Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20070731

Dossier : IMM-4129-06

Référence : 2007 CF 799

Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SIMPSON

 

 

ENTRE :

SUI WO LO et CHING TAK LO

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Sui Wo Lo et Mme Ching Tak Lo (les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (SAI) en date du 23 mai 2006 (la décision). La SAI a rejeté l’appel interjeté par les demandeurs de la décision par laquelle une représentante du ministre a pris des mesures de renvoi contre eux parce qu’ils ne respectaient pas l’obligation de résidence imposée aux résidents permanents par l’article 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).

 

CONTEXTE

[2]               Les demandeurs, un couple à la retraite de Hong Kong, sont devenus résidents permanents du Canada en février 1996 après avoir été parrainés par leur fille. La fille des demandeurs, son mari et leur fille sont citoyens canadiens.

 

[3]               Deux ans plus tard, c’est‑à‑dire en février 1998, la fille des demandeurs a vendu sa maison au Canada et est partie à Hong Kong avec sa famille pour y vivre et y travailler.

 

[4]               Les demandeurs sont restés un an de plus au Canada avant de partir en Chine en janvier 1999 pour aller s’y occuper de la mère malade de Mme Lo. Au cours des trois années et demie qui ont suivi, les demandeurs ont habité avec leur fille et sa famille à Hong Kong.

 

[5]               Mme Lo a subi un léger accident vasculaire cérébral en 2000. L’entrevue des demandeurs pour la citoyenneté devait avoir lieu au Canada le 19 juillet 2000. Toutefois, comme il avait été conseillé à Mme Lo d’éviter les voyages pendant cette période pour des raisons de santé, les demandeurs ont retiré leur demande de citoyenneté.

 

[6]               Le 28 juin 2002, l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2, a été abrogée et la Loi actuelle est entrée en vigueur. Depuis le 31 décembre 2003, les résidents permanents sont obligés d’avoir une carte de résident permanent pour venir au Canada à bord de moyens de transport commerciaux. Les demandeurs sont revenus au Canada en septembre 2003, avant la date‑butoir. Cependant, leur fille et sa famille sont restés à Hong Kong.

 

[7]               En janvier 2004, les demandeurs ont présenté une demande de cartes de résidents permanents. D’après leurs demandes, pendant la période quinquennale au cours de laquelle, suivant l’alinéa 28(2)a) de la Loi actuelle, ils étaient tous les deux tenus d’être présents au Canada pendant 730 jours, M. Lo avait effectivement été présent au Canada pendant 407 jours seulement et Mme Lo pendant 261 jours seulement.

 

[8]               Dans une lettre datée du 16 février 2005, une agente de Citoyenneté et Immigration (l’agente) a prévu la tenue d’une entrevue avec les demandeurs pour déterminer si ces derniers avaient droit, en vertu de l’alinéa 28(2)c) de la Loi, à une dispense de l’obligation de résidence en raison de circonstances d’ordre humanitaire.

 

[9]               L’entrevue a eu lieu le 16 mars 2005; l’agente a conclu que les demandeurs avaient contrevenu à l’obligation de résidence et qu’il n’y avait pas de circonstances d’ordre humanitaire rendant inopposable l’inobservation de cette obligation. L’agente a également indiqué aux demandeurs de produire, au plus tard le 18 avril 2005, tous les renseignements additionnels qu’il souhaitait soumettre au ministre. L’agente a ensuite transmis à la représentante du ministre le rapport dont il est question au paragraphe 44(1) de la Loi.

 

[10]           Les demandeurs ont posté leurs observations additionnelles avant le 18 avril 2005; toutefois, celles‑ci ne sont parvenues au bureau de Citoyenneté et Immigration Canada que le 19 avril 2005, soit un jour après la date limite prévue pour la présentation des renseignements additionnels (les observations tardives).

 

[11]           Dans une lettre datée du 20 avril 2005, dans laquelle il n’était pas question des observations tardives, la représentante du ministre a pris des mesures de renvoi contre les demandeurs.

