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Date : 20070831

Dossier : T-150-06

Référence : 2007 CF 874

Ottawa (Ontario), le 31 août 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

 

ENTRE :

PREMIÈRE NATION CARRY THE KETTLE

demanderesse

et

 

WOODROW O'WATCH

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I.  Introduction

[1]               La Première nation Carry the Kettle (la demanderesse) demande le contrôle judiciaire de la décision rendue le 28 décembre 2005 par l’arbitre Daniel Cameron, dans laquelle celui‑ci a conclu que la demanderesse avait injustement congédié M. Woodrow O’Watch (le défendeur) de son poste d’aide-enseignant.

 

II.  Contexte

 

[2]               Le défendeur a commencé à travailler comme aide-enseignant pour la demanderesse au mois de septembre 2001, au centre éducatif Nakota Oyada. Pour l’année scolaire 2002-2003, la demanderesse a préparé un contrat d’emploi, lequel a été signé par le défendeur mais non par la demanderesse.

 

[3]               Pour l’année scolaire 2003-2004 aussi, le contrat d’emploi établi par la demanderesse a été signé par le défendeur, en juin 2003, mais non par la demanderesse.

 

[4]               L’année scolaire 2003-2004 a débuté le 25 août  2003, et le défendeur s’est présenté au travail à cette date. Pendant la récréation de l’avant‑midi, le directeur l’a informé qu’il était suspendu. Dans une lettre en date du 26 août 2003, le défendeur a demandé à rencontrer le chef et le conseil au sujet de [traduction] « sa suspension ». La rencontre n’a eu lieu que le 9 mars 2004.

 

[5]               Le défendeur avait été accusé d’une infraction liée à une arme à feu au mois d’août 2003. L’un des présumés témoins, dans cette affaire, était un ancien étudiant de l’école. Le procès‑verbal de la réunion du conseil de bande tenue le 28 août 2003 indique que le conseil avait discuté de l’emploi du défendeur et avait décidé que ce dernier serait  « en congé non payé jusqu’à nouvel ordre » (off without pay).

 

[6]               Le défendeur n’a reçu son relevé d’emploi et l’original de la lettre de cessation d’emploi que le 2 avril 2004, mais il avait reçu, le 19 février 2004, la photocopie d’une lettre de cessation d’emploi datée du 18 septembre 2003. Cette lettre lui avait été remise par Kathleen Thompson, coordonnatrice des études au centre éducatif Nakota Oyada, et bien que la date imprimée ait été le 26 août 2003, elle portait aussi une date manuscrite, celle du 18 septembre 2003. La date manuscrite avait été inscrite par M. Ironstar, le gestionnaire de bande de la demanderesse.

 

[7]               Le ou vers le 29 décembre 2003, un avis de cessation de participation au régime de la Canadian Aboriginal Association a été transmis au défendeur, mais les contributions de l’employeur et celles de l’employé avaient été effectuées jusqu’au 16 octobre 2003 inclusivement.

 

[8]               Le 2 avril  2004, le défendeur a reçu l’original de la lettre de cessation d’emploi et son relevé d’emploi. Le ou vers le 4 avril 2004, il a déposé une plainte de congédiement injuste auprès de Ressources humaines et Développement social Canada, et l’arbitre Daniel Cameron a été désigné pour l’entendre. L’audience s’est tenue les 27 et 28 octobre 2005; l’arbitre a entendu trois témoins, à savoir le défendeur, un témoin cité par ce dernier, Mme Lori Poitras, et M. Ironstar, cité par la demanderesse.

 

[9]               Le 28 décembre 2005, l’arbitre a rendu sa décision. Dans ses motifs, il a passé la preuve en revue et il a défini deux questions à trancher :

a.       Existait-il, à un moment donné au cours de l’année scolaire 2003‑2004, une relation d’emploi entre M. O’Watch et la Première nation Carry the Kettle?

b.      Si une telle relation d’emploi existait, à quel moment a-t-elle pris fin et y a-t-il eu congédiement injuste?

 

[10]           Sur le fondement de la preuve soumise, l’arbitre a conclu qu’il existait une relation d’emploi entre la demanderesse et le défendeur pour l’année scolaire 2003-2004 et qu’elle avait pris naissance le 25 août 2003.

[11]           Il a estimé que le défendeur avait été informé de la cessation d’emploi et des motifs de celle‑ci au plus tôt le 19 février 2004 et au plus tard le 2 avril 2004.

[12]           L’arbitre a aussi conclu que le congédiement était injuste puisque la demanderesse était au courant de la méprise du défendeur au sujet de sa situation d’emploi, qu’elle ne lui a pas permis d’être entendu et qu’elle ne l’a pas informé promptement de sa situation d’emploi. L’arbitre a également formulé quelques commentaires sur certains aspects de la preuve fournie par la demanderesse.

[13]           Relevant que la lettre en date du 26 août 2003 signée par M. Wayne Ironstar, portant aussi la date manuscrite du 18 septembre 2004, énonçait que la décision de ne pas renouveler le contrat du défendeur découlait principalement des « récentes accusations criminelles » portées contre lui, l’arbitre a signalé que lorsque la lettre a été écrite, c’est‑à‑dire le 26 août 2003, il n’y avait qu’une accusation contre le défendeur. Ce n’est qu’à la mi‑septembre 2003 qu’une deuxième accusation a été portée.

