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Date : 20070706

Dossier : T-573-05

Référence : 2007 CF 722

Ottawa (Ontario), le 6 juillet 2007

En présence de Monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

HARRY DEAN

demandeur

 

et

 

LE BUREAU DU COMMISSAIRE DES TRIBUNAUX DE RÉVISION

et le MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL DU CANADA (DSC),
anciennement DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES DU CANADA

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant une décision datée du 1er mars 2005 par laquelle le tribunal de révision du Régime de pensions du Canada a refusé de réexaminer la décision, datée du 25 août 1997, d’un tribunal de révision qui avait refusé d’accorder au demandeur des prestations d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (le RPC).

 

[2]               Le demandeur demande à la Cour d’annuler la décision datée du 1er mars 2005 du tribunal de révision et d’ordonner la tenue d’une nouvelle audience en vue de trancher le bien-fondé de son appel. Il sollicite, subsidiairement, que la demande soit accueillie et que la Cour annule la décision datée du 1er mars 2005 rendue par le tribunal de révision et renvoie l’affaire en vue de la prise d’une nouvelle décision.

 

Le contexte

La première demande de prestations du RPC

 

[3]               Le demandeur, Harry Dean, a demandé pour la première fois des prestations d’invalidité du RPC en 1996, alors qu’il était âgé de trente-cinq ans. Il avait travaillé comme inspecteur du contrôle de la qualité de 1987 jusqu’en avril 1994, date où il avait perdu son emploi. Il disait souffrir d’anxiété, de dépression et de troubles de stress post-traumatique à la suite du décès de son père. Il avait été victime d’un accident de la route en juin 1996, quand un conducteur en état d’ébriété avait embouti l’arrière de son véhicule. Par suite de cet accident, il souffrait constamment de maux de tête et de douleurs au dos. Sa demande de prestations d’invalidité du RPC a été rejetée tant initialement qu’après réexamen. Il a porté en appel la décision du tribunal de révision et son appel a été entendu le 10 juin 1997. L’appel a été rejeté le 25 août 1997.

 

La décision du premier tribunal de révision : le 25 août 1997

[4]               Le tribunal de révision a conclu que l’état du demandeur n’était pas grave et prolongé, comme il est défini au paragraphe 42(2) du RPC. Selon la preuve du demandeur, ses problèmes de santé affectaient sa vie quotidienne; cependant, il était capable de conduire un véhicule, de faire de l’exercice et de marcher sans difficulté. Un médecin, le Dr Levy, a présenté un rapport médical daté de février 1996 dans lequel il disait avoir diagnostiqué que le demandeur souffrait d’anxiété et de dépression. Son pronostic a été qualifié de raisonnable. Un psychiatre, le Dr Waldenberg, a présenté un rapport daté de mars 1996 indiquant que le demandeur était peu disposé à suivre des traitements pour consommation d’alcool excessive et que, dans ce contexte, on ne pouvait pas l’aider.

 

[5]               Le tribunal de révision a conclu que la prépondérance des preuves médicales ne corroborait pas l’existence d’une incapacité fonctionnelle qui empêcherait le demandeur de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Son pronostic était raisonnable, et le demandeur menait une vie active. Rien ne prouvait qu’il souffrait d’un trouble psychiatrique qui l’empêchait de détenir une occupation rémunératrice.

 

La seconde demande de prestations du RPC

[6]               En novembre 2002, le demandeur a présenté une seconde demande de prestations d’invalidité du RPC. Il a qualifié ses problèmes de santé de profonde tristesse, de dépression et de [traduction] « problèmes physiques aussi ». Le demandeur a travaillé comme chauffeur de service de messagerie du mois de mars 2000 jusqu’au mois de mars 2001, date à laquelle il a cessé de travailler en raison de problèmes de santé. Sa seconde demande de prestations d’invalidité a été refusée tant initialement qu’après réexamen. Il a interjeté appel de la décision auprès du tribunal de révision. Le 12 janvier 2005, le tribunal de révision a procédé à une nouvelle audience sur les faits, relativement à la première demande de prestations du RPC du demandeur (la décision de 1997), ainsi qu’à une audition d’appel portant sur sa seconde demande (la décision de 2002).