 

[12]           Les demandeurs ont interjeté appel devant la SAI de la décision de la représentante du ministre en faisant valoir que l’omission d’examiner les observations tardives avait contrevenu aux principes de l’équité procédurale et qu’il y avait, en l’espèce, des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales.

 

[13]           La SAI a entendu l’appel des demandeurs le 23 mai 2006 et elle a conclu que les mesures de renvoi étaient valides en droit, qu’il n’y avait eu aucun manquement aux principes de l’équité procédurale et qu’il n’y avait pas de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales.

 

L’OBJECTION PRÉLIMINAIRE

[14]           Les demandeurs n’ont pas fait valoir devant la SAI qu’ils auraient dû être informés du changement dans l’obligation de résidence, que l’obligation de résidence prévue à l’article 28 de la Loi actuelle ne s’appliquait pas à eux ou que cette obligation portait atteinte aux droits qui leur sont garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, étant l’annexe B de la Loi sur le Canada de 1982 (R.‑U.), 1982, ch. 11 (la Charte).

 

[15]           Au début de l’audience, le défendeur a demandé à la Cour de rendre une décision empêchant le demandeur de soutenir que l’article 28 de la Loi actuelle n’a pas une application rétrospective et que si cet article a effectivement une telle application, il viole les droits garantis aux demandeurs par l’article 7 de la Charte.

 

[16]           Le défendeur a affirmé que ces questions ne pouvaient pas être débattues lors du contrôle judiciaire étant donné que l’avocat des demandeurs ne les avaient pas soulevées devant la SAI. Il a étayé cet argument en démontrant qu’il y avait eu renonciation à ces questions lorsque l’avocat des demandeurs a informé la SAI qu’il ne contestait pas la légalité des mesures de renvoi et a déclaré dans ses observations finales que la SAI devait appliquer les principes énoncés dans la décision Ribic c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] D.S.A.I. no 4 (Ribic), appliquée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Chieu c. Canada (MCI), [2002] 1 R.C.S. 84, aux paragraphes 40, 41 et 90.

 

[17]           L’avocat des demandeurs a tenté d’établir, à l’aide de la transcription de l’audience tenue devant la SAI, que ces questions avaient été soulevées, mais ses arguments ne m’ont pas convaincue. Il ressort clairement de la transcription de l’audience qu’on n’a pas demandé à la SAI d’examiner l’application rétrospective de l’article 28 de la Loi actuelle ni toute question concernant la Charte ou les avis.

 

[18]           L’avocat des demandeurs a ensuite soutenu que, même si elles n’ont pas été débattues devant la SAI, ces questions pouvaient être examinées pour la première fois lors du contrôle judiciaire. Je ne suis toutefois pas du même avis que l’avocat et j’adopte la conclusion de ma collègue la juge Mactavish qui a dit dans la décision Suchit c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 1004, au paragraphe 18 :

Plusieurs raisons justifient le rejet des arguments que fait valoir Mme Suchit sur le fondement de la Charte. Toutefois, la présente demande peut être tranchée sur la base d’un seul motif, à savoir que notre Cour ne peut connaître des arguments avancés par Mme Suchit, celle‑ci n’ayant pas fait valoir les questions relatives à la Charte devant la Commission : voir Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1954.

 

[19]           Par conséquent, le demandeur n’a pas été autorisé à présenter des observations au sujet de la rétrospectivité de l’article 28 de la Loi actuelle ou de questions concernant la Charte ou les avis.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[20]           Les autres questions en litige sont les suivantes :

1.                  La SAI a-t-elle manqué aux règles de l’équité procédurale en ce qui concerne les observations tardives et le témoignage attendu de la fille des demandeurs devant la SAI?

2.                  La SAI a-t-elle commis une erreur en ne mentionnant pas l’accident vasculaire cérébral de Mme Lo?

3.                  La SAI a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que l’obligation de résidence a été modifiée le 31 décembre 2003?

