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Date : 20070712

DOSSIER :    IMM‑2703‑07

Référence : 2007 CF 743

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 juillet 2007

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

DIPESH KUMAR THALANG

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

APERÇU

[1]               [traduction] « Nous avons une guerre lorsqu’au moins l’une des parties à un conflit désire une chose plus qu’elle ne désire la paix ». Jeane J. Kilpatrick, 1994.

 

[2]               Un changement important de circonstances dans un pays doit refléter trois éléments fondamentaux pour être considéré comme un changement de circonstances véritablement viable. Selon l’une des personnes de référence les plus reconnues, le professeur James C Hathaway, dans son ouvrage classique, The Law of Refugee Status, Buttersworths, 1991, aux pp. 199 à 205. Un changement de circonstances doit refléter ce qui suit : [traduction] « Premièrement, le changement doit avoir une importance politique significative, dans le sens que l’organisation du pouvoir dans laquelle la persécution était considérée comme une possibilité réelle n’existe plus […] Deuxièmement, il doit y avoir une raison de croire que le changement politique est réellement effectif […] Troisièmement, ledit changement de circonstances doit être durable. »

 

PRÉSENTATION

[3]               Dans cette demande de sursis de l’exécution de la mesure de renvoi, à la suite d’une décision d’examen de risques avant renvoi (ERAR), le demandeur a cherché à réfuter la décision sur la crédibilité de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) en expliquant (dans un affidavit fait sous serment) le contexte dans lequel trois lettres avaient été présentées à la Commission comme éléments de preuve, et mentionnant le fait qu’on ne lui avait pas demandé d’explication à l’audience. Ces témoignages sous serment et les observations de l’avocat démontrent que les Maoïstes sont en réalité actifs à Katmandou, qu’ils y effectuent des abductions, des extorsions et des exécutions, et qu’ils étaient actifs également dans la région où se trouve le domicile du demandeur. (Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe C : Observations du 14 juin 2006, p. 54; Affidavits pp.  562 sq.)

 

[4]               Le demandeur a ensuite présenté des éléments détaillés de preuve concernant l’évolution rapide de la situation politique au Népal en 2006 et au début de 2007 – notamment le cessez-le-feu et l’accord de paix qui s’en est suivi entre la couronne et les Maoïstes – et le fait que cette évolution politique doit encore passer de l’état d’entente politique à la mise en œuvre. Il a présenté des éléments de preuve récents de violence continue et généralisée à la fois des Maoïstes et des forces du gouvernement à Katmandou et ailleurs au Népal pendant la période du cessez-le-feu et depuis la signature de l’accord de paix à la fin de 2006. (Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe C : Observations du 14 juin 2006, p. 54; Affidavits pp. 562 sq.; pièce jointe I : Observations du 14 février 2007, pp. 811 sq. (voir aussi les pièces jointes D à H).).

 

La décision faisant l’objet du contrôle

[5]               Dans ses motifs, l’agent de l’ERAR a rejeté l’allégation du risque du demandeur comme étant sans fondement. L’agent a fourni un résumé de l’essentiel de certaines observations et certains éléments de preuve du demandeur, y compris des renseignements concernant l’agression du père du demandeur, et a écrit au sujet de la crainte du demandeur que sa demande auprès du gouvernement du Canada puisse s’infiltrer au Népal par le biais de la communauté népalaise étroitement liée, l’exposant à un risque supplémentaire au-delà de sa demande d’asile de base. L’agent a mentionné que les observations et les affidavits [traduction] « discutent également de la décision de la Commission, principalement concernant les décisions prises concernant la mainmise des Maoïstes sur la région d’origine du demandeur, et les activités des forces du gouvernement à Katmandou. » (Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe A : Motifs d’ERAR, p. 14).

 

[6]               Après une très brève description des motifs de la Commission, l’agent a conclu ce qui suit :
            [traduction]

Après avoir examiné les documents du demandeur et les observations de l’avocat, je conclus qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour suggérer que la décision prise par la Commission à ce sujet a été prise sans examen adéquat des éléments de preuve disponibles ou que je doive parvenir à une conclusion différente de celle de la Commission concernant cette affaire. Outre les éléments de preuve insuffisants pour suggérer que le demandeur était recherché activement à Katmandou par les Maoïstes et les forces du gouvernement, les évolutions récentes rendent cette possibilité moins vraisemblable.

 

(Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe A : Motifs d’ERAR, p. 15).

 

[7]               L’agent a ensuite fait allusion à l’accord du cessez-le-feu du 28 novembre 2006, reconnaissant que, tandis que [traduction] « la sécurité dans certaines parties du Népal demeure faible » et « [d]es rapports d’activités maoïstes continues et de leurs échecs apparaissent toujours […] ce type d’actes ne sont pas admis par les dirigeants du mouvement, et ne sont pas considérés comme une preuve indiquant que la paix a échoué ou échouera ». (Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe A : Motifs d’ERAR, p. 15).