 

La seconde décision du tribunal de révision : le 1er mars 2005

[7]               Même si le demandeur n’a pas rempli officiellement une demande de réouverture de la décision du tribunal de révision datée de 1997 en vertu du paragraphe 84(2) du RPC, le second tribunal de révision a appliqué aux renseignements additionnels fournis par le demandeur le critère relatif aux faits nouveaux qui suit :

[traduction] Premièrement, les éléments de preuve ne doivent pas avoir été des faits que l’on aurait pu découvrir avant l’audience initiale en faisant preuve de diligence raisonnable et, deuxièmement, il doit y avoir une possibilité - et non une probabilité - raisonnable que les éléments de preuve, s’ils étaient admis, pourraient amener le tribunal de révision à modifier sa décision initiale.

 

[8]               La période minimale d’admissibilité (PMA) était le 31 décembre 1997; il fallait donc qu’il ait été reconnu que le demandeur était invalide avant cette date, et que les renseignements additionnels portent sur son état de santé avant le 31 décembre 1997 au plus tard. Le tribunal de révision a fait remarquer ce qui suit :

-         Un rapport daté de 2002 du Dr Tysdale n’a fait état d’aucune preuve de troubles neurologiques ou de troubles obsessivo-compulsifs; toujours selon ce rapport, le demandeur était [traduction] « assez invalide » et il n’était pas prêt à se joindre au marché du travail; le pronostic était [traduction] « réservé ».

-         Un rapport d’un psychologue, M. Goldberg, daté de 1997, indiquait que le demandeur était capable de supporter les exigences mentales de son travail antérieur, et qu’il n’y avait aucune preuve qu’il souffrait d’une incapacité affective invalidante.

-         Un rapport d’un consultant en réadaptation, T.D. Pearce, daté de 1998, suggérait que l’on oriente le demandeur vers un programme de traitement de la douleur chronique. Le demandeur a suivi ce programme durant deux semaines et l’a abandonné sans explication.

-         Le demandeur a travaillé du 20 mars 2000 au 16 mars 2001; il était donc capable d’exercer un emploi. Son employeur a déclaré qu’il effectuait environ 28 heures de travail par semaine et qu’il travaillait convenablement.

 

[9]               Le tribunal de révision a conclu qu’aucun fait nouveau ne lui permettait de modifier ou d’annuler la décision de 1997 du premier tribunal de révision. Il a examiné aussi si le demandeur était devenu invalide après l’audition de sa cause en juin 1997, et avant l’expiration de sa PMA en décembre 1997. Il a conclu que le demandeur n’était pas visé par les définitions d’une invalidité grave et prolongée au cours de cette période, et l’appel a été rejeté.

 

[10]           Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de la décision du tribunal de révision, datée du 1er mars 2005, à savoir qu’aucun fait nouveau ne justifiait la réouverture de la décision de 1997. La présente instance est le contrôle judiciaire de la décision du tribunal de révision à cet égard.

 

Les questions en litige

 

[11]           Le demandeur a soumis la question suivante en vue de la prise d’une décision :

[traduction]

            Le tribunal de révision a-t-il appliqué le mauvais critère, mal appliqué le critère juridique ou traité de la mauvaise question lorsqu’il a évalué la demande de réouverture de l’audience de 1997 pour cause de faits nouveaux?

 

[12]           Je reformulerais la question comme suit :

            Le tribunal de révision a-t-il commis une erreur en concluant qu’il n’y avait aucun « fait nouveau » justifiant la réouverture de la décision de 1997 du premier tribunal de révision?

