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Date : 20070829

Dossier : T-207-07

Référence : 2007 CF 869

Ottawa (Ontario), le 29 août 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

MARYANN C. MULVENEY

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES CANADA

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        La question en litige dans le cadre du présent contrôle judiciaire est de savoir si la représentante du ministre a commis une erreur susceptible de révision en concluant que le paiement en trop à Mme Mulveney de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) ne résultait pas d’un avis erroné ou d’une erreur administrative attribuable au ministre de Développement des ressources humaines Canada (le ministre) ou à un fonctionnaire de ce ministère. La question soulevée découle des faits que nous allons maintenant exposer.

 

[2]        Mme Mulveney a présenté une demande, signée le 21 octobre 1994, pour qu’on lui verse des prestations d’invalidité, dans le cadre du RPC, au motif qu’elle était atteinte du syndrome de fatigue chronique. Sa demande a été approuvée, avec prise d’effet en janvier 1994. Mme Mulveney a repris le travail brièvement et à temps partiel en novembre 1996, elle a commencé à travailler à temps plein en septembre 1997 et elle a de nouveau occupé son poste de directrice adjointe d’une école secondaire en septembre 1998.

 

[3]        En février 1999, Mme Mulveney a communiqué avec Développement des ressources humaines Canada (DRHC) pour qu’on cesse de lui verser des prestations d’invalidité en raison de son retour au travail. Plus tard, la Commission d’appel des pensions a statué en dernière analyse que Mme Mulveney n’avait pas droit au paiement de prestations du RPC pour la période de juillet 1997 à février 1999.

 

[4]        Le paragraphe 66(1) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (la Loi) prévoit que la personne qui reçoit un paiement de prestation auquel elle n’a pas droit doit immédiatement retourner le montant de ce paiement. Le paragraphe 66(2) de la Loi autorise pour sa part le recouvrement de prestations versées à une personne qui n’y avait pas droit. Nobstant ces dispositions, l’alinéa 66(3)d) de la Loi confère au ministre le pouvoir discrétionnaire suivant :

66(3) Nonobstant l’alinéa 61(2)b) et les paragraphes (1) et (2) du présent article, lorsqu’une personne a reçu ou obtenu une prestation à laquelle elle n’a pas droit ou une prestation supérieure à celle à laquelle elle a droit et que le ministre est convaincu que, selon le cas :

 

 

[…]

d) le montant ou l’excédent de la prestation résulte d’un avis erroné ou d’une erreur administrative attribuable au ministre ou à un fonctionnaire du ministère du Développement social agissant dans le cadre de ses fonctions en application de la présente loi,

le ministre peut, sauf dans les cas où cette personne a été condamnée, aux termes d’une disposition de la présente loi ou du Code criminel, pour avoir obtenu la prestation illégalement, faire remise de tout ou partie des montants versés indûment ou en excédent.

  [non souligné dans l’original]

66(3) Notwithstanding paragraph 61(2)(b) and subsections (1) and (2) of this section, where a person has received or obtained a benefit payment to which he is not entitled, or a benefit payment in excess of the amount of the benefit payment to which he is entitled, and the Minister is satisfied that

 

[…]

(d) the amount or excess of the benefit payment is the result of erroneous advice or administrative error on the part of the Minister or an official of the Department of Social Development acting in an official capacity in the administration of this Act,

the Minister may, unless that person has been convicted of an offence under any provision of this Act or of the Criminal Code in connection with the obtaining of the benefit payment, remit all or any portion of the amount or excess of the benefit payment.

 

                  [underlining added]

 

(Les paragraphes 61(2), 66(1), 66(2), 66(3) et 66(4) de la Loi sont reproduits en annexe des présents motifs.)