[14]           L’arbitre a indiqué que le document présenté comme le contrat d’emploi pour l’année 2003‑2004 ne semble pas être un original et que l’espace prévu pour la signature du défendeur « semble avoir été réécrit ». Il a ajouté que le défendeur n’en a pas reçu copie et que le document semble avoir été sous l’entier contrôle de l’employeur.

[15]           Selon l’arbitre, le témoignage de M. Ironstar était constitué en grande partie de ouï‑dire, car le témoin n’était pas présent à la réunion du conseil tenue en juillet où, d’après sa déposition, il avait été décidé de ne pas renouveler le contrat du défendeur. Il n’a pas pris part aux communications entre le directeur et le défendeur le 25 août 2003, et la délivrance ou la réception des contrats pour l’année scolaire 2003-2004 ne relevaient pas de sa responsabilité.

[16]           L’arbitre a également formulé des commentaires sur le défaut de la demanderesse de citer Mme Kathleen Thompson comme témoin. Cette dernière était coordonatrice des études à cette date. Voici les propos de l’arbitre à ce sujet :

Mme Thompson occupait un poste qui lui permettait d’en savoir plus sur le contenu de la lettre originale portant sur la situation d’emploi de M. O’Watch, c’est-à-dire traitait-elle d’une suspension ou d’un congédiement? De même, elle aurait pu indiquer si elle avait envoyé un contrat à M. O’Watch et si celui-ci le lui avait retourné signé. Elle aurait pu confirmer ce qu’elle avait dit au directeur Ahenakue le 25 août 2003 en ce qui concerne la situation d’emploi de M. O’Watch, c’est-à-dire s’il avait été suspendu ou congédié? En outre, le contrat faisant l’objet du litige était conservé dans son bureau.

 

 

[17]           Selon l’arbitre, le défaut d’une partie de citer à témoigner une personne « pouvant disposer d’une preuve substantielle peut donner lieu à des conclusions défavorables à l’endroit de cette partie », et une fois établie l’existence d’un témoin pouvant apporter une preuve substantielle, l’omission de le citer entraînera l’acceptation de la preuve non contredite de l’autre partie.

[18]           Au moyen d’un avis déposé le 27 janvier 2006, la demanderesse a sollicité le contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre. Sa demande était appuyée de l’affidavit de M. Wayne Ironstar, gestionnaire de bande de la demanderesse, dans lequel une relation des faits était présentée. L’affidavit fait état de documents qui y sont joints en annexe, dont un contrat d’emploi visant l’année scolaire 2002-2003 et un autre pour l’année scolaire 2003-2004, ainsi qu’une copie de la décision de l’arbitre.

[19]           La demanderesse soulève les questions suivantes :

a.       Y avait-il un contrat d’emploi entre les parties pour l’année scolaire 2003-2004?

b.      Le cas échéant, la demanderesse a-t-elle injustement congédié le défendeur?

c.       Le cas échéant, de quels recours dispose le défendeur?

d.      En n’établissant pas la date exacte à laquelle l’emploi du défendeur a pris fin, l’arbitre a‑t‑il tiré une conclusion manifestement déraisonnable et/ou commis une erreur de droit?

e.       L’arbitre a-t-il commis une erreur de droit en ne déterminant pas si le défendeur faisait l’objet d’une suspension sans traitement, disciplinaire ou non disciplinaire, à quelque moment avant la cessation d’emploi?

f.        La conclusion de l’arbitre selon laquelle « [s]ans revenu, son mariage s’est rompu et il [Woodrow O’Watch] a perdu la garde de ses enfants » était‑elle manifestement déraisonnable ou outrepassait‑elle ses compétences?

g.       L’arbitre a‑t‑il tiré une conclusion manifestement déraisonnable et/ou commis une erreur de droit en concluant que le défaut de la demanderesse de citer Kathleen Thompson à témoigner l’autorisait à tirer une conclusion négative lui permettant de déterminer que le défendeur avait été injustement congédié?

[20]           Le défendeur soulève quant à lui les questions suivantes :

a.       L’affidavit de Wayne Ironstar a-t-il été régulièrement déposé devant la Cour?

b.      Quelle est la norme de contrôle judiciaire applicable?

III. Arguments
A.  Argumentation de la demanderesse

[21]           La demanderesse soutient que l’arbitre a conclu à tort qu’il existait un contrat d’emploi valide entre les parties pour l’année scolaire 2003-2004, car ce contrat n’avait pas été ratifié par une majorité des conseillers et du chef de bande conformément à l’alinéa 2(3)b) de la Loi sur les Indiens, L. R.C. 1985, ch. I-5. Voici le texte du paragraphe 2(3) de cette loi :

(2) En ce qui concerne une réserve ou des terres cédées, «bande » désigne la bande à l’usage et au profit de laquelle la réserve ou les terres cédées ont été mises de côté.