 

Les arguments du demandeur

 

[13]           Le demandeur a appliqué la méthode pragmatique et fonctionnelle à la détermination de la norme de contrôle, et il a soutenu que la norme applicable à la décision du second tribunal de révision, relativement à la question de savoir s’il y avait des faits nouveaux au sens du paragraphe 84(2) du RPC, était plus proche de la décision correcte. À l’audience, il a appliqué la norme de la décision manifestement déraisonnable.

 

[14]           Le demandeur a allégué que le critère relatif aux faits nouveaux est le suivant : 1) les faits ne doivent pas avoir pu être découverts auparavant au moyen de diligence raisonnable, et 2) les faits doivent être substantiels (voir Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. MacDonald, 2002 CAF 48). Le demandeur a soutenu qu’il satisfaisait au premier volet de ce critère. La majeure partie des renseignements médicaux soumis au tribunal de révision en 2005 n’existaient pas avant l’audience initiale de 1997. Le demandeur a vu le psychiatre et l’on a diagnostiqué qu’il souffrait de troubles de l’articulation temporomandibulaire après l’audience de juin 1997; il ne se pouvait donc pas que ces faits aient pu être découverts avant cette audience.

 

[15]           Le demandeur a soutenu que le tribunal de révision a commis une erreur dans la façon selon laquelle il a appliqué le second volet du critère relatif aux faits nouveaux. Le tribunal aurait dû examiner les éléments de preuve dans leur ensemble et décider s’ils soulevaient une possibilité raisonnable qu’ils auraient pu modifier la décision initiale (voir Kent c. Canada (Procureur général) (2004), 248 D.L.R. (4th) 12, 2004 CAF 420). Il a fait remarquer que dans l’arrêt Kent les faits nouveaux admis par la Cour étaient des rapports portant sur des troubles médicaux qui n’avaient pas été diagnostiqués à l’époque de l’audience initiale.

 

[16]           Le demandeur a soutenu que le tribunal de révision, en se prononçant sur les faits nouveaux, n’a pas pris en considération la totalité des éléments de preuve. Le tribunal n’a fait mention d’aucun des troubles qu’avaient relevés les spécialistes dentaires du demandeur, et ces troubles n’avaient pas été diagnostiqués à l’époque de l’audience initiale, en 1997. En outre, le tribunal aurait commis une erreur en concluant que le fait que le demandeur avait travaillé en 2000 et en 2001 réglait la demande fondée sur des faits nouveaux. Le demandeur a soutenu que le tribunal de révision, ayant conclu à l’existence d’un fait nouveau, se devait de trancher l’appel sur le fond.

 

[17]           Le demandeur a soutenu que les faits nouveaux mettaient en lumière les troubles dont il souffrait, et que les preuves n’existaient pas à l’époque de l’audience initiale, en 1997. Il a allégué que les faits n’auraient pas pu être découverts, mais qu’ils étaient substantiels, et qu’il s’agissait donc de faits nouveaux au sens du paragraphe 84(2) du RPC.

 

Les arguments des défendeurs

 

[18]           Les défendeurs ont soutenu que dans les affaires où le critère juridique approprié a été appliqué, la norme de contrôle qui s’applique à la détermination de faits nouveaux au sens du paragraphe 84(2) du RPC est la décision manifestement déraisonnable (voir Jones c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1366).

 

[19]           Aux termes du paragraphe 42(2) du RPC, une personne n’est invalide que si elle est déclarée « de la manière prescrite » atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Selon l’article 68 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, C.R.C., ch. 385 (le Règlement), un requérant est tenu de fournir une preuve médicale objective de toute détérioration, ainsi que de toute incapacité qui en résulte. On a soutenu que ce ne sont pas les médecins qui déterminent si une personne est invalide ou pas, et qu’ils ne doivent pas jouer un rôle de défenseur à l’égard des prétentions de leur malade (voir l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Angheloni (2003), 50 Admin. L.R. (3d) 165, 2003 CAF 140).