 

[5]        Mme Mulveney, a fait usage de son droit de demander que soit exercé en sa faveur le pouvoir discrétionnaire prévu à l’alinéa 66(3)d) de la Loi, en faisant valoir pour deux motifs qu’une erreur administrative avait été commise. DRHC aurait premièrement commis une erreur, selon elle, en ne procédant pas périodiquement à des rappels quant aux critères fixés pour le maintien du versement de prestations. Ces rappels auraient été nécessaires en raison de la déficience cognitive, des problèmes de concentration et des trous de mémoire associés à la maladie de Mme Mulveney. Par ailleurs, lorsque Mme Mulveney avait demandé le paiement de prestations du RPC, elle avait également demandé que les paiements ne soient pas effectués par virement automatique dans son compte de banque, de manière à se faire ainsi rappeler de façon concrète la réception de ces prestations. Or une deuxième erreur aurait été commise du fait que, malgré cette demande formulée à l’origine, les prestations ont commencé à être versées directement dans le compte de banque de Mme Mulveney en avril 1996. Cette dernière soutient qu’on à procédé de la sorte sans son autorisation et que, si on avait continué de lui envoyer des chèques, elle aurait pu communiquer plus tôt avec DRHC pour faire cesser le paiement de ses prestations.

 

[6]        Par lettre datée du 9 juillet 2004, on a informé Mme Mulveney de la décision rendue au nom du ministre portant que le paiement en trop de prestations du RPC ne résultait pas d’une erreur attribuable à DRHC. La décision, très brève, est formulée en ces termes :

[traduction]

Nous avons examiné votre dossier pour donner suite à votre allégation d’avis erroné/d’erreur administrative attribuable au Régime de pensions du Canada. L’un des problèmes que vous avez mentionnés avait trait à une communication déficiente de la part du RPC quant à votre retour au travail alors que vous receviez des prestations d’invalidité. L’autre problème concernait le virement automatique, sans votre autorisation, de vos chèques de prestations de pension d’invalidité.

 

Relativement à la communication déficiente quant au retour au travail :

 

    •   Lorsque vous avez signé votre formule de demande de prestations d’invalidité du RPC, vous avez convenu d’aviser le RPC si vous retourniez au travail. Vous trouverez ci-joint copie de cette formule ainsi que la dernière page du questionnaire, où figure votre signature.

 

    •   Dans le cadre du programme d’envoi à domicile, le RPC vous a fait parvenir en décembre 1995 une lettre vous transmettant de l’information sur vos prestations. Or, dans votre lettre datée du 11 mai 2000, vous avez mentionné avoir bien reçu cette lettre du RPC. Vous trouverez ci-joint copie de la lettre ainsi que des imprimés que vous avez reçus.

 

Relativement au virement automatique de vos prestations :

 

    •   Sans votre autorisation, le RPC ne peut avoir accès à votre numéro de compte non plus qu’à la banque de votre choix.

 

    •   Chaque année où vous avez reçu des prestations, on vous a délivré pour fins de production de votre déclaration de revenus un formulaire T4 faisant état du montant total des prestations versées. Lors d’une conversation téléphonique, il a été convenu entre nous que vous transmettriez des copies de vos déclarations de revenus pour les années où vous avez touché des prestations. Nous n’avons toujours pas reçu ces copies.

 

Notre examen nous a permis de conclure que le RPC n’avait pas commis d’erreur, de sorte qu’on procédera au recouvrement du paiement en trop de prestations.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[7]        Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, il n’incombe pas à la Cour d’établir si elle est ou non d’accord avec la décision du ministre, ni si elle serait arrivée à une même conclusion. La Cour doit plutôt établir, en droit, quelle norme de contrôle il convient d’appliquer à la décision du ministre, puis elle doit appliquer cette norme de contrôle à la décision.

 

[8]        Afin d’établir quelle est la norme de contrôle appropriée, la Cour doit procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle lors de laquelle elle examine :

 

            1.         la nature du mécanisme de contrôle prévu par la loi en cause;

            2.         l’expertise relative du décideur;

3.         l’objet de la disposition en particulier, et de la loi dans son ensemble;

            4.         la nature de la question.

 

[9]        Examinons maintenant chacun de ces facteurs tour à tour. La Loi, tout d’abord, ne renferme aucune clause privative ni ne prévoit aucun mécanisme d’appel à l’égard des décisions rendues en application du paragraphe 66(3) de la Loi. Ce facteur est par conséquent neutre, et n’incite ni à faire preuve de retenue ni à procéder à un examen plus approfondi de la décision en cause.