 

[8]               L’agent a conclu qu’il n’y a [traduction] « pas suffisamment d’éléments de preuve » que le demandeur « serait recherché ou visé par les Maoïstes ou les forces du gouvernement s’il devait retourner au Népal », ou qu’il serait exposé à un risque à Katmandou ou en tant que demandeur d’asile refusé. (Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe A : Motifs d’ERAR, p. 15).

 

[9]               Le demandeur a reçu les motifs de l’agent le 21 juin 2007, a trouvé un nouvel avocat et a entamé la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire le 4 juillet 2007.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[10]           a)         Y a-t-il une question sérieuse à juger?

b)         Le demandeur subirait-il un préjudice irréparable si un sursis n’est pas accordé?

c)         Qui est favorisé par la prépondérance des inconvénients?

 

DISCUSSION

[11]           Le rôle de la cour au stade interlocutoire et préliminaire de l’instance a été clarifié par la Cour suprême du Canada :

[40]      Le rôle limité d’un tribunal au stade interlocutoire est bien décrit par lord Diplock dans l’arrêt American Cyanamid, précité, à la p. 510 :

 [traduction]

La cour n’a pas, en cet état de la cause, à essayer de résoudre les contradictions de la preuve soumise par affidavit, quant aux faits sur lesquels les réclamations de chaque partie peuvent ultimement reposer, ni à trancher les épineuses questions de droit qui nécessitent des plaidoiries plus poussées et un examen plus approfondi. Ce sont des questions à régler au procès.

[…]

 Premièrement, l’étendue et le sens exact des droits garantis par la Charte sont souvent loin d’être clairs et la procédure interlocutoire permet rarement à un juge saisi d’une requête de trancher ces questions capitales. Les litiges constitutionnels se prêtent particulièrement mal à la procédure expéditive et informelle d’une cour des sessions hebdomadaires où les actes de procédure et les arguments écrits sont peu nombreux ou même inexistants et où le procureur général du Canada ou de la province peut ne pas avoir encore reçu l’avis qu’exige généralement la loi. […]

 

(Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110).

 

QUESTION SÉRIEUSE

[12]           Le premier critère pour la mesure injonctive est le suivant :

 [31]     Le premier critère revêt la forme d’une évaluation préliminaire et provisoire du fond du litige, mais il y a plus d’une façon de décrire ce critère. La manière traditionnelle consiste à se demander si la partie qui demande l’injonction interlocutoire est en mesure d’établir une apparence de droit suffisante. […] Ce premier critère a été quelque peu assoupli par la Chambre des lords dans l’arrêt American Cyanamid Co v. Ethicon Ltd., [1975] 1 All E.R. 504, où elle a conclu que, pour y satisfaire, il suffisait de convaincre la cour de l’existence d’une question sérieuse à juger, par opposition à une réclamation futile ou vexatoire.

 

[…]

 

À mon avis, cependant, la formulation dans l’arrêt American Cyanamid, savoir celle de l’existence d’une « question sérieuse », suffit dans une affaire constitutionnelle où, comme je l’indique plus loin dans les présents motifs, l’intérêt public est pris en considération dans la détermination de la prépondérance des inconvénients. 

 

(Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., précitée; on renvoie également à : RJR MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311; Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.).)

 

[13]           L’agent a-t-il omis de donner des motifs adéquats, et l’agent a-t-il commis une erreur de droit lorsqu’il a ignoré ou mal compris les éléments de preuve? (Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe A : Motifs d’ERAR, pp. 14 et 15).

 

[14]           Dans les circonstances, les motifs de l’agent ne satisfont pas aux exigences minimales d’équité procédurale et de justice naturelle.

 

[15]           L’obligation de fournir des motifs est bien établie en droit. Cette obligation exige que les motifs soient adéquats. Ils doivent énoncer les conclusions de fait et doivent aborder les points principaux en litige. (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes  25 et 27; Via Rail Canada Inc. c. Canada (Office national des transports), 193 DLR (4e) 357 (C.F.A) aux paragraphes 17 à 22.)

 

[16]           Les exigences en matière d’équité procédurale dépendent du niveau de discrétion accordé au décideur et de la nature des intérêts en jeu. Dans le cas des décisions de l’ERAR, l’exigence des motifs est plus élevée, comparé aux décisions de renvoi des agents d’exécution. C’est justifié également par la nature des intérêts en jeu dans les demandes d’ERAR - la protection contre la torture et la persécution, et les droits fondamentaux à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne protégés en vertu de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, Annexe B, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 (R.-U.), ch. 11 (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3; Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1998] A.C.F. no 1425 (QL) au paragraphe 17; Baker, précitée; Via Rail, précitée).

