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Date : 20071009

Dossier : T-884-03

Référence : 2007 CF 1035

ENTRE :

MERCK & CO., INC. et

MERCK FROSST CANADA & CO.

demanderesses

 

et

 

APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

 

INTRODUCTION

[1]               Les présents motifs font suite à une audience tenue à Toronto, le 10 septembre 2007, au sujet d’une requête, présentée aux termes de l’article 414 des Règles des Cours fédérales[1] (les Règles), en vue d’obtenir la révision de l’adjudication des dépens relatifs à la demande sous‑jacente concernant un avis d’allégation de la défenderesse Apotex Inc. (Apotex) transmis à Merck Frosst Canada & Co. conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)[2]. Dans les présents motifs, les demanderesses sont désignées ensemble sous le nom de « Merck ».

 

[2]               L’article 414 des Règles est rédigé comme suit :

414.La partie qui n’est pas d’accord avec la taxation d’un officier taxateur, autre qu’un juge, peut demander à un juge de la Cour fédérale de la réviser en signifiant et déposant une requête à cet effet dans les 10 jours suivant la taxation.

414. A party who is dissatisfied with an assessment of an assessment officer who is not a judge may, within 10 days after the assessment, serve and file a notice of motion to request that a judge of the Federal Court review the award of costs.

 

CONTEXTE

[3]               La demande sous-jacente a été entendue par mon collègue le juge Mosley au cours de trois (3) journées d’audience tenues en avril 2005. Le juge Mosley a rejeté la demande avec dépens en faveur de la défenderesse Apotex. Dans ses motifs[3], le juge Mosley a écrit ce qui suit au sujet des dépens :

Apotex soutient que même si Merck était en droit de déposer sa demande, le fait que trois tribunaux de juridictions différentes se soient déjà penchés sur l=affaire est pertinent à la question des dépens, plus particulièrement à la suite de la décision de la Cour d=appel des États-Unis pour le circuit fédéral rendue en janvier de cette année. Apotex suggère que cela devrait faire passer l=échelle tarifaire de la colonne trois à la colonne cinq, étant donné que la plus grande partie de la préparation en vue de l=audience est survenue après cette décision. Je ne suis pas d=avis que cela soit une considération pertinente ou que l=augmentation de l=échelle tarifaire soit justifiée. L=adjudication des dépens devant la Cour ne devrait pas dépendre de l=issue de procès tenus à l=étranger.

 

Apotex a droit à ses dépens, calculés selon le tarif ordinaire. Il ne sera pas adjugé de dépens en faveur ou à l=encontre du défendeur le ministre de la Santé.

 

 

Pour des raisons évidentes, le ministre de la Santé n’a pas participé à la présente révision.

 

[4]               Sous pli accompagné d’un affidavit d’Andrew Brodkin, associé du cabinet Goodmans s.r.l., les avocats d’Apotex, Apotex a signifié et déposé un mémoire de dépens pour des frais et débours s’élevant à 831 900,50 $. M. Brodkin déclarait ce qui suit :

[traduction] En l’espèce, les parties avaient un différend au sujet de l’accès d’Apotex au marché canadien pour son produit, l’alendronate. Au moment des faits, les ventes annuelles d’alendronate représentaient près de 130 millions de dollars au Canada.

 

Par conséquent, compte tenu des sommes considérables en litige, les frais encourus par Apotex pour se défendre dans la présente instance étaient raisonnables et, en outre, Merck aurait dû prévoir qu’Apotex engagerait de tels coûts pour répondre de façon adéquate à ces questions.

 

Devant la Cour, l’avocat de Merck a soutenu que la taille du marché et, par conséquent, les aspects économiques sous‑jacents au litige, n’étaient pas des éléments qu’il convenait de prendre en considération dans la taxation des dépens. Je ne souscris pas à cet avis. Le paragraphe 400(3) des Règles énonce que, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en matière de dépens, la Cour peut tenir compte de toute une série de facteurs énumérés, dont « toute autre question qu’elle juge pertinente ». J’estime que la taille du marché est un de ces facteurs et qu’il était raisonnable que les demanderesses dans la présente instance s’attendent à ce qu’Apotex se défende avec détermination devant les tribunaux et que cela l’amène à encourir des frais importants.

 

[5]               La demande de dépens a été entendue par l’officier taxateur G.C. Robinson (l’officier taxateur) sur une période de deux (2) jours. Le 22 mars 2007, il a délivré un certificat de taxation qui attribuait à Apotex des dépens d’un montant de 605 575,78 $ pour les services taxables et les débours, comprenant la TPS applicable, payable par les demanderesses Merck à la défenderesse Apotex. L’officier taxateur Robinson a rédigé des motifs détaillés à l’appui de son certificat de taxation.

 

[6]               C’est cette taxation des dépens effectuée par l’officier taxateur qui, à la demande de Merck, fait l’objet de la présente révision. Les motifs de révision invoqués par Merck dans son avis de requête sont nombreux et résument les arguments présentés à la Cour pendant l’audience relative à cette révision. Ces motifs sont reproduits intégralement à l’annexe I des présents motifs.

 

PRINCIPES GÉNÉRAUX

[7]               La norme de contrôle applicable à la révision par la Cour de la taxation effectuée par un officier taxateur est bien établie. Dans Belemare c. Canada (Procureur général)[4], la juge Desjardins, s’exprimant au nom de la Cour, a écrit ce qui suit au paragraphe 3 :

La norme de contrôle applicable [dans une affaire semblable à celle dont est saisie la Cour] n=est pas contestée. Dans Wilson c. Canada […], la juge Dawson la formule ainsi :

 

La compétence de la Cour pour intervenir à l’égard de la décision d’un officier taxateur ne permet pas à la Cour de substituer son analyse des faits à celle de l’officier taxateur. Comme l’a noté le juge Joyal dans la décision Harbour Brick Co. c. Canada, la Cour ne peut intervenir que lorsqu’il y a eu une erreur de principe ou qu’on peut établir que le montant taxé est à ce point déraisonnable qu’il doit être attribuable à une erreur de principe.

 

[Souligné dans l’original; renvois omis.]

 

Ainsi, la norme de contrôle applicable à la décision d’un officier taxateur a deux volets : il s’agit de savoir, premièrement, si l’officier taxateur a commis une erreur de principe, et, deuxièmement, si le montant taxé est à ce point déraisonnable qu’il doit être attribuable à une erreur de principe.

 

[8]               L’avocat de Merck a soutenu devant la Cour qu’il est possible de tirer de la jurisprudence un principe, qu’il a décrit comme étant le « principe d’utilisation d’un point de référence ou d’une fourchette », et de l’appliquer à la révision des débours correspondants aux honoraires des experts, qui, d’après les faits de la présente espèce, représentent une partie très importante des débours d’Apotex.

 

[9]               Dans IBM Canada Ltd. c. Xerox of Canada Ltd.[5], la Cour d’appel avait reçu des affidavits portant essentiellement sur la même question de trois (3) procureurs des États‑Unis. La Cour d’appel a fait observer qu’une analyse des notes d’honoraires des déposants avait permis de constater qu’il y avait « […] une grande différence entre les heures consacrées à la recherche juridique et dans les tarifs horaires réclamés pour la recherche […] ». Le juge Urie, de la Section d’appel de la Cour fédérale du Canada, a écrit :

[…] Il nous reste donc à déterminer dans cet appel si l’administrateur de district a commis une erreur de principe en accordant les débours relatifs aux affidavits mentionnés ci‑dessus, sans tenir compte des différences considérables entre le montant des honoraires payés ou, en d’autres mots, en allouant lesdits débours simplement parce que ces montants avaient effectivement été payés, sans apparemment avoir été contestés par les intimées.

 

À mon avis, l’administrateur de district a commis deux erreurs. Premièrement, bien que de toute évidence il ait accepté le caractère essentiel des affidavits, il n’a pas étudié la qualité de la preuve soumise à l’appui de la prétention selon laquelle chaque débours était justifié en ce sens qu’il pouvait être exigé de la partie adverse à titre de débours raisonnable, aux fins de la taxation du mémoire de frais entre parties. La nature de la preuve soumise en l’espèce est insuffisante pour justifier ou expliquer la nécessité des différences considérables entre les emplois du temps et les honoraires réclamés (dans un des cas, quatre avocats avaient été consultés et avaient tous présenté des comptes différents).

 

Deuxièmement, vu la preuve insuffisante soumise en l’espèce, il était évident que le problème juridique posé à chaque déposant était identique, les seules différences consistant à déterminer comment les tribunaux fédéraux des États‑Unis, dans chacun de ces districts, appliquaient les mêmes dispositions du United States Code. Malgré cela, le fonctionnaire taxateur a accordé des montants très différents pour leurs opinions respectives. À mon avis, puisque les questions posées étaient très similaires, il y aurait dû au moins y avoir, en principe, un certain rapport entre les honoraires accordés à titre de paiement, pour être juste envers la partie adverse qui est tenue de les payer. […]

 

[10]           Les avocats de Merck soutiennent que le principe qui prévoit le recours à un point de référence ou à une fourchette est directement applicable en l’espèce, particulièrement à l’égard de l’expert d’Apotex, M. Robert Langer, même si son expertise était différente de celle des autres experts auxquels Apotex avait eu recours.

 

[11]           Dans Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd. et al.[6], la juge Reed a écrit ce qui suit aux paragraphes 20 et 21 de ses motifs :

 

[…]

De plus, alors que les montants versés par la demanderesse à MM. Robinson, De Luca et Carstensen sont du même ordre de grandeur, les frais de M. Langer semblent exorbitants. Ce dernier est une sommité dans son domaine et un excellent témoin – il présente son témoignage avec confiance et avec une grande simplicité, sans devenir manifestement hostile. Il a été le principal témoin expert de la demanderesse à l=instruction. Néanmoins, les frais dont un défendeur est tenu d=indemniser une partie adverse sont les frais raisonnables entraînés par le litige. Si une partie décide d=engager la « cadillac » des experts, la partie adverse qui succombe n=est pas tenue de l=indemniser de ses extravagances; […]

 

Je ne suis pas disposée à donner à l=officier taxateur des directives conformes à ce que sollicite la demanderesse. Dans le contexte de la présente affaire, il était excessif d=avoir quatre experts. Trois (deux comme témoins et un comme conseiller), cela pouvait se justifier. Le fait que les défenderesses n=aient appelé qu=un seul témoin expert est sans importance. Cette mesure peut s=accorder avec une décision qu=auraient prise les défenderesses de ne pas défendre vigoureusement l=action au procès. Elle peut aussi découler de la difficulté de trouver des experts disposés à soutenir la position qu=elles ont adoptée. Seuls les honoraires d=experts raisonnables et convenablement justifiés devraient être accordés. De plus, je considère qu=un taux horaire ou journalier qui dépasse celui réclamé par M. Robinson est excessif.