 

[10]      L’expertise peut découler de connaissances spécialisées dans une matière, ou de l’expérience et des compétences acquises aux fins de trancher des questions particulières. Pour ce qui est d’établir si un paiement en trop résulte ou non d’un avis erroné ou d’une erreur administrative, j’estime que c’est bien là un domaine qui relève de l’expertise du ministre et de sa représentante, l’expertise de cette dernière étant à ce sujet supérieure à celle de la Cour. À cet égard, la représentante a acquis une expérience et une expertise d’importance dans le traitement des demandes d’exercice du pouvoir discrétionnaire de faire remise des paiements en trop; occupant les fonctions de superviseur au sein du service de l’évaluation médicale de DRHC, elle dispose de connaissances supérieures quant à ce qui constitue ou non un avis erroné ou une erreur administrative. Ce facteur, le plus important des quatre, milite en faveur de la retenue face à la décision à l’examen.

 

[11]      Le paragraphe 66(3) de la Loi a pour objet d’autoriser le ministre à dispenser des personnes de ce qui, sinon, constituerait leur obligation de rembourser des sommes reçues sans y avoir droit. Ce facteur fait aussi pencher, par conséquent, en faveur d’une plus grande retenue judiciaire à l’égard de la décision.

 

[12]      Finalement, le paragraphe 66(3) de la Loi requiert que le ministre soit « convaincu » que le paiement en trop résulte d’un avis erroné ou d’une erreur administrative. Il s’agit là d’une question de fait à trancher, et ce facteur doit donc nous inciter, lui aussi, à faire preuve de retenue.

 

[13]      Compte tenu de ces facteurs, qui tous, à l’exception d’un facteur neutre, appellent la retenue judiciaire, je conclus que la décision de la représentante du ministre, selon laquelle le paiement en trop ne résulte ni d’un avis erroné ni d’une erreur administrative, doit être examinée en fonction de la norme de la décision manifestement déraisonnable.

 

[14]      Ma conclusion à cet égard est étayée par la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale portant sur le paragraphe 66(4) de la Loi. Ce dernier paragraphe constitue le pendant du paragraphe 66(3), en ce sens que, si le ministre est convaincu qu’un avis erroné ou une erreur administrative a eu pour résultat le paiement en moins de prestations, il doit prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées. Dans les arrêts Leskiw c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. n° 803 et Kissoon c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [2004] A.C.F. n° 1949, la Cour d’appel a rejeté les appels interjetés alors que notre Cour avait appliqué la norme du caractère manifestement déraisonnable à des décisions portant, en vertu du paragraphe 66(4), qu’aucun avis erroné n’avait été donné. Je ne vois pour ma part aucune raison d’appliquer des normes de contrôle différentes à des conclusions de fait tirées quant à l’existence ou non d’un avis erroné ou d’une erreur administrative, qu’elles l’aient été en application soit du paragraphe 66(3), soit du paragraphe 66(4), de la Loi.

 

[15]      Mme Mulveney a soulevé une autre question dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. Elle soutient que la décisionnaire a fait preuve de partialité, ce qui soulève une question d’équité procédurale à laquelle ne s’applique pas l’analyse pragmatique et fonctionnelle. Il s’agit plutôt alors pour la Cour d’établir, en droit, si la décisionnaire s’est ou non conformée au contenu de l’équité procédurale (se reporter à l’arrêt Canada (Procureur général) c. Fetherston, 2005 CAF 111.

 

L’APPLICATION DE LA NORME DE CONTRÔLE À LA DÉCISION

[16]      J’examinerai tout d’abord ce que nécessite un contrôle en fonction de la norme de la décision manifestement déraisonnable. Dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539 au paragraphe 164, la Cour suprême du Canada a expliqué que la norme de la décision correcte signifie qu’il n’y a qu’une seule réponse appropriée, tandis que la norme du caractère manifestement déraisonnable signifie que de nombreuses réponses appropriées étaient possibles, sauf celle donnée par le décideur. Dans l’arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247 au paragraphe 52, la Cour suprême a en outre expliqué qu’il existe un défaut manifestement déraisonnable lorsqu’est écartée toute possibilité réelle de douter que la décision est viciée. Selon la Cour suprême, en outre, une décision qui est manifestement déraisonnable est à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir.