4.                  La SAI a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’avaient aucune famille au Canada?

5.                  La SAI a-t-elle commis une erreur en ne donnant pas l’importance qui convenait à la lettre de l’employeur du gendre des demandeurs?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[21]           L’analyse pragmatique et fonctionnelle exige de tenir compte de quatre facteurs contextuels : la nature de la question en litige, l’expertise relative du tribunal, la présence ou l’absence dans la loi d’une clause privative ou d’un droit d’appel, et l’objet de la loi et de la disposition particulière.

 

[22]           La question 1 concerne des questions d’équité procédurale et, par conséquent, ne nécessite pas une analyse pragmatique et fonctionnelle : voir Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 52.

 

[23]           Pour ce qui est des questions 2 à 5, une analyse pragmatique et fonctionnelle est nécessaire pour déterminer la norme de contrôle. À mon avis, il s’agit de questions qui remettent toutes en cause la décision de la SAI de considérer certains faits comme étant pertinents et l’importance qu’elle leur a accordée. La décision rendue sur ces questions est hautement discrétionnaire et j’estime qu’elle commande une grande retenue.

 

[24]           Le défendeur ne prétend pas que la SAI a une expertise particulière pour connaître de ces questions. Par conséquent, ce facteur ne commande pas la retenue. La Loi actuelle ne comporte pas de clause privative. Toutefois, le paragraphe 72(1) de la Loi actuelle permet le contrôle avec autorisation, ce qui suppose donc une retenue moindre.

 

[25]           Enfin, l’objet de la LIPR, en ce qui concerne les résidents permanents, est d’assurer que seules les personnes qui manifestent l’intention de faire du Canada leur domicile soient autorisées à conserver leur statut de résident permanent. Comme les appels interjetés en vertu du paragraphe 64(3) de la Loi actuelle dépendent des circonstances individuelles, ce facteur suppose une moins grande retenue.

 

[26]           Tout bien considéré, j’ai conclu que la norme de contrôle applicable aux questions 2 à 5 est celle de la décision raisonnable.

 

Question 1a) – Les observations tardives

[27]           Après l’entrevue, l’agente a envoyé aux demandeurs une lettre datée du 21 mars 2005 dans laquelle elle a indiqué notamment ce qui suit :

[traduction] ... S’il y a des renseignements additionnels que, selon vous, la représentante du ministre devrait examiner quant à la question de savoir pourquoi elle ne devrait pas prendre une mesure de renvoi contre vous, veuillez les soumettre par écrit au plus tard le 18 avril 2005 à l’adresse indiquée plus haut.

                                                            [non souligné dans l’original]

 

[28]           Cependant, ainsi qu’il est indiqué plus haut, bien qu’elles aient été postées avant le 18 juin 2005, les observations tardives sont arrivées avec un jour de retard et n’ont pas été prises en considération.

 

[29]           Devant la SAI, les demandeurs ont affirmé que l’omission de la représentante du ministre de prendre en considération les observations tardives a contrevenu aux règles de l’équité procédurale et ils ont invoqué la décision de la juge Mactavish dans Pramauntanyath c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 184, 2004 CF 174. Toutefois, ce précédent ne s’appliquait pas étant donné que, dans cette affaire, les observations qui n’ont pas été prises en considération avaient été reçues à temps.

 

[30]           La SAI a par conséquent conclu qu’il n’y avait pas eu manquement à la justice naturelle parce que les observations avaient été reçues avec un jour de retard, et elle a fait les remarques incidentes suivantes :

Même si l’on tient compte que la lettre a été envoyée dans le délai prévu et qu’elle a été reçue un jour avant que le délégué du ministre ne prenne sa décision, il ne serait pas forcément valable ou utile aux appelants de renvoyer l’affaire au bureau d’immigration ou au délégué du ministre. Les appelants ont droit à une audition de novo devant la Section d’appel de l’immigration, où le tribunal peut tenir compte de toute l’information présentée au moment de la décision initiale ainsi que celle fournie à ce jour.

