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Date: 20071010

Dossier: DES-3-03

Référence: 2007 CF 1037

Ottawa (Ontario), le 10 octobre 2007

En présence de Monsieur le juge Simon Noël 

 

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un

certificat en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration

et la protection des réfugiés, signé par le Ministre de l’immigration

et le Solliciteur général du Canada (Ministres)

L.C. 2001, ch. 27 (LIPR);

 

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de ce certificat à la

Cour fédérale du Canada en vertu du paragraphe 77(1)

et des articles 78 et 80 de la LIPR;

 

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

la demande de libération provisoire sans condition de l’intéressé;

 

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

M. Adil Charkaoui.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une requête de M. Adil Charkaoui (« M. Charkaoui ») ayant comme assise juridique la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la LIPR) aux articles 83 et suivants, qui a comme objet sa libération provisoire sans condition préventive.  Dans un jugement en date du 17 février 2005 (Charkaoui (Re), 2005 CF 248), la Cour ordonnait la libération de M. Charkaoui en autant qu’il se conforme à certaines conditions préventives qu’il considérait acceptables à ce moment-là.  Sur la base de motifs raisonnables de croire, la Cour concluait que le danger associé à M. Charkaoui était neutralisé et qu’il ne se soustraira vraisemblablement pas à une procédure et/ou au renvoi, (si tel est le cas), mais que dans le but de s’assurer que le danger demeure neutralisé, la libération devait être assujettie à certaines conditions préventives.  Dans cette même décision, il fut précisé que la crédibilité de M. Charkaoui ne serait pas déterminée dans le cadre d’une décision traitant d’une revue de détention ou de conditions préventives et que la détermination du caractère raisonnable du certificat se ferait ultérieurement, lorsque toute la preuve aura été présentée.  Dans une décision subséquente ayant comme objet une première demande d’annulation des conditions préventives de la libération, (Charkaoui (Re), 2006 CF 555) il y était précisé au paragraphe 22 :

« Abolir les conditions préventives comme M. Charkaoui me le demande équivaudrait à une décision favorable à M. Charkaoui sur le fond du litige, soit la raisonnabilité du certificat.  Comment pourrais-je éliminer les conditions sans me prononcer sur le bien-fondé des allégations des Ministres contre M. Charkaoui?  Ce serait aller à l’encontre de la suspension des procédures prévues par le législateur (paragraphe 79(1) de la LIPR) mais encore plus, ce serait me prononcer sur le fond du litige sans avoir tous les outils à ma disposition, dont le bénéfice d’une audition où toute la preuve serait mise de l’avant par les parties pour permettre une décision éclairée.  J’avais informé les parties à la fin de l’audition que je ne pouvais pas abolir les conditions pour les raisons mentionnées ci-dessus.  Toutefois, je les informais que M. Charkaoui pouvait présenter des suggestions quant aux accommodations à faire et que les Ministres pourraient par la suite les commenter.  J’ai indiqué que j’interviendrais s’il y a lieu et que je gardais l’esprit ouvert à amender les conditions de libération en autant que les commentaires émis ci-haut soient pris en considération.»

 

 

 

 

Depuis cette décision, les conditions préventives furent atténuées ou/et amendées à plusieurs reprises.  La récente décision de la Cour suprême, Charkaoui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration) 2007 CSC 9, demande à ce que les conditions de la libération soient révisées « régulièrement » et ce, à la lumière des critères élaborés par cette dernière qui seront énumérés et commentés dans les paragraphes qui suivent.

 

[2]               Pour les fins de la présente, j’entends référer à certains jugements.  Je les énumère pour fin de références postérieures :

-                     Charkaoui (Re), 2003 FC 882 (1ère revue de la détention, le 15 juillet 2003) (ci-après Charkaoui I);

-                     Charkaoui (Re), 2004 CF 107 (2ième  revue de la détention, le 23 janvier 2004) (ci-après Charkaoui II);

-                     Charkaoui (Re), 2004 CF 1031 (3ième revue de la détention, le 23 juillet 2004) (ci-après Charkaoui III);

-                     Charkaoui (Re), 2005 CF 248 (4ième revue de la détention, le 17 février 2005) (ci-après Charkaoui IV);

-                     Charkaoui (Re), 2006 CF 555 (1ère revue des conditions) (ci-après Charkaoui V);

-                     Charkaoui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration) 2007 CSC 9 (ci-après Charkaoui VI);

-                     Harkat c. Canada, 2007 CF 508;

 

[3]               Tel que mentionné précédemment, depuis la libération de M. Charkaoui, les conditions furent atténuées ou/et amendées à plusieurs reprises et ce, souvent avec l’accord des Ministres, ceci dans le but de rencontrer les besoins légitimes de M. Charkaoui.  Ce dernier a poursuivi ses études de maîtrise en didactique de Français avec succès, il est devenu père d’un troisième enfant, il a participé à plusieurs reprises à des débats publics portant sur des sujets d’intérêt général, il a un emploi d’enseignant, ce qui lui a permis d’avoir des revenus autonomes.