 

(i)         La communication déficiente

[17]      Pour conclure qu’aucune erreur n’avait été commise en raison d’une communication déficiente, la représentante du ministre s’est appuyée sur des renseignements donnés à Mme Mulveney dans la formule de demande qu’elle a présentée pour le versement de prestations d’invalidité du RPC et lors d’un envoi à domicile destiné à Mme Mulveney en décembre 1995. On donnait comme information dans les deux cas que les bénéficiaires de prestations du RPC étaient tenus d’aviser DRHC en cas de retour au travail à temps plein ou à temps partiel. Mme Mulveney soutient que cette conclusion était manifestement déraisonnable, puisqu’elle a été tirée sans prendre en compte la preuve d’ordre médical quant à sa déficience cognitive au moment où elle a reçu cette information, et parce que la représentante du ministre n’a pas pris en considération le fait que de 1994 à 1999, soit une période de cinq ans, la lettre de décembre 1995 a été la seule qu’ait reçue Mme Mulveney de DRHC. Cette dernière affirme alors que, si des lettres transmises régulièrement par DRHC lui avaient expliqué ses obligations, il n’y aurait pas eu paiement en trop de prestations d’invalidité.

 

[18]      Selon moi, il n’était pas manifestement déraisonnable pour la représentante du ministre d’appuyer sa décision sur les renseignements communiqués par écrit en 1994 et 1995 à Mme Mulveney quant à son obligation d’aviser DRHC si elle reprenait son travail. Pour que la représentante puisse conclure que le défaut d’aviser Mme Mulveney plus fréquemment de ses obligations constituait un avis erroné ou une erreur administrative, il aurait fallu qu’elle interprète la Loi et la réglementation connexe comme imposant au ministre et à son ministère l’obligation positive de rappeler régulièrement aux bénéficiaires de prestations leur obligation d’informer DRHC de tout retour au travail ou de tout changement de leur état de santé. Or, je ne puis trouver aucune disposition dans la Loi ni dans le Règlement sur le Régime de pensions du Canada, C.R.C., ch. 385 (le Règlement) qui puisse justifier une telle conclusion.

 

[19]      Mme Mulveney fait également valoir les paragraphes 68(2) et 69(1) et (2) du Règlement, reproduits en annexe des présents motifs. Selon elle, on peut déduire de ces dispositions que toute personne dont on a déterminé l’invalidité au sens de la Loi peut être tenue, à l’occasion, de se soumettre à un examen spécial, de fournir certains renseignements et ainsi de suite. Toutefois, ces dispositions autorisent le ministre à obtenir certains renseignements d’un bénéficiaire, ou à requérir qu’un bénéficiaire se soumette à un examen ou encore à des mesures de réadaptation, mais elles n’imposent au ministre aucune obligation de faire.

 

[20]      Pour ce qui est du défaut de la représentante du ministre de mentionner expressément l’état de santé de Mme Mulveney, il est de droit constant qu’un décisionnaire n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs la totalité de la preuve dont il est saisi (voir, par exemple, l’arrêt Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. n° 946 (C.A.)).

 

(ii)        Le virement automatique des prestations

[21]      Les parties s’accordent pour reconnaître que Mme Mulveney avait mentionné dans sa formule de demande de prestations du RPC qu’elle ne voulait pas que ses prestations d’invalidité soient déposées directement dans son compte bancaire, et que le dossier du tribunal ne révèle pas pour quel motif, en avril 1996, on a commencé à déposer les prestations du RPC directement dans le compte de Mme Mulveney. Le motif du virement automatique n’étant pas expliqué, la représentante du ministre en a déduit que Mme Mulveney avait dû demander de recevoir ses paiements selon ce mode et fournir les renseignements requis relatifs à son institution financière et à son numéro de compte. Étant donné la nécessité d’obtenir de tels renseignements pour procéder à un virement et comme ceux-ci ne sont pas accessibles au public, je ne puis conclure que la décision de la représentante à cet égard était manifestement déraisonnable.