 

[31]           Les demandeurs affirment maintenant que, étant donné que les observations tardives ont été postées avant le 18 avril 2005, la représentante du ministre a violé les principes de la justice naturelle en ne les prenant pas en considération. Ils prétendent en outre que, même si la SAI a tenu une audience de novo et a pris en considération les observations tardives, cela n’a pas remédié à la violation.

 

[32]           Dans le New Shorter Oxford English Dictionary, édition de 1993, Volume II, à la page 3120, la définition du mot « submit » (soumettre) est [traduction] « soumettre ou présenter à une autre personne pour jugement, examen ou approbation ». De même, à la page 2340, le mot « present » (présenter) est défini comme le fait de [traduction] « placer une chose devant (en présence de) quelqu’un ».

 

[33]           J’ai donc conclu que, lorsqu’on a donné aux demandeurs la possibilité de « soumettre » leurs observations au plus tard le 18 avril, cela signifiait que le défendeur devait avoir reçu les observations au plus tard à cette date. Il ne suffisait pas de poster les observations avant le 18 avril, comme ce fut le cas en l’espèce.

 

[34]           Pour ces motifs, je conclus que l’omission de prendre en considération les observations tardives ne constituait pas une violation des principes d’équité. Les observations tardives n’ont pas été soumises à temps et on peut facilement comprendre, étant donné la décision rapide qui a été rendue, que la représentante du ministre ne les ait pas eues à sa disposition avant que la décision soit rendue.

 

[35]           Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire de commenter les remarques incidentes de la SAI.

 

Question 1b) – Le témoignage de la fille des demandeurs

[36]           La deuxième question en litige sous cette rubrique concerne le témoignage de la fille des demandeurs. Celle‑ci a produit une déclaration écrite datée du 26 avril 2006 (la déclaration de la fille des demandeurs), mais elle était également disponible pour témoigner à l’audience par téléphone à partir de Hong Kong. Cependant, lorsqu’est venu le temps de communiquer avec elle, l’échange suivant a eu lieu. Il s’est déroulé entre le président de l’audience, M. Ho, qui était l’avocat des demandeurs, et M. Macdonald, qui était l’avocat du défendeur :

[traduction]

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : (Après avoir autorisé le témoin précédent, M. Lo, à se retirer)

 

Avez‑vous une idée du temps pendant lequel vous serez en communication avec la fille des demandeurs?

 

M. HO : Ce ne devrait pas être long. Je peux en fait renoncer à mes questions parce qu’elle a déjà fait une déclaration, de sorte que je serais bien content si mon collègue – s’il pouvait commencer le contre‑interrogatoire et si nous pouvions ensuite – mais je ne sais pas.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Évidemment, elle a fait une déclaration et je pense qu’il n’est pas nécessaire de revenir sur celle‑ci et nous pouvons peut‑être continuer. J’aimerais pouvoir en terminer avec le témoin. Il est à espérer que ce ne sera pas trop long, mais j’ignore si vous avez une idée de –

 

M. HO : Elle parle également anglais, alors...

 

M. MACDONALD : Je n’ai pas à la contre‑interroger sur le document si – si cela pourrait aider à accélérer les choses, et je suis certain que cela le fera.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : D’accord. C’est très bien. Donc vous n’avez pas besoin de la faire témoigner. Vous pouvez vous fonder sur ses déclarations. D’accord. Vous pouvez donc vous asseoir avec votre conseil.

 

M. HO : Est-ce que je pourrais demander à son amie de lui téléphoner et de lui dire que nous n’avons pas besoin d’elle – parce qu’il s’agit d’un fuseau horaire différent et ils attendent là‑bas.

 

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Oui. C’est très bien.

