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Date : 20070713

Dossier : T-1325-06

Référence : 2007 CF 745

Ottawa (Ontario), le 13 juillet 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

 

ENTRE :

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

 

et

 

JASON WATKIN

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour statue sur une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, d’une décision en date du 4 juillet 2006 par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a décidé que le défendeur et les plaignants qui lui étaient associés avaient qualité pour porter plainte contre Santé Canada et que la Commission pouvait entendre l’affaire.

 

HISTORIQUE

[2]               Jason Watkin (le défendeur) est le président directeur général de la société Biomedica Laboratories Inc. (Biomedica).

 

[3]               Biomedica appartient en propriété exclusive à Nutraceutical Medicine Company Inc. (Nutraceutical), une autre personne morale qui compte elle-même quatre actionnaires, à savoir le défendeur et trois membres de sa famille immédiate.

 

[4]               Biomedica vend et commercialise des produits destinés tant à la consommation humaine qu’à la consommation animale sous le nom de « Recovery ».

 

[5]               En février 2002, Santé Canada a sommé Biomedica de cesser de faire de la publicité pour le « Recovery » après avoir constaté que cette publicité contrevenait à l’article 3 de la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, ch. F-27. À la suite d’une série d’événements se rapportant à la poursuite de sa publicité et comme Biomedica n’avait pas de « Présentation de drogue nouvelle » pour ses produits « Recovery », Santé Canada a procédé à une Évaluation du danger pour la santé (EDS), à la suite de laquelle Santé Canada a classé la version destinée à la consommation humaine et la version destinée à la consommation animale de « Recovery » comme un « danger pour la santé de catégorie II » et comme « drogue nouvelle » au sens de la Loi sur les aliments et drogues et de ses règlements d’application. Cette conclusion a été communiquée en novembre 2002 à Biomedica, qui a également été sommée de cesser la vente et la promotion du « Recovery » et de rappeler les produits se trouvant déjà sur le marché.

 

[6]               Par suite d’une publicité pleine page publiée pour le « Recovery » dans un journal national le 7 décembre 2007 et des lettres subséquentes par lesquelles Santé Canada réitérait sa demande de rappel du produit, Santé Canada a, le 20 décembre 2002, saisi une quantité de produits « Recovery ». La saisie a été effectuée dans les locaux de Biomedica avec des étiquettes et du ruban de saisie, et les produits saisis ont été laissés sur place. Le même jour, Biomedica a fait connaître son désir d’exporter les marchandises saisies vers les États-Unis.

 

[7]               Le 21 janvier 2004, Santé Canada a effectué une visite de contrôle pour vérifier l’état des biens saisis. On a constaté qu’ils avaient disparu du lieu où ils avaient été entreposés. La preuve démontre à l’évidence que Biomedica a exporté ces produits aux États-Unis après avoir obtenu l’autorisation de la Food and Drug Administration des États-Unis.

 

[8]               Le 4 juin 2004, le défendeur a déposé auprès de la Commission une plainte pour violation des droits de la personne dans laquelle elle alléguait que Santé Canada avait défavorisé Biomedica à l’occasion de la fourniture de services, contrairement à l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi).

 

[9]               Plus précisément, le défendeur soutenait que Santé Canada avait appliqué les dispositions de la Loi sur les aliments et drogues de manière à [traduction] « accorder un traitement préférentiel aux entreprises asiatiques en réglementant les produits phytopharmaceutiques asiatiques de façon moins rigoureuse que les produits non asiatiques ». Il a fait valoir que Santé Canada est au courant depuis plusieurs années de la [traduction] « situation qui existe dans le quartier chinois de Vancouver, où l’on peut se procurer de nombreux produits non réglementaires » et où les politiques de Santé Canada sont peu ou pas suivies, malgré les demandes et des plaintes répétées du défendeur. D’autre part, les produits « Recovery » ont été injustement pris pour cible et des produits concurrentiels composés essentiellement des mêmes ingrédients et revendiquant les mêmes propriétés n’ont pas fait l’objet de mesures d’application semblables de la part de Santé Canada.

