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Date : 20070920

Dossier : IMM-4071-06

Référence : 2007 CF 943

Toronto (Ontario), le 20 septembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGHES

 

 

ENTRE :

XINZHI DENG

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Xin Zhi Deng, est un citoyen adulte de la République populaire de Chine. Xin Zhi Deng et Zili Cui – un autre citoyen du même pays (dont la demande fait également l’objet d’un examen par la Cour dans le dossier IMM-6745-06) – sont entrés au Canada munis de visas valides de visiteur. Ces visas ont expiré. Ils ont présenté une demande de prorogation, laquelle a été rejetée. Ils ont par la suite présenté une demande d’asile en août 2003. Le 21 août 2003, MM. Cui et Deng ont été arrêtés et détenus en vue de faire l’objet d’une enquête fondée sur une allégation selon laquelle ils avaient commis des crimes relevant de la grande criminalité visée au paragraphe 36(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), à savoir une fraude majeure.

[2]               En novembre 2003, une enquête a été effectuée pour déterminer si M. Deng était interdit de territoire pour grande criminalité. Le 13 mai 2004, la Section de l’Immigration a conclu que M. Deng était interdit de territoire pour grande criminalité. Elle a estimé que les éléments de preuve intéressés de ce dernier n’étaient pas fiables.

 

[3]               Le 16 mars et le 21 juin 2005, une audience en vue de statuer sur la demande d’asile de M. Deng a été tenue. Cette demande était fondée sur l’assertion de M. Deng selon laquelle il craignait d’être persécuté en Chine du fait de son appartenance au Falun Gong et parce qu’il avait fait un don d’un montant de 20 000 $ à une église illégale, ce qui a entraîné la persécution et le risque de persécution par les autorités chinoises. Cette audience a été instruite conjointement avec celle de son collègue Cui. Le ministre a signifié un avis d’intention de participer à ces audiences, ce qu’il a fait par l’entremise d’un conseil. La question de l’exclusion a été soulevée du fait de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés. Le 13 juin 2006, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a statué sur la demande de M. Deng comme suit :

1.         M. Deng était exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention et du statut de personne à protéger en vertu de la section 1Fb);

 

2.         M. Deng n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention, ni de personne à protéger et la revendication n’a pas un minimum de fondement.

 

C’est cette décision du 13 juin 2006 qui fait l’objet du présent contrôle.

 

[4]               La chronologie des événements marquant l’histoire de MM. Deng et Cui, y compris les demandes d’asile, est longue et complexe. J’ai établi un sommaire chronologique à l’annexe jointe aux présents motifs. Je réfèrerai aux événements les plus pertinents dans les présents motifs.

 

[5]               Dans son exposé écrit et sa plaidoirie, l’avocat de M. Deng a invoqué un certain nombre d’arguments visant l’annulation de la décision du 13 juin 2006 de la Commission. Les voici :

[traduction]

1.         Constitutionnalité de l’article 98 de la LIPR

 

L’article 98 de la LIPR incorpore par renvoi la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés, lequel soustrait la qualité de réfugié à une personne dont on a « des raisons sérieuses de penser » qu’elle a commis « un crime grave de droit commun ». Ces termes sont-ils inconstitutionnels pour cause d’imprécision?

 

2.         Traduction

 

La traduction dont a bénéficié M. Deng au cours des audiences de mars et de juin 2005 et de celle de début janvier 2004 était-elle adéquate?

 

3.         Ajournement    

 

La Commission a-t-elle eu raison de rejeter la demande d’ajournement de l’audience prévue le 21 juin 2005?

 

4.         Partialité          

 

Le commissaire a-t-il fait preuve, dans les faits ou en apparence, de partialité à l’endroit de M. Deng?

 

5.         Équité de l’audience     

 

Les audiences de mars et de juin 2005 se sont-elles déroulées de manière équitable?

 

Ces questions seront examinées à tour de rôle.

 

1.         ConstitutionNalitÉ

[6]               L’article 98 de la LIPR énonce simplement :

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

 

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

 

[7]               La disposition pertinente en l’espèce de la Convention sur les réfugiés est la section Fb) de l’article premier, ainsi conçue :

Article premier. – Définition du terme « réfugié »

 

[...]

 

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

 

[...]

 

b)      Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

 

Article 1. Definition of the term “refugee”

 

[...]

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

 

[...]

 

(b)        he has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

 

[...]

 

 

[8]               L’avocat du demandeur soutient que les syntagmes « des raisons sérieuses de penser » et « commis un crime grave de droit commun » sont imprécis et, par conséquent, non valides, car ils ne contreviennent pas aux dispositions de l’article 7 de la Charte sur les droits et libertés qui exige le respect de la justice fondamentale. Il se fonde sur les motifs du juge Gonthier de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606, pages 639 et 640 :

Une disposition imprécise ne constitue pas un fondement adéquat pour un débat judiciaire, c'est-à-dire pour trancher quant à sa signification à la suite d'une analyse raisonnée appliquant des critères juridiques. Elle ne délimite pas suffisamment une sphère de risque et ne peut donc fournir ni d'avertissement raisonnable aux citoyens ni de limitation du pouvoir discrétionnaire dans l'application de la loi. Une telle disposition n'est pas intelligible, pour reprendre la terminologie de la jurisprudence de notre Cour, et ne donne par conséquent pas suffisamment [page 640] d'indication susceptible d'alimenter un débat judiciaire. Elle ne donne aucune prise au pouvoir judiciaire. C'est là une norme exigeante, qui va au‑delà de la sémantique. Le terme " débat judiciaire " n'est pas utilisé ici pour exprimer une nouvelle norme ou pour s'écarter de celle que notre Cour a déjà énoncée. Au contraire, elle traduit et englobe la même norme et le même critère d'avertissement raisonnable et de limitation du pouvoir discrétionnaire dans l'application de la loi considérés dans le contexte plus global d'une analyse de la qualité et des limites de la connaissance et de la compréhension qu'ont les particuliers de l'application de la loi.