(3) Sauf indication contraire du contexte ou disposition expresse de la présente loi :

a) un pouvoir conféré à une bande est censé ne pas être exercé, à moins de l’être en vertu du consentement donné par une majorité des électeurs de la bande;

b) un pouvoir conféré au conseil d’une bande est censé ne pas être exercé à moins de l’être en vertu du consentement donné par une majorité des conseillers de la bande présents à une réunion du conseil dûment convoquée.

(2) The expression "band", with reference to a reserve or surrendered lands, means the band for whose use and benefit the reserve or the surrendered lands were set apart.

(3) Unless the context otherwise requires or this Act otherwise provides,

(a) a power conferred on a band shall be deemed not to be exercised unless it is exercised pursuant to the consent of a majority of the electors of the band; and

(b) a power conferred on the council of a band shall be deemed not to be exercised unless it is exercised pursuant to the consent of a majority of the councillors of the band present at a meeting of the council duly convened.

 

 

[22]           La demanderesse soutient subsidiairement que l’arbitre a erronément mis l’accent sur la façon dont l’emploi du défendeur avait pris fin et sur les conséquences négatives de la cessation d’emploi et a conclu à tort qu’il avait été injustement congédié. Selon elle, il aurait fallu examiner s’il existait des motifs de congédiement.

[23]           Elle fait valoir que, si congédiement il y a eu, il était justifié, invoquant, plus particulièrement, le fait que des accusations criminelles avaient été portées contre le défendeur avant le début de l’année scolaire 2003-2004, par suite d’un incident dont avait été témoin un élève qui avait étudié ou étudiait à l’école. Selon la demanderesse, des condamnations ou accusations criminelles ou d’autres comportements hors de l’école peuvent fonder un congédiement, en particulier lorsque l’emploi et le comportement reproché mettent en cause des relations avec des enfants ou des adolescents. La demanderesse a invoqué des décisions ayant conclu que le congédiement d’employés travaillant auprès d’enfants, en raison d’un comportement ayant pris place en dehors des lieux de travail, était justifié : Shewan c. Abbotsford School District No. 34 (1986), 47 D.L.R. (4th) 106 (C.A.), et Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau‑Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825.

[24]           La demanderesse décrit ensuite les recours que le défendeur pouvait exercer. D’après elle, le défendeur avait droit à vingt‑cinq jours de salaire en application de la clause 7 du contrat 2003‑2004. Ce chiffre provient de l’addition de quinze jours de salaire tenant lieu de préavis et d’une indemnité de départ de dix jours, soit cinq jours pour chaque année complète d’emploi. À titre subsidiaire, elle soutient qu’étant donné les états de service du défendeur, le montant approprié de l’indemnité à lui verser pour congédiement injuste serait d’un à deux mois de salaire, suivant la common law.

[25]           Pour la demanderesse, en n’établissant pas à quelle date le congédiement est survenu, l’arbitre a rendu une décision manifestement déraisonnable ou a commis une erreur de droit. Elle prétend que l’arbitre aurait dû formuler une telle conclusion avant de donner instruction aux parties de transiger.

[26]           La demanderesse ajoute que l’arbitre a soit outrepassé sa compétence soit tiré une conclusion manifestement déraisonnable en signalant que « [s]ans revenu, son mariage s’est rompu et il [Woodrow O’Watch] a perdu la garde de ses enfants ».

 

[27]           Selon elle, il s’agissait d’une conclusion de fait irrégulièrement fondée sur des opinions exprimées à l’audience, qui n’était étayée par aucun élément de preuve acceptable. Elle fait valoir que d’autres facteurs, telles les accusations criminelles portées contre le défendeur, auraient pu constituer une cause plus importante des événements relevés. Elle soutient en outre que l’arbitre n’avait pas compétence pour formuler une telle conclusion aux termes de l’article 242 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2, (le Code du travail) et que celle‑ci était dénuée de pertinence en l’espèce.


[28]           Elle prétend que l’arbitre a conclu à tort qu’il pouvait tirer une conclusion négative du défaut de la demanderesse de citer Kathleen Thompson à témoigner, affirmant qu’en l’espèce les commentaires que Mme Thompson aurait pu formuler auraient tout simplement été non pertinents.

[29]           Enfin, la demanderesse affirme que l’arbitre a commis une erreur de droit en ne déterminant pas si, avant la cessation d’emploi, le défendeur avait fait l’objet d’une suspension sans traitement disciplinaire ou non disciplinaire, et qu’une telle conclusion s’imposait puisque l’arbitre ordonnait aux parties de continuer à négocier une entente. Selon elle, si le contrat 2003-2004 était valide et que l’emploi du défendeur n’avait pas pris fin au début de l’année scolaire 2003-2004, alors il avait manifestement été suspendu sans traitement. L’appelante fait valoir qu’il s’agissait d’une suspension [traduction] « non disciplinaire » sans traitement puisqu’elle faisait suite à un comportement survenu hors des cadres de l’emploi, invoquant à cet égard la décision University of Saskatchewan Faculty Association v. University of Saskatchewan (1995), 139 Sask. R. 145 (B.R.) ou, subsidiairement, qu’il s’agissait d’une suspension disciplinaire reposant sur les mêmes justifications que la cessation d’emploi.