 

[10]           Le 15 décembre 2004, le défendeur a modifié la plainte pour y ajouter comme plaignants trois autres actionnaires de la société Nutraceutical (Trevor, Anna et Marlene Watkin). Dans la plainte modifiée, le défendeur alléguait que [traduction] « Santé Canada a agi de façon discriminatoire à l’égard de Biomedica et, partant, des Watkin, en accordant un traitement préférentiel flagrant aux entreprises asiatiques en refusant ou en négligeant de prendre contre ces entreprises les mêmes mesures que celles qu’il avait prises contre Biomedica et, partant, contre les Watkin ». La plainte modifiée alléguait essentiellement que les mesures prises par Santé Canada contre Biomedica avaient eu des conséquences négatives directes sur les quatre membres de la famille Watkin, dont le défendeur, du fait de leur participation directe dans cette société.

 

[11]           La Commission a reçu la plainte modifiée et en a accusé réception dans une lettre adressée le 28 janvier 2005 au demandeur. En réponse à la plainte, Santé Canada a estimé que la plainte était irrecevable parce qu’elle n’était pas de sa compétence.

 

[12]           Un enquêteur de la Commission a enquêté sur la plainte et, dans la version finale de son rapport, datée du 17 février 2006, il s’est dit d’avis que l’affaire relevait de la compétence de la Commission et qu’elle devait être déférée à un tribunal canadien des droits de la personne pour qu’il tienne une audience. La Commission a par la suite décidé que le défendeur avait la qualité requise pour déposer la plainte et que l’affaire relevait de sa compétence conformément au paragraphe 41(1) de la Loi. Cette décision a été communiquée au demandeur dans une lettre du 4 juillet 2006, et la présente demande de contrôle judiciaire a été introduite peu de temps après.

 

[13]           Il vaut la peine de signaler que Neutraceutical a introduit devant la Cour supérieure de la Colombie-Britannique une action civile contre Sa Majesté la Reine et le ministre de la Santé dans laquelle elle réclamait environ 4,5 millions de dollars en dommages-intérêts relativement aux mesures prises contre Biomedica pour la forcer à respecter la loi. Cette action découlait des mêmes faits que la présente demande.

 

QUESTIONS EN LITIGE

1.         La Commission est-elle compétente pour statuer sur la plainte portée contre Santé Canada?

2.         Santé Canada est-il un « fournisseur de services » au sens de l’article 5 de la Loi?

 

ANALYSE

[14]           Le paragraphe 41(1) dispense la Commission de statuer sur la plainte qui n’est pas de sa compétence ou qui pourrait plus avantageusement être instruite selon des procédures prévues par une autre loi fédérale. Selon le sous-alinéa 44(3)b)(ii) et l’alinéa 41(1)c), la Commission doit rejeter la plainte qui n’est pas de sa compétence. Le paragraphe 40(1) précise qu’un individu ou un groupe d’individus ayant des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis un acte discriminatoire peut déposer une plainte devant la Commission.

 

[15]           Il ressort de l’analyse pragmatique et fonctionnelle que les questions se rapportant à la compétence de la Commission doivent être contrôlées selon la norme de la décision correcte  (United Parcel Service of Canada c. Thibodeau, 2005 CF 608, [2005] A.C.F. no 762 (QL); voir également les jugements Bouvier c. Canada (Procureur général), [1996] A.C.F. no 623 (C.F. 1re inst.) (QL); Taylor c. Canada (Procureur général), [1997] A.C.F. no 1748 (C.F. 1re inst.) (QL), au paragraphe 8).

 

[16]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur de droit en ne rejetant pas la plainte conformément à l’article 44 de la Loi. Elle aurait selon lui outrepassé sa compétence en décidant de statuer sur la plainte portée par le défendeur contre Santé Canada, car la plainte portait sur les mesures d’application de la loi prises par Santé Canada contre une personne morale et non contre une personne physique. Une personne morale n’a pas la qualité pour déposer une plainte en vertu de la Loi, et le défendeur ne peut non plus porter plainte au nom d’une telle personne morale. Qui plus est, Santé Canada n’est pas un « fournisseur de services » au sens de l’article 5 de la Loi. En outre, la Commission a porté atteinte au droit du demandeur à l’équité procédurale et à la justice naturelle en examinant la plainte de façon irrégulière avant de rendre sa décision.