 

[…]

[Renvoi omis.]

 

M. Langer auquel la juge Reed fait référence est le même M. Langer qui a fourni un affidavit d’expert pour le compte d’Apotex en l’espèce.

 

[12]           On retrouve encore le principe du point de référence ou de la fourchette dans une décision récente de la juge Snider dans Laboratoires Servier c. Apotex Inc.[7], dans laquelle elle a écrit ce qui suit aux paragraphes 16 et 17 de ses motifs :

 

[…] Les demanderesses contestent également les honoraires d’expert de David Matthew (l’expert du R.‑U.).

 

Je considère qu’en recourant aux services de ces experts lors des requêtes, les défenderesses sont peut‑être allées plus loin que cela n’était raisonnable. Elles devraient par conséquent assumer une partie des frais de ces experts. Des honoraires d’expert de 97 907,58 $CAN [...] ont été versés à David Matthew […] Je conviens avec les demanderesses que le montant de ces honoraires d’expert paraît démesuré compte tenu de ceux qui ont été versés à Aidan Hollis, Stephen Cole, Philip Williams et Des Threlfall. Les demanderesses ne devraient pas avoir à assumer les frais de la « cadillac » des experts appelés à témoigner par les défenderesses. […]

 

[…]

[Non souligné dans l’original.]

 

[13]           La juge Snider appuie la conclusion susmentionnée sur le passage précité de la juge Reed.

 

[14]           Je reviendrai au principe du point de référence ou de la fourchette en traitant des débours demandés par Apotex relativement aux experts.

 

MOTIFS DE RÉVISION DES DÉPENS ADJUGÉS

[15]           Dans la partie qui suit, je suivrai, sauf exceptions, l’ordre des articles contestés par les demanderesses, reproduits à l’annexe I jointe aux présents motifs.

 

Les débours relatifs aux experts

[16]           Merck s’est fondée sur les affidavits de deux (2) experts au cours de l’instruction de la demande sous‑jacente qu’a examinée le juge Mosley. Par contre, Apotex s’est fondée sur les affidavits de sept (7) experts, même si l’expertise d’un, et peut‑être de deux, des « experts » d’Apotex était sujette à caution[8].

 

[17]           Dans ses motifs, le juge Mosley a formulé des commentaires au sujet des témoignages d’experts aux paragraphes suivants :

[40]         Au début de l’audition de la présente demande, Merck a présenté une nouvelle fois une requête en radiation des affidavits d=Apotex. Une première requête visant à radier les affidavits de MM. Tassone, Weissburg et Mazess a été tranchée par le protonotaire Lafrenière le 21 juin 2004. Celui‑ci a jugé que les conclusions recherchées étaient hâtives, en l=absence de circonstances spéciales, et que l’appréciation de la preuve devait être laissée au juge des demandes. La requête a été rejetée sous réserve du droit de Merck de demander la permission de produire une contre-preuve. La permission de produire une contre-preuve a été accordée dans une ordonnance subséquente du protonotaire rendue le 13 juillet 2004 et donnant ouverture au dépôt de l=affidavit de M. Devlin décrit ci-haut.

 

[41]         Merck a déposé une nouvelle requête le 6 avril 2005 qui visait à faire radier, outre les trois affidavits visés dans sa requête de juin 2004, les affidavits des Drs Langer et Mayersohn. J=ai rendu un jugement oralement sur la requête avant de procéder à l=audition de la demande quant au fond.

 

[42]         Merck a soutenu que la preuve par affidavit qu=elle conteste ne devrait pas être admise essentiellement pour les motifs suivants :

1.             les affiants d=Apotex ne possédaient pas les qualifications requises pour rendre un témoignage d=opinion sur les divers domaines de connaissance sur lesquels ils ont témoigné.

2.             La preuve déposée n=était pas pertinente à la disposition des questions dont la Cour est saisie dans la présente instance relative à l’AC.

 

[43]         Appliquant les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9, au paragraphe 17, soit : (a) la pertinence; (b) la nécessité d=aider le juge des faits; (c) l=absence de toute règle d=exclusion; et (d) la qualification suffisante de l=expert, j=ai conclu que la preuve d=opinion offerte par Apotex était admissible.

 

[44]         La pertinence est une exigence liminaire pour toute preuve. La preuve logiquement pertinente peut être exclue si sa valeur probante est surpassée par son effet préjudiciable, si elle exige un temps excessivement long qui est sans commune mesure avec sa valeur ou si son effet sur le juge des faits est disproportionné par rapport à sa fiabilité (Mohan, au paragraphe 18).

 

[45]         Pour être nécessaire, la preuve d’expert doit, selon toute vraisemblance, dépasser l’expérience et la connaissance d’un juge ou d’un jury et être évaluée à la lumière de la possibilité qu’elle fausse le processus de recherche des faits. La nécessité ne devrait pas être jugée selon une norme trop stricte. La preuve d’expert peut être exclue si elle contrevient à une règle d’exclusion de la preuve, distincte de la règle applicable à l’opinion elle‑même, telle la règle du ouï‑dire (Mohan, paragraphes 21 à 23).

 

[46]         Les experts potentiels ne sont pas tenus de posséder de titres de compétence particuliers afin de pouvoir être entendus comme experts par la Cour. Un témoignage d=opinion peut être rendu par un expert « dont on démontre qu’il ou elle a acquis des connaissances spéciales ou particulières grâce à des études ou à une expérience relatives aux questions visées dans son témoignage » (Mohan, paragraphe 27). Cela fait écho aux affirmations de la cour dans R. c. Marquard, [1993] 4 R.C.S. 223, au paragraphe 35, citant R. c. Beland, [1987] 2 R.C.S. 398, au paragraphe 16, à savoir que la seule condition est que « le témoin expert possède des connaissances et une expérience spéciales qui dépassent celles du juge des faits ».

 

[47]         Comme l’ont dit Sopinka, Lederman et Bryant dans The Law of Evidence in Canada (1992) aux pages 536 et 537 :

[traduction] L’admissibilité du témoignage [d’expert] ne dépend pas des moyens grâce auxquels cette compétence a été acquise. Tant qu’elle est convaincue que le témoin possède une expérience suffisante dans le domaine en question, la cour ne se demandera pas si cette compétence a été acquise à l’aide d’études spécifiques ou d’une formation pratique, bien que cela puisse avoir un effet sur le poids à accorder au témoignage.

 

[48]         En ce qui a trait aux Drs Langer et Mayersohn, Merck ne s=est pas opposée à leurs affidavits dans sa première requête. Merck soutient que l=insuffisance de leurs qualifications relativement aux questions en l’instance n’est devenue apparente que lors du contre‑interrogatoire. Merck s=oppose maintenant à l=admissibilité de leur témoignage au motif qu=ils ne sont pas des médecins et soutient que les questions sur lesquelles ils ont été appelés à témoigner comme experts, tel que Merck le décrit, portent uniquement sur les spécialités médicales de la gastroentérologie et de l=endocrinologie.

 

[49]         Je ne souscris pas à la thèse de Merck portant que l=on ait demandé à ces deux témoins de commenter des questions qui allaient au‑delà de leur expertise. Les qualifications pertinentes et impressionnantes du Dr Langer en font un expert de la technologie pharmaceutique relativement à la formulation de drogues, y compris le bisphosphonate. Son témoignage porte sur les questions de formulation et ne dépasse pas par conséquent son expertise en pharmacie.

 

[50]         Les qualifications du Dr Mayersohn sont à titre d=expert de la pharmacocinétique, la biopharmacie et la pharmacie. Son témoignage sur l=équivalence des doses de 70 et 80 mg d=alendronate en raison de la faible biodisponibilité du médicament n=a pas été soulevé lors du contre‑interrogatoire. Apotex s=est opposée à ce que Merck remette cette preuve en cause lors des représentations verbales au motif que cela contrevenait à la règle énoncée dans Browne c. Dunn (1893), 6 R. 67 (H.L.). J=ai été convaincu que ledit témoignage était tout à fait pertinent, non contredit et admissible.

 

[51]         L=affidavit du Dr Mazess décrit surtout des événements entourant la publication de son opinion sur l=alendronate dans le bulletin Lunar News produit par la société qu=il a fondée, laquelle fabrique et distribue des appareils servant à mesurer la densité minérale des os et qui sont employés pour le diagnostic et le traitement des maladies du squelette. Merck s=oppose à ce que le Dr Mazess puisse commenter le témoignage des Drs Papapoulos et Fennerty, vu qu=il n=est pas un médecin. Merck s=oppose également à la pertinence de son témoignage relativement aux rencontres et à la correspondance entre le Dr Mazess et les représentants de Merck portant sur les régimes posologiques des bisphosphonates. Enfin, elle soumet que ses écrits parus dans Lunar News parlent d’eux‑mêmes et qu=il ne devrait pas lui être permis d=en expliquer le sens.

 

[52]         Tout au long de sa carrière universitaire et dans le cadre de son entreprise, le Dr Mazess a acquis de vastes connaissances sur les maladies osseuses, notamment l=ostéoporose. Bien qu=il ne soit pas qualifié pour traiter les patients, cela ne l=empêche pas, selon moi, de commenter les thérapies applicables aux maladies osseuses. Il ressort du dossier que ses propos publiés dans Lunar News ont eu une influence importante dans le domaine tant pharmaceutique que clinique. Les Drs Papapoulos et Fennerty ont abondamment commenté ses écrits au cours de leurs témoignages. Il y a tout à fait lieu de croire, à mon avis, que les commentaires formulés par le Dr Mazess à l=égard de leurs témoignages pourraient aider à trancher les questions en litige.

 

[53]         En ce qui concerne le témoignage du docteur Mazess sur la correspondance et les rencontres avec le personnel de Merck, je suis convaincu qu=il était pertinent et admissible. Merck a raison de dire que ses écrits parus dans Lunar News doivent, en leur qualité d=éventuelles références d=antériorité, parler d’eux-mêmes. Toutefois, je suis également convaincu qu=il pouvait témoigner sur l=historique et le contexte de ces écrits. Par conséquent, son témoignage était admissible sous réserve de l’importance qu’il convient de lui accorder.