 

[9]               Cet extrait des motifs doit être tempéré par les propos tenus par le juge Gonthier dans le paragraphe précédent, à la page 639 :

On ne saurait vraiment pas exiger davantage de certitude de la loi dans notre État moderne. Les arguments sémantiques, fondés sur une conception du langage en tant que moyen d'expression sans équivoque, ne sont pas réalistes. Le langage n'est pas l'instrument exact que d'aucuns pensent qu'il est. On ne peut pas soutenir qu'un texte de loi peut et doit fournir suffisamment d'indications pour qu'il soit possible de prédire les conséquences juridiques d'une conduite donnée. Tout ce qu'il peut faire, c'est énoncer certaines limites, qui tracent le contour d'une sphère de risque. Mais c'est une caractéristique inhérente de notre système juridique que certains actes seront aux limites de la ligne de démarcation de la sphère de risque; il est alors impossible de prédire avec certitude. Guider, plutôt que diriger, la conduite est un objectif plus réaliste. La CEDH a maintes fois mis en garde contre la recherche de la certitude et adopté cette conception de la « sphère de risque » dans l'affaire Sunday Times, précitée, et surtout dans l'affaire Silver et autres, arrêt du 25 mars 1983, série A no 61, aux pp. 33 et 34, et dans l'affaire Malone, précitée, aux pp. 32 et 33.

 

[10]           La section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés n’a apparemment pas encore fait l’objet d’un examen sur le plan constitutionnel. Cependant, la section Fc) de l’article premier a été examinée par la Cour dans la décision Atef c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 3 C.F. 86. Dans cette décision, le juge Wetston a examiné l’arrêt Nova Scotia Pharmaceutical, précité, et un autre arrêt, R. c. Morales, [1992] 3 R.C.S. 711, rendu par la Cour suprême du Canada au cours de la même année. Il a estimé qu’une disposition comme la section Fc) de l’article premier ne pouvait être qualifiée d’imprécise du seul fait qu’elle est formulée en termes généraux; souplesse n’est pas synonyme d’imprécision. Ce qu’il y a lieu d’examiner, c’est de savoir si la disposition confère un pouvoir discrétionnaire absolu. Le juge Wetston a déclaré aux pages 107 et 108 de la décision Atef :

La section Fc) de l'article premier ne tombera pas sous le coup de la doctrine de l'imprécision du seul fait qu'il est formulé en termes généraux susceptibles d'interprétation. Ainsi que l'a noté le juge en chef dans Morales, supra, en page 729, « souplesse n'est pas synonyme d'imprécision ». Ce qu'il y a lieu d'examiner, c'est de savoir si cette disposition confère un pouvoir discrétionnaire absolu. Dans Nova Scotia Pharmaceutical Society, supra, le juge Gonthier a tiré à ce sujet la conclusion suivante, en page 642 :

 

Ce qui fait plus problème, ce ne sont pas tant des termes généraux conférant un large pouvoir discrétionnaire, que des termes qui ne donnent pas, quant au mode d'exercice de ce pouvoir, d'indications permettant de le contrôler. Encore une fois, une loi d'une imprécision inacceptable ne fournit pas un fondement suffisant pour un débat judiciaire; elle ne donne pas suffisamment d'indication quant à la manière dont les décisions doivent être prises, tels les facteurs dont il faut tenir compte ou les éléments déterminants. En donnant un pouvoir discrétionnaire qui laisse toute latitude, elle prive le pouvoir judiciaire de moyens de contrôler l'exercice du pouvoir discrétionnaire.

 

Par la suite, dans Morales, supra, en page 754, le juge Gonthier s'est encore prononcé au sujet du pouvoir discrétionnaire en ces termes :

 

Par conséquent, le seul fait qu'il existe un pouvoir discrétionnaire conféré par une disposition législative ne peut en soi servir de base à une évaluation constitutionnelle de cette disposition. L'existence de paramètres possibles de ce pouvoir discrétionnaire ne le peut pas non plus, car un pouvoir discrétionnaire dont on dit qu'il est entravé peut être un pouvoir limité non seulement par des contraintes appropriées mais également par celles qui ne le sont pas ou qui sont inadéquates. La question plus importante qui demeure est donc de connaître la nature du pouvoir discrétionnaire qui est conféré et la mesure dans laquelle le libellé de la disposition législative peut étayer le raisonnement qu'exige la question à trancher. [Non souligné dans l'original.]

 

 

[11]           La jurisprudence, fort abondante, démontre que la section Fb) de l’article premier a été interprétée et appliquée sans difficulté apparente par les tribunaux; elle ne confère pas de pouvoir discrétionnaire absolu. Il suffit de référer aux motifs de la Cour d’appel fédérale rendus par le juge Malone dans l’arrêt Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 125, aux paragraphes 22 à 25, qui examine plusieurs décisions à cet égard :

22     Ce paragraphe exclut de la définition de réfugié au sens de la Convention toute personne visée par la section F de l'article premier de la Convention. La partie pertinente de cette section est rédigée comme suit :

 

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

 

b) Qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés;

[Non souligné dans l’original.]

 

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that: ...

 

(b) he has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

[Emphasis Added.]