 

[4]               L’historique des amendements et/ou atténuations aux conditions révèle un mécanisme d’adaptation qui évolue selon les besoins identifiés tout en tenant compte de la constatation que les conditions existent dans le but de neutraliser le danger associé à M. Charkaoui.

 

[5]               M. Charkaoui est d’avis qu’à nouveau le temps est venu pour que sa libération ne soit plus soumise à des conditions préventives puisqu’elles ne sont pas nécessaires pour rencontrer les objectifs de la Loi et du tribunal.  Il donne les raisons suivantes :

 

-                     Il a la capacité et la volonté de respecter la Loi;

-                     Il a la confiance et le respect du système judiciaire pour déterminer ses droits;

-                     Il a la détermination de poursuivre des études supérieures;

-                     Il a la détermination de subvenir aux besoins de sa famille;

-                     Il a la volonté de participer à la vie démocratique Canadienne;

-                     Il a démontré qu’il méritait la confiance de la Cour et il a gagné celle de plusieurs membres influents de la communauté Canadienne;

-                     Il a respecté les conditions de sa libération;

[6]               Pour appuyer ces raisons, ses procureures soumettent dans leur mémoire et/ou plaidoirie (résumé des arguments) que:

-                     La révision des conditions préventives est nécessaire car, tout en tenant compte de l’état du dossier, celles-ci constituent un déni de justice créant ainsi un préjudice irréparable;

-                     La Cour suprême dans l’arrêt Charkaoui VI aux paragraphes 111 et suivants, a reconnu le droit d’une personne intéressée à bénéficier d’un processus de révision périodique de la détention (dans notre cas, la libération avec conditions, paragraphe 117) en tenant compte des critères suivants :  motifs de la détention, le temps passé en détention (libéré sous conditions), les raisons qui retardent la mesure de renvoi (s’il y a lieu), la durée anticipée du prolongement de la détention (de la libération sous conditions), l’existence de solutions de rechange à la détention (à la libération sous conditions);

-                     « La preuve secrète » doit être exclue de l’évaluation du danger parce qu’elle est inconstitutionnelle, ne peut être testée et ne peut être utilisée dans le but d’assurer le respect de l’équité procédurale;

 

 

 

 

-                     La nouvelle preuve contredit la preuve originale mise de l’avant par les Ministres concernant M. Ahmed Ressam (qui aurait reconnu M. Charkaoui en Afghanistan en 1998), M. Abu Zubaida (qui aurait aussi reconnu M. Charkaoui) et M. Noureddine Nafia (qui aurait identifié M. Charkaoui en tant que membre actif du groupe islamiste combattant Marocain (GICM)).  La nouvelle preuve amène M. Ressam à nier avoir reconnu M. Charkaoui.  Le Président Bush a reconnu que M. Zubaida avait été assujetti à des « interrogatoires musclés » et qu’en conséquence cette information ne peut être retenue, ayant été obtenue de façon inhumaine.  Un document obtenu d’un site informatique « géopolitique.com » intitulé « rapport des Services Marocain » ne mentionnait pas M. Adil Charkaoui comme membre du GICM.  Cette nouvelle preuve doit se lire en tenant compte de la preuve antérieure déposée par M. Charkaoui qui la confirme;

-                     Les Ministres, n’ayant soumis aucune preuve relativement aux conditions de détention et entourant les interrogatoires des témoins, ne permettent pas une appréciation de la fiabilité ni de la crédibilité desdits témoins;

-                     M. Charkaoui n’est pas un danger pour la sécurité nationale, il a été en détention et est maintenant libéré sous conditions préventives depuis plus de deux ans et il s’est toujours conformé aux conditions;  les raisons retardant la mesure de renvoi (s’il y a lieu) sont hors de son contrôle et le prolongement de la libération sous conditions apparaît inévitable et les solutions de rechange dans son cas ont déjà été utilisées.