 

[54]         L=affidavit de M. Weissburg ne contient pas d=opinion d=expert mais décrit plutôt des événements et des déclarations relatées émanant d=autrui. Apotex se fonde sur ces déclarations non pas en raison de leur véracité mais parce qu=elles ont été faites. Comme la Cour suprême du Canada l=a décidé dans R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531, et comme nombre de tribunaux l=ont appliqué par la suite aux affaires civiles, le ouï-dire n=est pas inadmissible lorsqu=il est considéré crédible et digne de foi : […] J’ai admis cette preuve dans le but précis d=établir que certains événements se sont produits et que des déclarations ont été faites et non pour la véracité de leur contenu.


[55]         Des copies de documents déposés par la défenderesse dans l=instance qui s=est déroulée devant la cour de district des États-Unis ont été jointes à l=affidavit de M. Tassone. Apotex cherchait ainsi en partie à réfuter les témoignages des Drs Papapoulos et Fennerty suivant lesquels les antériorités incluses dans l=avis d=allégation n’auraient pu servir à démontrer le caractère sécuritaire de l=administration de doses élevées d=alendronate aux patients ostéoporotiques. On retrouve, jointe à l=affidavit de M. Tassone, la demande déposée par Merck auprès de la United States Federal Drug Administration (la FDA) visant à obtenir l=approbation de la posologie de 70 mg de FOSAMAX7, ce qui signifie que Merck s=est fondée sur les mêmes antériorités pour démontrer qu=une telle dose était sûre et efficace.

 

[…]

 

[64]         La preuve d=expert présentée à la Cour devrait être B et perçue comme telle B le produit indépendant de l=expert ne subissant aucune influence de forme ou de fond dictée par les exigences du déroulement de l’instance : Whitehouse c. Jordan [1981] 1 All ER 267 (H.L.), à la p. 276. Je n=ai peine à conclure, à la lecture de la preuve soumise, qu’il faut préférer la preuve d=Apotex dans la mesure où les témoins de Merck et ceux d=Apotex se contredisent. Bien que le Dr Papapoulos soit une sommité dans son domaine, son témoignage m’est apparu, pour reprendre les termes du juge Jacob lors du procès au Royaume-Uni, [traduction] « rigide » et « extrême » lorsqu=on l’a confronté lors du contre-interrogatoire à des antériorités incompatibles avec la thèse de Merck. En ce qui a trait au Dr Fennerty, il est ressorti de la truculence avec laquelle il a répondu aux questions lors du contre-interrogatoire qu=il avait franchi le pas entre l=indépendance et la ligne partisane. J=ai accordé peu de poids à son témoignage.

 

[…]

 

[110]       Tel que mentionné précédemment, j=ai préféré la version des témoins d=Apotex. […]

[Quelques renvois omis.]

 

Le juge Mosley a ainsi conclu que les témoignages des experts d’Apotex étaient admissibles et devaient être préférés à ceux des experts de Merck en cas de conflit. D’après les documents présentés à l’officier taxateur et à la Cour, les témoins experts de Merck (la Dre Compston, M. Mazess, M. Weissburg, M. Mayersohn et le DMarkowitz) ont eu besoin en moyenne de soixante-trois (63) heures pour préparer leur preuve et ont été indemnisés à des taux horaires variant entre 354 $ et 781 $, pour un taux moyen de 484 $. Par contraste, M. Langer affirme avoir consacré avec son associé M. Lipp plus de quatre cent cinquante (450) heures à la préparation de son affidavit d’expert, heures qu’il a facturées à un taux horaire de 1 389 $ pour lui et de 266,24 $ pour M. Lipp. Il n’est guère surprenant que les avocats de Merck se soient tout particulièrement insurgés contre les frais réclamés par Apotex pour M. Langer et son associé.

 

[18]           Dans l’annexe jointe aux présents motifs, l’avocat de Merck fait des commentaires généraux sur les montants accordés par l’officier taxateur à titre d’honoraires d’expert, au paragraphe 8, sous‑alinéas 9(i) à (iii), et au paragraphe 15.

 

[19]           D’une façon générale, Merck allègue, tant dans les observations écrites présentées à la Cour que dans les plaidoiries des avocats faites à l’audience, que les honoraires des témoins réclamés par Apotex ne sont pas justifiés et ne sont pas raisonnables. En résumé, au paragraphe 47 des observations écrites de l’avocat, on peut lire ce qui suit :

[traduction] Dans la présente affaire, l’officier taxateur a autorisé Apotex à recouvrer plus de 410 000 $ d’honoraires pour les sept témoins et un non-témoin sans avoir correctement examiné le caractère raisonnable de tous ces débours. De plus, l’officier taxateur s’est fondé à tort sur l’affidavit de l’avocat d’Apotex et n’a pas tenu compte des nombreuses duplications constatées dans les éléments de preuve déposés par Apotex. Pour cette raison, les demanderesses soutiennent que les dépens adjugés à l’égard des honoraires des témoins devraient être annulés.

[Souligné dans l’original.]

 

[20]           L’officier taxateur a écrit ce qui suit au paragraphe 65 de ses motifs :

 

[65]  La défenderesse Apotex a réclamé 26 217,14 $ pour les honoraires d’expert de Juliet Compston, 16 612,42 $ pour les honoraires d’expert de Richard Mazess, 37 214,62 $ pour les honoraires d’expert de David Markowitz et 64 027,27 $ $ pour les honoraires d’expert de Michael Mayersohn. J’ai corrigé la facture totale concernant David Markowitz et indiqué 38 214,62 $, puisqu’il semble que la défenderesse Apotex a fait une simple erreur de calcul. Les demanderesses Merck ont indiqué que les montants facturés pour Michael Mayersohn ne correspondent pas au montant total facturé que la défenderesse Apotex réclame pour ce débours, ce qui, d’après elles, justifie la réduction de ces honoraires d’expert. À l’onglet 2 de l’affidavit d’Andrew R. Brodkin, souscrit le 7 mars 2006, j’ai trouvé une facture du cabinet d’avocats d’Ivor M. Hughes, en date du 9 juin 2004, laquelle comportait un montant de débours de 23 772,20 $ en dollars canadiens pour les « Honoraires professionnels (Michael Mayersohn) ». Comme l’a mentionné la défenderesse Apotex au paragraphe 58 de ses observations écrites en réponse, [traduction] « les factures produites par Apotex sont celles qui se trouvaient en sa possession au moment où elle a signifié ses pièces justificatives aux demanderesses relativement à la présente taxation ». J’estime qu’il s’agit d’une explication raisonnable et j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour accepter les déclarations de la défenderesse Apotex. J’ai également corrigé et réduit le montant total facturé pour Michael Mayersohn et j’ai inscrit 63 997,27 $, puisqu’il me semble que la défenderesse Apotex a commis une erreur de calcul lorsqu’elle a additionné toutes les factures connexes.

 

[21]           Je vais maintenant examiner les débours relatifs aux honoraires pour chacun des experts ayant souscrit un affidavit pour le compte d’Apotex.

 

M. David Weissburg

[22]           Dans ses motifs à l’appui de sa taxation des dépens, l’officier taxateur a écrit ce qui suit aux paragraphes 63 et 64 :

[63]  La défenderesse Apotex a réclamé 28 236,46 $ pour les honoraires d’expert du Dr David Weissburg. Je reprends maintenant quelques questions soulevées par les demanderesses Merck, plus haut au paragraphe [16], au sujet de l’affidavit de David Weissburg, souscrit le 12 mai 2004, lequel n’a que cinq pages. Les demanderesses Merck invoquent également les motifs de l’ordonnance et ordonnance rendus le 26 mai 2005 dans le cadre de la présente procédure où la Cour a dit que « l’affidavit [...] ne contient pas d’opinion d’expert mais décrit plutôt des événements et des déclarations émanant d’autrui ». De plus, les demanderesses Merck soutiennent que les factures du Dr Weissburg ne contiennent pas beaucoup de précisions en ce qui concerne le « temps de consultation » consacré par ce spécialiste. Elles affirment, au paragraphe 89 de leurs observations écrites, que ce [traduction] « type de « déclaration générale » ne constitue pas une preuve suffisante pour justifier les honoraires des experts » et elles invoquent la décision AlliedSignal, précitée, au paragraphe 47 :

 

[47]  … Il s’agit de l’obligation de présenter une preuve suffisante ou raisonnable pour convaincre l’officier taxateur que les frais ont été engagés. Tout devient ensuite une question de degré de la preuve. Une déclaration générale semblable à celle que le juge Teitelbaum a critiquée dans l’affaire Diversified et qui a également été commentée dans l’arrêt F‑C Research Institute ne suffirait pas à convaincre un officier taxateur. De la même façon, une preuve absolue et détaillée ne constitue pas une condition indispensable à respecter pour qu’un montant puisse être accordé. Comme l’officier taxateur Stinson l’a dit à maintes reprises, plus la preuve est détaillée, moins le résultat sera lié au pouvoir discrétionnaire de l’officier taxateur, mais cela ne signifie pas que celui‑ci ne peut invoquer son pouvoir discrétionnaire pour rendre une décision en l’absence d’une preuve convaincante.

 

[64]         Ainsi que je l’ai indiqué plus haut au paragraphe [18], la Cour fédérale a permis que l’affidavit de David Weissburg soit déposé à des fins précises, même si les demanderesses Merck ont présenté des requêtes afin d’obtenir la radiation de cet affidavit et de plusieurs autres affidavits de la défenderesse Apotex. Les factures de David Weissburg versées comme pièce C de l’affidavit d’Andrew R. Brodkin, souscrit le 7 mars 2006, indiquent plusieurs périodes (p. ex. « 14FEV04 – 31MAI04 »), ainsi que les heures précises, au cours de chacune de ces périodes, pendant lesquelles David Weissburg déclare avoir travaillé dans le cadre de la présente affaire; elles indiquent également plusieurs dépenses. Bien que les factures ne comportent aucune « preuve absolue et détaillée » ainsi qu’il est indiqué dans la décision AlliedSignal, précitée, je suis convaincu que la défenderesse Apotex a effectivement engagé ces dépenses. Pour ces motifs et compte tenu de l’avis énoncé dans la décision Dableh, précitée, dont il est question au paragraphe [62], j’exerce mon pouvoir discrétionnaire et j’accorde pour ces débours 28 236,46 $, plus la TPS.