 

[22]      La représentante a également déduit la connaissance par Mme Mulveney de la réception de prestations du RPC du fait qu’on lui avait délivré chaque année des feuillets T4 faisant état du montant des prestations versées, et du fait que Mme Mulveney avait omis, après qu’elle y eut consenti, de fournir copie de ses déclarations de revenus pour les années où elle avait reçu des prestations. À mon avis, encore une fois, la preuve donnait ouverture à une telle déduction de la part de la représentante, et cette déduction n’était pas manifestement déraisonnable.

 

(iii)       La partialité

[23]      Le 26 juillet 2004, après qu’elle eut reçu la décision, Mme Mulveney s’est entretenue avec la décisionnaire. Pendant cette conversation, la décisionnaire aurait dit être [traduction] « sûre à 1 000 p. 100 » que Mme Mulveney avait communiqué son numéro de compte à DRHC, aurait déclaré que « l’ignorance de la loi ne constitue pas une excuse » et aurait accusé Mme Mulveney de la harceler. Mme Mulveney a qualifié de brutal le comportement de la décisionnaire et elle invoque ces éléments pour soutenir que celle-ci a fait preuve de partialité.

 

[24]      La Cour suprême du Canada a énoncé dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394, le critère devant servir à établir la partialité. En droit, ainsi, le critère applicable à la partialité ou à la crainte raisonnable de partialité consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décisionnaire], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? ». La Cour suprême a également alors souligné que les motifs de crainte de partialité devrait être « sérieux ». Dans l’arrêt R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484 au paragraphe 113, la Cour suprême a par la suite fait état de « la rigueur dont il faut faire preuve pour conclure à la partialité, réelle ou apparente ».

 

[25]      À mon avis, la preuve dont la Cour est saisie ne suffit pas pour qu’une personne bien renseignée en arrive à la conclusion que la décisionnaire n’a pas statué de manière juste sur la demande de Mme Mulveney. Un facteur particulièrement pertinent, c’est que la conversation qu’on fait valoir s’est produite après la prise de la décision. Il faut en outre présumer, en l’absence d’une preuve contraire, que les décisionnaires agissent d’une façon équitable et impartiale (se reporter à l’arrêt Zündel c. Citron, [2000] 4 C.F. 225 (C.A.), aux paragraphes 36 et 37, et à la jurisprudence qui y est citée). En l’espèce, rien au vu de la décision rendue ne permet de renverser cette présomption. Même si Mme Mulveney estime que la conclusion selon laquelle elle a fourni à DRHC des renseignements sur son compte bancaire met en cause son intégrité, le fait que la décisionnaire en soit venue à cette conclusion ne constitue pas, en soi, un indice de partialité. Il se peut d’ailleurs que la décisionnaire ait tout simplement conclu que Mme Mulveney avait oublié avoir fourni ces renseignements en raison de sa déficience cognitive en 1996.

 

DISPOSITIF

[26]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. L’avocat du ministre n’a présenté aucune demande de dépens, de sorte qu’au vu des circonstances la demande sera rejetée sans dépens.

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET DÉCIDE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée sans dépens.

 

“Eleanor R. Dawson”

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, trad. a., LL.L.


 

ANNEXE

 

 

            Les paragraphes 61(2), 66(1), 66(2), 66(3) et 66(4) du Régime de pensions du Canada sont rédigés ainsi:

61(2) Lorsqu’une prestation provisoire a été payée aux termes du paragraphe (1) et que le paiement d’une prestation est approuvé par la suite :

a) si le montant de la prestation provisoire était moindre que le montant de la prestation approuvée par la suite, il doit être payé au bénéficiaire le montant additionnel qui lui aurait été versé si la prestation avait été approuvée au moment où la prestation provisoire l’a été;

b) si le montant de la prestation provisoire dépassait le montant de la prestation approuvée par la suite, le montant versé en trop doit être déduit des versements subséquents de la prestation, ou autrement recouvré ainsi qu’en peut décider le ministre.