B.  Argumentation du défendeur

[30]           Le défendeur invoque un argument préliminaire, à savoir qu’il ne faut pas tenir compte de l’affidavit de M. Ironstar, souscrit le 26 janvier 2006, car il a pour objet de compléter la preuve présentée à l’arbitre, objet qui va à l’encontre de la jurisprudence relative à l’étendue de la preuve que le tribunal de révision peut examiner lorsqu’il instruit une demande de contrôle judiciaire. Il cite à cet égard l’arrêt Ordre des architectes de l’Ontario c. Association of Architectural Technologists (Ont.) (2002), 215 D.L.R. (4th) 550, [2003] 1 C.F. 331 (C.A.), dans lequel la Cour a statué qu’une partie ne peut, par affidavit, ajouter à la preuve soumise à un office ou un tribunal administratif fédéral, la seule exception étant les cas de manquement à l’équité procédurale ou d’erreur juridictionnelle de l’organisme administratif.

[31]           Le défendeur prétend que la demanderesse cherche en l’espèce à compléter la preuve; il formule en outre une objection particulière au sujet du paragraphe 4 de l’affidavit de M. Ironstar et soutient que la demanderesse essaie de soumettre à la Cour de nouveaux éléments de preuve dont ne disposait pas l’arbitre.

 

[32]           Passant à la question de la norme de contrôle applicable, le défendeur soutient que la décision de l’arbitre au sujet des conclusions négatives à tirer du défaut de la demanderesse de citer Mme Thompson à témoigner doit être examinée suivant la norme de la décision correcte, tandis que les autres questions soulevées par la demanderesse appellent l’application de la norme de la décision manifestement déraisonnable.

[33]           Pour le défendeur, la conclusion de l’arbitre selon laquelle il existait un contrat d’emploi valide pour l’année scolaire 2003-2004 n’était pas manifestement déraisonnable, car la preuve soumise à l’arbitre démontrait que le contrat avait été établi au mois de juin 2003 par suite de la recommandation du directeur de le réengager. La date de prise d’effet du contrat étant le 10 juin 2003, on pouvait en conclure, selon le défendeur, que le contrat avait été rédigé avant. L’exécution du contrat devait commencer le 25 août 2003.

 

[34]           Le défendeur fait aussi valoir que M. Ironstar avait témoigné devant l’arbitre que le conseil de bande devait ratifier un contrat d’emploi avant qu’il soit offert. Appelée à témoigner par le défendeur, Mme Poitras avait déclaré, quant à elle, que les renouvellements de contrat étaient prêts à être signés par le défendeur et par son épouse avant la fin du mois de juin, ce qui donne à penser que la bande les avait ratifiés avant la fin de juin.

[35]           Le défendeur relève également que le procès‑verbal de la réunion du conseil de bande du 28 août 2003 indique qu’il était « en congé non payé jusqu’à nouvel ordre » (off without pay); il fait remarquer aussi qu’en contre‑interogatoire, M. Ironstar a admis qu’il fallait que le défendeur soit un employé pour être « en congé non payé ». Il avait en outre été mis en preuve que la demanderesse avait cotisé au régime de la Canadian Aboriginal Association et qu’elle avait écrit une lettre de cessation d’emploi.

[36]           Le défendeur avance qu’il appert du témoignage de M. Ironstar que ce dernier avait en main une lettre écrite par Mme Thompson lorsqu’il a rencontré le défendeur le 4 septembre 2003, mais ne pouvait pas se rappeler s’il y était question de cessation d’emploi ou de suspension.

[37]           Le défendeur signale qu’il n’existe aucun élément de preuve au sujet d’une résolution du conseil de bande ayant pour effet de le congédier ou de ne pas ratifier le contrat 2003-2004.

[38]           Selon le défendeur, l’effet cumulatif de cette preuve milite en faveur de l’existence d’un contrat d’emploi, et les conclusions de l’arbitre sur ce point n’étaient pas manifestement déraisonnables.

[39]           Le défendeur fait valoir que la demanderesse ne peut invoquer à présent le paragraphe 2(3) de la Loi sur les Indiens, parce qu’elle n’a pas soulevé cette question lors de l’audience d’arbitrage. Il soutient qu’en matière de contrôle judiciaire, notre Cour n’examine pas, en règle générale, de questions qui n’ont pas été abordées devant le tribunal administratif dont émane la décision, à moins qu’elles ne concernent la compétence : Regional Cablesystems Inc. c. Wygant, 2003 CFPI 286.

[40]           Le défendeur affirme qu’on ne peut qualifier de manifestement déraisonnable la conclusion de l’arbitre selon laquelle la cessation d’emploi était injuste. Selon lui, il incombait à la demanderesse, en sa qualité d’employeur, d’établir un motif valable de congédiement, et il appert de la preuve que la demanderesse ne s’est pas demandé si un tel motif existait. Il fait remarquer que le principal argument de la demanderesse a toujours été qu’elle n’avait pas ratifié le contrat du défendeur.