 

[7]               En contrepartie, les Ministres soumettent que :

-                     Bien que la Cour suprême ait déclarée incompatible avec la Charte la procédure de certificat de sécurité (les articles 77 à 85 de la LIPR), celle-ci suspendait la prise d’effet pour une période d’un an (voir Charkaoui VI, au paragraphe 140) et en conséquence, la procédure a toujours sa validité;

-                     Le principe que la preuve confidentielle soumise au tribunal par les Ministres, ne doit pas être communiquée à la personne intéressée n’a pas été remis en cause par la Cour suprême et en conséquence, la Cour peut la prendre en considération;

-                     La Cour a la compétence pour réviser les conditions préventives d’une libération;

-                     L’étude du caractère raisonnable du certificat est suspendue, à la demande de M. Charkaoui, depuis le 22 mars 2005, le tout selon l’article 79 de la LIPR. En conséquence, la Cour ne bénéficie toujours pas de l’enquête concernant les allégations sérieuses concernant M. Charkaoui pour en arriver à la détermination à faire concernant le caractère raisonnable de ce certificat;

-                     La Cour ne saurait ordonner la levée des conditions préventives que si, après examen de la preuve, tant publique que non divulguée, elle pouvait conclure qu’en l’absence de ces conditions, le demandeur n’est plus un danger pour la sécurité nationale ou celle d’autrui;

-                     L’application des critères mis de l’avant par la Cour suprême dans Charkaoui VI ainsi que ceux élaborés par la Cour dans Harkat supra, ne permettent pas la levée totale des conditions de libération;

-                     Le volte face de M. Ressam, ne reconnaissant plus M. Charkaoui comme ayant été vu en Afghanistan, n’est pas crédible et la Cour doit s’en tenir à la déclaration initiale de ce dernier tout en tenant compte des autres éléments de preuve entourant ce témoignage;

-                     Les Ministres reconnaissent qu’il ne serait pas approprié, à ce stade-ci de la procédure, de recourir à la preuve provenant de M. Abu Zubaida étant donné les éléments de preuve entourant les interrogatoires;

-                     Les allégations de mauvais traitements contre la personne de M. Noureddine Nafia (qui selon eux ne sont pas prouvées sauf que par des allégations générales concernant la façon que le Maroc traite ses prisonniers) ne sont pas prouvées et qu’il est d’usage pour les Ministres de chercher à corroborer par l’entremise de d’autres sources ce genre d’information avant de conclure quant à la fiabilité et que, dans le cas présent, il y a corroboration de d’autres sources et que ladite information est fiable et crédible;

-                     La lettre remise au journaliste, M. Jean-François Lépine, dans le cadre de l’émission « Zone Libre » diffusée le 12 avril 2005, par une dame inconnue non identifiée ou encore non identifiable, a peu de valeur probante;

 

 

Question en litige

 

[8]               Tout en tenant compte des critères élaborés par la Cour suprême dans Charkaoui VI, ainsi que ceux identifiés par la Cour dans Harkat supra, les conditions préventives associées à la libération de M. Charkaoui demeurent-elles pertinentes pour assurer la neutralisation du danger à la sécurité nationale associées à la personne de M. Charkaoui?

 

La décision de la Cour suprême dans Charkaoui VI

 

[9]               Dans cette décision, la Cour suprême a validé l’utilisation par la Cour d’information communiquée confidentiellement par les Ministres et non transmise à la personne intéressée (voir paragraphes 49 et 61, Charkaoui VI).  Toutefois, elle a déclaré la procédure du certificat de sécurité inopérante étant donné qu’elle n’incluait pas la participation d’un tiers (à être déterminé par le législateur) pour vérifier l’information confidentielle (voir paragraphes 65, 70 …, Charkaoui VI).  Ayant dit ceci, elle a donné un an au Gouvernement pour pallier à cette lacune et proposer au législateur les amendements appropriés dans les circonstances (voir paragraphe 140, Charkaoui VI).  Pendant cette période, la LIPR et la procédure de certification de sécurité demeurent en vigueur.  Il est même mentionné au paragraphe 140 que si les Ministres voulaient procéder à l’étude du caractère raisonnable du certificat dans le cas de M. Charkaoui, la LIPR s’appliquerait.  Toutefois, il y a suspension de l’étude du caractère raisonnable du certificat selon l’article 79 de la LIPR depuis mars 2005, tant et aussi longtemps qu’une décision ne sera prise et communiquée quant à la demande de protection ou encore tant que M. Charkaoui ne demandera pas la levée de la suspension.  Pour le moment, il est impossible de procéder à l’étude du caractère raisonnable du certificat.