 

* * *

 

 

Bien que la Cour ait relevé divers buts auxquels répond la section 1F, le but premier de celle-ci est d'assurer que les personnes ayant commis des crimes graves de droit commun n'ont pas droit à la protection internationale dans le pays où elles demandent l'asile (voir les motifs du juge Décary dans la décision Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 3 C.F. 761, 2003 CAF 178, paragraphes 118 et 119). Si un tribunal conclut que la section s'applique à un revendicateur, l'effet est que le revendicateur sera exclu du processus canadien de détermination du statut de réfugié et, par conséquent, ne pourra obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention.

 

23     Dans une récente décision de la Cour, soit Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 243 D.L.R. (4th) 385, 2004 CAF 250, paragraphe 23, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, Bulletin des procédures de la C.S.C., 2005, p. 444, il a été établi qu'une audience concernant une « exclusion » aux termes de la section 1Fb) n'est pas de la même nature qu'un procès criminel, où le ministre doit prouver la culpabilité ou l'innocence hors de tout doute raisonnable. Il incombe au ministre de démontrer, à la lumière de la preuve présentée à la Commission, qu'il existe « des raisons sérieuses de penser » que M. Lai et Mme Tsang ont commis des crimes graves de droit commun en Chine avant d'arriver au Canada.

 

24     De plus, aux termes du paragraphe 68(3) de l'ancienne Loi, la Commission n'est pas liée par les règles légales ou techniques de la présentation de la preuve. Toutefois, pour recevoir des éléments de preuve et fonder sa décision sur ces éléments, la Commission est tenue en vertu du paragraphe de recevoir et d'examiner les éléments qu'elle juge crédibles et dignes de foi en l'occurrence. Le paragraphe est rédigé comme suit :

 

(3)  La section du statut n'est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve. Elle peut recevoir les éléments qu'elle juge crédibles ou dignes de foi en l'occurrence et fonder sur eux sa décision.

 

* * *

(3)  The Refugee Division is not bound by any legal or technical rules of evidence and, in any proceedings before it, it may receive and base a decision on evidence adduced in the proceedings and considered credible or trustworthy in the circumstances of the case.

 

Les exigences formulées au paragraphe 68(3) de l'ancienne Loi demeurent fondamentalement inchangées dans la nouvelle Loi, aux alinéas 170g) et h).

 

25     De manière générale, la Commission doit évaluer et apprécier la preuve qu'elle a jugée crédible ou digne de foi en l'occurrence, et décider si on a satisfait ou non au critère minimal des « raisons sérieuses de penser » que les crimes graves de droit commun allégués ont été commis (voir Moreno c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 298, paragraphes 309 et 311 (C.A.)). La norme de preuve qu'il faut utiliser dans l'application du critère minimal va au-delà du simple soupçon, mais sans aller jusqu'à la norme de droit civil de la prépondérance de la preuve (voir la décision Zrig au paragraphe 174; et Ramirez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 C.F. 306, pages 312 à 314 (C.A.)).

 

 

[12]           Le libellé de la section Fb) de l’article premier n’est pas imprécis au point de conférer un pouvoir discrétionnaire absolu. J’estime que l’article 98 de la LIPR qui incorpore par renvoi la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés est conforme aux principes de justice fondamentale prévus à l’article 7 de la Charte. Il n’est pas inconstitutionnel pour cause d’imprécision.

 

2.         TraDUCTion

[13]           Non seulement M. Deng conteste la qualité de la traduction offerte par la Commission lors de l’audience de mars et de juin 2005, mais il soulève également une question relative à l’audience antérieure à l’égard d’une décision qui n’est pas en litige en l’espèce, laquelle audience a été tenue en novembre 2003 et en décembre 2004. Son avocat cite l’arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Tran, [1994] 2 R.C.S. 951, où le juge en chef Lamer a dit ceci au nom de la Cour à la page 996 :

En d'autres termes, ce serait simplement dépasser les bornes d'une société civilisée comme la nôtre que de permettre à une personne accusée d'une infraction criminelle, qui risque d'être privée de sa liberté et qui ne peut vraiment pas parler ou comprendre la langue des procédures, de renoncer sciemment ou non aux services d'un interprète.

 

Lorsqu'il est possible de renoncer au droit à l'assistance d'un interprète, le seuil est très élevé.

 

[14]           Cette décision portait avant tout sur le droit à l’assistance d’un interprète et sur la renonciation à ce droit. Elle ne portait pas sur la justesse de la traduction ou de l’interprétation éventuellement fournie. 

 

[15]           La Cour d’appel fédérale a traité de la qualité de l’interprétation dans l’arrêt Mohammadian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 4 C.F. 85. Le juge Stone a dit au nom de la Cour aux paragraphes 18 et 19 :

18     Comme le juge Pelletier l'a fait remarquer, si l'argument invoqué par l'appelant est exact, l'intéressé qui a des problèmes en ce qui concerne la qualité de l'interprétation fournie à l'audience ne pourrait rien faire pendant toute la durée de l'audience, mais il pourrait néanmoins contester avec succès la décision à une date ultérieure. De fait, lorsque l'intéressé décide de ne rien faire même si la qualité de l'interprétation le préoccupe, la section du statut n'est pas en mesure de savoir que l'interprétation comporte des lacunes à certains égards. L'intéressé est toujours celui qui est le mieux placé pour savoir si l'interprétation est exacte et pour faire savoir à la section du statut, au cours de l'audience, que la question de l'exactitude le préoccupe, à moins que des circonstances exceptionnelles ne l'empêchent de le faire.

