Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20070928

Dossier : T-227-02

Référence : 2007 CF 977

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN

 

ENTRE :

NU-PHARM INC.

demanderesse

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA DIRECTION DES PRODUITS THÉRAPEUTIQUES DE SANTÉ CANADA

 

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

INTRODUCTION

 

[1]               Il s’agit d’une requête en jugement sommaire présentée par la Couronne défenderesse. Celle‑ci sollicite le rejet de l’action en dommages-intérêts de la demanderesse au motif que cette action repose sur la possibilité que la Cour conclue à l’illégalité de certaines décisions prises par le directeur général et qu’une telle conclusion ne peut être tirée, selon l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Grenier c. Canada, 2005 CAF 348, que dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire et non pas dans celui d’une action. La difficulté que soulève la présente requête n’est pas de savoir si l’action de la demanderesse est entachée d’un vice fatal, parce qu’elle l’est manifestement, mais de savoir s’il est possible de la maintenir, et dans l’affirmative, de quelle façon.

 

LES FAITS

[2]               Le 11 septembre 1997, la demanderesse a soumis une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) pour le Nu-Enalapril, en se fondant sur une comparaison avec l’Apo-Enalapril, lui‑même un médicament générique correspondant au Vasotec de Merck. Santé Canada a refusé d’examiner la PADN de la demanderesse au motif qu’elle ne faisait pas référence à un produit de référence canadien valide puisqu’elle mentionnait une drogue générique. Sans en aviser Merck, la demanderesse a demandé le contrôle judiciaire de cette décision et la décision de Santé Canada a été annulée (Nu-Pharm c. Canada, [1999] 1 C.F. 620 1721 (1re inst.)).

 

[3]               Le 25 février 1999, Santé Canada a délivré un avis de conformité à l’égard du Nu-Enalapril. Toutefois, le 5 mars 1999, Merck a demandé l’annulation de la décision de Santé Canada. La Cour fédérale a fait droit à la demande de Merck et cette décision a été confirmée en appel le 13 mars 2000 au motif que la demanderesse devait respecter les conditions de l’article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (Merck c. Canada (1999), 176 F.T.R. 21 (1re inst.), conf. par (2000), 254 N.R. 68 (C.A.F.)).

 

[4]               Le 22 mars 2000, le directeur général a envoyé aux gestionnaires provinciaux des programmes de prestations pharmaceutiques une lettre les informant que l’avis de conformité à l’égard du Nu‑Enalapril n’était plus valide et que :

[Traduction] Par conséquent, les produits Nu‑Enalapril ne peuvent plus être vendus ou annoncés conformément à l’avis de conformité délivré le 25 février 1999, sous réserve d’un examen judiciaire ultérieur de la décision.

 

[5]               Le 31 mars 2000, le directeur général a envoyé une autre lettre aux gestionnaires provinciaux des programmes de prestations pharmaceutiques ainsi qu’aux collèges et registraires des pharmaciens pour les informer que l’avis de conformité à l’égard du Nu‑Enalapril n’était plus valide depuis la date du jugement de la Cour d’appel. Cette lettre mentionnait également ceci :

 

[Traduction] Désormais, la vente du Nu-Enalapril ou la publicité relative à ce médicament constitue une violation de l’article C.08.002 du Règlement sur les aliments et drogues. Cela vise la distribution et l’exécution des ordonnances en utilisant les stocks de médicaments achetés de Nu‑Enalapril avant le jugement.

 

[6]               Le 3 avril 2000, la demanderesse a envoyé au directeur général une lettre dans laquelle elle alléguait que le Nu-Enalapril n’était pas un « nouveau médicament » et que, par conséquent, il n’était pas nécessaire d’obtenir un avis de conformité pour le vendre. Cependant, après avoir reçu les observations de la demanderesse sur une période de plusieurs mois, le directeur général a décidé qu’il n’y avait pas de raison de modifier la conclusion selon laquelle le Nu‑Enalapril ne pouvait être vendu sans un avis de conformité valide.

 

[7]               Le 22 février 2001, la demanderesse a déposé une demande de contrôle judiciaire à l’égard de cette décision, dans le dossier nT-315-01, dans laquelle elle a sollicité un jugement portant que le ministre n’avait pas le pouvoir de déclarer que la vente du Nu-Enalapril contreviendrait au Règlement les aliments et drogues et que le ministre avait agi illégalement en qualifiant le Nu‑Enalapril de « nouveau médicament » et demandé qu’on oblige le ministre à rétracter toutes les déclarations mentionnant que la vente du Nu-Enalapril était « illégale ». Le 12 février 2002, la demanderesse a déposé la présente déclaration. Le 24 juin 2002, après que Merck eut obtenu l’autorisation d’intervenir, la demanderesse a déposé un avis de désistement dans la demande de contrôle judiciaire.