 

[10]           En plus, la Cour suprême a validé les détentions à longue durée ainsi que les libérations avec conditions préventives en autant qu’il y ait des révisions périodiques (voir paragraphe 110, Charkaoui VI).  Ces révisions doivent se faire en tenant compte de critères élaborés par la Cour (voir paragraphe 6, 2e alinéa de la présente décision).  Dans l’arrêt Harkat supra, au paragraphe 9, le soussigné utilisant les critères de la Cour suprême, ajouta les suivants :

 

a)      La modification demandée changera‑t‑elle de manière fondamentale les conditions imposées à l’origine? Peut‑on plus exactement qualifier la modification demandée d’affinement des conditions originales?

b)      La modification demandée constitue‑t‑elle une mesure proportionnée à la nature du danger posé par l’intéressé, et continuera‑t‑elle à neutraliser cette menace?

c)      Y a‑t‑il un motif pour lequel la modification n’a pas été demandée à l’origine?

d)      Lors de la mise en liberté initiale, existait‑il des faits inconnus non rapportés à la Cour qui auraient pu modifier les conditions originales de mise en liberté?

e)      A‑t‑il été produit une preuve à l’appui de la modification demandée?

f)        Y a‑t‑il des faits nouveaux qui n’existaient pas lorsqu’on a établi les conditions originales?

g)      La modification demandée constitue‑t‑elle une solution de rechange raisonnable à la condition passée en revue?

h)      Demande‑t‑on la modification en raison d’interprétations divergentes données à la formulation des conditions originales?

i)        L’écoulement du temps doit être pris en compte de concert avec les autres facteurs.

Ultérieurement, ces critères seront pris en considération dans le cadre de l’analyse.

 

L’analyse

 

[11]           Pour faciliter la compréhension de la présente, je résume les conditions préventives associées à la libération de M. Charkaoui pour assurer la neutralité du danger :

- Condition 1 :              fixe le montant de la caution et sanctionne tout bris aux conditions;

- Condition 2 :              fixe le couvre-feu qui s’applique à l’intimé et prévoit la nomination de superviseurs devant accompagner lors de ses déplacements.  Le couvre-feu est 22 heures et pendant le Ramadan, 23 heures et parfois, 23h30.  La Cour a nommé initialement 3 superviseurs dont un de facto, soit la mère de M. Charkaoui.  Deux nouveaux superviseurs se sont ajoutés sur les lieux de travail.  En autant que M. Charkaoui en fait la demande par requête et qu’il y ait audition de celle-ci, la Cour est prête à regarder favorablement l’ajout d’un autre superviseur, l’épouse de M. Charkaoui.  De plus, la Cour est ouverte à d’autres suggestions à ce sujet;

- Condition 3 :             Précise que certains moyens de communication ne doivent pas être utilisés par M. Charkaoui dont internet et cellulaire;

- Condition 4 :             Prévoit l’utilisation d’un bracelet GPS;

- Condition 5 :             Permet à un employé de l’agence des Services frontaliers du Canada ou à un agent de la paix d’accéder au domicile de M. Charkaoui;

- Condition 6 :             Exige la présence de M. Charkaoui aux auditions de la Cour et le cas échéant, à l’endroit déterminé pour fin de renvoi;

- Condition 7 :             Prévoit la remise du passeport à un agent des Services frontaliers du Canada;

- Condition 8 :             Oblige M. Charkaoui à ne pas porter d’armes, d’imitation d’armes ou encore de substances explosives et chimiques;

- Condition 9 :             Prévoit qu’il ne peut se déplacer à l’extérieur de l’Île de Montréal.  Il y a eu des voyages à l’extérieur avec l’assentiment de la Cour;

- Condition 10 :           Précise qu’il ne peut y avoir de communications avec certaines personnes dûment identifiées ainsi qu’avec toutes personnes ayant un casier judiciaire;

- Condition 11 :           Prévoit que M. Charkaoui doit garder la paix et avoir une bonne conduite;

- Condition 12 et 13 :   Prévoient la détention s’il ne respecte pas les conditions et la possibilité de les amender sur demande;

- Condition 14 :           Demande à M. Charkaoui de se rendre aux bureaux de l’agence des Services frontaliers du Canada une fois par semaine;

- Condition 15 :           Prévoit la possibilité de changer d’adresse, ce qui a déjà eu lieu;

- Condition 16 :           Précise qu’un bris de conditions équivaut à une infraction au sens de l’article 127 du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46.

 

[12]           M. Charkaoui demande l’annulation de toutes ces conditions préventives.  Lors de son interrogatoire, M. Charkaoui offra, sans avoir été spécifiquement demandé, l’opinion que les conditions préventives telle que mise de l’avant, ne l’auraient pas empêché de commettre un acte terroriste :

« Au risque de peut-être choquer la cour, je suis sous serment, mais j’ai l’impression que ces conditions ne sont pas des conditions pour prévenir des actes terroristes ou pour garantir la sécurité nationale.  Si j’avais été un terroriste, ces conditions ne m’auraient pas empêché de perpétrer des actes terroristes. »

 

 

La Cour considère une telle affirmation intéressante pour les fins de la compréhension de la requête de M. Charkaoui.