 

[37]           C’est dans ce contexte que les demandeurs contestent le paragraphe 16 de la décision. Ce paragraphe est libellé de la manière suivante :

Le tribunal dispose d’une déclaration de la fille de l’appelant et d’une récente lettre de l’employeur de l’époux de cette dernière au sujet d’un retour au Canada en décembre de cette année, mais il estime que cette preuve ne suffit pas à garantir que la fille et le gendre reviendront de fait au Canada à ce moment‑là.

 

 

[38]           Les demandeurs soutiennent que si la SAI n’était pas satisfaite de la déclaration de leur fille, elle aurait dû entendre son témoignage de vive voix. Ils affirment également que la SAI a commis une erreur lorsqu’elle a exigé une preuve pour « garantir » son retour.

 

[39]           À mon avis, il incombait à l’avocat des demandeurs de produire les éléments de preuve requis pour permettre aux demandeurs d’obtenir gain de cause. Il ressort clairement de la transcription que M. Lo a offert de renoncer à l’interrogatoire principal et que cette offre n’a pas été faite à la suite d’un commentaire du président de l’audience laissant entendre que la déclaration de la fille des demandeurs était adéquate. Ce n’est qu’une fois faite l’offre de renoncer à l’interrogatoire principal que le président de l’audience a déclaré que les demandeurs pouvaient s’appuyer sur la déclaration. Ce commentaire signifiait simplement que la déclaration avait été produite en preuve. Il ne donnait aucun renseignement au sujet de sa qualité ou de sa suffisance. Dans les circonstances, je ne peux pas conclure qu’il y a eu iniquité procédurale parce que la fille des demandeurs n’a pas témoigné de vive voix et que la SAI a plus tard conclu que sa déclaration était insuffisante.

 

[40]           Les demandeurs affirment que la SAI ne peut pas refuser d’entendre un témoignage et ensuite reprocher à un demandeur de ne pas s’être acquitté de son fardeau de preuve (voir Ntumba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 154, 2005 CF 124, au paragraphe 33. Cette décision ne s’applique toutefois pas à la présente espèce parce que la SAI n’a pas refusé d’entendre le témoignage de vive voix de la fille des demandeurs.

 

[41]           Pour ce qui est du mot « garantir », bien qu’il semble trop exigeant, il doit être interprété dans son contexte. À l’entrevue du 16 mars 2005, les demandeurs ont déclaré à l’agente que leur fille avait l’intention de revenir de Hong Kong et de s’installer au Canada à la fin de 2005. Cependant, cela ne s’est pas produit et, dans sa déclaration, la fille des demandeurs a indiqué qu’elle projetait de revenir au pays en décembre 2006. Malgré cette intention, la déclaration de la fille des demandeurs a démontré qu’elle n’avait pris aucune mesure concrète pour le faire.

 

[42]           Dans ce contexte, je pense qu’il convient de considérer que, par sa déclaration, la SAI a tout simplement fait état de ses doutes et qu’elle n’a pas imposé un fardeau de preuve excessif. À mon avis, lorsqu’elle a dit que la preuve ne suffisait pas à « garantir » que la fille des demandeurs et sa famille reviendraient au pays, la SAI voulait dire que la preuve était insuffisante. Par exemple, même si elle a dit dans sa déclaration qu’elle avait cherché des écoles pour sa propre fille au Canada, la fille des demandeurs n’a pas choisi d’école et n’a communiqué avec aucun responsable des écoles éventuelles. Elle a simplement fourni trois pages de renseignements généraux tirées du site Web du ministère de l’Éducation de la Colombie‑Britannique.

 

[43]           La fille des demandeurs déclare en outre avoir fait pour elle‑même, son mari et sa fille des réservations dans un vol à destination de Vancouver. Cependant, cette preuve est très faible. Les pièces jointes indiquent simplement qu’une agence de voyage a préparé un itinéraire pour la famille. Rien n’indique que des billets d’avion ont effectivement été achetés.