 

[8]               La demanderesse affirme que les médicaments Enalapril ont été approuvés pendant plus de sept ans. Elle soutient également qu’elle ne connaît aucun autre cas où la révocation d’un avis de conformité contestée pour des motifs évidents ait été maintenue ou où le directeur général ait diffusé une telle information. Elle affirme également qu’elle s’est désistée de la demande de contrôle judiciaire après l’ajout de Merck en qualité d’intervenante parce que cela a eu pour effet de ralentir considérablement le déroulement de la demande et d’aggraver le préjudice que subissait Nu‑Pharm. Nu‑Pharm dit avoir cherché d’autres façons d’attaquer la décision du directeur général en groupant le contrôle judiciaire avec une action ou en suspendant le contrôle judiciaire, mais, le 26 juin 2002, l’avocat du directeur général a informé la demanderesse de ce qui suit [traduction] : nous estimons que les circonstances particulières entourant les deux instances sont telles qu’il ne serait pas approprié de les joindre ».

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[9]               La défenderesse soutient que la réparation que sollicite la demanderesse dans la présente action est inextricablement liée à ses allégations de comportement illégal de la part du directeur général. En particulier, la demanderesse soutient que le directeur général n’avait pas le pouvoir de décider que la commercialisation du Nu‑Enalapril en l’absence d’un avis de conformité était illégale ou de communiquer cette décision à d’autres personnes.

 

[10]           Dans ses observations, la défenderesse soutient que le pouvoir de contrôler les décisions comme celles du directeur général a été attribué exclusivement à la Cour fédérale et qu’il doit s’exercer uniquement au moyen de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales (Canada c. Grenier, [2006] 2 F.C.R. 287 (C.A.); Canada c. Tremblay, [2004] 4 C.F. 165 (C.A)). Autoriser la demanderesse à procéder par voie d’action irait à l’encontre de l’intention clairement exprimée du législateur au paragraphe 18(3) de la Loi sur les Cours fédérales selon lequel les réparations comme les ordonnances liant le directeur général ne peuvent être demandées que par voie de contrôle judiciaire.

 

[11]           La demanderesse conteste l’applicabilité de l’arrêt Grenier, précité, mais elle savait clairement depuis le départ que les décisions du directeur général qu’elle conteste peuvent, et doivent, être attaquées par voie de contrôle judiciaire puisque c’est exactement ce qu’elle a fait. Il s’agit de savoir quelles devraient être les conséquences juridiques de tout ceci et s’il est possible de rétablir la situation.

 

ANALYSE

[12]           Il est évident que les difficultés que connaît la demanderesse découlent des décisions délibérées qu’elle a prises d’intenter la présente action, dans laquelle elle cherche essentiellement à obtenir la même réparation que celle qu’elle a déjà demandée dans la demande de contrôle judiciaire avec des dommages-intérêts, et de se désister ensuite de cette demande de contrôle judiciaire.

 

[13]           Pour faire ressortir les similitudes quant au fond entre la présente action et de la demande de contrôle judiciaire, il suffit de lire les actes de procédure de la demanderesse.

 

[14]           Voici le passage essentiel concernant la réparation demandée dans la demande de contrôle judiciaire de février 2001 :

[traduction]

LA DEMANDERESSE, Nu-Pharm INC. (NU‑PHARM), DEMANDE CE QUI SUIT :

 

1.         Une ordonnance déclarant que le défendeur, le ministre de la Santé et ses délégués (collectivement désignés comme étant le ministre) n’avaient, et n’ont pas, le pouvoir légal de déclarer que la vente du médicament de Nu‑Pharm pour les affections cardiovasculaires, les comprimés Nu‑Enalapril, ainsi que la publicité à cet égard sont contraires à l’article C.08.002 du Règlement sur les aliments et drogues ou autrement illégales;

 

2.         Une ordonnance déclarant qu’en assimilant le Nu‑Enalapril à une nouvelle drogue au sens de l’article C.08.001 du Règlement sur les aliments et drogues, le ministre a agi, et continue d’agir, sans pouvoir légal et de façon inéquitable, discriminatoire, arbitraire et irrationnelle;

 

3.         Une ordonnance enjoignant au ministre de rétracter toutes les déclarations mentionnant que la vente de comprimés Nu‑Enalapril est illégale.