 

[13]           M. Charkaoui, par l’entremise de ses procureures, me demande de ne pas prendre en considération « la preuve secrète » pour les raisons mentionnées préalablement.  Ma lecture de la décision Charkaoui VI de la Cour suprême n’appuie pas une telle position.  Au contraire, cette décision permet une telle procédure en autant qu’il y a la participation d’un tiers pour remettre en question la preuve.  Toutefois, je note que la présente procédure de certificat de sécurité prévue à la LIPR est toujours en vigueur et a encore sa pleine valeur juridique et ce, pour une période d’un an (25 février 2008).

 

 

 

 

 

 

 

[14]           Lors de la plaidoirie, j’ai invité les procureures de M. Charkaoui à présenter une requête pour nommer un amicus curiae afin de représenter les intérêts de M. Charkaoui lors d’une audience à être tenue à huis clos.

 

[15]           L’invitation fut refusée, la position de M. Charkaoui étant que s’il y a preuve obtenue par le Gouvernement qui ne peut pas être présentée en audience publique, elle ne devrait pas être utilisée pour les fins de la procédure de certificat de sécurité (voir notes sténographiques, 23 août 2007, page 43, plaidoirie de Me Dominique Larochelle).

 

[16]            La procédure de certificat de sécurité de la LIPR demande qu’elle soit traitée « … sans formalisme et selon la procédure expéditive » (voir l’article 78c) de la LIPR).  L’histoire du présent dossier montre que depuis le début des procédures, plus de 4 ans s’est écoulé sans que le caractère raisonnable du certificat n’ait été déterminé.  Les nombreux recours judiciaires associés à la procédure, le retrait de la décision sur la demande de protection du délégué du Ministre en mars 2005, la demande de suspension de la procédure du caractère raisonnable du certificat selon le paragraphe 79(1) de la LIPR, le 22 mars 2005 est encore actuellement en vigueur, le délai encouru en attente d’une autre décision traitant de la demande de protection ont fait que le temps passe au détriment de l’objectif législatif de procéder de façon « expéditive ».  Dans le cadre de la présente requête, on me demande de faire une analyse de fond de la situation tout en n’ayant pas tous les outils pouvant me permettre d’analyser la preuve en profondeur que j’aurais normalement lors des auditions traitant du caractère raisonnable du certificat.  Donc, je dois analyser la preuve à ma disposition en fonction de l’élément danger pouvant être associé à M. Charkaoui, un exercice que j’ai dû faire à plusieurs reprises dans le passé.  Pour évaluer la preuve pertinente au danger selon la norme de preuve de motifs raisonnables, j’ai utilisé le même encadrement juridique que celui suivit dans Charkaoui IV aux paragraphes 30 à 33 inclusivement pour la norme de preuve ainsi que les paragraphes 35 à 40 inclusivement, pour le danger.  J’invite le lecteur à les consulter à titre de références.

 

[17]           J’ai étudié à nouveau la preuve m’ayant permis en février 2005 de conclure que bien qu’il y avait eu danger, celui-ci s’était atténué au point d’être neutralisé et que dans le but d’assurer cette neutralité, certaines conditions préventives devaient être conceptualisées pour permettre la libération.

 

[18]           En plus, j’ai pris en considération la preuve subséquente et je l’ai étudiée en tenant compte de l’ensemble de la preuve au dossier tout en appliquant la norme de motifs raisonnables.  J’en arrive à la conclusion que des conditions préventives doivent être associées à la libération de M. Charkaoui dans le but de s’assurer que le danger présent jusqu’en février 2005, demeure neutralisé.

 

[19]           J’ai déjà mentionné dans le passé que la preuve des Ministres était sérieuse ce qui a justifié, à au moins trois reprises, une constatation de danger continu associé à M. Charkaoui et en conséquence, le refus de sa demande de mise en liberté (voir Charkaoui I, II, III).  Cette preuve fut communiquée sommairement par l’entremise de résumés de la preuve, documentation et jugements.  Encore aujourd’hui, la Cour est prête à communiquer un complément d’information quant à un résumé de preuve déjà transmis, le tout faisant suite aux articles publiés dans le journal « La Presse ».   Ces éléments de preuve ont été communiqués verbalement à M. Charkaoui, mais les avocates de M. Charkaoui me demandent de ne pas les déposer officiellement au dossier de la Cour, car cette communication publique ajouterait au préjudice déjà subi par M. Charkaoui suite à la publication des articles de « La Presse » et affecterait une autre procédure en cours, soit une requête en annulation de la procédure de certificat sur la base d’abus de procédure.  Pour le moment, les nouveaux éléments de preuve demeurent propres aux parties, le tout sujet à une détermination ultérieure de la Cour.  Tel que mentionné plus haut, en février 2005, la constatation de la Cour était que le danger était neutralisé mais que des conditions de libération étaient nécessaires pour assurer le maintien de cet état.