 

[…]

 

66.(1) Une personne ou un ayant droit qui a reçu ou obtenu, par chèque ou autrement, un paiement de prestation auquel elle n’a pas droit, ou à qui a été payée une prestation dont le montant excédait celui auquel elle avait droit, doit immédiatement retourner le chèque ou le montant, ou l’excédent, selon le cas.

 

Recouvrement des prestations

(2) La prestation ou la partie de celle-ci que touche une personne et à laquelle elle n’a pas droit constitue une créance de Sa Majesté dont le recouvrement peut être poursuivi en tout temps à ce titre devant la Cour fédérale ou tout autre tribunal compétent, ou de toute autre façon prévue par la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

[…]

 

 

Abandon d’une créance

(3) Nonobstant l’alinéa 61(2)b) et les paragraphes (1) et (2) du présent article, lorsqu’une personne a reçu ou obtenu une prestation à laquelle elle n’a pas droit ou une prestation supérieure à celle à laquelle elle a droit et que le ministre est convaincu que, selon le cas :

a) le montant ou l’excédent de la prestation ne peut être récupéré dans un avenir prévisible;

b) les frais administratifs de récupération du montant ou de l’excédent de la prestation seraient vraisemblablement égaux ou supérieurs au montant à récupérer;

c) le remboursement du montant ou de l’excédent de la prestation causerait un préjudice abusif au débiteur;

d) le montant ou l’excédent de la prestation résulte d’un avis erroné ou d’une erreur administrative attribuable au ministre ou à un fonctionnaire du ministère du Développement social agissant dans le cadre de ses fonctions en application de la présente loi,

le ministre peut, sauf dans les cas où cette personne a été condamnée, aux termes d’une disposition de la présente loi ou du Code criminel, pour avoir obtenu la prestation illégalement, faire remise de tout ou partie des montants versés indûment ou en excédent.

 

Refus d’une prestation en raison d’une erreur administrative

(4) Dans le cas où le ministre est convaincu qu’un avis erroné ou une erreur administrative survenus dans le cadre de l’application de la présente loi a eu pour résultat que soit refusé à cette personne, selon le cas :

a) en tout ou en partie, une prestation à laquelle elle aurait eu droit en vertu de la présente loi,

b) le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension en application de l’article 55 ou 55.1,

c) la cession d’une pension de retraite conformément à l’article 65.1,

le ministre prend les mesures correctives qu’il estime indiquées pour placer la personne en question dans la situation où cette dernière se retrouverait sous l’autorité de la présente loi s’il n’y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative.

61(2) Where an interim benefit has been paid under subsection (1) and payment of a benefit is subsequently approved,

 

 

(a) if the amount of the interim benefit was less than the amount of the benefit subsequently approved, the beneficiary shall be paid the additional amount that he would have been paid if the benefit had been approved at the time the interim benefit was approved; and

(b) if the amount of the interim benefit exceeded the amount of the benefit subsequently approved, the amount paid in excess thereof shall be deducted from subsequent payments of the benefit or otherwise recovered in such manner as the Minister may direct.

 

[…]

 

66.(1) A person or estate that has received or obtained by cheque or otherwise a benefit payment to which the person or estate is not entitled, or a benefit payment in excess of the amount of the benefit payment to which the person or estate is entitled, shall forthwith return the cheque or the amount of the benefit payment, or the excess amount, as the case may be.

 

Recovery of amount of payment

(2) If a person has received or obtained a benefit payment to which the person is not entitled, or a benefit payment in excess of the amount of the benefit payment to which the person is entitled, the amount of the benefit payment or the excess amount, as the case may be, constitutes a debt due to Her Majesty and is recoverable at any time in the Federal Court or any other court of competent jurisdiction or in any other manner provided by this Act.