 

[15]           La déclaration modifiée dans la présente action sollicite les réparations suivantes :

 

[traduction]

1.         La demanderesse, Nu-Pharm Inc. (Nu-Pharm), demande ce qui suit :

 

a)         une ordonnance interdisant au directeur général de la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada (DPT) ou à tout autre fonctionnaire de la Couronne, de publier des déclarations qui mentionnent, de façon expresse ou implicite, que la vente des comprimés Nu‑Enalapril est illégale;

 

b)         une ordonnance enjoignant au directeur général de la DPT de rétracter toutes les déclarations faites aux autorités de réglementation provinciales, aux tiers pharmaciens, aux distributeurs de produits pharmaceutiques, aux assureurs publics et privés et à toute autre personne mentionnant que la vente des comprimés Nu‑Enalapril est illégale;

 

c)         des dommages-intérêts de la défenderesse, Sa Majesté la Reine du chef du Canada agissant pour le compte du gouvernement du Canada, pour :

 

(i)                  l’action fautive, l’abus de pouvoir, l’atteinte illégale aux intérêts économiques de Nu‑Pharm en informant illégalement les autorités de réglementation provinciales, les tiers pharmaciens, les distributeurs de produits pharmaceutiques, les assureurs publics et privés et d’autres personnes que la vente des comprimés Nu‑Enalapril est illégale;

 

(ii)                la négligence grave, ou à titre subsidiaire, la négligence, et le non‑respect manifeste du Règlement sur les aliments et drogues (le Règlement) et des limites du pouvoir légal délégué que le directeur général est autorisé à exercer, (i) en tirant une conclusion de droit concernant la commercialisation des comprimés de Nu‑Pharm, alors que le directeur général ne possède pas ce pouvoir (ii) en agissant illégalement sur le fondement de cette « décision » invalide en informant les autorités de réglementation provinciales, les tiers pharmaciens, les distributeurs de produits pharmaceutiques, les assureurs publics et privés et d’autres personnes que la vente des comprimés Nu‑Enalapril est illégale, (iii) en refusant d’examiner ou de tenir compte des éléments de preuve objectifs qui démontraient que la vente des comprimés Nu‑Enalapril n’était pas, et n’est pas, illégale et (iv) en tenant pour acquis que le directeur général avait le pouvoir légal de se prononcer sur la commercialité des comprimés Nu‑Enalapril, en le faisant arbitrairement sans examiner de bonne foi les éléments de preuve, et en refusant de façon discriminatoire de respecter la justice naturelle et l’équité procédurale envers Nu‑Pharm en prenant cette décision et en informant les autorités de réglementation provinciales, les tiers pharmaciens, les distributeurs de produits pharmaceutiques, les assureurs publics et privés et d’autres personnes du fait que la vente des comprimés Nu‑Enalapril est illégale, sans avoir accordé auparavant à Nu‑Pharm la possibilité de se faire entendre et de présenter des preuves établissant que la vente des comprimés Nu‑Enalapril n’était pas, et n’est pas, illégale;

 

[16]           À mon avis, l’obtention des dommages-intérêts réclamés à l’alinéa 1c) de la déclaration modifiée repose entièrement sur la démonstration par la demanderesse de l’illégalité des décisions du directeur général qui sont l’objet des réparations demandées dans les deux paragraphes précédents. Il n’y a aucune différence, si ce n’est de forme, entre la demande de jugement déclaratoire présentée dans la demande de contrôle judiciaire et la demande d’injonction présentée dans le cadre de l’action. L’allégation de négligence, grave ou non, qui est ajoutée dans l’action ne peut être dissociée de l’allégation selon laquelle le directeur général a agi de façon illégale. Tant que les actes du directeur général n’auront pas été déclarés illégaux, la demanderesse n’a aucun droit d’action ni dans l’une ni dans l’autre procédure. L’arrêt Grenier indique clairement que la demanderesse doit procéder par voie de contrôle judiciaire. La Cour n’a pas la latitude, comme la demanderesse semble le laisser entendre, de restreindre de la sorte la portée de l’arrêt Grenier, exposée clairement par la Cour d’appel.

