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Date : 20070928

Dossier : IMM‑4243‑06

Référence : 2007 CF 974

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

JIN XIA ZHENG

 

 

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Jin Xia Zheng est une citoyenne de la République populaire de Chine qui a présenté une demande d’asile fondée sur deux motifs : premièrement, qu’elle est perçue comme partisane du Falun Gong et deuxièmement, qu’en tant que femme touchée par la politique de l’enfant unique en Chine, elle serait forcée de subir une stérilisation ou l’insertion d’un dispositif intra‑utérin (le DIU). La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR ou la Commission) a rejeté le témoignage de Mme Zheng, jugeant qu’il était invraisemblable.

 

[2]        Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire de cette décision, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) reconnaît que les motifs de la Commission contiennent des erreurs, mais il soutient que les motifs, dans leur ensemble, résistent à un examen approfondi. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, en dépit de l’habile argumentation de l’avocat du ministre, car je conclus que la Commission a commis des erreurs ayant trait à la question de la politique de l’enfant unique qui ont eu une incidence directe sur le rejet du témoignage de Mme Zheng.

 

[3]        Mme Zheng a témoigné qu’elle était devenue enceinte en 2005. Son petit ami et elle se sont alors présentés devant le comité de quartier afin de demander un certificat de mariage. Elle dit ne s’être pas bien sentie et avoir vomi lors de cette rencontre. Le comité de quartier lui a alors demandé si elle était enceinte et elle a avoué l’être. Par la suite, on l’a obligé à prendre des pilules qui ont provoqué un avortement. On lui a dit qu’elle devait revenir plus tard pour l’insertion d’un DIU.

 

[4]        La SPR a rejeté le témoignage de Mme Zheng parce qu’elle n’avait pas été en mesure ni de produire des documents gouvernementaux attestant qu’elle avait eu un avortement ni de nommer le médicament qu’on l’avait physiquement forcée à avaler, et parce qu’il était invraisemblable qu’elle eût eu des nausées durant le premier mois de grossesse alors qu’elle se faisait interroger par le comité de quartier. Elle a aussi fondé sa conclusion qu’il était invraisemblable que Mme Zheng ait été forcée de subir un avortement sur le fait qu’elle était enceinte d’un mois seulement et que ses parents et ceux de son petit ami leur accordaient leur soutien.

 

[5]        Le raisonnement de la Commission pose deux difficultés importantes. Premièrement, la grossesse était plus avancée que le croyait la Commission. Mme Zheng a témoigné qu’elle était enceinte depuis sept ou huit semaines lorsqu’elle s’est présentée au comité de quartier et a été forcée de subir un avortement. Elle a produit un rapport d’examen par ultrason attestant qu’elle était enceinte depuis 7,2 semaines en date du 10 avril 2005. Il est notoire qu’à ce stade de la grossesse il y a davantage de risques de nausées et de vomissements et la SPR aurait dû en prendre acte. Il n’est pas certain que la SPR aurait tiré la même conclusion si elle avait bien compris que la grossesse de Mme Zheng était plus avancée. Il était manifestement déraisonnable pour la Commission de tirer la conclusion qu’elle a tirée en se fondant sur une mauvaise compréhension de la preuve.

 

[6]        Deuxièmement, la preuve documentaire dont disposait la SPR établissait que la République populaire de Chine interdisait les grossesses chez les femmes non mariées et faisait état de cas où des femmes qui n’étaient pas légalement mariées avaient été forcées de subir des avortements. À la lumière de la preuve, il n’y avait aucun lien logique qui permettait à la SPR de conclure que l’existence d’un soutient parental rendait invraisemblable la possibilité d’un avortement forcé. La conclusion d’invraisemblance était donc manifestement déraisonnable.

 

[7]        Si on fait abstraction de ces deux conclusions d’invraisemblance tirées par la Commission, les motifs qui restent à l’appui du rejet de la preuve présentée par Mme Zheng quant à sa grossesse et à son avortement sont l’absence de corroboration et la conclusion selon laquelle il était invraisemblable que Mme Zheng ne soit pas en mesure de nommer le médicament qu’elle avait été forcée de prendre.

 

[8]        En ce qui a trait à cette dernière conclusion, Mme Zheng a témoigné qu’on l’avait physiquement forcée à avaler les pilules. Dans ces circonstances, on ne peut pas conclure de façon logique que Mme Zheng aurait dû connaître le nom du médicament. Il n’y avait aucune preuve établissant qu’elle avait autrement été en mesure de prendre connaissance du nom du médicament.

 

[9]        Il ne reste que l’absence de documents corroborant l’avortement forcé. Indépendamment de la question de savoir s’il y avait un fondement dans la preuve permettant à la Commission de supposer l’existence d’un tel document, en l’absence de preuve contradictoire, la SPR commet une erreur si elle exige que le demandeur produise une preuve corroborante; voir Ahortor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 705, au paragraphe 45 (1re inst.). L’absence de preuve corroborante constituait donc un fondement insuffisant et ne permettait pas à la SPR de mettre en doute le témoignage de Mme Zheng.

 

[10]      La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie.

 

[11]      Les avocats n’ont proposé aucune question aux fins de certification et je suis convaincue que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la Section de la protection des réfugiés du 10 juillet 2006 est annulée.

 

2.         L’affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés pour nouvel examen.

 

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM‑4243‑06

 

INTITULÉ :                                                               JIN XIA ZHENG

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 20 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 28 SEPTEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hart Kaminker                                                             POUR LA DEMANDERESSE

 

Lorne McClenaghan                                                     POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hart Kaminker                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

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