 

[20]           Les allégations des Ministres sont à l’effet que M. Charkaoui est un membre du réseau Al- Quaïda d’Oussama Ben Laden et qu’il devrait être interdit de territoire pour raison de sécurité, le tout, en vertu des alinéas 34(1)c), 34(1)d) et 34(1)f) de la LIPR.  De plus, on reproche à M. Charkaoui d’être lié au GICM, organisation liée à Al-Quaïda, qui serait responsable d’attentats terroristes meurtriers.  Il aurait remis à un haut placé du GICM un montant de 2 000.00$ ainsi qu’un ordinateur portatif.  Pour les Ministres, l’association de M. Charkaoui avec certaines personnes  dans le passé demeure indicative de son implication dans le temps.

 

[21]           Les Ministres ajoutent que M. Charkaoui, dans la première partie de 1998, aurait suivi un stage militaire et une formation théologique à l’institut de Charia à Khalden.

 

[22]           Dans le jugement Charkaoui I, j’ai identifié trois préoccupations qui découlaient du dossier et qui nécessitaient des explications :

-                     la vie de l’intimé de 1992 à 1995 (au Maroc) et de 1995 à 2000 (au Canada)  incluant tous les voyages;

-                     le voyage de l’intimé au Pakistan (février à juillet 1998);

-                     les contacts de M. Charkaoui avec entre autres M. Abdelrazik, M. Mohammed, M. Atmani, M. Hannachi et M. Ouzghar

 

[23]           M. Charkaoui a témoigné le 7 février 2005 ainsi qu’à d’autres reprises.  Son témoignage est résumé dans la décision Charkaoui IV aux paragraphes 15 à 19 inclusivement.  Le soussigné a relu ces témoignages pour les fins de la présente.

 

[24]           Dans cette même décision au paragraphe 46, il est précisé ceci :

Je n’ai pas l’intention de décider de la crédibilité de M. Charkaoui, ce que je ferai lorsque l’audition concernant la raisonnabilité du certificat aura lieu et que toute la preuve aura été présentée.  Pour répondre aux questions mentionnées au paragraphe 45, j’entends dédier mon analyse à la notion de « danger à la sécurité nationale » ou celle «d’autrui» et à la vraisemblance ou l’invraisemblance que M. Charkaoui se soustraira à la procédure ou au renvoi, si tel est le cas.  La détermination sur la raisonnabilité du certificat se fera ultérieurement. »

 

[25]           Tel que mentionné antérieurement, la même situation existe encore aujourd’hui.  Toutefois, le soussigné prend en considération toute la preuve déposée depuis dans le cadre de l’évaluation du danger, de sa neutralité et des conditions préventives associées à ce dernier, s’il y a lieu.

 

[26]           L’évaluation du danger et de sa neutralisation doit se faire non seulement sur la base de la preuve provenant de M. Ahmed Ressam et M. Noureddine Nafia, mais aussi de l’ensemble de la preuve y incluant tous les témoignages.  Ce n’est qu’avec cette vue d’ensemble que l’on peut vraiment faire les déterminations appropriées.  Pour les fins de la présente, le soussigné, comme il le fut indiqué dans le passé, n’entend pas utiliser la preuve d’identification provenant de M. Abu Zubaida étant donné la problématique qui entoure les interrogatoires.

 