 

[17]           Le demandeur affirme que les allégations contenues dans la plainte portent essentiellement sur les mesures d’application de la loi prises par Santé Canada contre Biomedica, et non contre le défendeur ou les trois autres membres de la famille Watkin personnellement. Santé Canada a expressément demandé à la Commission de déclarer la plainte irrecevable en vertu du paragraphe 41(1) de la Loi pour défaut de compétence.

 

[18]           Le défendeur soutient que Biomedica n’est qu’un « nom commercial » et qu’il sert exclusivement de « véhicule » pour faciliter l’exploitation de Neutraceutical, qui est propriétaire de la totalité des actions de Biomedica. Les revenus tirés de l’exploitation de Biomedica, une société comptant un nombre restreint d’actionnaires, est la seule source de revenu familial tant pour le défendeur que pour les trois autres membres de sa famille. La Commission a dûment examiné la question de la compétence après avoir entendu les observations des parties et après avoir examiné le rapport de l’enquêteur et sa décision ne devrait pas être modifiée.

 

[19]           Le défendeur ajoute qu’il a la qualité requise pour déposer la plainte en question parce qu’il possède un « intérêt suffisamment direct et immédiat » en ce qui a trait aux actes discriminatoires reprochés. Il signale, à cet égard, que la décision de la Commission est conforme à une décision précédente du tribunal canadien des droits de la personne.

 

[20]           Le défendeur soutient que la Commission était justifiée de se déclarer compétente et il ajoute que sa décision va dans le sens des décisions rendues par le tribunal canadien des droits de la personne dans l’affaire Bader c. Canada (Santé nationale et Bien-être social), [1996] C.C.D.P. no 1 (Bader 1996; le tribunal initial), confirmée par Bader c. Canada (Santé nationale et Bien-être social), [1998] C.C.D.P. no 1 (Bader 1998, le tribunal d’appel).

 

[21]            Avant d'en venir à la conclusion qu'il y avait eu discrimination, le premier tribunal devait d’abord, dans l’affaire Bader 1996, précitée, répondre à la question de savoir si oui ou non le plaignant, M. Bader, était habilité à réclamer des mesures de réparation puisque la victime des actes discriminatoires reprochés était une société dont lui-même et son épouse étaient les administrateurs et seuls actionnaires. Le premier tribunal a conclu qu’il avait compétence pour statuer sur la plainte. Saisi d’une demande de réexamen de cette décision, le tribunal d’appel a conclu, dans l’affaire Bader 1998, précitée, que le premier tribunal n’avait pas commis d’erreur en concluant que les mesures d’application discriminatoires avaient eu des « conséquences suffisamment directes et immédiates » sur le plaignant pour permettre à celui-ci de demander réparation en vertu de la Loi.

 

[22]           Dans l’affaire Bader 1998, au paragraphe 30, voici ce que la Commission a conclu au sujet de l’argument suivant lequel la société n’avait pas qualité pour porter plainte en vertu de la Loi :

(...) il y a en l'espèce concordance d'intérêts et en ce qui concerne la qualité pour comparaître, il est impossible d'établir une distinction entre les actions dirigées contre le plaignant et celles dirigées contre l'entreprise. Dans l'affaire en cause, les intérêts de M. Bader et de son entreprise se confondent et le tort effectif causé à l'un ou à l'autre est le même.

 

[23]           En toute déférence, je ne suis pas d’accord avec les conclusions tirées par le premier tribunal et par le tribunal d’appel dans les décisions Bader précitées. Je fais également une distinction avec les affaires Canada (Secrétaire d’État aux Affaires extérieures) c. Menghani, [1994] 2 C.F. 102, [1993] A.C.F. no 1287 (C.F. 1re inst.) (QL) et Singh (Re) (C.A.), [1989] 1 C.F 430, [1988] A.C.F. n414 (C.A.) (QL), invoquées par le défendeur, car elles portent sur des allégations de discrimination contre des êtres humains et n’appuient pas la proposition que l’actionnaire (ou les actionnaires) d’une société peuvent déposer une plainte en matière de droits de la personne au nom d’une personne morale.