 

[20]           Les défendeurs ont soutenu que c’est la capacité de travailler, et non le diagnostic, qui détermine la gravité d’une invalidité au sens du RPC (voir Ministre du Développement des ressources humaines c. Scott (2003), 300 N.R. 136, 2003 CAF 34). Il incombe aux demandeurs de faire la preuve qu’ils souffrent d’une invalidité grave et prolongée qui les empêche de détenir une occupation véritablement rémunératrice (voir l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 C.F. 130, 2001 CAF 248).

 

[21]           Selon les défendeurs, le critère des faits nouveaux obligeait le demandeur à démontrer, selon la prépondérance de la preuve, que l’on n’aurait pas pu découvrir en exerçant une diligence raisonnable les éléments de preuve nouveaux qui existaient à l’époque de l’audience initiale et que, s’ils avaient été mis à la disposition du premier tribunal de révision, le résultat aurait probablement été différent. Il fallait que les nouveaux éléments de preuve aient un lien important avec la question de savoir si le demandeur était invalide au sens du RPC lorsque sa PMA avait pris fin en décembre 1997. Dans l’arrêt Taylor c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) (2005), 340 N.R. 290, 2005 CAF 293), la Cour a conclu que des éléments de preuve nouveaux fondés sur des données cliniques antérieurement disponibles et connues ne satisfaisaient pas à ce critère.

 

[22]           Les défendeurs ont soutenu que le premier tribunal de révision avait conclu avec raison que les éléments de preuve n’établissaient pas que le demandeur était incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Les seuls éléments de preuve nouveaux soumis au second tribunal de révision étaient le rapport de M. Goldberg, daté du 20 mai 1996, et celui du Dr Stechey, daté de septembre 1997, car le reste des éléments de preuve étaient postérieurs à la décision du premier tribunal de révision et portaient sur l’état de santé du demandeur à l’époque où les documents en question avaient été établis.

 

[23]           M. Goldberg a déclaré que le demandeur était capable de satisfaire aux exigences de son travail antérieur et qu’il n’y avait aucune preuve qu’il souffrait de troubles affectifs invalidants. Le Dr Stechey a vu le demandeur pour un nettoyage et une évaluation dentaires ordinaires. Selon son rapport, les dents du demandeur étaient encore sensibles à la chaleur et au froid, mais la plupart d’entre elles ne posaient plus de problèmes. D’après son rapport, les troubles de l’articulation temporomandibulaire s’étaient résorbés raisonnablement bien grâce à des médicaments analgésiques et anti-inflammatoires. Le dentiste a conclu que le demandeur aurait besoin d’un suivi et de traitements permanents.

 

[24]           Les défendeurs ont soutenu que le tribunal de révision a décidé avec raison que les éléments de preuve ne satisfaisaient pas au critère relatif aux faits nouveaux dont il est question au paragraphe 84(2) du RPC. On a soutenu que le tribunal a conclu avec raison que les éléments de preuve nouveaux qui existaient à l’époque de l’audience du premier tribunal de révision ne fournissaient pas de renseignements nouveaux qui auraient pu faire modifier la décision. Selon les défendeurs, la décision du tribunal de révision n’était pas manifestement déraisonnable.

 

Analyse et décision

 

La norme de contrôle

 

[25]           La décision du tribunal de révision, rendue en vertu du paragraphe 84(2) du RPC, et portant sur la question de savoir s’il convient de réexaminer une décision antérieure en raison de faits nouveaux, est susceptible de contrôle selon la norme de la décision manifestement déraisonnable (voir l’arrêt Taylor, précité).

 

[26]           La question en litige

            Le tribunal de révision a-t-il commis une erreur en concluant qu’il n’y avait aucun « fait nouveau » justifiant la réouverture de la décision de 1997 du premier tribunal de révision?

            Aux termes du paragraphe 84(2) du RPC, un tribunal de révision peut, indépendamment du paragraphe 84(1), et en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier une décision que le tribunal a rendue en vertu du RPC. Le demandeur a soutenu qu’il existait des faits nouveaux qui justifiaient la réouverture de la décision que le premier tribunal de révision avait rendue en août 1997. Selon les défendeurs, le second tribunal de révision a décidé avec raison que les éléments de preuve du demandeur ne satisfaisaient pas au critère relatif aux faits nouveaux.