 

[17]           Ayant prévu, comme c’est en fait le cas, que la Cour était pratiquement tenue de conclure que son action souffrait d’un défaut fatal, à savoir la non‑poursuite de sa demande de contrôle judiciaire, la demanderesse cherche maintenant à obtenir des réparations subsidiaires soit en reprenant la demande de contrôle judiciaire dont elle s’est désistée, soit en obtenant une prorogation de délai pour présenter une nouvelle demande ou en transformant l’action actuelle en une demande de contrôle judiciaire, pour ensuite la retransformer en une action conformément au paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales.

 

[18]           À l’appui de cette demande de réparation subsidiaire, la demanderesse invoque l’affidavit de son propre avocat, la seule preuve qu’elle a présentée dans la présente requête.

 

[19]           Cet affidavit est irrégulier à plusieurs égards. Le souscripteur de l’affidavit est l’associé de l’avocat qui a comparu et plaidé la requête pour le compte de la demanderesse. Pis encore, l’affidavit est tendancieux et argumentatif à l’extrême; il va bien au‑delà des aspects formels ou de la simple production de documents. Pour ces seuls motifs, je suis d’avis de refuser d’en tenir compte. Mais ce n’est pas tout.

 

[20]           Le paragraphe 23 de l’affidavit de l’avocat est rédigé comme suit :

[traduction]

23.       Si les défendeurs ont contesté le droit de la demanderesse d’obtenir les réparations sollicitées aux alinéas 1a) et b) de la déclaration modifiée – à savoir une interdiction et une injonction – dans le contexte d’une action, les défendeurs n’ont pas contesté le droit de Nu‑Pharm de demander la réparation sollicitée dans le reste du paragraphe 1 pour des motifs de procédure ou de compétence ni affirmé que les dommages-intérêts sollicités à l’alinéa 1c) ne pouvaient être attribués sans avoir obtenu au préalable une décision au sujet de la légalité des actes contestés dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. En fait, la défense n’a jamais été modifiée pour plaider que la réparation recherchée dans la présente instance, autre que celle qui est exposée aux alinéas 1a) et 1b), ne pouvait être obtenue dans le cadre de la présente action pour des motifs de procédure ou de compétence. Des copies de la déclaration modifiée de Nu‑Pharm datée du 7 août 2002 et de la défense des défendeurs datée du 30 août 2002 sont jointes aux présentes en pièce « J ».

 

[21]           J’estime que l’argument contenu dans ce paragraphe est au mieux fallacieux. Les passages pertinents de la défense auxquels l’avocat renvoie sont les suivants :

[traduction]

1.         En réponse à cette demande, il affirme que le procureur général du Canada (le procureur général) et le directeur général de la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada (le directeur général) devraient être radiés en tant que défendeurs dans la présente action et que les alinéas 1a) et 1b) de la déclaration modifiée devraient être radiés pour les motifs suivants.

 

a.         Ni le procureur général ni le directeur général ne sont des défendeurs appropriés dans une action en dommages-intérêts contre la Couronne.

 

b.         Lorsque Sa Majesté la Reine est nommée à titre de défenderesse, la désignation du procureur général à titre de défendeur est redondante et inutile.

 

c.         Le directeur général agit pour le compte du ministère de la Santé et est un office fédéral. Par conséquent, les réparations que la demanderesse cherche à obtenir contre lui ne peuvent être accordées que dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. La Cour n’a pas compétence pour accorder, dans la présente action, la réparation demandée contre lui aux alinéas 1a) et 1b) de la déclaration modifiée.

 

[22]           J’ai déjà indiqué qu’à mon avis les dommages-intérêts demandés à l’alinéa 1c) de la déclaration modifiée dépendent entièrement d’une conclusion selon laquelle les actes et décisions du directeur général étaient illégaux, conformément à ce qui est énoncé aux alinéas 1a) ou b). Dans les extraits cités de la défense, les défendeurs s’opposent clairement pour « des motifs de procédure ou de compétence » à la réparation demandée dans ces deux alinéas; affirmer, de surcroît sous serment, que la demande de dommages-intérêts qui dépend de la conclusion voulue n’est pas non plus contestée revient à prendre ses désirs pour des réalités. Me fondant uniquement sur les actes de procédure invoqués par l’avocat, je dois rejeter l’action, y compris la demande fondée sur la négligence.