 

[24]           La Loi parle expressément d’« individus » et de « personnes » et elle établit implicitement une distinction entre les deux. Ainsi, les articles 2 et 5 de la Loi précisent bien qu’ils s’appliquent aux « individus » victimes de discrimination. Le paragraphe 40(1) de la Loi déclare expressément qu’un « individu » ou un « groupe d’individus » peut déposer une plainte. En revanche, ce paragraphe, tout comme le paragraphe 40(3), habilite la Commission à prendre l’initiative d’une plainte lorsqu’une « personne » se livre à des actes discriminatoires. Ce faisant, tout en reconnaissant que les actes discriminatoires peuvent être le fait tant de « personnes » morales que de « personnes » physiques, le législateur a exprimé sa volonté que seul un « individu » puisse être victime de ces actes au sens de la Loi.

 

[25]           Bien que l’article 35 de la Loi d’interprétation, L.R., ch. I-21, définisse le mot « personne »  comme une personne physique ou une personne morale, il est évident que, si le législateur fédéral avait voulu étendre la protection de la législation sur les droits de la personne aux personnes morales, il aurait employé le mot « personne » au lieu du mot « individu ».

 

[26]           Cette interprétation est manifestement renforcée par les articles 2 et 3, qui énumèrent les motifs de distinction illicite prévus par la Loi, à savoir la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l’état de personne graciée. Toutes ces caractéristiques ne s’appliquent qu’à des êtres humains et ne sauraient de toute évidence viser des « personnes » morales.

 

[27]           Qui plus est, tout en reconnaissant que l’interprétation de l’article 15 de la Charte ne coïncide pas nécessairement avec celle de la Loi, elle constitue néanmoins un guide utile. Notre Cour a constamment estimé qu’une personne morale n’est pas un « individu » au sens de l’article 15 de la Charte (Olympia Interiors Ltd. c. Canada, [1999] A.C.F. no 643 (C.F. 1re inst.) (QL), au paragraphe 105; conf. à (1999) A.C.F. no 1474 (C.A.) (QL); Jose Pereira E. Hijos, S.A. c. Canada (Procureur général), [1996] A.C.F. no 1669 (C.F. 1re inst.) (QL) au paragraphe 46). Je ne vois aucune raison de m’écarter dans le cas qui nous occupe de cette méthode d’interprétation de la Loi.

[28]           À mon avis, il est évident que la Loi vise à protéger de la discrimination les personnes physiques – les êtres humains − et non les personnes morales. La Commission n’était pas compétente pour statuer sur la plainte d’une personne morale, telle Biomedica, se disant victime d’actes discriminatoires.

 

[29]           Les allégations contenues dans la plainte du défendeur portent essentiellement sur les agissements de Santé Canada envers Biomedica. Les modifications apportées à la plainte pour préciser que les mesures prises contre Biomedica ont eu des conséquences directes sur le défendeur et sur les trois autres actionnaires de Neutraceutical ne changent rien au fait que les mesures d’application de la loi prises par Santé Canada visaient, non pas le défendeur, mais la personne morale que constituait Biomedica. D’ailleurs, cet élément n’est pas contesté par les parties et il a été reconnu par la Commission.

 

[30]           Il est de jurisprudence constante qu’une société a une personnalité juridique distincte de celle de ses actionnaires et de ses administrateurs. Seule une personne morale peut présenter une demande pour obtenir réparation du préjudice qui lui a été causé; les actionnaires d’une société ne peuvent exercer un droit de recours individuel pour le préjudice subi par la société dont ils détiennent des actions. Je fais mien le résumé suivant des principes applicables que la Cour d’appel de l’Ontario a fait dans l’arrêt Meditrust Healthcare Inc. c. Shoppers DrugMart, [2002] O.J. No. 3891 (C.A.) aux paragraphes 12 et 13 :

[traduction]

 

12        La règle posée dans l’arrêt Foss c. Harbottle est simple : l’actionnaire d’une société – même s’il est actionnaire majoritaire ou l’unique actionnaire – n’a, à titre individuel, aucun droit de recours pour les préjudices causés à la société. Cette règle respecte un principe fondamental du droit des sociétés : une société a une personnalité morale distincte de celle de ses actionnaires et de ses administrateurs (Salomon c. Salomon, [1897] A.C. 22, 66 L.J. Ch. 35 (C.L.)). L’actionnaire ne peut être poursuivi pour les actes de la société et il ne peut non plus poursuivre pour le préjudice subi par la société.