 

[17]           Une grande quantité d’éléments de preuve ont été présentés à l’agent, il n’est donc pas nécessaire de se pencher sur chaque document individuellement. L’agent devait résumer les éléments de risque pour le demandeur plutôt que de conclure que les éléments de preuve étaient « insuffisants ». Le caractère insuffisant nécessite un peu d’explication, surtout concernant les dernières observations et les derniers éléments de preuve présentés par le demandeur. (Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe A : Motifs d’ERAR, pp. 14 et 15).

 

[18]           Tandis qu’il était de la prérogative de l’agent de remettre en question la crédibilité en ce qui concerne les explications du demandeur, l’agent n’a pas signalé que la crédibilité était en question. (Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe A : Motifs d’ERAR, pp. 14 et 15; Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe C : Observations du 14 juin 2006, p. 54; Affidavits, pp.  562 sq.)

 

[19]           De même, il n’y a pas d’évaluations dans les motifs des éléments de preuve présentés par le demandeur concernant l’agression de son père à la fin de 2005 – qui est une preuve probante qui méritait au moins un minimum d’évaluation. (Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe A : Motifs d’ERAR, pp. 14 et 15; Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe C : Observations du 14 juin 2006, p. 54; Affidavits, pp.  562 sq.)

 

[20]           Les motifs de l’agent ne suggèrent pas non plus une compréhension ni un examen des éléments de preuve et des observations présentées par le demandeur concernant l’incidence pratique de l’accord de paix, ni des éléments de preuve concernant le mauvais traitement par les Maoïstes des personnes déplacées qui y retournent. L’agent était également saisi de ces éléments de preuve, mais ils n’ont pas été mentionnés dans les motifs. (Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe A : Motifs d’ERAR, Dossier de requête du demandeur, onglet 2 : Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièce jointe I).

 

[21]           Le fait de ne pas avoir présenté des motifs adéquats constitue une question sérieuse qui justifie un sursis de l’expulsion. (Baker, précitée, aux paragraphes  25 et 27; Via Rail, précitée, aux paragraphes 17 à 22; Cepeda-Gutierrez, précitée, au paragraphe 17.).

 

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[22]           Le deuxième critère pour un sursis ou une injonction est de savoir si un demandeur sera exposé à un préjudice irréparable d’un type qui ne peut être facilement compensé par des dommages-intérêts :

[34]           Le deuxième critère consiste à décider si la partie qui cherche à obtenir l’injonction interlocutoire subirait, si elle n’était pas accordée, un préjudice irréparable, c’est‑à‑dire un préjudice qui n’est pas susceptible d’être compensé par des dommages‑intérêts ou qui peut difficilement l’être. 

 

(Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., précitée; on renvoie également à : Toth, précitée.)

 

[23]           La Cour a reconnu dans d’autres affaires dans lesquelles une décision d’ERAR était contestée que le renvoi au pays où le demandeur craint le préjudice avant l’évaluation de la légitimité de la décision rejetant la demande d’asile constitue un préjudice irréparable. (Figurado c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 347, [2005] A.C.F. 458 (QL) au paragraphe 41.)

 

[24]           L’enjeu en l’espèce est que le risque n’a pas été évalué correctement. Ainsi, le préjudice irréparable est une considération pour un nouvel examen sérieux.

 

[25]           En outre, sa demande devant la Cour serait rendue inopérante si une injonction n’était pas accordée. Comme l’a signalé le juge Paul Robertson dans Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 4 C.F. 206; [1999] A.C.F. no 1180 sur la requête en sursis dont il était saisi.

            [12]      Compte tenu de la preuve documentaire, je ne doute pas que M. Suresh sera détenu par les autorités à son arrivée au Sri Lanka. Non seulement on a beaucoup parlé du cas de M. Suresh au Canada, mais son cas a également attiré l’attention des autorités sri-lankaises au Canada et au Sri Lanka. Malheureusement, je ne suis pas aussi sûr que les droits humains fondamentaux de M. Suresh seront respectés pendant sa détention. Je ne veux pas dire que la norme appropriée pour évaluer le risque de préjudice irréparable est la certitude absolue. La jurisprudence indique nettement le contraire. Toutefois, il est difficile de présumer le sort qui peut attendre une personne devant être renvoyé dans un pays dont les antécédents en matière de respect des droits de la personne tombent au-dessous des normes canadiennes ou internationales. Il m’a toujours paru difficile de reconnaître que lorsque la Chambre des lords a formulé le critère à trois volets dans l’arrêt de principe American Cyanamid Co c. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396, elle a tenu compte de son applicabilité dans le contexte des droits de la personne. C’est uniquement dans un contexte commercial semblable à celui de l’arrêt American Cyanamid qu’un tribunal parlerait de préjudice irréparable du point de vue d’un préjudice qui ne peut être réparé par l’octroi d’une somme d’argent. Aucune violation d’un droit humain fondamental ne peut être mesurée avec précision ou réparée par l’octroi d’une somme d’argent. C’est particulièrement vrai dans des affaires en matière d’immigration comportant le renvoi dans un pays qui ne respecte pas les normes internationales en matière de droits de la personne. Quoi qu’il en soit, il est également vrai que le droit absolu de demeurer au Canada n’existe pas, en particulier dans le cas des personnes dont le ministre a des motifs raisonnables de croire qu’elles sont des terroristes ou de fervents partisans du terrorisme. En dernière analyse, la prépondérance des inconvénients peut devoir privilégier l’intérêt public plutôt que les intérêts d’une personne qui doit être renvoyée dans un pays dans lequel les droits de la personne ne sont pas respectés. Toutefois, il est inutile à ce stade-ci de s’appesantir sur le sort qui peut attendre M. Suresh s’il est renvoyé au Sri Lanka, car il existe un autre motif en fonction duquel on peut conclure qu’il subira un préjudice irréparable si sa demande de sursis n’est pas accueillie.