 

 

 

Dans le passage qui précède,  la référence à « AlliedSignal » se rapporte à la décision AlliedSignal Inc. c. Dupont Canada Inc. et al.[9]. La référence à « Dableh » se rapporte à l’affaire Dableh c. Ontario Hydro[10].

 

[23]           L’avocat de Merck exhorte la Cour de conclure que l’officier taxateur a commis une erreur de principe en accordant ces débours sans examiner de façon appropriée leur caractère raisonnable et en autorisant Apotex à recouvrer ces débours en l’absence de preuve établissant leur caractère raisonnable, mais j’arrive à une conclusion différente. La décision de l’officier taxateur d’accorder à titre de débours le montant réclamé par M. Weissburg est conforme aux principes qui régissent l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et n’était certainement pas à ce point déraisonnable qu’elle « doit être attribuable à un erreur de principe ».

 

M. Michael Mayersohn

[24]           Pour plus de commodité, je reproduis ici les commentaires formulés par le juge Mosley au paragraphe 50 de ses motifs :

[50]         Les qualifications du Dr Mayersohn sont à titre d=expert de la pharmacocinétique, la biopharmacie et la pharmacie. Son témoignage sur l=équivalence des doses de 70 et 80 mg d=alendronate en raison de la faible biodisponibilité du médicament n=a pas été soulevé lors du contre‑interrogatoire. Apotex s=est opposée à ce que Merck remette cette preuve en cause lors des représentations verbales au motif que cela contrevenait à la règle énoncée dans Browne c. Dunn […]. J=ai été convaincu que ledit témoignage était tout à fait pertinent, non contredit et admissible.

[Renvoi omis; non souligné dans l’original.]

 

 

 

[25]           L’avocat de Merck soutient que l’officier taxateur a commis une erreur de principe en autorisant les débours demandés relativement à M. Mayersohn qui n’étaient pas appuyés par des notes d’honoraires. L’officier taxateur a répondu à l’observation de Merck en faisant observer qu’il avait découvert une note d’honoraires, qui n’avait pas été identifiée antérieurement, à laquelle il est fait référence dans la citation reproduite au paragraphe 20 ci‑dessus. La note d’honoraires ultérieurement découverte n’apporte pas une réponse complète à l’observation de l’avocat, mais elle y répond en grande partie et il est tout à fait possible que la différence qui persiste soit attribuable aux taux de change applicables aux devises canadiennes et américaines.

 

[26]           Je suis convaincu que, dans la taxation des débours concernant M. Mayersohn, l’officier taxateur n’a pas commis d’erreur de principe ni taxé un montant à ce point déraisonnable qu’il doit être attribuable à une erreur de principe.

 

Dre Compston, M. Mazess et Dr Markowitz

[27]           L’officier taxateur a autorisé Apotex à recouvrer des débours de 26 217,14 $ pour la Dre Compston, 16 612,42 $ pour M. Mazess et 38 214,62 $ pour le DMarkowitz. Il conclut de la façon suivante au paragraphe 67 de ses motifs :

[…]

Les demanderesses Merck ont avancé plusieurs arguments nouveaux pour établir que les honoraires d’expert de la défenderesse Apotex n’étaient pas raisonnables, mais je ne leur ai accordé que peu de poids. J’ai préféré me fier au fait que la Cour fédérale a autorisé la défenderesse Apotex à déposer certains éléments de preuve et qu’elle a déclaré s’être fondée sur ceux-ci, comme il ressort du paragraphe 64 des motifs de l’ordonnance et ordonnance du 26 mai 2005 dans la présente procédure […] .

 

 

[28]           Là encore, je conclus qu’il était tout à fait loisible à l’officier taxateur de prendre, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, les décisions qu’il a prises.

 

Franco A. Tassone

[29]           M. Tassone et son rôle sont décrits de la façon suivante au paragraphe 37 des motifs du juge Mosley :

[…] employé de Parcels Inc., le service de copie de la cour de district des États-Unis pour le district du Delaware. On lui a demandé d=obtenir des copies accessibles au public des documents se rapportant au procès aux É.‑U. dans l’affaire Merck & Co., Inc. c. Teva Pharmaceuticals USA, Inc., précitée, et il les a jointes à son affidavit.

 

Il est difficile de conclure de ces explications qu’il avait la qualité d’expert.

 

[30]           L’officier taxateur a écrit ce qui suit au paragraphe 51 de ses motifs :

La défenderesse Apotex a réclamé 3 501,53 $ dans son mémoire de dépens pour les honoraires de l’expert Franco Tassone, outre les honoraires d’avocat taxables que j’ai examinés et accordés plus haut aux paragraphes [13] à [15]. Les demanderesses Merck font valoir, au paragraphe 100 de leurs observations écrites, que [traduction] « les honoraires des experts ne sont pas recouvrables lorsque le juge de première instance conclut que le rapport est « tout à fait inutile ou son contenu inutilisable » ». À l’appui de cet argument, les demanderesses Merck invoquent la décision John A. Carruthers c. La Reine, […] :

[…] Lorsque des experts sont cités par les deux parties et qu’ils expriment des opinions divergentes, la Cour doit opter pour l’une d’elles à moins qu’elle ne décide de rejeter les deux et de leur substituer sa propre opinion en se fondant sur les éléments de preuve; mais ce n’est pas parce que le rapport d’un expert est rejeté ou qu’il n’est pas accepté intégralement que celui‑ci ne peut être remboursé des frais qu’il a faits pour la préparation de son expertise, à moins que la Cour ne conclue que la demande d’un tel rapport était tout à fait inutile ou son contenu inutilisable. […]

 

Comme la Cour fédérale a statué que la plus grande partie des éléments de preuve joints à l’affidavit de Frank Tassone étaient « inutiles » et a conclu à leur « inadmissibilité », j’estime que la défenderesse Apotex ne devrait pas avoir le droit de réclamer l’intégralité des honoraires des experts. Pour ces motifs et compte tenu du principe énoncé dans l’arrêt Grace M. Carlile, précité, selon lequel « il serait absurde de n’accorder aucun montant », j’exerce mon pouvoir discrétionnaire et j’accorde un montant réduit de 500 $ pour les honoraires d’expert de Frank Tassone.

[Renvoi omis.]

 

 

[31]           L’officier taxateur a lui-même fait observer au paragraphe [12] de ses motifs que le juge Mosley avait conclu, aux paragraphes [60] et [61] de ces mêmes motifs, qu’il était inapproprié de la part d’Apotex de verser en preuve l’affidavit de M. Tassone, qu’Apotex n’avait pas fait de véritable effort pour expliquer en quoi la plupart des documents joints à cet affidavit étaient pertinents et admissibles et qu’il était inutile et excessif de « déverser » en l’instance les éléments de preuve déposés dans le cadre du procès américain par le biais de l’affidavit de M. Tassone. Il a conclu que la plupart des éléments de preuve contenus dans l’affidavit de M. Tassone étaient inadmissibles et il a vigoureusement découragé « la répétition d’une telle pratique ».

 

[32]           Compte tenu des commentaires du juge Mosley, j’estime que l’officier taxateur a commis une erreur en se fondant dans ce contexte sur la décision Carlile c. Canada (Ministre du Revenu national)[11] rendue par autre officier taxateur et que le montant autorisé pour les débours concernant M. Tassone est à ce point déraisonnable qu’il doit être attribuable à une erreur de principe. Par conséquent, je suis d’avis de ramener de 500 $ à zéro les frais taxés à cet égard.

 

M. Robert S. Langer et son associé M. Michael Lipp

[33]           Jusqu’à ce que le mémoire de dépens d’Apotex lui ait été remis, le juge Mosley ignorait, tout comme l’avocat de Merck, l’existence de M. Lipp ainsi que son rôle d’assistant de M. Langer. M. Lipp n’a pas déposé d’affidavit d’expert et n’a donc pas été contre‑interrogé.

 

[34]           Comme cela a été précédemment mentionné dans les présents motifs, les heures réclamées par M. Langer pour la préparation de son affidavit dépassaient largement les heures réclamées par les autres experts d’Apotex et leur nombre n’était inférieur qu’à celui des heures réclamées par son associé, M. Lipp. De plus, M. Langer réclamait un taux horaire qui était largement supérieur à celui des autres experts d’Apotex, tandis que le taux réclamé par M. Lipp était inférieur à celui des experts qui avaient eux‑mêmes déposé des affidavits.

 

[35]           Dans ses motifs, l’officier taxateur a examiné en détail la réclamation relative aux honoraires d’expert de MM. Langer et Lipp. Les paragraphes pertinents des motifs de l’officier taxateur, les paragraphes 52 à 62, sont reproduits intégralement à l’annexe II jointe aux présents motifs. Il y a lieu de noter que l’officier taxateur mentionne « […] les doutes soulevés par les demanderesses Merck au sujet du nombre d’heures que le DLanger et le DLipp ont consacrées à la préparation d’un affidavit d’expert […] », mais il n’aborde pas véritablement cette question. Il diminue le taux horaire de M. Langer en se fondant sur le principe « du point de référence ou de la fourchette » et sur un point de référence autre que celui préconisé par les demanderesses, mais il ne procède pas à une analyse équivalente à l’égard du nombre d’heures consacrées à la recherche et à la préparation de l’affidavit de M. Langer et ne consent pas de réduction d’heures ni ne motive son refus d’accorder une telle réduction. Ce refus de consentir la réduction demandée figure au paragraphe [55] des motifs de l’officier taxateur reproduit à l’annexe II, où l’officier taxateur rejette la réduction des honoraires de MM. Langer et Lipp proposée par les demanderesses qui aurait ramené ces honoraires à 19 600 $ au motif qu’il ne se sent « […] pas à l’aise avec cette proposition pour la simple raison qu’elle [lui] apparaît comme une méthode très arbitraire pour déterminer les honoraires des experts […] ».

 

[36]           En toute déférence, je conclus que le rejet arbitraire de l’officier taxateur de consentir à une réduction du nombre d’heures consacrées par M. Langer lui‑même et par M. Lipp à l’élaboration de l’affidavit d’expert de M. Langer constitue une erreur de principe ou un élément de sa taxation qui est « à ce point déraisonnable qu’il doit être attribuable à une erreur de principe ».