 

13        La règle posée dans l’arrêt Foss c. Harbottle a également le mérite d’éviter la multiplication des procès. D’ailleurs, si elle n’existait pas, l’actionnaire pourrait toujours poursuivre pour le préjudice subi par la société puisque tout préjudice causé à cette dernière nuit indirectement à ses actionnaires.

 

[31]           Bien que l’arrêt Foss c. Harbottle remonte à plus de 160 ans, la Cour suprême du Canada a réaffirmé son applicabilité au Canada dans l’arrêt Hercules Managements Ltd. c. Ernst & Young, [1997] 2 R.C.S. 165.

 

[32]           En conséquence, le défendeur n’a pas qualité, en tant qu’actionnaire de Nutraceutical, pour déposer une plainte en vertu de la Loi au sujet du traitement discriminatoire que Santé Canada aurait fait subir à Biomedica. Le défendeur et Biomedica sont des entités juridiques distinctes et, du point de vue juridique, le défendeur n’est pas personnellement concerné par la plainte en litige.

 

[33]           En choisissant de structurer ses affaires commerciales par la création de deux personnes morales distinctes, Biomedica et Neutraceutical, le défendeur a retiré de nombreux avantages, dont la limitation de sa responsabilité n’est pas le moindre. Ainsi que la Cour d’appel de l’Ontario l’a expliqué, dans l’arrêt Meditrust, précité, au paragraphe 31, en agissant de la sorte [traduction] « [...] on doit accepter les inconvénients de la structure en question, pas seulement ses avantages ».

 

[34]           Ce n’est que dans des cas exceptionnels que le tribunal peut, au profit de tiers de bonne foi,  écarter la distinction entre des personnes morales distinctes et « faire abstraction de la personnalité morale » lorsque les dirigeants de la société en cause ont utilisé la personnalité morale comme paravent ou pour commettre une fraude (Meditrust, précité, au paragraphe 31; 642947 Ontario Ltd. c. Fleischer et al. (2001), 56 O.R. (3d) 417 (C.A.)). La présente affaire ne tombe manifestement pas sous le coup de cette exception. Le défendeur − et probablement les trois autres membres de la famille Watkin mentionnés dans la plainte modifiée − ont créé une structure permettant d’exploiter l’entreprise par le biais de la constitution de deux personnes morales. Le défendeur ne peut profiter des avantages que représente le fait d’exercer ses activités par l’intermédiaire de ces personnes morales tout en exigeant en même temps que l’on « fasse abstraction de la personnalité morale » pour pouvoir déposer une plainte en matière de droits de la personne.

 

[35]           Je conclus que le défendeur n’a pas la qualité requise pour pouvoir porter plainte en vertu de l’article 5 de la Loi. J’estime en outre que la Commission n’était pas compétente pour examiner une plainte alors que la « victime » est une « personne » morale et non un « individu ». En ne rejetant pas la plainte, la Commission a commis une erreur en outrepassant sa compétence. Il n’est donc pas nécessaire d’aborder la question de savoir si Santé Canada est ou non un « fournisseur de services » au sens de l’article 5 de la Loi, ou si la Commission a violé les droits à l’équité procédurale du demandeur.

 

[36]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire de la décision est accueillie. La décision de la Commission est annulée. La plainte portée par le défendeur contre Santé Canada en vertu de l’article 41 de la Loi est rejetée avec dépens.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire, ANNULE la décision de la Commission et REJETTE avec dépens la plainte déposée contre Santé Canada par le défendeur en vertu de l’article 41 de la Loi.

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1325-06

 

INTITULÉ :                                       PGC c. JASON WATKIN

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 4 JUILLET 2007

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 13 JUILLET 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Michael Roach

 

POUR LE DEMANDEUR

Mes Peter R. Lawless

et William R. Southward

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Johns, Southward, Glazier

Walton & Margetts

Victoria (Colombie-Britannique)

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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