 

[44]           Pour ces motifs et parce que la SAI indique clairement dans sa décision qu’elle a rendu celle‑ci en se fondant sur la prépondérance des probabilités, je ne suis pas disposée à conclure que la
SAI a commis une erreur et a imposé un fardeau de preuve erroné en ce qui a trait à la déclaration de la fille des demandeurs.

 

Question 2 – L’accident vasculaire cérébral de Mme Lo

[45]           Les demandeurs affirment qu’il n’était pas question dans la décision de l’accident vasculaire cérébral de Mme Lo. Pourtant, il en est fait mention au paragraphe 11 qui précise que « la preuve indique aussi que la femme de l’appelant a subi un accident vasculaire en 2000 et que cet accident vasculaire est aussi une raison pour laquelle les appelants ne sont pas revenus au Canada ». Cette conclusion était compatible avec la preuve contenue dans la note au dossier de l’agente après son entrevue avec les demandeurs le 16 mars 2005. Dans sa note, l’agente a dit que l’accident vasculaire cérébral de Mme Lo s’est produit en mars 2000. Elle a toutefois souligné que les demandeurs ont admis que le traitement médical reçu à Hong Kong était disponible au Canada.

 

[46]           À mon avis, la SAI n’aurait pu ajouter rien d’autre au sujet de l’accident vasculaire cérébral, notamment en l’absence de tout élément de preuve indiquant qu’il avait empêché les demandeurs de rentrer au Canada jusqu’en septembre 2003.

 

Question 3 – Modification de l’obligation de résidence

[47]           Les demandeurs soutiennent que la SAI aurait dû mentionner le fait que les exigences imposées au demandeur en matière de résidence ont été modifiées le 31 décembre 2000 et qu’elle aurait dû tenir compte du fait que, à la date de l’audience tenue devant elle, les demandeurs étaient au Canada depuis environ trois ans.

 

[48]           En vertu de l’obligation de résidence prévue dans l’ancienne Loi sur l’immigration, un résident permanent ne devait pas séjourner à l’étranger plus de 183 jours au cours d’une période de douze mois sinon il était réputé avoir cessé de résider en permanence au Canada, sauf s’il démontrait qu’il « n’avait pas cette intention ». En conséquence, l’intention était le seul facteur à examiner.

 

[49]           En vertu de l’article 28 de la Loi actuelle, les demandeurs ne doivent pas être hors du Canada pendant plus de 730 jours pendant une période quinquennale. Il est possible de remédier au manquement à cette obligation lorsqu’il existe des circonstances d’ordre humanitaire. Il s’agit normalement d’examiner divers facteurs, dont les intentions d’un appelant relativement à sa résidence au Canada : voir Ribic, aux paragraphes 4 et 5. Par conséquent, la Loi actuelle ne comportait pas de changement majeur. L’intention était toujours pertinente. Dans les circonstances, il n’était pas nécessaire pour la SAI de mentionner l’effet de la Loi actuelle sur les demandeurs.

 

[50]           La SAI a souligné au paragraphe 12 de la décision que les demandeurs étaient demeurés au Canada depuis septembre 2003. Elle n’a toutefois pas considéré comme un facteur favorable le fait qu’ils y étaient encore au moment où elle a tenu son audience en mai 2006.

 

[51]           À mon avis, une fois qu’elle a conclu que l’absence prolongée des demandeurs du Canada (3 ans et 1⁄2 ) n’était pas suffisamment expliquée et qu’elle avait des raisons de douter, malgré leur présence au pays depuis septembre 2003, que les demandeurs avaient l’intention de résider en permanence au Canada puisqu’il n’y avait aucune preuve que leur fille et sa famille avaient pris des mesures concrètes pour revenir au Canada, la SAI avait raisonnablement et adéquatement examiné la question des intentions des demandeurs.