 

19     Comme je l'ai dit, compte tenu du problème qu'il avait eu à la première séance de la section du statut, l'appelant semble avoir été parfaitement au courant du droit qu'il avait d'obtenir l'assistance d'un interprète compétent. Lorsque sa conduite, au cours de la troisième séance et pendant un certain temps par la suite, est appréciée compte tenu du fait qu'il avait sans aucun doute connaissance de son droit, il est difficile d'interpréter cette conduite comme étant autre chose qu'une indication claire que la qualité de l'interprétation satisfaisait l'appelant lors de l'audience elle-même. Par conséquent, à mon avis, le juge Pelletier n'a pas commis d'erreur en statuant que l'appelant avait renoncé au droit qu'il possédait en vertu de l'article 14 de la Charte du fait qu'il ne s'était pas opposé à la qualité de l'interprétation dès qu'il avait eu la possibilité de le faire au cours de l'audition de sa revendication.

 

[16]           S’agissant des audiences en question, et même des audiences antérieures mises en cause par M. Deng, ni lui ni son conseil – un conseil chevronné – n’ont formulé d’objection au commissaire lors des audiences. M. Deng parlerait un peu anglais. Il existe une preuve, au mieux équivoque, selon laquelle M. Deng et l’interprète auraient conversé au sujet de la qualité de l’interprétation. Quelque que soit le sujet de leur conversation, celui-ci ne semblait pas suffisamment important pour que M. Deng ou son avocat le soulève devant la Commission.

 

[17]           Même si elles étaient pertinentes, les questions relatives à la traduction ou à l’interprétation qui sont maintenant soulevées ne semblent pas d’une importance telle que la Cour en conclurait qu’elles ont eu une répercussion appréciable sur les instances ou les décisions de la Commission dans l’une ou l’autre décision. Dans la dernière décision, celle en cause en l’espèce, la date de l’emprisonnement et du décès d’une personne semait une certaine confusion. Celle-ci a finalement été dissipée et rien en l’espèce ne s’y rapporte.

 

 

 

 

3.         AJOURNEMENT

[18]           La chronologie des évènements établie en annexe démontre que, en juillet 2004, septembre 2004 et février 2005, le ministre a divulgué à M. Deng les documents dont il disposait et qui se rapportaient à l’audience prévue plus tard en 2005. L’audience a commencé le 16 mars 2005, date à laquelle le conseil de M. Deng a demandé un ajournement jusqu’en juin 2005 afin de permettre à son client de recueillir les éléments de preuve relatifs aux allégations de crimes graves. 

 

[19]           Aux pages 1478 et 1479 du dossier du tribunal (pages 7 et 8 de la transcription de l’audience du 16 mars 2005), le conseil de M. Deng explique qu’il aurait dû demander une prorogation de délai en février, mais qu’il n’a pas été en mesure de le faire parce qu’il était malade. Il a cherché à obtenir l’autorisation de demander une prorogation de délai jusqu’en juin 2005. Il a déclaré entre autres :

 

[traduction] Alors, quel est le résultat ici? Au lieu de présenter mes observations par écrit, je les présente aujourd’hui pour qu’elles soient versées au dossier. Donc au lieu de – je ne sais pas combien de temps j’allais demander, disons que j’allais demander jusqu’en juillet pour voir si nous serions en mesure de contester ces documents –, donnez-nous jusqu’en juin parce que c’est de ma faute. J’aurais de toute façon demandé un ajournement de cette partie sur l’exclusion parce que c’est tout simplement injuste.

 

 

[20]           L’affaire a donc été reportée au mois de juin comme demandé. Le 9 juin 2005, l’avocat de M. Deng a demandé un autre ajournement, qui a été refusé. La Commission en a fait mention dans ses motifs à la page 10 :

Le 9 juin 2005, soit avant la reprise de l’audience prévue pour le 21 juin 2005, le conseil a présenté une demande en vue de faire reporter l’audience en septembre 2005. Il y expliquait que ses clients avaient besoin de plus de temps pour réunir des éléments de preuve afin de réfuter les allégations du conseil du ministre. La demande a été rejetée, du fait que les demandeurs d’asile avaient eu tout le temps nécessaire pour obtenir une preuve documentaire leur permettant de réfuter la preuve du conseil du ministre. Ce dernier avait présenté ses premiers documents dès le 12 juillet 2004 et remis ses derniers documents le 7 février 2005, soit plus d’un mois avant la première séance, qui a eu lieu le 16 mars 2005. En outre, les demandeurs d’asile ont disposé de plus de trois mois depuis la première séance, au terme de laquelle le conseil du ministre avait fini d’interroger M. Deng. Cela étant dit, nonobstant le fait que les demandeurs d’asile connaissaient les allégations qui avaient été formulées à leur encontre durant l’enquête, il était donc raisonnable de conclure que ces derniers avaient eu tout le temps nécessaire pour établir leur contre‑preuve. En outre, il n’aurait pas été équitable de remettre l’audience, et cela n’aurait pas servi l’intérêt du système judiciaire. La SPR a l’obligation de tenir les audiences de façon efficiente et dans les meilleurs délais, tout en faisant preuve d’équité à l’égard des demandeurs d’asile.

 

 

[21]           L’audience s’est achevée le 21 juin 2005 et les parties ont eu la possibilité de produire des observations écrites, ce que l’agent de protection des réfugiés et le ministre ont fait le 29 juin et le 15 juillet respectivement. M. Deng a changé de conseil en juillet 2005.