 

[…]

 

Remission of amount owing

(3) Notwithstanding paragraph 61(2)(b) and subsections (1) and (2) of this section, where a person has received or obtained a benefit payment to which he is not entitled, or a benefit payment in excess of the amount of the benefit payment to which he is entitled, and the Minister is satisfied that

(a) the amount or excess of the benefit payment cannot be collected within the reasonably foreseeable future,

(b) the administrative costs of collecting the amount or excess of the benefit payment are likely to equal or exceed the amount to be collected,

(c) repayment of the amount or excess of the benefit payment would cause undue hardship to the debtor, or

(d) the amount or excess of the benefit payment is the result of erroneous advice or administrative error on the part of the Minister or an official of the Department of Social Development acting in an official capacity in the administration of this Act,

the Minister may, unless that person has been convicted of an offence under any provision of this Act or of the Criminal Code in connection with the obtaining of the benefit payment, remit all or any portion of the amount or excess of the benefit payment.

 

Where person denied benefit due to departmental error, etc.

(4) Where the Minister is satisfied that, as a result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, any person has been denied

 

 

(a) a benefit, or portion thereof, to which that person would have been entitled under this Act,

(b) a division of unadjusted pensionable earnings under section 55 or 55.1, or

(c) an assignment of a retirement pension under section 65.1,

 

the Minister shall take such remedial action as the Minister considers appropriate to place the person in the position that the person would be in under this Act had the erroneous advice not been given or the administrative error not been made.

 

            Les paragraphes 68(2), 69(1) et 69(2) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada sont rédigés ainsi :

68(2) En plus des exigences du paragraphe (1), une personne dont l’invalidité reste à déterminer ou a été déterminée en vertu de la Loi, peut être requise à l’occasion par le ministre

a) de fournir une déclaration de ses emplois ou de ses gains pour n’importe quelle période; et

b) de se soumettre à tout examen spécial et de fournir tout rapport que le ministre estimera nécessaire en vue de déterminer l’invalidité de cette personne.

 

[…]

 

69(1) En vue de déterminer si un certain montant doit être payé ou doit continuer d’être payé comme prestation à l’égard d’une personne dont on a déterminé l’invalidité au sens de la Loi, le ministre peut requérir ladite personne, de temps à autre,

a) de se soumettre à tout examen spécial,

b) de fournir tout rapport, et

c) de fournir toute déclaration sur son emploi et ses gains, pour toute période,

qu’il peut indiquer.

(2) Lorsque le ministre est d’avis qu’une personne dont on a déterminé l’invalidité au sens de la Loi pourrait bénéficier de mesures raisonnables de réadaptation, il peut requérir, de temps à autre, que ladite personne se soumette à de telles mesures qu’il peut indiquer.

68(2) In addition to the requirements of subsection (1), a person whose disability is to be or has been determined pursuant to the Act may be required from time to time by the Minister

(a) to supply a statement of his occupation and earnings for any period; and

(b) to undergo such special examinations and to supply such reports as the Minister deems necessary for the purpose of determining the disability of that person.

 

 

 

 

[…]

 

69(1) For the purpose of determining whether any amount shall be paid or shall continue to be paid as a benefit in respect of a person who has been determined to be disabled within the meaning of the Act, the Minister may require that person from time to time

(a) to undergo such special examinations,

(b) to supply such reports, and

(c) to supply such statements of his occupation and earnings for any period,

as the Minister may specify.

(2) Where the Minister is of the opinion that a person who has been determined to be disabled within the meaning of the Act may benefit vocationally from reasonable rehabilitation measures, he may, from time to time, require that person to undergo such reasonable rehabilitation measures as he may specify.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-207-07

 

INTITULÉ :                                       MARYANN C. MULVENEY, demanderesse

 

                                                            et LE MINISTRE DE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES CANADA, défendeur

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 14 AOÛT 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 29 AOÛT 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

MARYANN C. MULVENEY                                                 POUR LA DEMANDERESSE

(auto-représentée)

 

JACQUES-MICHEL CYR                                                      POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MARYANN C. MULVENEY                                                 POUR LA DEMANDERESSE

(auto-représentée)

 

 

JOHN H. SIMS, c.r.                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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