[41]           Le défendeur soutient en outre qu’en affirmant qu’il [traduction] « avait été accusé d’une infraction criminelle impliquant un élève qui avait étudié ou étudiait à l’école », la demanderesse laissait entendre que l’ancien élève était plus qu’un simple témoin, et que la Cour ne devrait pas accorder de poids à cette inférence. Il affirme par ailleurs que les conclusions de l’arbitre relatives à la cessation d’emploi se rapportant au contrat 2003-2004, à la date de cette cessation et à son effet sur l’échec de son mariage et la perte de la garde de ses enfants sont toutes fondées sur des faits. Compte tenu de la preuve qui lui avait été soumise, l’arbitre a tiré à l’égard de ces questions des conclusions qui n’étaient pas déraisonnables et encore moins manifestement déraisonnables.

[42]           Relativement à l’erreur que l’arbitre aurait commise en ne déterminant pas si la demanderesse avait imposé une sanction disciplinaire ou non disciplinaire, le défendeur fait valoir que cette question est prématurée parce qu’elle concerne la réparation que l’arbitre peut accorder. Or l’arbitre a expressément intimé aux parties de chercher à s’entendre, à défaut de quoi il statuerait sur la réparation puisqu’il demeurait saisi de la plainte.

[43]           L’arbitre a conclu ainsi sa décision :

J’inviterais les parties à se rencontrer et à convenir d’un règlement financier dans les 30 jours suivant cette décision. En l’absence d’un consensus, je demeure saisi de l’affaire et je rendrai une décision à cet égard.



[44]           Enfin, le défendeur soutient que l’arbitre était fondé à tirer une conclusion défavorable à la demanderesse du fait qu’elle n’avait pas cité Mme Thompson à témoigner et, par suite, à accepter la preuve non contredite du défendeur. Selon le défendeur, cette conclusion était correcte dans les circonstances, étant donné que le témoignage de M. Ironstar reposait sur du ouï‑dire et que ce témoin avait très peu participé personnellement à l’affaire.

 

IV. Analyse et décision

A.  Dispositions législatives pertinentes

[45]           La section XIV du Code canadien du travail porte sur le congédiement injuste. L’article 240 du Code énonce que la plainte de congédiement injuste est d’abord déposée devant un inspecteur. Voici le texte de cette disposition :

(1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d’un inspecteur si :

a) d’une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur;

b) d’autre part, elle ne fait pas partie d’un groupe d’employés régis par une convention collective.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la plainte doit être déposée dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date du congédiement.

(3) Le ministre peut proroger le délai fixé au paragraphe (2) dans les cas où il est convaincu que l’intéressé a déposé sa plainte à temps mais auprès d’un fonctionnaire qu’il croyait, à tort, habilité à la recevoir.

(1) Subject to subsections (2) and 242(3.1), any person

(a) who has completed twelve consecutive months of continuous employment by an employer, and

(b) who is not a member of a group of employees subject to a collective agreement, may make a complaint in writing to an inspector if the employee has been dismissed and considers the dismissal to be unjust.

(2) Subject to subsection (3), a complaint under subsection (1) shall be made within ninety days from the date on which the person making the complaint was dismissed.

(3) The Minister may extend the period of time referred to in subsection (2) where the Minister is satisfied that a complaint was made in that period to a government official who had no authority to deal with the complaint but that the person making the complaint believed the official had that authority.

 

[46]           L’article 241 du Code décrit le processus subséquent, lequel vise à aider les parties à régler la plainte, assistées de l’inspecteur. Il est ainsi conçu :

(1) La personne congédiée visée au paragraphe 240(1) ou tout inspecteur peut demander par écrit à l’employeur de lui faire connaître les motifs du congédiement; le cas échéant, l’employeur est tenu de lui fournir une déclaration écrite à cet effet dans les quinze jours qui suivent la demande.

(2) Dès réception de la plainte, l’inspecteur s’efforce de concilier les parties ou confie cette tâche à un autre inspecteur.

(3) Si la conciliation n’aboutit pas dans un délai qu’il estime raisonnable en l’occurrence, l’inspecteur, sur demande écrite du plaignant à l’effet de saisir un arbitre du cas :

a) fait rapport au ministre de l’échec de son intervention;

b) transmet au ministre la plainte, l’éventuelle déclaration de l’employeur sur les motifs du congédiement et tous autres déclarations ou documents relatifs à la plainte.

 

(1) Where an employer dismisses a person described in subsection 240(1), the person who was dismissed or any inspector may make a request in writing to the employer to provide a written statement giving the reasons for the dismissal, and any employer who receives such a request shall provide the person who made the request with such a statement within fifteen days after the request is made.

(2) On receipt of a complaint made under subsection 240(1), an inspector shall endeavour to assist the parties to the complaint to settle the complaint or cause another inspector to do so.

