. Néanmoins, elle a noté que dépendant de la conclusion de la Cour, ce calcul pourrait être modifié facilement.

 

[85]           Il est difficile de calculer précisément combien d’heures de soins auxiliaires le défunt aurait continué à fournir à Tina Wilcox. Le montant de l’aide varierait en fonction des périodes pendant lesquelles M. Wilcox exercerait un emploi lucratif. Toutefois, la preuve des services qu’il fournissait avant son décès est le meilleur indicateur. Je suis convaincu que, en moyenne sur une année, M. Wilcox fournissait jusqu’à 20 heures de soins auxiliaires par semaine à Tina Wilcox. S’il n’y avait pas eu l’aide de professionnels fournie par la province, ce chiffre aurait été doublé, ou même triplé.

 

 

[86]           Un simple exemple démontre le caractère raisonnable de cette hypothèse, qui revient à moins de trois heures d’aide par jour. Un trajet simple chez le médecin lui-même, étant donné les handicapes de Tina Wilcox, aurait pu exiger plusieurs heures à lui seul. Le défunt aurait eu à la préparer pour le trajet, à la reconduire au rendez-vous, à l’aider pendant son rendez-vous, et à refaire les mêmes étapes pour leur retour.

 

(D) Dommages-intérêts pour les soins, les conseils et la compagnie

[87]           L’alinéa 6(3)a) de la Loi, prévoit une indemnité compensatoire à des membres précis de la famille pour la perte des conseils, des soins et de la compagnie la personne décédée aurait fourni, n’eût été son décès. La Loi ne prévoit pas de conseils sur le montant des dommages-intérêts qui pourraient être adjugés en vertu de cet alinéa. La méthode d’examen des dommages-intérêts et leur montant ne sont pas uniformisés parmi ces provinces.

 

[88]           Il y a eu deux approches concernant l’adjudication des dommages-intérêts pour la perte de soins, de conseils et de compagnie. Dans certaines provinces, une « adjudication conventionnelle » a été adoptée comme norme qui permet à la Cour qui évalue les dommages-intérêts de fournir un montant à payer aux survivants du défunt sans analyser et évaluer de manière approfondie la relation entre les parties et le défunt. D’autres provinces ont établi en jurisprudence une échelle de dommages-intérêts aux survivants d’un défunt sans preuve de la nature de la relation ou de leur droit.

 

[89]           Au Nouveau-Brunswick, où l’accident a eu lieu, le paragraphe 3(4) de la loi prévoit qu’un montant peut être adjugé pour que le parent d’un enfant puisse être indemnisé pour la perte de compagnie et un autre pour compenser le deuil souffert. Il n’y a aucune disposition, toutefois, pour qu’un demandeur puisse être indemnisé pour la perte d’un époux, ou pour compenser un enfant de la perte d’un parent. Ces pertes sont traitées en vertu des pertes pécuniaires.

 

[90]           Les dispositions législatives de la province de l’Ontario ressemblent de plus près à l’article 6 de la Loi, à la foi sur le plan de la forme et sur le plan de l’effet. Dans Augustus c Gosset, [1996] 3 RCS 268, la Cour suprême signale qu’elle accepte de procéder selon les circonstances propres à chaque cas, comme l’ont fait les cours de l’Ontario, pour évaluer de manière approfondie la preuve de chaque cas, et a rejeté une approche conventionnelle d’adjuger un montant dans les provinces où il n’y a pas de législation qui existe pour indiquer un montant. Il faut tenir compte de divers facteurs, dont les circonstances du décès, l’âge des défunts et des personnes à charge, la nature et la qualité de la relation entre les défunts et les personnes à charge, leur personnalité et leur capacité à gérer les conséquences du décès, et les effets du décès dans leur vie. Les affaires suivantes donnent un aperçu du processus d’analyse de la relation et des éléments qui donnent lieu à des dommages-intérêts adjugés en général.