 

[37]           Substituant mon pouvoir discrétionnaire à celui qu’a exercé l’officier taxateur, appliquant le « principe du point de référence et de la fourchette » au nombre des heures réclamées par MM. Langer et Lipp multiplié par les taux horaires acceptés par l’officier taxateur et adoptant le point de référence ou la fourchette proposés par Merck, je conclus que les débours modifiés et autorisés par l’officier taxateur à l’égard de MM. Langer et Lipp devraient être encore réduits et passer de 237 696 $ à 31 785 $ plus la TPS. Cela représente trente et une (31) heures pour M. Langer et trente‑deux (32) heures pour M. Lipp, la proportion des heures autorisées respectivement pour chacun correspondant à peu près à celle des heures réclamées par ces deux experts et le nombre d’heures autorisées totalisant soixante‑trois (63) heures, soit le nombre d’heures moyen réclamé par les autres experts d’Apotex, à des taux de 694 $ et 320 $ respectivement, à savoir les taux qui ont été adoptés par l’officier taxateur. La réduction nette des débours taxés à la suite de cette modification est, d’après mes calculs, de 205 911 $.

 

[38]           Les demanderesses ont invité la Cour à réduire encore les débours relatifs aux honoraires de MM. Langer et Lipp, mais j’estime que les motifs de l’officier taxateur ne contiennent aucune erreur susceptible de révision qui justifierait une autre réduction.

 

Les débours relatifs aux antériorités

[39]           L’avocat de Merck soutient que l’officier taxateur a commis une erreur lorsqu’il a accordé à Apotex un montant de 7 205,51 $ pour les débours liés à la constitution d’un dossier des antériorités. Merck soutient que l’officier taxateur n’a pas tenu compte des preuves non contestées présentées par Merck établissant qu’il s’agit là d’une duplication déraisonnable de frais.

 

[40]           L’officier taxateur a résumé les observations des demanderesses sur ce point au paragraphe [37] de ses motifs et la réponse d’Apotex au paragraphe [38] de ces motifs. Au paragraphe [39], l’officier taxateur cite les termes du paragraphe 1(4) du tarif B des Règles des Cours fédérales et conclut sur ce point de la façon suivante au paragraphe [40] de ses motifs :

[40]  À mon avis, il est presque superflu de souligner qu’aucune des parties n’a invoqué les modalités de ce règlement [règlement d’une instance précédente concernant le médicament « Fosamax® »] pour étayer ou pour contester le mémoire de dépens de la défenderesse Apotex. Je signale également que la défenderesse Apotex s’est conformée au paragraphe 1(4) du tarif B des Règles des Cours fédérales et, ainsi que je l’ai mentionné dans la première phrase du présent paragraphe, au sujet des modalités du règlement antérieur, aucune des parties n’a produit ce document devant moi. Pour ces motifs, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire et j’accorde pour ce débours 7 205,51 $, plus la TPS.

 

 

[41]           Je suis convaincu que l’officier taxateur n’a pas commis d’erreur susceptible de révision en parvenant à cette décision.

 

Les frais de déplacement

[42]           Au paragraphe 26 de ses motifs, l’officier taxateur a fait observer ce qui suit, sous le titre « Droit aux frais de déplacement » :

La défenderesse Apotex a réclamé 81 896,48 $ pour divers frais de déplacement. Les demanderesses Merck contestent ce montant qu’elles qualifient de déraisonnable. À mon avis, il s’agit des mêmes arguments qu’elles ont opposés à l’article 14 et à l’article 24 et que j’ai déjà examinés aux paragraphes [6] à [12] inclusivement, sous les rubriques Droit aux honoraires des deuxième et troisième avocats et Droit aux frais de déplacement des avocats. Les demanderesses Merck ont fait valoir pour l’essentiel que l’officier taxateur ne peut être habilité à accorder les débours réclamés en l’espèce pour les frais de déplacement des deuxième et troisième avocats que si la Cour fédérale a donné une directive ou a rendu une ordonnance en ce sens. Elles ont soutenu pour ces motifs que les frais de déplacement de la défenderesse Apotex devraient être réduits à 35 737,74 $. Je présume que la réduction des frais de déplacement proposée par les demanderesses Merck, de 82 896,48 $ à 35 737,74 $, correspond aux frais de déplacement d’un seul avocat pour être présent à tous les contre‑interrogatoires.

 

L’écart qui existe entre le montant réclamé à la première ligne de la citation ci‑dessus et la troisième avant-dernière ligne n’est d’aucune conséquence.

 

[43]           Après avoir procédé à une brève analyse de la position des parties à cet égard, l’officier taxateur a conclu de la façon suivante, au paragraphe 30 de ses motifs :

[30]  Quant aux autres frais de déplacement, il convient d’examiner l’arrêt Grace M. Carlile c. Sa Majesté la Reine, […] :

 

Les officiers taxateurs sont souvent saisis d’une preuve loin d’être complète et doivent, tout en évitant d’imposer aux parties perdantes des frais déraisonnables ou non nécessaires, s’abstenir de pénaliser les parties qui ont gain de cause en refusant de leur accorder une indemnité lorsqu’il est évident que des frais ont effectivement été engagés. Cela signifie que l’officier taxateur doit jouer un rôle subjectif au cours de la taxation. Dans les motifs que j’ai formulés dans […] Youssef Hanna Dableh c. Ontario Hydro, j’ai cité [...] une série de motifs de taxation indiquant le raisonnement à suivre en matière de taxation des frais. La décision que j’ai rendue dans l’affaire Dableh a été portée en appel, mais le juge en chef adjoint a rejeté cet appel dans un jugement motivé […]. J’ai examiné les débours réclamés dans les présents mémoires de frais d’une façon compatible avec ces différentes décisions. De plus, […] [dans] l’ouvrage intitulé Phipson On Evidence, […], il est mentionné […] que [traduction] « la norme de preuve exigée en matière civile est généralement décrite comme le fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités ». Par conséquent, le déclenchement de la procédure de taxation ne devrait pas se traduire par une hausse de ce fardeau vers un seuil absolu. Si la preuve n’est pas absolue pour le plein montant réclamé et que l’officier taxateur est saisi d’une preuve non contredite, bien qu’infime, indiquant qu’un montant a effectivement été engagé pour le déroulement du litige, il n’aura pas exercé une fonction quasi judiciaire en bonne et due forme en décidant de taxer l’élément à zéro comme seule solution de rechange à l’octroi du plein montant. Les litiges semblables à celui de la présente action ne se déroulent pas uniquement grâce à des dons de charité versés par des tierces parties désintéressées. Selon la prépondérance des probabilités, il serait absurde de n’accorder aucun montant à la taxation.

 [Souligné dans les motifs de l’officier taxateur.]

 

Pour les motifs que j’ai indiqués plus haut et compte tenu de l’avis exprimé dans l’arrêt Grace M. Carlile, précité, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour réduire les autres frais de déplacement et accorder 75 851,89 $, plus la TPS applicable. Pour plus de clarté, les frais de déplacement de 79 881,62 $, ce qui comprend le montant de 4 029,73 $ indiqué plus haut au paragraphe [30], sont accordés pour tous les débours liés à tous les contre‑interrogatoires effectués dans le cadre de la présente procédure.

 

 

[44]           Malgré les arguments de l’avocat de Merck selon lesquels l’officier taxateur a commis une erreur de principe en accordant le montant qu’il a accordé en matière de frais de déplacement, je suis convaincu que la conclusion de l’officier taxateur est conforme aux principes régissant l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et qu’elle n’était certainement pas « à ce point déraisonnable [qu’elle devait] être attribuable à une erreur de principe ».

 

Les frais de photocopie

[45]           Apotex réclamait 36 647,49 $ pour les frais de photocopie relativement à la présente instance. L’officier taxateur a examiné cette réclamation en détail aux paragraphes [31] à [36] de ses motifs. Malgré l’épaisseur des dossiers de la Cour sur ce point, il a autorisé une réclamation de 10 000 $ après avoir examiné les dossiers au greffe de Toronto où se trouvait le dossier principal des documents relatifs à la présente affaire. Il a fondé sa conclusion sur des frais de photocopie de 5 000 pages, pour l’ensemble des documents, en huit (8) copies, à 0,25 $ la page.

 

[46]           Bien que cette question soit soulevée dans les motifs de révision reproduits à l’annexe I jointe aux présents motifs (voir le paragraphe 18 de l’annexe), elle n’est pas abordée dans le mémoire des demanderesses et n’a pratiquement pas été évoquée devant moi.

 

[47]           J’estime qu’il n’existe aucun motif de modifier la décision de l’officier taxateur à cet égard.

 

Autres frais

[48]           Sous ce titre général, les demanderesses ont énuméré les frais suivants dans une annexe jointe aux observations écrites présentées par les demanderesses dans le cadre de la présente révision :

[traduction]

Article

Montant réclamé

Montant accordé

Recherches informatisées

731,32 $

731,32 $

Frais de temps d’utilisation des ordinateurs

3 036,26 $

3 036,26 $

Services de messagerie/

affranchissement

4 066,91 $

4 066,91 $

Sténographe judiciaire/

transcriptions

11 490,64 $

11 490,64 $

Réunions

3 360,98 $

3 360,98 $

Frais téléphoniques

1 890,96 $

1 890,96 $

Frais de télécopie

676,69 $

676,69 $

Total

25 247,66 $

$25 247,66 $

 

[49]           L’avocat des demanderesses soutient notamment que les preuves présentées à l’appui des prétendus frais susmentionnés n’étaient pas de nature à établir que ces frais étaient essentiels pour la conduite de la présente instance.

 

[50]           L’officier taxateur a conclu de la façon suivante :

[69]  […] la présente procédure a été engagée le 29 mai 2003 et une décision a été rendue presque deux ans plus tard. Plusieurs des factures figurant parmi les pièces jointes à l’affidavit d’Andrew R. Brodkin, souscrit le 7 mars 2006, ne contiennent aucun détail concernant les débours en question. Cependant, j’ai examiné les éléments pertinents pour faire avancer un litige comme la présente espèce, notamment le recours à des témoins experts provenant de plusieurs villes et pays, les efforts nécessaires pour réunir de l’information pertinente et la soumettre à l’examen des experts, les diverses méthodes employées pour transmettre la documentation pertinente aux experts, la recherche de documentation et d’éléments de preuve auprès de diverses sources, les réunions nécessaires, ainsi que les appels téléphoniques préliminaires et de suivi et la correspondance connexe. Tenant compte des facteurs que j’ai énumérés, il me semble qu’il était raisonnable pour la défenderesse Apotex d’engager, tout au long de ces deux années pour faire avancer le litige, des dépenses considérables qui sont supérieures aux frais indirects courants de son cabinet d’avocats. C’est pourquoi j’estime que les montants des débours concernant les recherches informatisées, la facturation du temps d’utilisation des ordinateurs, les services de messagerie et l’affranchissement, les sténographes judiciaires et les transcriptions, les réunions, les frais téléphoniques et les frais de télécopie semblent raisonnables. Pour ces motifs, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire et j’accorde pour ces débours un total de 25 247,66 $, plus la TPS applicable.