[27]           À la lumière de toute la preuve provenant de M. Ressam et seulement pour les fins de la présente, le soussigné n’ayant pas le bénéfice d’une audition sur le fond de l’affaire, je considère que la récente preuve ne me permet pas de conclure que celui-ci a menti lorsqu’il disait reconnaître la personne apparaissant sur les deux (2) photos (M. Charkaoui) comme étant Zubeir Al-Maghrebi et qu’il se serait entraîné dans un camp en Afghanistan au début de l’été 1998.  Pour en arriver à une telle constatation, j’ai pris en considération le témoignage du journaliste Fabrice de Pierrebourg, la correspondance déposée ainsi que le mandat d’arrestation du Service de police de la ville de Montréal et le témoignage du policier du Service de l’identité judiciaire etc….  J’ai aussi pris en considération le témoignage de M. A. Khadr.  On se rappellera que j’avais déjà informé que le soussigné s’était préoccupé de cet aspect de la preuve et que j’avais expliqué que les entrevues de M. Ressam avaient été menées par le Service canadien du renseignement de sécurité en janvier 2002, en présence d’une avocate et qu’à deux moments distincts M. Ressam a identifié M. Charkaoui sur deux différentes photographies de façon instantanée sans hésitation sous le nom Zubair Al-Mogherebi.  Tenant compte de tous les éléments associés à cette preuve, je conclus que M. Ressam ne mentait pas.

 

[28]           Pour ce qui est de la preuve rattachée à M. Noureddine Nafia associant M. Charkaoui au GICM, à une contribution d’un montant de 2 000.00$ et un ordinateur portatif, la Cour constate que ces informations provenant du Maroc ont été corroborées par « d’autres sources ».  Ayant dit ceci, la Cour demeure toujours préoccupée par toute allégation de torture associée à la preuve obtenue par l’entremise d’interrogatoires.  Le soussigné a soulevé dès le début, lorsque ces informations ont fait surface, cette préoccupation lors des audiences à huit clos et hors de la présence de M. Charkaoui et ses avocates.  La Cour est au courant de la preuve documentaire d’ordre général concernant la réputation du Pays à ce sujet.  Pour le moment et n’ayant pas eu le bénéfice d’une audience traitant du caractère raisonnable du certificat, la Cour est d’avis que l’information demeure, n’ayant pas eu de la preuve pouvant me permettre de conclure que les interrogatoires étaient « musclés » au point tel que la preuve découlant de ces informations seraient irrecevables.  Quant à la lettre de M. Nafia remise au journaliste Jean-François Lépine, elle a été prise en considération dans l’évaluation de la preuve mais tenant compte de l’ensemble de celle-ci incluant les témoignages, elle ne me permet pas pour le moment de rejeter la preuve impliquant M. Charkaoui.  Enfin, le document provenant du site internet geopolitique.com a aussi été pris en considération.

 

[29]           Depuis la libération de M. Charkaoui avec conditions préventives, ces dernières ont été révisées à maintes reprises en tenant compte des besoins particuliers de M. Charkaoui et de sa famille.  Ces demandes d’adaptation ont toujours reçues une réponse favorable.  Aujourd’hui, il demande pour la deuxième fois, l’abolition totale et sans réserve de toutes les conditions qui furent conceptualisées pour assurer la neutralisation du danger associé à M. Charkaoui. 

 

Les critères pour fin de révision de la libération avec conditions

 

[30]           Dans les paragraphes ci-après, j’entends utiliser les critères découlant de Charkaoui VI et Harkat supra, pour les fins de l’analyse.

 

[31]           Depuis le 17 février 2005, M. Charkaoui est libéré sous conditions.  Celles-ci ont été amendées ou encore atténuées depuis.  Il a été détenu pendant vingt-six (26) mois.  Pendant cette période, la Cour a révisé à trois (3) reprises la détention qui fut maintenue parce que les allégations et la preuve des Ministres étaient sérieuses et permettaient une constatation du danger associé à M. Charkaoui.  Lors de la quatrième demande de révision de la détention, la Cour constatait que le danger avait diminué depuis le début de l’incarcération au point de devenir neutralisé et que des conditions étaient essentielles selon les circonstances du dossier.

 

[32]           En date de ce jour et en tenant compte de l’analyse précédente, le danger « neutralisé » doit être contrôlé par des conditions appropriées de type préventives.

 

[33]           La mesure de renvoi est une conséquence ultime de la procédure de certificat.  Étant donné les circonstances particulières du dossier, une date de renvoi est difficilement envisageable; si tel est le cas, à court terme.  Pour expliquer cette situation, il y a  de nombreux facteurs :

 

 

-                     Les nombreuses procédures initiées dans le présent dossier;

-                     La suspension de l’audition du caractère raisonnable du certificat à deux (2) reprises dont l’une demeure toujours en vigueur à ce jour;

-                     Le retrait d’une première décision concernant la première demande de protection et l’attente du résultat d’une deuxième demande;

-                     La période de prise d’effet d’un an offerte par la Cour suprême au Gouvernement pour soumettre les amendements législatifs dans Charkaoui VI;

 

[34]           La Cour a déjà mis de l’avant des solutions de rechange à la détention en conceptualisant des conditions préventives à être associées à la libération.  Ces conditions ont été appliquées, amendées et atténuées depuis le 17 février 2005.  Malgré tout, et sans vouloir prétendre qu’elles ne sont pas contraignantes, la Cour constate que M. Charkaoui :