 

[91]           Dans Stephen c Stawecki, [2006] CAO 199, La Cour d’appel de l’Ontario a fixé les dommages-intérêts pour la perte de soins, de conseils et de compagnie à 70 000 $ dans le cas où le défunt était en relation avec la demanderesse et qu’ils avaient vécu ensemble un certain temps avant le procès. En dépit du fait que les parties maintenaient des résidences séparées, le fait qu’ils cohabitaient dans une relation conjugale et qu’ils planifiaient le faire à long terme était suffisant pour que la Cour puisse adjuger un montant en vertu de la Loi.

 

[92]           Dans Hechavarria c Reale (2000) 51 O.R. (3d) 364 (OSCJ), une épouse de 53 ans et mère de trois enfants a été tuée quand un autobus scolaire que conduisait le défendeur a brûlé un feu rouge et est entré en collision avec son véhicule. La Cour a adjugé des dommages-intérêts pour la perte de soins, de conseils et de compagnie en plus de la perte de services ménagers, la perte de revenu et la perte passée et future des personnes à charge. Dans cette affaire, des dommages-intérêts généraux de 85 000 $ ont été adjugés à l’époux, des dommages-intérêts de 30 000 $ ont été adjugés à chacun de ses trois enfants âgés de 30, 27 et 22 ans, et des dommages-intérêts de 12 5000 $ ont été adjugés à chacune de ses sœurs.

 

[93]           Dans Fish c Shainhouse [2005] O.J. 4575 (OSCJ), la Cour de l’Ontario a fait une évaluation provisoire des dommages-intérêts. Après avoir conclu que la demanderesse et son mari avaient une relation proche et amoureuse et qu’ils auraient continué à l’être pour le reste de leur vie, la Cour a calculé une prestation de dommages-intérêts généraux de 80 000 $. De même, des dommages-intérêts de 80 000 $ ont été adjugés à un enfant à charge qui était anéanti par le décès de son père. Des dommages-intérêts de 50 000 $ ont été adjugés à une fille de 23 ans qui fréquentait l’université tout en habitant toujours chez ses parents et qui avait une relation proche avec son père. 25 000 $ ont même été adjugés à un enfant qui avait une relation difficile avec son père.

 

(ix) Patsy Ann Wilcox et Tina Wilcox

 

[94]           Le défunt John Wilcox était un homme tranquille, gentil et d’apparence simple. Il fournissait à la fois un soutien financier et une stabilité émotionnelle, et selon tous les témoignages, se consacrait à sa famille de manière désintéressée. Je trouve qu’une importance considérable doit être donnée aux mots « soins, conseils et compagnie » dans le contexte de sa famille, en particulier son épouse et Tina Wilcox.

 

[95]           L’avocat pour la demanderesse a soutenu que l’échelle appropriée des dommages-intérêts pour la perte de soins, de conseils et de compagnie de Mme Wilcox à la suite du décès de son époux devrait être de 75 000 $ à 100 000 $. Les défendeurs ont contesté que ses dommages-intérêts devraient être limités à 10 000 $. La preuve qui établit sans contradiction une longue relation amoureuse et proche entre le défunt et Mme Wilcox milite fortement en faveur d’une compensation plus élevée. La perte est survenue à un moment où la compagnie aurait été de première importance pour Mme Wilcox. Toutefois, l’âge avancé du couple exige que le montant soit en quelque sorte réduit. Tenant compte de la jurisprudence et du besoin de cohérence en droit, et le rajustement des dommages-intérêts adjugés entre autres affaires en tenant compte de l’inflation, je conclus qu’il serait approprié d’adjuger à Mme Wilcox des dommages-intérêts d’un montant de 75 000 $ pour la perte de soins, de conseils et de compagnie.