 

Me fondant sur les documents présentés à la Cour et les observations des avocats à l’audience, je conclus que la conclusion qui précède ne contient aucune erreur susceptible de révision.

 

UNE RECOMMANDATION

[51]           Dans Stanley M. Smith et al. c. Sa Majesté la Reine[12], le juge en chef adjoint de la Cour à cette époque a écrit ce qui suit dans de brefs motifs concernant des « appels » dans deux (2) actions concernant la décision d’un officier taxateur :

[…] Je dois souligner ici que c’est toujours le juge du procès qui peut le mieux traiter de la question de l’indemnité qu’il convient d’accorder aux témoins experts et que, chaque fois que cela est possible, les appels interjetés de décisions comme celles‑ci doivent être instruits par le juge qui a présidé le procès.

 

La présente révision de la taxation des dépens, bien qu’elle ne soit pas consécutive à un procès, a principalement porté sur les frais relatifs aux honoraires des experts. Je souscris à la déclaration précitée du juge en chef adjoint selon laquelle, dans le contexte d’une instance relative à un avis de conformité à l’égard de médicaments brevetés, le juge du procès acquiert inévitablement une connaissance et une compréhension des preuves par affidavit et des contre-interrogatoires sur les affidavits des experts supérieures à, par exemple, celles que j’ai pu avoir dans la présente affaire. Je me suis grandement fondé sur les commentaires qui figurent dans les motifs du juge Mosley, qui présidait l’instance sous‑jacente, concernant son appréciation des divers experts qui avaient fourni des témoignages d’opinion dans la présente affaire. Je demeure toutefois convaincu que le juge du procès est beaucoup mieux placé pour se prononcer sur ces questions qu’un juge comme moi qui a abordé la révision de la taxation des dépens en n’ayant aucune connaissance préalable du dossier.

 

LES DÉPENS

[52]           Dans Montreal Fast Print (1975) Ltd. c. Polylok Corporation[13], le juge Cattanach a écrit à la page 210, dans le contexte d’une ordonnance relative aux dépens et à un « appel » :

En vertu du pouvoir discrétionnaire dont je dispose,  je me conformerai à une pratique que j’estime courante dans cette Cour en m’abstenant de me prononcer sur les dépens, c’est‑à‑dire ni en faveur ni à l’encontre de l’une ou l’autre des parties, pour la révision du certificat de l’officier taxateur.

 

[53]           J’adopte la « pratique » suivie par le juge Cattanach. On devrait encourager le règlement définitif des litiges. L’instruction de la présente instance relative à un avis de conformité concernant des médicaments brevetés a pris plus de trois (3) jours. L’audience devant l’officier taxateur a duré deux (2) jours. L’audience que j’ai tenue a pris une journée entière. En résumé, il a fallu autant de temps pour régler la question des dépens, et je reconnais que cette question n’est peut‑être pas encore tranchée de façon définitive, qu’il en a fallu pour en arriver à une décision sur le fond de l’instance sous‑jacente. Cela ne devrait pas se produire. Il est évident que l’officier taxateur a effectué sa taxation avec beaucoup de soin. Il a rédigé des motifs détaillés. Les points qui restaient à trancher auraient dû être réglés à l’amiable entre les parties.

 

[54]           Aucuns dépens ne seront adjugés.

 

CONCLUSION

[55]           Conformément aux motifs qui précèdent, la présente révision de la taxation des dépens demandée par Merck sera accueillie en partie. Le certificat de taxation délivré dans la présente instance par l’officier taxateur sera réduit de 206 411 $, de sorte que le mémoire des dépens de la défenderesse Apotex sera taxé à un montant de 384 686,01 $ pour les services à taxer et les débours, comprenant la TPS applicable, montant payable par Merck à la défenderesse Apotex.

 

 

« Frederick E. Gibson »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 9 octobre 2007

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

ANNEXE I

(paragraphe [15])

 

[traduction]

[…]

 

Motifs de révision de l’adjudication des dépens

 

Les débours relatifs aux experts

 

8.         Dans l’adjudication des dépens, l’officier taxateur a commis une erreur en autorisant Apotex à recouvrer un total de 411 473,91 $ pour les honoraires d’expert de huit témoins d’Apotex, dont certains n’étaient pas étayés par la preuve et qui étaient tous déraisonnables.

9.         L’officier taxateur a également commis une erreur de principe en interprétant mal le critère juridique à appliquer pour apprécier le « caractère raisonnable » de ces honoraires, et en ne tenant pas compte de la jurisprudence pertinente de la Cour, notamment :

(i)         L’officier taxateur a ordonné à Merck de payer à Apotex des honoraires d’expert de 411 473,91 $, un montant plus de 12 fois plus élevé que le montant total des honoraires d’avocat taxés au taux ordinaire du tarif (selon l’ordonnance du juge Mosley). L’adjudication d’un tel montant d’honoraires d’expert est non seulement punitive, mais également sans précédent dans une instance relative à un avis de conformité pour un médicament breveté et équivaut à remettre un « chèque en blanc » à Apotex. La Cour a exprimé certaines préoccupations au sujet de l’augmentation rapide des honoraires d’expert et a émis des directives selon lesquelles ces honoraires ne devraient pas dépasser ceux de l’avocat principal pour la préparation et la présentation de la cause.

(ii)        L’officier taxateur a accordé à Apotex des dépens pour huit experts, même si la Cour a déclaré qu’il s’agissait là d’un nombre « excessif » de témoins experts dans une instance relative à un avis de conformité pour un médicament breveté. On a demandé à de nombreux experts de traiter les mêmes questions, ce qui a entraîné une duplication inutile des documents présentés.

(iii)       En accordant à Apotex des honoraires d’expert d’un montant de 411 473,91 $, l’officier taxateur a fait une adjudication des dépens punitive qui est entièrement injustifiée compte tenu de la décision sur le fond. Le juge Mosley a jugé que la principale question en litige dans la présente instance concernait un protocole de traitement thérapeutique, à savoir l’administration hebdomadaire d’une dose de 70 mg de façon à éviter les effets secondaires couramment associés aux doses quotidiennes de FOSAMAX®. Il est évident que le juge Mosley a reconnu qu’il ne s’agissait pas d’une affaire extrêmement complexe puisqu’il a expressément rejeté la demande présentée par Apotex pour que les dépens soient taxés selon la colonne cinq et qu’il a attribué les dépens « selon le tarif ordinaire ».

(iv)       Beaucoup d’experts d’Apotex, y compris M. Langer, ont participé à des poursuites antérieures au sujet du médicament FOSAMAX® et, à ce titre, connaissaient déjà bien les antériorités et les questions en jeu dans la présente instance.

(v)        L’officier taxateur a omis d’examiner correctement et d’apprécier le véritable caractère « raisonnable » des honoraires d’expert. En particulier, il a accordé une importance démesurée au fait que le juge Mosley a accepté et préféré les éléments de preuve présentés par Apotex pour justifier son adjudication des dépens.

10.       L’officier taxateur a commis une erreur en autorisant Apotex à recouvrer 155 680,00 $ pour les honoraires d’expert de M. Langer. Ceux‑ci sont plus de sept fois plus élevés que tous ceux de n’importe quel autre expert en cause. Merck ne devrait pas être tenue de rembourser Apotex parce qu’elle a embauché la « cadillac » des experts. L’officier taxateur n’a pas examiné de façon appropriée le caractère raisonnable des honoraires de M. Langer, compte tenu des honoraires réclamés et des heures facturées par les autres experts dans l’instance pour un travail comparable, du rôle que son témoignage a joué à l’égard des questions clés du présent litige, de sa participation à des litiges canadiens connexes et de l’insuffisance des documents présentés pour justifier les honoraires réclamés.

11.       L’officier taxateur a commis une autre erreur en autorisant Apotex à recouvrer une somme supplémentaire de 82 016,00 $ pour les honoraires d’expert concernant l’assistant de M. Langer, M. Lipp. L’officier taxateur n’a pas correctement tenu compte du fait que M. Lipp n’avait pas déposé d’affidavit dans la présente instance, et avait pourtant facturé les deuxièmes honoraires les plus élevés (après ceux de M. Langer). En fait, les honoraires demandés par M. Lipp pour avoir assisté M. Langer étaient supérieurs de 20 000 $ à 40 000 $ à ceux des experts qui avaient déposé en preuve des affidavits comparables dans la présente instance. En outre ou à titre subsidiaire, l’officier taxateur a omis d’examiner le caractère raisonnable des honoraires de M. Lipp, compte tenu du montant démesurément élevé déjà facturé par M. Langer pour le même travail et de l’insuffisance des documents présentés pour justifier les honoraires réclamés.

12.       L’officier taxateur a également commis une erreur en autorisant Apotex à recouvrer 28 236,46 $ à l’égard des honoraires d’expert de M. Weissburg. L’officier taxateur a omis d’examiner de façon appropriée le caractère raisonnable de ces honoraires, compte tenu de la force probante qui a été accordée à cette preuve au procès, des honoraires réclamés et heures facturées par d’autres experts en l’instance. Il a en outre commis une erreur lorsqu’il a apprécié le caractère raisonnable de ces honoraires en se fondant sur des preuves insuffisantes.

13.       L’officier taxateur a également commis une erreur en autorisant Apotex à recouvrer 63 997,27 $ en honoraires d’expert pour M. Mayersohn et a ainsi commis une erreur en taxant des dépens sur le fondement de documents insuffisants présentés à l’appui des honoraires réclamés.

14.       L’officier taxateur a également commis une erreur en autorisant Apotex à recouvrer un total de 81 044,18 $ à l’égard des honoraires d’expert de la Dre Compston, de M. Mazess et du DMarkowitz. Il a ainsi omis de prendre en considération la participation, et l’expertise accumulée qui en découle, de ces témoins dans des litiges connexes au Canada et dans d’autres pays.

15.       En outre ou à titre subsidiaire, et pour tous les motifs ci‑dessus, le montant évalué pour les honoraires d’expert est excessif et à ce point déraisonnable qu’il est attribuable à une erreur de principe.