(3) Where a complaint is not settled under subsection (2) within such period as the inspector endeavouring to assist the parties pursuant to that subsection considers to be reasonable in the circumstances, the inspector shall, on the written request of the person who made the complaint that the complaint be referred to an adjudicator under subsection 242(1),

(a) report to the Minister that the endeavour to assist the parties to settle the complaint has not succeeded; and

(b) deliver to the Minister the complaint made under subsection 240(1), any written statement giving the reasons for the dismissal provided pursuant to subsection (1) and any other statements or documents the inspector has that relate to the complaint.

 

[47]           L’article 244 prévoit dans quelles circonstances une plainte de congédiement injuste sera transmise à un arbitre. Cet article prévoit ce qui suit :

(1) La personne intéressée par l’ordonnance d’un arbitre visée au paragraphe 242(4), ou le ministre, sur demande de celle-ci, peut, après l’expiration d’un délai de quatorze jours suivant la date de l’ordonnance ou la date d’exécution qui y est fixée, si celle-ci est postérieure, déposer à la Cour fédérale une copie du dispositif de l’ordonnance.

(2) Dès le dépôt de l’ordonnance de l’arbitre, la Cour fédérale procède à l’enregistrement de celle-ci; l’enregistrement confère à l’ordonnance valeur de jugement de ce tribunal et, dès lors, toutes les procédures d’exécution applicables à un tel jugement peuvent être engagées à son égard.

(1) Any person affected by an order of an adjudicator under subsection 242(4), or the Minister on the request of any such person, may, after fourteen days from the date on which the order is made, or from the date provided in it for compliance, whichever is the later date, file in the Federal Court a copy of the order, exclusive of the reasons therefore.

(2) On filing in the Federal Court under subsection (1), an order of an adjudicator shall be registered in the Court and, when registered, has the same force and effect, and all proceedings may be taken thereon, as if the order were a judgment obtained in that Court.

 

[48]           L’article 243 du Code renferme la clause privative suivante :

(1) Les ordonnances de l’arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

(2) Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action d’un arbitre exercée dans le cadre de l’article 242.

1) Every order of an adjudicator appointed under subsection 242(1) is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

(2) No order shall be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an adjudicator in any proceedings of the adjudicator under section 242.

 

B.  Cadre législatif

[49]           Dans Defence Construction Canada Ltd. c. Girard, [2005] A.C.F. no 1468, le juge de Montigny a décrit dans quel cadre s’inscrit l’interprétation des dispositions du Code du travail et des décisions des arbitres désignés sous son régime. Il écrit, aux paragraphes 30-34 :

Un bref rappel du contexte dans lequel a été adopté l’article 240 n’est pas sans importance pour départager les prétentions des deux parties, tout particulièrement en ce qui concerne la question de la réintégration.  Cette disposition a été insérée dans le Code en 1978, suite à la ratification par le gouvernement du Canada de la Recommandation sur la cessation de la relation de travail de l’Organisation internationale du Travail (Recommandation No. 119).  Cette recommandation avait été adoptée par la Conférence générale de l’O.I.T. le 26 juin 1963.

 

...

 

En ratifiant cette Recommandation et en légiférant pour la mettre en œuvre dans le champ des relations de travail qui relèvent de sa compétence constitutionnelle, le Parlement rompait avec le droit commun de l’abus de droit et s’engageait ainsi à mettre un terme à l’arbitraire de l’employeur.  C’est d’ailleurs ce qu’il fît en prévoyant qu’une personne peut porter plainte auprès d’un inspecteur si elle s’estime « injustement congédiée ».

 

Ce faisant, le Parlement octroyait aux employés non syndiqués une protection contre le congédiement injuste analogue à celle que se réservent habituellement les employés syndiqués dans leur convention collective.  Il s’agissait là d’un développement majeur dans l’évolution des relations de travail, puisque l’on rompait définitivement avec le dogme de l’autonomie de la volonté des parties qui sous-tendait l’approche strictement libérale des rapports économiques entre un employeur et un employé.  Non seulement l’employeur ne pouvait-il plus à son gré mettre un terme à un contrat d’emploi, mais encore pouvait-il se voir imposer le paiement d’une indemnité et même la réintégration de l’employé congédié.  L’objectif ultime de l’Organisation Internationale du Travail et, par ricochet, du Parlement, était de reconnaître et de protéger la dignité personnelle et l’autonomie du travailleur et la valeur intrinsèque de l’emploi pour tout individu.

 

Après avoir noté la filiation entre l’article 240 du Code et la Recommandation No. 119, le juge Marceau écrivait à ce propos dans l’arrêt Banque de commerce canadienne impériale c. Boisvert, [1986] 2 C.F. 431 :


Le droit lui-même de licenciement a été complètement modifié en vue d'éviter l'arbitraire de l'employeur et d'assurer une continuité de l'emploi. Il n'existe plus qu'un droit de licenciement "juste", ce qui veut dire, sans doute, un licenciement qui se rattache à une cause objective, réelle et sérieuse, indépendante des incompatibilités d'humeur, des convenances ou des mésintelligences purement personnelles, et se présente comme une mesure prise exclusivement pour assurer le bon fonctionnement de l'entreprise. (...) La justification de l’article 61.5 [sensiblement au même effet que l’actuel article 240] est sans doute extrêmement exigeante mais elle reste possible, à mon sens, en dehors des cas d’incompétence ou d’incapacité ou de faute grave de l’employé.