 

[22]           Le 28 juillet 2005, le nouveau conseil de M. Deng a fait une demande selon la règle 44 des Règles de la Section de la protection des réfugiés en vue d’obtenir divers redressements, dont une demande visant l’obtention d’enregistrements et de transcriptions. Dans son avis, il demandait entre autres :

 

[traduction]

4.         Que, après réception par l'avocat du demandeur des enregistrements et des transcriptions, une date soit fixée pour la reprise ou la poursuite des délibérations, selon le cas, où le demandeur pourra présenter des preuves orales ou documentaires complètes à l'appui de sa requête;

 

 

[23]           La demande était étayée par un affidavit de M. Deng qui traitait, entre autres, de la question relative aux documents qu’on attendait de Chine, au paragraphe 9 :

[traduction] Je n’ai jamais été emprisonné en Chine pour un crime quelconque et je ne me suis jamais fait passer pour un agent de la China Life Insurance Company pour escroquer qui que ce soit. C’est la vérité absolue. J’attends des documents officiels de Chine qui étayeront ma position et établiront que certains des documents que le gouvernement de Chine a fournis au ministre sont faux. Je vais par exemple recevoir de Chine un document authentique qui réfute le verdict figurant aux pages 59 à 63 (en chinois), 64 à 68 (traduction anglaise) des documents du ministre (M-4). Le verdict et sa traduction sont joints aux présents motifs à titre de pièce A. Je m’attends à ce que le nouveau document soit essentiellement identique au jugement, mis à part le fait que mon nom n’y figurait pas. Je dois préciser que, bien que les assertions formulées ci-dessus soient fondées sur des sources fiables, je n’ai pas vu le document qui a déjà été expédié au Canada.

 

 

[24]           Il semble que certains documents soient arrivés. Ils n’ont pas été dûment déposés auprès de la Commission. Ils étaient plutôt joints à une réponse produite par le conseil de M. Deng relativement à la demande selon la règle 44. Ces documents ne portent pas sur la question en litige, à savoir le « crime grave » qui aurait consisté en des manœuvres frauduleuses en matière d’assurance, dont les débuts remontent à 1988, mais plutôt sur une affaire antérieure dans laquelle M. Deng aurait été impliqué en 1998. Les documents fournis par M. Deng viendraient étayer ses assertions selon lesquelles les documents de 1988 en provenance de Chine avaient été falsifiés dans le dessin d’insérer illicitement son nom dans des documents de la Cour, alors que d’après M. Deng, c’est le nom d’une autre personne qui figurait sur les documents authentiques.

 

[25]           La Commission a examiné la demande fondée sur la règle 44 et l’a rejetée en concluant que M. Deng n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable et que dans sa demande, il n’expliquait pas pourquoi il n’avait pas pu fournir les documents plus tôt. La Commission a dit ceci aux pages 19 et 20 de ses motifs :

Le nouveau conseil a présenté plusieurs documents non sollicités pour appuyer la demande d’asile de M. Deng dans sa réponse aux observations du conseil du ministre concernant les problèmes soulevés dans sa demande du 28 juillet 2005, conformément à l’article 44 des Règles de la SPR. La SPR a reçu ladite réponse (un classeur à anneaux contenant des documents) le 12 août 2005. Comme les documents susmentionnés ont été soumis après l’audience et que l’audience a pris fin le 21 juin 2005, leur présentation ne respectait pas l’article 37 des Règles de la SPR. Selon cette disposition, un demandeur d’asile doit présenter une demande et expliquer pourquoi les documents en question n’ont pas pu être fournis plus tôt, avant le début de l’audience, comme le prévoit l’article 29 des Règles de la SPR, et en décrivant leur pertinence. Ces documents datent soi-disant de juillet 2003, ou avant, certains remontent même à 1988 (à l’exclusion des dates des certificats délivrés par certaines personnes en Chine à la demande du demandeur d’asile). Comme il a déjà été mentionné, le demandeur d’asile est arrivé au Canada le 24 janvier 2003 et a demandé l’asile le 12 août 2003. Le conseil du ministre a divulgué à trois occasions, entre juillet 2004 et le 7 février 2005, tous les éléments de preuve sur lesquels il s’est fondé pour prouver que le demandeur d’asile devait être exclu. Le demandeur d’asile avait fait l’objet d’une enquête en 2004 et connaissait donc déjà les principaux éléments de preuve défavorables qu’il devait réfuter. Il a été représenté par un conseil dès le jour où il a rédigé son FRP, jusqu’à la clôture de l’audience concernant le statut de réfugié, soit le 21 juin 2005. Son premier avocat a tenté avec succès de faire reporter l’audience au 16 juillet 2004, alléguant qu’il n’avait pas eu suffisamment de temps pour se préparer. Le demandeur d’asile a donc eu tout le temps nécessaire pour obtenir les documents pertinents beaucoup plus rapidement qu’il ne l’a fait. Il n’a fourni aucune preuve crédible montrant qu’il a déployé des efforts soutenus pour obtenir ces documents. De plus, comme les documents ont été présentés après l’audience, le tribunal n’est pas en mesure de les examiner et d’en tirer des éléments de preuve afin de déterminer leur pertinence et leur valeur probante. Par ailleurs, la divulgation de documents après l’audience n’est pas équitable pour l’autre partie en cause. Compte tenu de ce qui précède, le tribunal conclut que le demandeur d’asile n’a pas fait preuve de diligence raisonnable. Pour tous les motifs susmentionnés, le tribunal conclut que le demandeur d’asile n’a pas respecté le paragraphe 37(1) des Règles de la SPR et que, par conséquent, les nouveaux documents ne doivent pas être admis comme preuve.