 

[96]           Les défendeurs soutiennent qu’un montant raisonnable pour la perte de soins, de conseils et de compagnie pour Tina Wilcox devrait être de 10 000 $ étant donné que les soins que le défunt a en fait prodigués n’étaient pas importants et que son espérance de vie était très réduite. Il était évident selon la preuve qu’il y avait un solide rapport entre le défunt et Tina Wilcox. La preuve indique qu’il était un bon père aimant. À cause de son handicap, elle dépendait des soins et de l’aide de sa famille, et beaucoup sur son père. Il est évident qu’elle ressent la perte profonde d’un individu avec qui elle était très proche. Elle a été profondément affectée par la perte de son père, devenant de moins en moins sociable et plus recluse. Une compensation importante est de mise. À mon avis, 75 000 $ est un montant juste et raisonnable pour compenser la perte de Tina Wilcox des soins, de la compagnie et des conseils de son père.

 

(x) Thomas Wilcox et Tammy-Lynn Wilcox-Doiron

[97]           Thomas Wilcox est le deuxième enfant du défunt et il travaille comme gérant adjoint à Acadian Seaplants. Il est revenu vivre chez ses parents à l’âge de 21 ans et habite gratuitement dans l’appartement en annexe tandis que lui et son épouse font des économies pour acheter leur propre maison. Tout en habitant dans l’appartement, il parlait à ses parents quotidiennement et à d’autres occasions, son père venait souvent voir son fils jouer au hockey. Il a également témoigné des passe-temps que lui et son père effectuaient régulièrement, comme jouer à la balle pendant les repas de famille, faire des promenades en voiture, prendre un café ensemble et s’entraider en général.

 

[98]           Tammy Wilcox, la plus jeune des trois enfants, dirige sa propre entreprise de massothérapie où elle travaille comme massothérapeute. Elle a expliqué que son père n’exprimait pas son affection de manière habituelle avec des baisers et des accolades. À la place, il montrait son affection pour ses enfants de manière évidente dans sa manière de taquiner ses enfants et de jouer avec eux, particulièrement avec Tina Wilcox.

 

[99]           La relation avec son père décrite par Tammy Wilcox est très typique. Elle allait voir ses parents au moins une fois par semaine et se présentait toujours aux occasions spéciales, comme le faisait Thomas Wilcox. Le défunt était toujours prêt à l’aider quand elle en avait besoin, et elle comptait sur lui pour des conseils.

 

[100]       Thomas Wilcox, dans ses propres mots, n’est pas « un parleur » et n’est pas quelqu’un qui a tendance à décrire sa relation avec son père en détail. Mais il est évident dans son témoignage que lui et son père jouissaient d’une relation proche. Tammy Wilcox jouissait également d’une relation proche semblable avec son père. Dans les circonstances, je pense qu’il est approprié d’adjuger à chacun 25 000 $ de dommages-intérêts pour la perte de soins, de compagnie et de conseils de leur père.

 

(xi) David et Mary Wilcox

[101]       David Wilcox est le frère du défunt, un enseignant à la retraite de Rothesay, à environ une heure de route de Pennfield. Comme son frère, David Wilcox est plutôt réservé et n’a pas tendance à exprimer ses émotions en public. David Wilcox a témoigné qu’il voyait son frère de temps en temps, se rendant visite occasionnellement à la maison ou pendant les fêtes. Je ne conclus pas que le manque de contact régulier entre les deux frères comme étant un éloignement. Cela témoigne plutôt leurs personnalités impassibles. Au cours des deux ou trois années avant son décès, après que David Wilcox ait pris sa retraite, les frères arrivaient à se voir plus souvent. 

 

[102]       Mary Wilcox, une journaliste-pigiste et professeur d’université à temps partiel à Halifax, est la sœur du défunt. Bien qu’elle n’habite plus au Nouveau-Brunswick comme ses deux frères, il est évident qu’elle a gardé un rapport étroit avec sa famille. Elle parlait régulièrement à son frère et rendait souvent visite à la famille à Pennfield.