 

[50]           Dans North c. West Region Child and Family Services Inc., [2005] A.C.F. no 1686 (QL), la juge Snider a passé en revue la jurisprudence relative à la norme applicable au contrôle judiciaire des sentences arbitrales rendues sous le régime du Code canadien du travail. Elle a formulé les conclusions suivantes au paragraphe 13 de ses motifs :

Après examen de ces décisions, j’ai dégagé les grands principes (et d’une façon probablement trop simplifiée) suivants relativement aux décisions d’un arbitre agissant en vertu de la Partie III du Code canadien du travail :

- une conclusion de fait est susceptible de contrôle en appliquant comme norme la décision manifestement déraisonnable;

- une conclusion ayant trait à une convention collective ou à un autre document établissant les relations entre l’employeur et l’employé est une question mixte de fait et de droit qui est susceptible de contrôle en appliquant comme norme la décision raisonnable simpliciter;

- une décision exigeant qu’un arbitre interprète les dispositions du Code canadien du travail est susceptible de contrôle en appliquant comme norme la décision raisonnable simpliciter; et

- une conclusion concernant l’applicabilité des principes de common law est susceptible de contrôle en utilisant la décision correcte comme norme, même si la manière dont ces principes sont appliqués aux faits peut faire l’objet d’un contrôle en appliquant comme norme la décision raisonnable simpliciter.

 

 

[51]           J’examinerai d’abord ce qu’il en est de l’affidavit de M. Ironstar. Le défendeur soutient que cet affidavit, souscrit le 27 janvier 2007, ne doit pas être pris en compte en l’espèce, affirmant que le contrôle judiciaire des décisions des tribunaux administratifs fédéraux s’effectue en fonction de la preuve dont disposaient ces tribunaux et qu’une partie ne peut ajouter à cette preuve au moyen d’un affidavit, sauf s’il est allégué que le tribunal administratif a manqué à l’équité procédurale ou s’est mépris sur sa compétence : voir l’arrêt Ordre des architectes de l’Ontario, précité. Le défendeur fait valoir qu’aucune allégation semblable n’a été faite en l’espèce et qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de l’affidavit.

[52]           La Cour a statué plus d’une fois sur la preuve à soumettre à l’appui d’une demande de contrôle judiciaire et a toujours maintenu qu’exception faite des cas où l’on allègue l’absence de compétence ou un manquement à l’équité procédurale, seule la preuve présentée au décideur peut être déposée devant la Cour. À cet égard, on peut se reporter aux décision Liidlii Kue First Nation c. Canada (Procureur général) (2000), 187 F.T.R. 161 (1re inst.), et Gitxsan Treaty Society c. Hospitals Employees’ Union, [2000] 1 C.F. 135, et Ordre des architectes de l’Ontario, précité.

[53]           L’affidavit de M. Ironstar est censé concerner les faits se rapportant à la relation qui existait entre le défendeur et la demanderesse de 2001 à septembre 2003. Dans la mesure où il expose le cadre factuel de l’affaire, l’affidavit est recevable, mais si M. Ironstar tente maintenant d’expliquer la portée de certains événements ou d’introduire des éléments nouveaux qui n’ont pas été présentés à l’arbitre, son affidavit ne sera pas pris en considération.

 

 

[54]           Dans l’examen au fond de la présente demande, la principale question qui se pose et qui se posait à l’arbitre est celle de l’existence d’une relation employeur‑employé entre la demanderesse et le défendeur. S’il existait un contrat d’emploi entre les deux parties pour l’année scolaire 2003‑2004, il faut ensuite se demander s’il y a eu cessation injuste de la relation d’emploi.

[55]           La question de l’existence d’une relation employeur-employé entre les parties comporte à la fois des aspects factuels et des aspects juridiques. Par conséquent, la norme de contrôle applicable est la norme de la décision raisonnable simpliciter.

[56]           Sur le fondement de la preuve telle qu’elle a été résumée par l’arbitre dans le compte rendu officiel en date du 6 février 2006, je suis d’avis que la conclusion de l’arbitre selon laquelle il existait une relation d’emploi est étayée par la preuve, notamment la preuve documentaire soumise à l’audience et, plus particulièrement, le document intitulé « Contract of Employment », dont la date de prise d’effet indiquée est le 10 juin 2003.

[57]           Dans son examen du contrat, l’arbitre a indiqué ce qui suit : 

... Le contrat débute le 25 août 2003. M. Ironstar a indiqué, pendant son témoignage, que le conseil de bande devait ratifier un contrat d’emploi avant qu’un emploi puisse être offert. Selon Mme Poitras, les contrats de renouvellement étaient disponibles aux fins de signature par M. O’Watch et son épouse avant la fin du mois de juin. Cela laisse supposer que la bande a ratifié les contrats de renouvellement avant la fin de juin. Elle a dit que bien qu’elle n’ait pas vu sa signature, elle l’a vu signer le document. Cette déclaration n’a pas été contestée pendant le contre-interrogatoire.