 

 

[26]           La Cour, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, doit accorder une déférence aux décisions rendues par une commission à l’égard de sa propre procédure. Comme il a été établi dans l’arrêt Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560, p. 568 et 569, le tribunal ne peut intervenir que lorsqu’il y a eu violation de l’équité procédurale ou des principes de justice naturelle :

 

Pouvoirs de l’arbitre

 

Afin d'interpréter correctement des dispositions législatives susceptibles de sens différents, il faut les examiner en contexte. Nous traitons ici des pouvoirs d'un tribunal administratif à l'égard de sa procédure. En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez [569] eux. En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle. Il est donc clair que l'ajournement de leurs procédures relève de leur pouvoir discrétionnaire.

 

[27]           En l’espèce, le demandeur – M. Deng – avait eu amplement l’occasion de prendre connaissance de la preuve du ministre et de recueillir les documents en réponse appropriés. Un ajournement avait déjà été accordé à une date choisie par le conseil de M. Deng. La méthode qu’on avait finalement utilisée pour présenter les nouveaux documents renfermait un vice de procédure. M. Deng n’a jamais fourni de preuve justifiant la production tardive des documents. 

 

[28]           Quoi qu’il en soit, les documents ne soulèvent pas de question sérieuse. S’ils sont valides, les documents permettront uniquement de vérifier si M. Deng a ou non été condamné pour une infraction en 1988. Cette infraction présumée n’est pas en cause en l’espèce. 

 

[29]           L’avocat de M. Deng soutient que les allégations relatives à l’infraction de 1988 ont joué contre son client en renforçant les doutes quant à sa crédibilité. Au vu des conclusions de la Commission qui sont particulièrement énoncées aux pages 45 et 46 de ses motifs, à savoir qu’il y avait une « myriade de problèmes : contradictions, incohérences, omission de mentionner des éléments de preuve significatifs », la question tournant autour de l’année 1988 ne constituait qu’une partie du tableau et n’a pas eu une grande incidence sur l’appréciation générale de la crédibilité. La Commission n’y a pas du tout fait allusion dans ses conclusions relatives à la crédibilité de M. Deng.

 

[30]           Par conséquent, je conclus que le refus de la Commission d’accorder un autre ajournement ou d’accepter des documents supplémentaires ne constitue pas un fondement pour annuler la décision.

 

4.         PaRTIALITÉ

[31]           M. Deng allègue que le fait que la Commission disposait de la décision du 13 mai 2004 de la Section de l’Immigration dans laquelle il avait été déclaré interdit de territoire l’a amenée à faire preuve de partialité lorsqu’elle a rendu la décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[32]           À la page 13 de ses motifs, la Commission a dit clairement qu’elle ne prenait pas en compte l’audience antérieure. Ni M. Deng, ni son avocat n’ont produit de preuves ou d’observations percutantes qui amèneraient la Cour à conclure ou même à suspecter raisonnablement que la Commission a été influencée par une décision antérieure. 

 

[33]           Chaque jour, les organismes judiciaires se penchent sur des cas et ont affaire à des personnes qui ont fait l’objet d’une manière ou d’une autre d’une décision antérieure quelconque. Le fait qu’un organisme judiciaire a eu connaissance de ces affaires ne signifie pas, en l’absence d’indices clairs à l’effet contraire, qu’il a fait preuve de partialité.

 

[34]           Un examen de la transcription des motifs de la Commission mène à la conclusion évidente que non seulement la Commission a été juste et indulgente à l’endroit de M. Deng et de son conseil, mais qu’elle a à plusieurs reprises fait preuve d’une clémence excessive lorsque cela n’était pas nécessaire. La partialité à l’endroit de M. Deng ou de son conseil n’a pas été etablie.

 

5.         ÉQUITÉ DE L’AUDIENCE

[35]           M. Deng soutient que, dans l’ensemble, il n’a pas eu droit à une audience équitable. Cet argument est simplement un résumé des questions 2 à 4 susdites. M. Deng a eu droit une audience équitable.

 

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

[36]           Les questions précises soulevées par M. Deng ayant été examinées, il importe de rappeler les conclusions de fond de la Commission. Il est tout à fait clair que pour de raisons diverses, la Commission a estimé que la preuve de M. Deng n’était pas crédible. Il est en outre tout à fait clair qu’il y a eu de nombreuses procédures dans cette affaire et que la Commission, quoique indulgente, a fait preuve de fermeté sur le déroulement de l’audience.

 

[37]           L’espèce présente un deuxième volet, à savoir la demande d’asile de M. Deng fondée sur sa crainte présumée de graves représailles de la part des autorités chinoises du fait de son appartenance au Falun Gong et du don d’un montant de 20 000 $ qu’il aurait fait à une église illégale. À la page 50 de ses motifs, la Commission a résumé ses conclusions en disant que, sans même rendre de décision sur la question de l’exclusion, la Section de la protection des réfugiés a conclu que M. Deng n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger. M. Deng n’a pas contesté cette conclusion auprès de notre Cour. L’avocat du ministre a été invité à examiner la question de savoir si cela était suffisant pour rejeter la demande de M. Deng. L’invitation a été déclinée car le ministre souhaitait aborder les questions soulevées à l’égard de la décision sur la question l’exclusion. Les présents motifs ont par conséquent porté sur ces questions.

 

CERTIFICATION

[38]           L’avocat de M. Deng a demandé qu’une ou plusieurs questions soient certifiées. L’avocat du ministre n’en a demandé aucune.