[13]      À l’évidence, il est possible de répondre à la question du préjudice irréparable de deux façons. La première consiste à évaluer le risque de préjudice personnel en cas de renvoi dans un pays donné. La seconde consiste à évaluer l’effet du rejet d’une demande de sursis sur le droit d’une personne d’obtenir une décision sur le fond de sa cause et de profiter des avantages rattachés à une décision positive.

[14]      L’autre moyen invoqué par l’avocat de M. Suresh est que l’appel en instance deviendra « sans objet » ou « futile » si M. Suresh est expulsé avant l’audition de son appel. En supposant que M. Suresh soit déporté et détenu au Sri Lanka avant l’audition de son appel, et en supposant que son appel soit accueilli, une décision favorable à M. Suresh quant à la contestation constitutionnelle serait une fausse victoire puisqu’il est peu probable que les autorités sri-lankaises le mettraient en liberté et, partant, il ne serait pas en mesure de profiter des fruits de sa victoire, c’est-à-dire, fort probablement, le droit de demeurer au Canada jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur son cas en conformité avec la Charte. S’il devait demeurer au Canada et avoir gain de cause en appel, je présume que le ministre ne serait pas en mesure de donner suite à la mesure d’expulsion.

 

(On renvoie également à : Toth, précitée; Resulaj c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2003 CF 1168, [2003] A.C.F. no 1474 (QL).

 

[26]           Si une injonction n’est pas accordée, le demandeur se verra refuser toute réparation ordonnée par la Cour; une décision que sa demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie après son retour au Népal serait trop tardive, et rendrait les droits revendiqués illusoires.

 

[27]           Les événements récents au Népal, y compris ceux qui datent d’après la décision d’ERAR, sont des éléments de preuve supplémentaire que la violence et l’instabilité et les violations des droits de la personne continuent de frapper le Népal, avec les Maoïstes qui continuent d’enfreindre l’accord par des extorsions, des abductions, des exécutions et des menaces. Cette preuve appuie pleinement la conclusion que le demandeur serait exposé à un risque grave s’il devait être renvoyé en ce moment. (Dossier de requête du demandeur, Affidavit de Dipesh Kumar Thalang, pièces jointes I et J).

 

PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

[28]           Le troisième critère pour un sursis ou une injonction est la considération concernant de quel côté se trouve la prépondérance des inconvénients.

 Le troisième critère, celui de la prépondérance des inconvénients, consiste à déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse une injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond.

 

(Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., précitée; Toth, précitée).

 

[29]           Il existe sans doute un intérêt public dans l’application des dispositions de la LIPR et les règlements et politiques subordonnées. Un intérêt public très important existe pour assurer que les personnes qui sont exposées à des conséquences aussi graves si elles sont renvoyées du Canada aient un accès efficace à un recours devant les tribunaux. (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 4 CF 206; [1999] A.C.F. no 1180).

 

[30]           En l’espèce, le demandeur ne pose aucun danger pour le public ou la sécurité du Canada. Le demandeur subirait un préjudice bien plus important si le sursis n’était pas accordé que le défendeur si la Cour lui autorisait de demeurer au Canada pendant que sa demande est en suspens devant la Cour. (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1440 (C.F.P.I.) (QL); Smith c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 1069 (C.P.F.I.) (QL).

 

CONCLUSION

[31]           Pour tous les motifs susmentionnés, la demande en sursis de l’exécution de la mesure de renvoi est accueillie.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande en sursis de l’exécution de la mesure de renvoi est accueillie.

 

            « Michel M.J. Shore »

                       Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑2703‑07

 

INTITULÉ :                                       DIPESH KUMAR THALANG c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario) par téléconférence

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 juillet 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Andrew Brouwer

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Bernard Assan

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, C.R.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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