 

[103]       À la fois David Wilcox et Mary Wilcox jouissaient d’une relation proche et chaleureuse avec leur frère. Ils ont perdu une personne importante, le premier de trois frères et sœurs. Dans les circonstances, je conclus qu’il est approprié d’adjuger à chacun d’eux des dommages-intérêts de 15 000 $ pour compenser leur perte de soins, de conseils et de compagnie de leur frère.

 

(E) Dépenses funéraires

[104]       Les demandeurs ont déposé la preuve du coût des funérailles et des annonces dans les journaux pour un total de 7 979,64 $. Je suis convaincu que cette somme déboursée est raisonnable dans les circonstances et remboursable en vertu de l’article 6 de la Loi.

 

Conclusion

 

[105]       Les hypothèses soulignées dans le rapport actuariel de Mme Gmeiner pour calculer les pertes financières de la famille Wilcox sont à mon avis prudentes et tout à fait raisonnables. Je suis également convaincu que les hypothèses concernant l’espérance de vie du défunt, de Mme Wilcox et de Tina Wilcox sont exactes. Selon la preuve présentée devant moi, je suis convaincu que les pertes pécuniaires calculées selon la méthode de la dépendance réciproque à partir du 1er mai 2007, le premier jour de l’audience, ont été établies selon la prépondérance des probabilités.

 

 

 

[106]       En fonction de ce qui précède, j’estime les dommages-intérêts contre les défendeurs aux montants suivants :

a) Perte du soutien pour Patsy Ann Wilcox

(i) Perte du soutien passé avec intérêts                            51 950 $

(ii) Perte du soutien financier futur avec intérêts              116 454 $

b) Perte du soutien pour Tina Wilcox

(i) Perte du soutien passé avec intérêts                                         3 480 $

(ii) Perte du soutien financier futur avec intérêts                10 763 $

c) Perte de services de valeur à la famille Wilcox

(i) Perte du service de valeur passé avec intérêts                          22 908 $

(ii) Perte du service de valeur futur avec intérêts                           45 147 $

d) Perte de service de valeur pour Tina Wilcox

(i) Perte du service de valeur passé avec intérêts                          40 081 $

(ii) Perte du service de valeur futur avec intérêts                           75 631 $

e) perte de soins, de conseils et de compagnie

            (i) Patsy Ann Wilcox                                                                   75 000 $       

(ii) Tina Marie Wilcox                                                     75 000 $

(iii) Tammy-Lynn Wilcox-Doiron                                                25 000 $

(iv) Thomas Wilcox                                                                    25 000 $

(v) David Leslie Wilcox                                                              15 000 $

(vi) Mary Eileen Wilcox                                                              15 000 $

f) Dépenses funéraires                                                                   7 979,64 $

 

[107]       J’estime que les parties s’entendront pour régler à l’amiable la question des intérêts avant et après jugement, ainsi que les dépens des procédures. Au cas où elles ne pourraient pas s’entendre, la demanderesse est instruite de déposer, dans les 10 jours, un projet de mémoire de frais de cinq pages au maximum, avec des exemplaires de toute autre offre de règlement faite par écrit. Les défendeurs doivent déposer leurs présentations en réponse, par écrit, de cinq pages au plus, dans les 10 jours suivant le dépôt de la demanderesse.

 

« Roger R. Lafrenière »

Protonotaire

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER : T-753-05

 

INTITULÉ :                                       PATSY ANN WILCOX c  LES PROPRIÉTAIRES ET AUTRES PERSONNES INTÉRESSÉES AU NAVIRE MISS MEGAN et GARY ROSS HANLEY

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE : Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE : 1er mai 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS : 

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Me James Crocco

Me Peter Crocco

 

Pour la demanderesse

 

Me Marco Clouthier

Me Remy Boudreau

 

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Crocco Hunter

Woodstock N-B

Pour la demanderesse

McInnis Cooper

Saint-Jean N-B

Pour les défendeurs

 

 

 

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