 

[23]           Cela m’amène à examiner les réparations subsidiaires sollicitées par la demanderesse. À mon avis, elles ne peuvent être demandées dans l’état actuel du dossier, même si elles avaient été correctement demandées par voie de requête, ce qui n’est pas le cas. Pour essayer de rétablir la demande de contrôle judiciaire abandonnée par la demanderesse, il faudrait qu’il existe des motifs d’annuler le désistement; l’affidavit de l’avocat ne les fournit pas. Il n’y a aucune affirmation crédible selon laquelle la demanderesse se serait désistée de sa demande par erreur ou parce qu’elle n’avait qu’une connaissance imparfaite des faits. En outre, pour accorder maintenant une prorogation de délai pour présenter une nouvelle demande de façon très tardive, il faudrait que je sois convaincu que la demanderesse satisfait aux conditions établies par la jurisprudence pour l’octroi d’une telle prorogation; ces conditions ne sont pas abordées dans l’affidavit et il est loin d’être évident qu’elles soient réunies. Enfin, pour suivre la suggestion de la demanderesse et transformer la présente action en une demande de contrôle judiciaire pour ensuite la retransformer en une action, il faudrait à la fois que j’accorde maintenant une prorogation du délai (l’action ayant été introduite alors que les délais étaient expirés depuis longtemps) et que je conclue que les conditions permettant de transformer une demande en une action sont remplies. Or, ni l’une ni l’autre condition n’est remplie.

 

[24]           Il demeure toutefois que les motifs invoqués par la Couronne à l’appui de sa requête pour obtenir un jugement sommaire sont essentiellement de nature procédurale. La Cour a l’obligation de faire tout ce qui est possible pour que la demande de la demanderesse soit tranchée sur le fond, en supposant qu’elle soit fondée. C’est le défi auquel j’ai fait allusion au début des présents motifs. Je comprends des articles 3 et 57 des Règles que je ne devrais pas refuser à la demanderesse l’accès à la cour parce qu’elle n’a pas utilisé la procédure appropriée. Je pense qu’il est possible de le faire et d’épargner à la demanderesse les conséquences de ses propres mauvaises décisions, pourvu qu’elle réussisse à convaincre la Cour de l’existence des conditions préalables nécessaires.

 

CONCLUSION

[25]           Pour les motifs énoncés, je vais faire droit à la requête de la défenderesse. Je vais néanmoins surseoir à l’exécution du présent jugement pour une période de 30 jours de façon à donner à la demanderesse la possibilité de solliciter une prorogation de délai pour déposer une nouvelle demande de contrôle judiciaire et, si cette prorogation est accordée, il y aura sursis jusqu’à ce que cette demande soit tranchée de façon définitive en faveur de la demanderesse, auquel cas l’une des parties pourra à ce moment‑là demander, par requête, que le présent jugement soit annulé. Si la demanderesse ne demande pas une prorogation en temps utile, si cette prorogation est refusée ou si la demande est rejetée de façon définitive, le sursis prendra fin et le rejet de l’action sera confirmé.

 

[26]           Rien dans les présents motifs ou dans l’ordonnance ne doit être interprété comme restreignant le pouvoir de la Cour de fusnionner la présente action ou la demande proposée ou les deux, si cela semble souhaitable à un moment donné.

 

[27]           La défenderesse a le droit à ses dépens, fixés à un montant global de 5 000 $, payables sans délai, quelle que soit l’issue de la cause.

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.         La requête est accueillie et l’action est rejetée.

 

2.         Il est sursis à l’exécution du paragraphe 1 de la présente ordonnance pour une période de 30 jours pour permettre à la demanderesse de solliciter une prorogation de délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire et, dans le cas où cette prorogation serait accordée, il y aura sursis jusqu’à ce que cette demande soit tranchée de façon définitive en faveur de la demanderesse, auquel cas une des parties pourra à ce moment‑là demander, par requête, l’annulation du présent jugement. Si la demanderesse ne demander pas la prorogation en temps utile, si cette prorogation est refusée ou si la demande est rejetée de façon définitive, le présent sursis prend fin et le rejet de l’action sera confirmé.

 

3.         La défenderesse a droit à ses dépens, qui sont par les présentes fixés au montant global de 5 000 $, payables sans délai, quelle que soit l’issue de la cause.

 

 

« James K. Hugessen »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-227-02

 

INTITULÉ :                                       NU-PHARM INC.

                                                            c.

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 12 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

  ET ORDONNANCE :                     LE JUGE HUGESSEN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 28 SEPTEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

David M. Scrimger

 

POUR LA DEMANDERESSE

F.B. (Rick) Woyiwada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Goodmans s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.