 

Les débours relatifs aux antériorités

16.       L’officier taxateur a commis une erreur en autorisant Apotex à recouvrer 7 205,51 $ à titre de débours relativement aux antériorités. L’officier taxateur n’a pas tenu compte des preuves non contestées présentées par les demanderesses établissant qu’il s’agissait d’une duplication déraisonnable des frais. L’officier taxateur a ainsi commis une erreur de principe en interprétant mal le critère juridique applicable à l’examen des preuves de débours, y compris le caractère adéquat des preuves justifiant ces débours. En outre ou à titre subsidiaire, le montant taxé est à ce point déraisonnable qu’il doit être attribuable à une erreur de principe.

 

Les frais de déplacement

17.       L’officier taxateur a commis une autre erreur en taxant des frais de déplacement pour deux avocats pour un montant de 79 881,62 $. L’officier taxateur a omis d’examiner de façon appropriée le caractère raisonnable de ces dépenses pour les nombreuses raisons énumérées au paragraphe 9 ci‑dessus et n’a pas tenu compte de façon appropriée d’un fait connexe, à savoir qu’Apotex n’a pas obtenu une directive de la Cour l’autorisant à réclamer des honoraires d’avocat pour plus qu’un avocat. En outre ou à titre subsidiaire, le montant taxé est à ce point déraisonnable qu’il doit être attribuable à une erreur de principe.

 

Les frais de photocopie

18.       L’officier taxateur a également commis une erreur en évaluant les frais de photocopie à 10 000 $ en estimant que la défenderesse avait besoin de huit copies pour la signification, le dépôt et l’utilisation de ces documents. L’officier taxateur a omis d’examiner le caractère déraisonnable de ces frais, compte tenu des preuves fournies, et il a surestimé le nombre de copies qu’exigent les Règles de la Cour fédérale.

 

Autres frais

19.       L’officier taxateur a également commis une erreur en taxant les frais de recherches informatisées, de temps d’utilisation des ordinateurs, de services de messagerie/affranchissement, de sténographe judiciaire/transcriptions, de réunions et les frais téléphoniques et de télécopie pour un montant de 25 247,66 $. L’officier taxateur a omis d’examiner de façon appropriée le caractère raisonnable de ces dépenses, compte tenu des nombreuses raisons énumérées au paragraphe 9, et a commis une erreur de principe en interprétant mal le critère juridique applicable aux preuves en matière de débours, y compris le caractère suffisant des preuves justifiant le fait que ces débours étaient essentiels à la conduite de l’action. En outre ou à titre subsidiaire, le montant taxé est à ce point déraisonnable qu’il doit être attribuable à une erreur de principe.

[…]

 


ANNEXE II

(paragraphe [35])

[52]      La défenderesse Apotex a réclamé 322 512,84 $ pour les honoraires d’expert du Dr Robert Langer. Les demanderesses Merck font valoir, au paragraphe 72 de leurs observations écrites, que [traduction] « Apotex n’a pas réussi à démontrer le caractère raisonnable de ce montant dans le cadre de la présente procédure ». Elles soulignent que le Dr Langer avait déjà déposé un affidavit d’expert dans le cadre de la procédure Fosamax 1 et qu’il aurait dû être déjà au courant des antériorités. De plus, les demanderesses Merck font valoir que le Dr Langer et son assistant Michael Lipp ont consacré à ce dossier 474 heures, soit 224 heures et 250 heures respectivement, ce qui, selon elles, représente environ quatre mois de travail à temps plein pour un seul affidavit d’expert. (Veuillez prendre note que j’ai corrigé le nombre d’heures réclamées en ce qui concerne le Dr Lipp, ainsi que le nombre total d’heures réclamées, puisqu’il semble que les demanderesses Merck ont inscrit par inadvertance un nombre d’heures inexact.) Enfin, les demanderesses Merck font remarquer que le taux de facturation du Dr Langer pour son rôle dans la présente procédure a plus que doublé depuis le début des quatre procédures Fosamax connexes (T‑568‑03, T‑884‑03, T‑1053‑03 et T‑1106‑03), même si ces dernières ont été engagées dans une période de trois mois l’une de l’autre. Les demanderesses Merck font valoir que cela équivaut à donner un « chèque en blanc » pour engager la « cadillac » des témoins experts et elles font référence à la décision Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 368 (O.T.), aux paragraphes 20 et 21, où la Cour fédérale fait référence aux frais d’expert « exorbitants » et aux « frais raisonnables entraînés par le litige » et où elle déclare que « la partie qui succombe n’est pas tenue de l’indemniser [l’autre partie] de ses extravagances ».

 

[53]      En réponse aux observations des demanderesses Merck selon lesquelles plusieurs honoraires des experts sont excessifs, y compris ceux du Dr Langer et du Dr Lipp, comme je l’ai souligné ci‑dessus, la défenderesse Apotex répète ses observations au sujet des [traduction] « montants très élevés en cause » qui, d’après elle, pourraient atteindre le milliard de dollars. La défenderesse Apotex fait valoir, au paragraphe 61 de ses observations en réponse, [traduction] qu’ « [elle] a essayé de retenir les services d’un des experts les plus compétents dans le domaine ». Je souligne qu’un bref résumé des réalisations du Dr Langer a été joint à l’onglet 3 des observations en réponse et je ne nie pas que le Dr Langer jouit d’une excellente réputation au sein de la communauté scientifique. À l’appui de sa décision de retenir les services du Dr Langer, la défenderesse Apotex fait référence, encore une fois, au principe énoncé dans la décision Apotex Inc., précitée, comme je l’ai mentionné au paragraphe [33], qu’il [traduction] « ne convient pas d’appliquer le critère de la rétrospection (vision totale) pour déterminer si un service facturé était un service abusif ou un service qui n’était pas raisonnablement nécessaire pour défendre la position du client ». En d’autres mots, la défenderesse Apotex fait valoir, au paragraphe 62 de ses observations en réponse, que [traduction] « les tribunaux ont souligné l’importance, lors de la taxation des dépens, de ne pas examiner rétrospectivement les dépens d’une partie ».

 

[54]      La défenderesse Apotex fait remarquer que les demanderesses Merck ont contre‑interrogé le Dr Langer pendant deux jours au sujet de sa déposition ce qui, selon elle, confirmerait l’importance de son témoignage et la complexité de l’affaire. Elle souligne également les doutes soulevés par les demanderesses Merck au sujet du nombre d’heures que le Dr Langer et le Dr Lipp ont consacrées à la préparation d’un affidavit d’expert. La défenderesse Apotex affirme, au paragraphe 64 de ses observations en réponse, que [traduction] « l’argument de Merck selon lequel le Dr Langer et le Dr Lipp auraient dû effectuer leur travail d’une façon plus efficace est absurde ». Elle fait valoir en ce qui concerne la qualité du travail réalisé dans le cadre de ce témoignage que [traduction] « les experts qui l’ont accompli comptent parmi les spécialistes les plus réputés du monde entier. Voilà pourquoi la défenderesse Apotex soutient que les observations des demanderesses Merck concernant les honoraires d’expert du Dr Langer et du Dr Lipp « doivent être rejetées » ».

 

[55]      Il convient de souligner que les demanderesses Merck ont proposé une formule de facturation, conforme au taux horaire des experts d’Apotex et à leurs heures facturables, permettant de réduire les honoraires d’expert du Dr Langer. Ayant appliqué la réduction proposée du taux horaire et du nombre d’heures de travail du Dr Langer, les demanderesses Merck soutiennent que ses honoraires d’expert devraient être ramenés à 19 600 $. Je ne me sens pas à l’aise avec cette proposition pour la simple raison qu’elle m’apparaît comme une méthode très arbitraire pour déterminer les honoraires des experts et c’est pourquoi je ne vais pas en tenir compte, ni la mentionner de nouveau.

 

[56]      Les pièces « K » et « L » de l’affidavit de Sharon O’Connor, souscrit le 20 mars 2006, sont respectivement les copies du mémoire de dépens et les copies des trois tableaux de ventilation des honoraires des experts de la défenderesse Apotex dans le cadre des trois procédures Fosamax (T‑568‑03, T‑1053‑03 et T‑1106‑03). Lorsque j’ai examiné ces trois tableaux, j’ai constaté que les montants indiqués pour les honoraires des experts correspondaient à ceux des honoraires des experts ayant été réclamés dans les mémoires de dépens respectifs présentés aux demanderesses Merck dans le cadre des procédures Fosamax connexes (T‑568‑03, T‑1053‑03 et T‑1106‑03). Au début, je craignais, comme les demanderesses Merck, que les factures du Dr Langer (qui comprenaient également des factures séparées pour le Dr Lipp) jointes à l’affidavit d’Andrew R. Brodkin, souscrit le 7 mars 2006, ne correspondent pas aux montants réclamés par la défenderesse Apotex. Cependant, à l’onglet 2 de l’affidavit d’Andrew R. Brodkin, souscrit le 7 mars 2006, j’ai trouvé une facture du cabinet d’avocats de Ivor M. Hughes, en date du 4 février 2004, laquelle indiquait deux débours de 19 320 $ et 15 456 $ en dollars canadiens correspondant respectivement aux [traduction] « Honoraires professionnels (Robert Langer) » et aux « Honoraires professionnels (Michael Lipp) ». (Veuillez prendre note que Ivor M. Hughes est un avocat lié à Apotex Inc. et qui travaille avec le cabinet de l’avocat principal dans les affaires de brevet.) Lorsqu’on ajoute 19 320 $ aux autres factures du Dr Langer, les honoraires d’expert de ce spécialiste représentent au total 322 242,25 $ en dollars canadiens. J’ai l’intention de taxer ce montant précis pour les honoraires d’expert du Dr Langer.

 

[57]      Lorsque j’ai examiné les trois mémoires de dépens présentés dans le cadre des procédures Fosamax (T‑568‑03, T‑1053‑03 et T‑1106‑03) et les honoraires d’expert du Dr Langer, j’ai évalué que le taux horaire du Dr Langer variait, approximativement, entre un minimum de 597 $ dollars canadiens et un maximum de 695 $ dollars canadiens, ce qui tenait compte du taux de change des dollars américains en dollars canadiens au moment où le montant de la facture a été établi. Je remarque cependant en l’espèce que les factures du Dr Langer indiquaient qu’il avait facturé 208 heures à un taux horaire approximatif situé entre 1 230 $ et 1 435 $ dollars canadiens et 16 heures à un taux horaire d’environ 1 845 $ en dollars canadiens, ce qui tenait compte du taux de change des dollars américains en dollars canadiens au moment où le montant de la facture a été établi. Ainsi qu’il a été mentionné au paragraphe qui précède, la somme des factures du Dr Langer s’élève à 322 242,25 $ en dollars canadiens, après la conversion des dollars américains en dollars canadiens.