 

Le critère relatif aux faits nouveaux

[27]           Le second tribunal de révision a formulé comme suit le critère relatif aux faits nouveaux :

[traduction] Premièrement, les éléments de preuve ne doivent pas avoir été des faits que l’on aurait pu découvrir avant l’audience initiale en faisant preuve de diligence raisonnable.

 

Deuxièmement, il doit y avoir une possibilité - et non une probabilité - raisonnable que les éléments de preuve, s’ils étaient admis, pourraient amener le tribunal de révision à modifier sa décision initiale.

 

[28]           Dans l’arrêt Kent, précité, la juge Sharlow, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a décrit en ces termes le critère qui s’applique aux éléments de preuve nouveaux :

[33]      La jurisprudence de la Cour a établi un double critère pour la question de savoir s’il y a ou non des faits nouveaux. D’abord, il faut que les faits nouveaux avancés n’aient pu être découverts, malgré une diligence raisonnable, avant la première audience. Deuxièmement, les faits nouveaux proposés doivent être « substantiels » : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Macdonald, 2002 CAF 48.

[34]      La question de savoir si un fait pouvait être découvert moyennant une diligence raisonnable est une question de fait. La question du caractère substantiel est une question mixte de droit et de fait, en ce sens qu’elle requiert une évaluation provisoire de l’importance des présumés faits nouveaux pour le fond de la demande de pension d’invalidité. La décision rendue par la Commission d’appel des pensions dans l’affaire Suvajac c. Ministre du Développement des ressources humaines (appel CP 20069, 17 juin 2002) adopte le critère exposé dans l’arrêt Dormuth c. Untereiner, [1964] R.C.S. 122. Selon ce critère, les preuves nouvelles doivent être pour ainsi dire déterminantes. Ce critère n’est pas aussi rigoureux qu’il peut le paraître. Les preuves nouvelles sont considérées comme des preuves pour ainsi dire déterminantes si l’on peut raisonnablement croire qu’elles auraient modifié l’issue de la procédure antérieure : BC Tel c. Bande indienne de Seabird Island (C.A.), [2003] 1 C.F. 475. Ainsi, pour l’application du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, les faits nouveaux qui sont avancés sont substantiels si l’on peut raisonnablement croire qu’ils auraient conduit à une décision autre.

 

Si j’applique cet arrêt à la présente espèce, je suis d’avis que le tribunal de révision a appliqué le bon critère.

 

[29]           Le texte suivant, extrait de la décision du tribunal de révision, porte sur l’application à la présente espèce du critère relatif aux faits nouveaux :

[traduction] À l’audience, l’appelant a produit un rapport de son médecin, le Dr A. T. Tysdale, daté du 21 novembre 2002 et désigné en tant que pièce A1, de même qu’une liste de médicaments qu’il prend depuis longtemps et désignée en tant que pièce A2.

 

Le rapport du Dr Tysdale ne fait état d’aucune preuve de troubles neurologiques ou de troubles obsessivo-compulsifs – son rapport indique cependant qu’il considère l’appelant comme « assez invalide » et que ce dernier n’est pas prêt à se joindre au marché du travail. Il ajoute que son pronostic est « réservé ». M. Goldberg, psychologue, indique dans son rapport daté du 20 mai 1997 que l’appelant est capable de satisfaire aux exigences mentales de son travail antérieur. En outre, il ajoute qu’il n’existe aucune preuve, à la suite de mesures psychométriques, qu’il souffre de troubles affectifs invalidants.

 

Dans son rapport daté du 9 novembre 1998, T.D. Pearce, consultant en réadaptation, suggère (à la page B-27) que l’appelant soit orienté vers un programme de traitement de la douleur chronique à l’hôpital Chedoke McMaster. L’appelant a bel et bien suivi ce programme, mais l’a abandonné après 2 semaines sans donner d’explication.