-                     A poursuivi avec succès ses études de maîtrise en didactique de Français;

-                     Est devenu père d’un troisième enfant;

-                     A participé à plusieurs débats d’intérêt public, participant ainsi à la vie démocratique du Canada;

-                     Il a occupé différents emplois dont le plus récent est celui de professeur à temps plein dans une école primaire de Montréal, lui permettant ainsi d’avoir des revenus autonomes;

-                     Il a déménagé dans un autre logement;

-                     Il a voyagé à l’extérieur de l’Île de Montréal parfois pour des raisons associées à lui ou encore familiales;

-                     Le couvre-feu a été ajusté au besoin selon les demandes faites;

-                     Le nombre de superviseur a été augmenté pour reconnaître le lieu de travail de M. Charkaoui;

 

[35]           Il se peut que dans l’avenir certaines des conditions préventives soient amendées ou/et atténuées en tenant compte des besoins de M. Charkaoui et du danger auquel il a été associé.  La Cour a toujours invité les parties à se parler dans le but d’en arriver à une entente pouvant être ratifiée par le tribunal.  La présente demande ne vise pas cette situation.  On requiert de la Cour l’annulation de  toutes les conditions.  Ceci ne prend pas en considération la détermination du danger à neutraliser par l’entremise de conditions.  Une telle solution n’est pas proportionnelle à la  détermination de danger. 

 

[36]           La règle de proportionnalité entre le danger que l’on veut neutraliser et l’imposition de conditions préventives, doit se faire dans le concret avec situation de faits à l’appui.  Il n’est pas approprié d’imposer à la Cour cette mise en balance sans donner une preuve complète des faits, le droit pour le faire, provenant des deux (2) parties surtout quand on demande l’abolition totale des conditions.  Le dossier public et privé révèlent des faits qui n’ont pas été abordés par la présente requête.  Le témoignage de M. Charkaoui informe à ce sujet.

 

 

 

[37]           Tenant compte du danger auquel M. Charkaoui fut associé et de l’importance de s’assurer que ce danger soit et demeure neutralisé, des conditions préventives associées à sa libération demeurent nécessaires et en conséquence il n’est pas dans l’intérêt de la justice d’annuler toutes les conditions qui entourent la libération. 

 

[38]           Étant donné ma conclusion à l’effet que des conditions demeurent pour assurer la neutralisation du danger, je ne peux tout simplement pas libérer provisoirement M. Charkaoui sans condition préventive.  Ayant dit ceci et à nouveau, la Cour réitère l’invitation faites aux parties de discuter d’amendements ou/et d’atténuation aux conditions préventives et si les parties ne peuvent s’entendre, de soumettre le tout au tribunal pour décision.  De cette façon, les intérêts de la justice et ceux de M. Charkaoui seront adéquatement pris en considération.  En terminant, la Cour entend réviser à nouveau ces conditions préventives selon le passage du temps si aucune demande des parties n’est faite.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

POUR TOUTES CES RAISONS, LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

 

-                     La requête pour obtenir la libération provisoire sans condition de M. Charkaoui est rejetée.

 

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                       DES-3-03

INTITULÉ :                                     

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un certificat en vertu

du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection

des réfugiés, L.C. 2001, chap.27 (la « Loi »)

signé par les Ministres (« les Ministres »);

 

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de ce certificat

à la Cour fédérale du Canada en vertu du paragraphe 77(1)

et des articles 78 et 80 de la Loi;

 

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT la demande de libération provisoire

sans condition de l’intéressé;

 

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT

M. Adil Charkaoui (« M. Charkaoui »)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE:              Montréal, 24 septembre 2007

 

MOTIFS DE:                                   L’Honorable Juge Simon Noël

 

DATE DES MOTIFS:                     Le 10 octobre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

 

Daniel Roussy

Luc Cadieux

 

 

POUR LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Daniel Latulippe

 

 

POUR LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

Dominique Larochelle

Johanne Doyon

 

Christian Leblanc

Chloé Latulippe

 

POUR ADIL CHARKAOUI

 

 

Pour les intervenants

Joël Bellavance

Gilles Toupin

 

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                                                                         

 

 

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

Des Lonchamps, Bourassa, Trudeau et Lafrance

Montréal (Québec)

Doyon & Associés

Montréal (Québec)

 

POUR ADIL CHARKAOUI

 

Fasken Martineau                                                               POUR LES INTERVENANTS 

Montréal (Québec)

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