 

[39]           L’alinéa 74d) de la LIPR dispose qu’une question peut être certifiée que si elle soulève une « question grave de portée générale ». La nature d’une telle question a été examinée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Liyanagajage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994) 176 N.R. 4, aux pages 5 et 6, et par notre Cour dans la décision Chu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1986), 116 FTR 68, au paragraphe 2. Les deux décisions citent la décision du regretté juge Catzman de la Haute Cour de l’Ontario (plus tard juge à la Cour d’appel de l’Ontario) dans Rankin c. McLeod Young, Weir Ltd. (1986), 57 O.R. (2d) 569, où il avait conclu, relativement à une disposition semblable des Règles de procédure civile de l’Ontario, que la question doit en être une qui « traite de questions de grande portée ou d’application générale qui justifient un règlement par une instance judiciaire supérieure » (page 575).

 

[40]           Mis à part celle de la constitutionnalité, toutes les questions qui ont été soulevées dans la présente demande reposent sur les faits précis de l’affaire de sorte qu’une certification ne serait pas justifiée. Toutefois, la question de la constitutionnalité est d’une portée assez générale pour qu’une Cour d’appel s’y penche, c.-à-d. qu’il s’agit d’une question « grave » (et je souligne que le mot « grave » figure tant à l’alinéa 74d) de la LIPR qu’à la section Fb) de l’article premier de la Convention). La question suivante sera par conséquent certifiée :

 

« Les dispositions de l’article 98 de la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, dans la mesure où elles incorporent les dispositions de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés, contreviennent-elles à l’article 7 de la Charte des droits et libertés parce qu’elles ne respectent pas les principes de justice fondamentale du fait de leur imprécision? »

 

DÉPENS

[41]           Aucune des parties n’a demandé les dépens et aucuns dépens ne seront adjugés.

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

Pour ces motifs :

 

            LA COUR STATUE QUE :

1.         La demande est rejetée

2.         La question suivante est certifiée :

« Les dispositions de l’article 98 de la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, dans la mesure où elle incorpore les dispositions de la section Fb) de l’article premier de la Convention sur les réfugiés, contreviennent-elles à l’article 7 de la Charte des droits et libertés parce qu’elles ne respectent pas les principes de justice fondamentale du fait de leur imprécision? »

 

3.         Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

                                                                                                                « Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Aude Hynette Megouo

 

 


ANNEXE

Date

Événement

1987

M. Cui aurait été condamné, au criminel, en Chine pour vol et vol simple.

Août 1988

La Cour du peuple en Chine aurait délivré une ordonnance condamnant M. Deng.

1998 à 2002

MM. Cui et Deng auraient vendu des polices d’assurance fictives en Chine.

2002

Le gouvernement chinois accuse M. Deng de fraude.

24 janvier 2003

MM. Cui et Deng entrent au Canada munis de visas de visiteur valable pour six mois, après un séjour d’une semaine en Nouvelle-Zélande.

7 mars 2003

Les autorités chinoises délivrent un mandat d’arrêt contre M. Deng relativement à trois opérations frauduleuses.

14 avril 2003

Les visas de visiteur de MM. Cui et Deng expirent.

22 avril 2003

Interpol délivre des mandats d’arrêt contre MM. Deng et Cui.

20 mai 2003

MM. Cui et Deng présentent des demandes afin de prolonger leur séjour jusqu’à la fin de 2003. Leurs demandes sont rejetées.

12 août 2003

MM. Cui et Deng demandent l’asile depuis le Canada.

21 août 2003

MM. Cui et Deng sont arrêtés et détenus en vue de faire l’objet d’une enquête.

Novembre 2003 au 26 janvier 2004

Une enquête est effectuée par la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en vue de déterminer si M. Deng est interdit de territoire pour criminalité.

8 avril 2004

M. Deng se présente à une entrevue relative à sa demande d’asile avec un agent d’immigration.

13 mai 2004

La Section de l’immigration conclut que M. Deng est interdit de territoire pour grande criminalité (en vertu de l’alinéa 36(1)c) de la LIPR).

24 juin 2004

La Section de l’immigration statue que M. Cui n’est pas interdit de territoire. Le ministre interjette appel.

2 juillet 2004

Le gouvernement chinois délivre quatre avis d’annulation qu’il envoie au gouvernement canadien (apparemment en réponse à une demande faite par le gouvernement canadien dans le but de confirmer l’authenticité des certificats notariés attestant que MM. Cui et Deng n’avaient pas de casier judiciaire en Chine). Il ressortait apparemment des avis d’annulation que les certificats notariés étaient fondés sur de faux documents puisque MM. Cui et Deng avaient été condamnés en Chine vers la fin des années 80.

12 juillet 2004

Le ministre présente un avis d’intention de participer aux auditions de MM. Cui et Deng devant la Section de la protection des réfugiés (SPR). Il s’agit ici de la première des trois divulgations faites par le ministre.

 

Les auditions de MM. Cui et Deng devant la SPR sont prévues pour le 26 juillet 2004.

Le conseil du ministre fait une demande selon les règles 44 et 48 des Règles de la Section de la protection des réfugiés en vue d’obtenir la jonction des demandes d’asile de MM. Cui et Deng.

15 juillet 2004

Le conseil des demandeurs, M. Weisdorf, demande un ajournement en invoquant des raisons personnelles de nature médicale. Il demande que la date de la reprise soit fixée après le 16 mars 2005.

22 juillet 2004

La SPR avise le conseil des demandeurs, M. Weisdorf, que les demandes d’asile de MM. Cui et Deng seront jointes.

Le ministre demande la remise de l’audience qui était prévue pour le 26 juillet 2004. Compte tenu de cette demande et de la demande du 15 juillet 2004 de M. Weisdorf, l’audience est remise et une nouvelle date est finalement fixée, soit le 16 mars 2005.