 

Question 4 – Famille au Canada

[52]           Les demandeurs soutiennent que la SAI a commis une erreur en concluant qu’ils n’avaient aucune famille au Canada. Le défendeur affirme que cette erreur est sans importance parce que les demandeurs n’ont aucun parent « proche » au Canada. Je suis d’accord avec cet argument. Il est clair que la fille des demandeurs, leur petite‑fille et leur gendre sont les membres les plus importants de leur famille et qu’ils se trouvent à Hong Kong.

 

Question 5 – La lettre concernant le gendre des demandeurs

[53]           La pièce A-2 soumise à la SAI était une lettre de l’employeur du gendre des demandeurs à Hong Kong. Cette lettre était datée du 18 mai 2006, soit cinq jours seulement avant l’audience de la SAI. Elle était adressée « À qui de droit » et elle indiquait que le gendre des demandeurs [traduction] « ... avait démissionné de son poste en raison de la décision de sa famille de retourner au Canada à la fin de l’année en cours. Son dernier jour de travail au sein de la compagnie sera le 31 juillet 2006 ».

 

[54]           Les demandeurs reprochent à la SAI de ne pas avoir mentionné qu’il était question dans la lettre d’un retour au Canada. La SAI a pourtant mentionné la lettre, mais elle a jugé qu’elle était insuffisante. À mon avis, étant donné qu’il s’agissait d’une preuve par ouï‑dire et qu’il n’y avait aucun témoignage direct du gendre, il n’était pas nécessaire pour la SAI de mentionner plus en détail la lettre.

 

Question 6 – Parrainage futur

[55]           Les demandeurs soutiennent, et le défendeur est d’accord avec ceux‑ci, que la SAI a commis une erreur de droit lorsqu’elle a affirmé que la fille des demandeurs pouvait parrainer ses parents avant de revenir au Canada. J’estime toutefois que cette erreur n’était pas pertinente étant donné qu’il n’y a aucun doute qu’une fois rentrée au Canada, la fille des demandeurs aura le droit de parrainer ses parents.

 

LA QUESTION CERTIFIÉE

[56]           Les demandeurs ont proposé la certification de la question suivante en vertu de l’article 74 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 :

La SAI devrait‑elle inclure expressément, à titre de facteur atténuant, l’application rétroactive de l’article 28 de la LIPR et son effet sur le demandeur dans le cadre d’une analyse des considérations d’ordre humanitaire effectuée en vertu du paragraphe 63(4) de la LIPR?

 

[57]           Pour répondre succinctement à cette question, on peut dire que l’appel interjeté devant la SAI en l’espèce n’a pas été examiné en vertu du paragraphe 63(4) de la LIPR. Cet article concerne uniquement les décisions qui sont prises par un représentant du ministre à l’étranger. En l’espèce, la décision a été rendue à Vancouver. Par conséquent, une réponse à la question ne serait pas déterminante. Pour ce motif, la certification est refusée.

 

 


JUGEMENT

 

            APRÈS avoir examiné les documents déposés et entendu les observations des avocats des deux parties à Vancouver, le 12 avril 2007;

 

            APRÈS avoir examiné les lettres postérieures à l’audience provenant de l’avocat des demandeurs et datées des 13 et 15 avril 2007 ainsi que la lettre provenant de l’avocat du défendeur et datée du 13 avril 2007;

 

            ET APRÈS avoir déterminé, pour les motifs susmentionnés, que la présente demande devrait être rejetée.

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  La question formulée en vue de sa certification aux fins d’un appel en application de l’article 74 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, n’est pas certifiée.

 

« Sandra J. Simpson »

JUGE

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-4129-06

 

INTITULÉ :                                                   SUI WO LO et CHING TAK LO

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 12 AVRIL 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 31 JUILLET 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Lawrence Wong

POUR LES DEMANDEURS

 

Marjan Double et

Caroline Christiaens

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lawrence Wong

POUR LES DEMANDEURS

 

John H. Sims, c.r.

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.