[58]           La preuve documentaire comprend aussi une copie du procès‑verbal de la réunion du conseil de bande tenue le 28 août 2003, dans lequel le statut du défendeur est décrit comme « en congé non payé jusqu’à nouvel ordre » (off without pay), et dont l’arbitre a expressément fait état dans sa décision. L’arbitre a également fait mention d’une lettre en date du 29 décembre 2003 relative au régime de la Canadian Aboriginal Association, informant le défendeur de la cessation de sa participation au régime. Cette lettre a été écrite environ quatre mois après la date la plus tardive de la présumée cessation d’emploi.

[59]           L’arbitre a aussi fait état de la preuve soumise au nom du défendeur, selon laquelle la demanderesse avait cotisé au régime de l’Aboriginal Association pour le défendeur le 16 octobre 2003, c’est‑à‑dire plusieurs semaines après la date de cessation d’emploi alléguée. Il a signalé en outre qu’à la question de savoir si le conseil de bande avait passé une résolution de cessation d’emploi ou décidé de mettre fin à l’emploi, M. Ironstar a répondu qu’il ne le savait pas.

[60]           Compte tenu de ces éléments de preuve, la conclusion de l’arbitre au sujet de l’existence d’une relation employeur-employé n’est pas déraisonnable.

 

[61]           Il faut ensuite déterminer si l’arbitre a conclu à tort que le défendeur avait été injustement congédié. À cet égard, la demanderesse avance que l’arbitre n’a pas tenu compte des bons facteurs pour tirer cette conclusion. Selon elle, l’arbitre a estimé que la cessation d’emploi ne reposait pas sur un motif valable en se fondant sur les effets qu’elle avait eus sur la vie personnelle du défendeur (c.‑à‑d. sur son mariage et sur la garde de ses enfants).

 

[62]           Bien qu’elles se ressemblent, les notions de « congédiement injuste » du Code du travail et de la common law ne sont pas identiques. Le Code du travail ne définit pas ces mots, mais la Cour d’appel fédérale a examiné la question dans Banque canadienne impériale de commerce c. Boisvert, [1986] 2 C.F. 431 (C.A.), et elle a indiqué, à la p. 441, qu’au regard du Code du travail, seul n’est pas injuste :

...un licenciement qui se rattache à une cause objective, réelle et sérieuse, indépendante des incompatibilités d'humeur, des convenances ou des mésintelligences purement personnelles, et se présente comme une mesure prise exclusivement pour assurer le bon fonctionnement de l'entreprise.



[63]           En l’espèce, il n’est pas certain que l’arbitre ait examiné si la demanderesse avait une cause objective, réelle et sérieuse à faire valoir pour justifier la cessation d’emploi du défendeur. Sous l’intitulé « S’agissait-il d’un congédiement injuste? », l’arbitre a plutôt examiné la façon dont la demanderesse avait mis fin à l’emploi et les conséquences de la cessation d’emploi. Il a formulé des commentaires sur le délai qui semblait avoir été mis à informer le défendeur de son congédiement, sur l’incertitude qu’éprouvaient au moins quelques membres du conseil de bande pendant l’année 2003-2004 au sujet de la situation d’emploi du défendeur, sur le fait que le défendeur n’a pu rencontrer le conseil de bande qu’en mars 2004 en dépit des nombreuses demandes qu’il aurait faites, sur l’impression du défendeur, pendant l’année 2003‑2004, qu’il était suspendu et non renvoyé, ce qui lui avait fait croire qu’il n’était pas admissible aux prestations prévues par la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, et sur le fait qu’il n’avait aucune source de revenu, ce qui avait contribué à la rupture de son mariage.

[64]           À mon avis, ce point comporte une question de droit, laquelle commande l’application de la norme de la décision correcte. L’arbitre a-t-il appliqué le bon critère juridique pour déterminer si le congédiement était injuste? Je suis d’avis que non, car il n’a pas examiné la question du motif de congédiement. Il a commis une erreur de droit en ne posant et en n’examinant pas la bonne question. Ma conclusion à cet égard étant suffisante pour que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, il n’est ni nécessaire ni utile d’examiner les autres arguments de la demanderesse.

V.  Conclusion

[65]           La demande de contrôle judiciaire est accueillie, pour le motif que l’arbitre a commis une erreur de droit en ne posant et n’examinant pas la question du motif de congédiement. La question est renvoyée devant un autre arbitre pour qu’il l’examine conformément à la partie XIV du Code canadien du travail. La demanderesse a droit à ses dépens.


 

ORDONNANCE

 

            La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La demanderesse a droit aux dépens.

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Ghislaine Poitras, LL.L. Trad. a.

 


 

COUR FÉDÉRALE

                                                                

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                        T-150-06

 

INTITULÉ :                                       Première nation Carry the Kettle et Woodrow O’Watch

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Regina (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 22 février 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE HENEGHAN

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 30 août 2007

 

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Jaime E. Carlson

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Ronni Nordal

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Olive Waller Zinkhan & Waller

Regina (Saskatchewan)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Richmond Nychuk

Regina (Saskatchewan)

 

 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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