 

[58]      Je partage les préoccupations des demanderesses Merck au sujet du taux horaire du Dr Langer lequel était beaucoup plus bas – semble‑t‑il – lors des procédures Fosamax connexes (T‑568‑03, T‑1053‑03 et T‑1106‑03) que le taux facturé dans la présente affaire. Il convient, en ce qui concerne le taux horaire du Dr Langer, d’invoquer l’avis exprimé dans l’arrêt Grace M. Carlile, précité, à savoir que « […] les officiers taxateurs sont souvent saisis d’une preuve loin d’être complète et doivent, tout en évitant d’imposer aux parties perdantes des frais déraisonnables ou non nécessaires, s’abstenir de pénaliser les parties qui ont gain de cause en refusant de leur accorder une indemnité lorsqu’il est évident que des frais ont effectivement été engagés ». Les demanderesses Merck invoquent l’avis qui a été exprimé dans la décision AlliedSignal Inc., précitée, et qui figure plus haut au paragraphe [49] et est repris ici en partie :

[77] … une partie a le droit d’engager l’expert ou les experts de son choix pour faire avancer sa cause, mais cela ne signifie pas que le succombant doive immanquablement payer la note de l’expert ou des experts de la partie qui a gain de cause sans contester les honoraires et les débours demandés. La jurisprudence regorge d’affaires où l’on attaque de telles notes, fondamentalement sur deux fronts : sur le premier, on met en cause le caractère raisonnable des honoraires demandés, et sur le second, on attaque des débours qui correspondent à des articles qui figurent d’une manière parfaitement légitime dans un mémoire de frais en disant qu’ils dénotent un train de vie de riche […]

 

 

[59]      J’estime que les honoraires d’expert que la défenderesse Apotex a réclamés en l’espèce pour le Dr Langer ne sont pas raisonnables si je tiens compte du taux horaire réclamé dans le cadre des autres procédures Fosamax (T‑568‑03, T‑1053‑03 et T‑1106‑03). Dans l’arrêt Re Eastwood (deceased) (1974) 3 All E.R. 603, à la page 608, le juge Russell de la Chambre des lords a fait état d’une méthode pratique et raisonnable en matière de taxation des dépens :

[traduction] ... À notre avis, il y a beaucoup à dire en faveur du système relativement simple de l’application directe de cette approche à la taxation du mémoire d’un avocat indépendant dans une affaire comme celle‑ci, et la chose semble avoir fonctionné pendant de nombreuses années, sans que l’on croie que cela donne lieu à une injustice flagrante en matière de taxation, la justice étant de toute façon rendue, en pareil cas, d’une façon sommaire, en ce sens que de nombreuses approximations sensées sont faites [...]

 

J’ai pris en considération les avis exprimés dans la décision AlliedSignal Inc., précitée, ainsi que dans les arrêts Grace M. Carlile, précité, et Re Eastwood (deceased), précité, et j’estime qu’un montant plus modeste est plus approprié pour ces honoraires d’expert. En me fondant sur le taux horaire maximal de 695 $ ayant été facturé d’après mes calculs lors des procédures Fosamax connexes (T‑568‑03, T‑1053‑03 et T‑1106‑03), j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour réduire et accorder les 224 heures facturées par le Dr Langer, au taux de 695 $, ce qui donne pour ce débours un total de 155 680 $ en dollars canadiens, plus la TPS applicable.

 

[60]      La défenderesse Apotex a réclamé 82 016 $ en honoraires d’expert pour l’aide du Dr Lipp dans la préparation de l’affidavit du Dr Langer. Au paragraphe 80 de leurs observations écrites, les demanderesses Merck affirment que [traduction] « le Dr Lipp n’a pas soumis d’affidavit dans le cadre de la présente affaire ». En ce qui concerne l’aide apportée à la préparation de l’affidavit du Dr Langer, les demanderesses Merck soutiennent, comme il est mentionné au paragraphe [55] des présentes, que [traduction] « pour exiger un taux horaire aussi élevé, outre les heures facturables de l’assistant, le Dr Langer et le Dr Lipp auraient dû effectuer leur travail d’une façon plus efficace ». Elles signalent que le Dr Compston et le Dr Markowitz semblent avoir accompli le même travail dans un délai beaucoup plus court et que le total de leurs honoraires d’expert est très inférieur à celui des honoraires réclamés par le Dr Langer et le Dr Lipp. Les demanderesses Merck affirment pour ces motifs que tous les honoraires d’expert concernant le Dr Lipp doivent être radiés du mémoire de dépens, puisque le montant réduit de 19 600 $ qu’elles ont proposé pour le Dr Lipp est raisonnable et suffisant dans les circonstances de la présente affaire.

 

[61]      Je ne suis pas d’accord avec les observations des demanderesses Merck au sujet du montant et du caractère raisonnable des honoraires d’expert du Dr Lipp. La défenderesse Apotex a invoqué la décision Apotex Inc., précitée, dont il est question plus haut au paragraphe [33], qui, selon elle, permet de décider s’il convient d’appliquer le critère de la rétrospection pour déterminer si les débours facturés étaient raisonnablement nécessaires pour défendre sa position. Je m’appuie, cependant, sur l’avis apparemment plus pertinent qu’a exprimé l’officier taxateur dans la décision Dableh c. Ontario Hydro, [1994] A.C.F. no 1810 :

[15] Il peut sembler anormal qu’un professionnel en cause dans une instance, c’est‑à‑dire le procureur, ait uniquement droit à une indemnité partielle et qu’un autre professionnel, soit l’ingénieur, ait le droit d’être pleinement indemnisé, mais tel est le système des dépens en ce qui concerne le principe de l’indemnité partielle établi dans les Règles et dans le tarif, sous réserve de la Règle 344(1) ou d’une autre disposition législative dérogatoire. Le critère, compte tenu en particulier d’une relation professionnelle désintéressée, sans collusion entre l’expert qui vend ses services et le plaideur qui achète lesdits services pour combler le vide dans les connaissances spécialisées requises pour avoir gain de cause dans le litige, ne consiste pas à réduire les comptes des experts au plus petit dénominateur commun. J’ai devant moi la preuve de véritables factures qui ont apparemment été reçues et payées. Le critère préliminaire, lorsqu’il s’agit d’indemniser quelqu’un de débours comme ceux‑ci, n’est pas fonction de ce qui arrive après coup, mais de la question de savoir si, compte tenu des circonstances existant au moment où il a décidé d’engager les frais le procureur représentait son client d’une façon prudente et raisonnable, tant lorsqu’il s’est agi de présenter la preuve d’expert visée par la Règle 482 et d’y répondre que de combler le manque de connaissances techniques requises pour la préparation du procès et le procès. En matière de dépens, l’austérité doit être un facteur : je ne laisse pas entendre que les experts devraient toujours toucher une indemnité pendant toute la période du procès. En l’espèce, M. Laithwaite est parti le dernier jour où il a témoigné, mais il a par la suite été consulté brièvement lors d’un appel téléphonique interurbain. Au moment de la taxation, l’avocat de la défenderesse a complété la preuve en donnant oralement des explications et m’a invité à inférer, compte tenu du dossier, l’importance de MM. Laithwaite et Lavers, tant en leur qualité d’experts qu’en leur qualité de conseillers. L’affidavit que Mme Mills a présenté à l’appui du mémoire de frais n’en parlait pas. Les motifs que j’ai énoncés ci‑dessus montrent que le recours aux services des experts englobe les postes prévus tant à l’alinéa 1(2)a) qu’à l’alinéa 1(2)b) du tarif B et, en outre, que la partie taxatrice fait face à des résultats variables selon la preuve qui a été présentée. En outre, ils montrent que, en l’absence d’une preuve suffisamment détaillée, le résultat peut être nécessairement conservateur, de façon à tenir compte des intérêts de l’intimé à la taxation, tout en n’étant pas absurde pour la partie matrice.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[62]      Lorsque j’ai examiné les factures conjointes du Dr Lipp et du Dr Langer, j’ai remarqué qu’elles contenaient beaucoup de détails sur les différents types de travail technique qu’a dû effectuer le Dr Lipp pour réviser les rapports d’expert, les références et les documents connexes. De plus, je signale que le [traduction] « Tableau de ventilation des honoraires des experts » préparé par les demanderesses Merck compare clairement tous les [traduction] « taux réclamés en dollars canadiens (parfois pondérés) » concernant les experts techniques et médicaux. Je constate également que le taux horaire du Dr Lipp est le plus bas de tous les spécialistes qui y figurent et j’estime donc que le recours à cet expert est une décision prudente et raisonnable de la part de la défenderesse Apotex. Pour ces motifs et compte tenu de l’avis énoncé dans la décision Dableh, précitée, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour accorder des débours de 82 016 $, plus la TPS correspondante, pour les honoraires d’expert du Dr Lipp.

 

 

 

                   « Frederick E. Gibson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-884-03

 

INTITULÉ :                                       MERCK & CO., INC. et MERCK FROSST CANADA & CO.

                                                            demanderesses

                                                            c.

APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 10 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE GIBSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 9 OCTOBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Patrick E. Kierans

Kristin Wall

 

POUR LES DEMANDERESSES

David Lederman

 

POUR LA DÉFENDERESSE APOTEX INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Goodmans s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE APOTEX INC.

 



[1] DORS/98-106.

[2] DORS/93-133.

[3] (2005), 41 C.P.R. (4th) 35.

[4] (2004), 327 N.R. 179 (C.A.F.).

[5] [1977] 1 C.F. 181 (C.A.F.).

[6] (1999), 2 C.P.R. (4th) 368 (C.F. 1re inst.).

[7] 2007 CF 344, 30 mars 2007.

[8] Au paragraphe 37 des motifs du juge Mosley, on trouve un bref résumé des titres de compétence des « experts » souscripteurs d’affidavits.

[9] (1998), 81 C.P.R. (3d) 129 (C.F. 1re inst.).

[10] [1994] A.C.F. no 1810, 2 novembre 1994.

[11] [1997] A.C.F. no 885, 8 mai 1997.

[12] [1985] 1 C.T.C. 327 (C.F. 1re inst.).

[13] (1984), 1 C.P.R. (3d) 204 (C.F. 1re inst.).

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