22 septembre 2004

Le ministre présente la deuxième des trois divulgations relativement à l’audience de la SPR.

7 février 2005

Le ministre présente sa divulgation finale relativement à l’audience de la SPR.

16 mars 2005

L’audience concernant la demande d’asile de M. Deng commence (elle se poursuivra le 21 juin 2005). 

Au début de l’audience, le conseil des demandeurs présente une requête en vue de faire remettre l’audience en juin 2005. Il allègue que les demandeurs n’ont pas eu suffisamment de temps pour recueillir les éléments de preuve leur permettant de réfuter les nombreux éléments de preuve présentés par le ministre en ce qui concerne les crimes de droit commun, particulièrement en raison de sa maladie.

Le conseil du ministre a fait savoir qu’il lui faudrait au moins une journée pour l’interrogatoire, ce qui nécessiterait de reporter l’audience à au moins trois mois. Le conseil des demandeurs bénéficierait ainsi de temps supplémentaire pour recueillir et divulguer des documents et présenter d’autres observations.

9 juin 2005

L’avocat de M. Deng demande que l’audience du 21 juin 2005 soit remise à septembre afin de lui permettre de répliquer aux allégations du ministre, à savoir les déclarations de culpabilité et la peine de 1988. La demande est rejetée.

21 juin 2005

L’audience concernant la demande d’asile de M. Deng est terminée. La SPR fixe les délais pour le dépôt des observations écrites supplémentaires.

24 juin, 15 juillet

L’APR et le ministre déposent des observations écrites à la suite de l’audience de la SPR.

Juillet 2005

M. Deng retient les services d’un nouveau conseil, M. Hung.

Juillet/août 2004

Un avocat en Chine (dont les services ont été retenus par M. Deng) entre en possession de documents qui établiraient que le verdict pénal dont dispose le ministre était une contrefaçon (ces documents ont été présentés dans un affidavit produit le 12 août dans le cadre d’une « réponse » fondée sur la règle 44).

28 juillet 2005

Le nouveau conseil de M. Deng, M. Hung, présente une demande écrite en vertu de la règle 44 des Règles de la SPR, dans laquelle il soulève de nouvelles questions, dont une demande en vue de la tenue d’une audience, et conteste la validité constitutionnelle de l’article 98 de la LIPR.

4 août 2005

Le ministre s’oppose au changement du conseil inscrit au dossier effectué à la dernière minute.

9 août 2005

Le ministre dépose des observations écrites en réponse à l’avis de demande du 28 juillet 2005 de M. Deng.

12 août 2005

Le nouveau conseil de M. Deng dépose une réponse aux observations du 9 août 2005 du ministre. De nouveaux éléments de preuve sont joints à cette réponse, notamment des documents que l’avocat de M. Deng en Chine a obtenus, selon lesquels le document confirmant le verdict pénal de 1987 était une contrefaçon.

Date limite de dépôt des observations écrites des demandeurs en vue l’audience devant la SPR. Le conseil de M. Cui n’a encore rien déposé.

18 août 2005

Le ministre conteste la décision de la SPR d’accepter des éléments de preuve non sollicités après l’audience et souligne que M. Deng n’a pas observé la règle 37 des Règles de la Section de la protection des réfugiés.

5 octobre 2005

M. Deng est avisé que la SPR n’a pas pris en compte les documents produits le 12 août 2005. Il se voit accorder jusqu’au 21 octobre 2005 pour déposer des observations écrites en réponse à cette décision.

11 octobre 2005

M. Deng produit une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision interlocutoire du 5 octobre 2005 de la SPR dans laquelle le commissaire a refusé de prendre en compte les documents déposés le 12 août 2005. M. Deng sollicite une nouvelle audience, une ordonnance interdisant au commissaire de la SPR de poursuivre l’instruction de sa revendication et demande que la Cour fédérale examine la constitutionnalité de l’article 98 de la LIPR.

21 octobre 2005

M. Deng dépose une requête devant la Cour fédérale en vue d’obtenir la suspension de l’instance devant la SPR jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. La requête a été entendue le 14 novembre 2005.

17 novembre 2005

Le juge Gibson rejette la requête de M. Deng déposée le 21 octobre 2005 et conclut que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire qui sous-tend la requête (déposée le 21 octobre 2005) n’était pas fondée.

13 juin 2006

La SPR rend ses motifs de décision, statuant que M. Deng est interdit de territoire en application de l’article 98 de la LIPR (qui incorpore la section Fb) de l’article premier de la Convention). Elle rejette également la demande de M. Deng fondée sur la règle 44.

18 juillet 2006

M. Deng produit une demande en vue de rouvrir l’audience sur sa demande d’asile (avec de nombreux documents à l’appui).

11 août 2006

La SPR rejette la demande de M. Deng visant la réouverture de l’audience sur sa demande d’asile. La décision n’est pas motivée.

21 août 2006

M. Deng produit une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SPR datée du 5 octobre 2005, dans laquelle le commissaire a refusé d’accepter les documents supplémentaires produits par M. Deng après l’audience. Un avis de question constitutionnelle est déposé le 22 août 2006.

24 novembre 2006

La SPR rend ses motifs de décision, statuant que M. Cui est interdit de territoire en application de l’article 98 de la LIPR (qui incorpore la section Fb) de l’article premier de la Convention). 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            IMM-4071-06

 

INTITULÉ :                                                                           XINZHI DENG et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 17 SEPTEMBRE 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                  LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 20 SEPTEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :   

 

Edward F. Hung                                                                       POUR LE DEMANDEUR

 

Catherine Vasilaros                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                                           

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hung Law Office                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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