 

L’examen des renseignements médicaux additionnels n’a pas donné de renseignements nouveaux susceptibles de soulever une possibilité raisonnable que, s’ils étaient admis, ils pourraient amener le tribunal de révision à changer sa décision initiale. Un élément qui sous-tend la totalité des renseignements nouveaux est le fait que l’appelant a eu des gains et des cotisations valides au cours de l’année 2000, ce qui dénote qu’il était capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Il a travaillé du 20 mars 2000 au 15 mars 2001 (page 54).

 

Le rapport de travail de l’employeur, Laserage Inc., indique que l’appelant a effectué environ 28 heures de travail à temps partiel par semaine. Selon cet employeur, l’appelant faisait son travail convenablement et les clients l’appréciaient (page 55).

 

En conclusion, le tribunal de révision juge qu’il n’existe pas de « faits nouveaux » qui lui permettraient de modifier ou d’annuler la décision antérieure que le tribunal de révision a rendue le 10 juin 1997.

 

[30]           J’ai examiné les faits nouveaux que le demandeur a présentés et je ne puis conclure que la décision du tribunal de révision est manifestement déraisonnable. Cette décision fait référence aux rapports du Dr Tysdale, de M. Goldberg et de T. D. Pearce. Le demandeur a soutenu que le tribunal de révision n’avait pas fait expressément mention ou traité des rapports du Dr Stechey. Cependant, ce tribunal a bel et bien indiqué dans l’extrait qui précède qu’il avait examiné les renseignements médicaux additionnels, et que ceux-ci ne contenaient pas de nouveaux renseignements susceptibles d’offrir une possibilité raisonnable que ces renseignements, s’ils étaient admis, pourraient amener le tribunal de révision à changer sa décision initiale. Les éléments de preuve que le demandeur a fournis ne satisfaisaient donc pas au second volet du critère relatif aux faits nouveaux.

 

[31]           Le demandeur a également soutenu que le tribunal de révision s’est servi du fait qu’il avait travaillé de mars 2000 à mars 2001 pour trancher la question des faits nouveaux. Je ne partage pas l’opinion voulant que ce tribunal a commis une erreur susceptible de contrôle à cet égard. Il a simplement fait remarquer, à titre de facteur justificatif, que le demandeur avait travaillé durant cette période.

 

[32]           La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

JUGEMENT

 

[33]           IL EST ORDONNÉ que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

D. Laberge, LL.L.


ANNEXE

 

Les dispositions législatives pertinentes

 

Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes.

 

Le Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8. :

 

42. […]

 

(2) Pour l’application de la présente loi :

 

a) une personne n’est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l’application du présent alinéa :

 

(i) une invalidité n’est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,

 

(ii) une invalidité n’est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès;

 

84.(1) Un tribunal de révision et la Commission d’appel des pensions ont autorité pour décider des questions de droit ou de fait concernant :

 

 

a) la question de savoir si une prestation est payable à une personne;

 

b) le montant de cette prestation;

 

c) la question de savoir si une personne est admissible à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension;

 

d) le montant de ce partage;

 

e) la question de savoir si une personne est admissible à bénéficier de la cession de la pension de retraite d’un cotisant;

 

f) le montant de cette cession.

 

 

La décision du tribunal de révision, sauf disposition contraire de la présente loi, ou celle de la Commission d’appel des pensions, sauf contrôle judiciaire dont elle peut faire l’objet aux termes de la Loi sur les Cours fédérales, est définitive et obligatoire pour l’application de la présente loi.

 

(2) Indépendamment du paragraphe (1), le ministre, un tribunal de révision ou la Commission d’appel des pensions peut, en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier une décision qu’il a lui-même rendue ou qu’elle a elle‑même rendue conformément à la présente loi.

 

42. . . .

 

(2) For the purposes of this Act,

 

 

(a) a person shall be considered to be disabled only if he is determined in prescribed manner to have a severe and prolonged mental or physical disability, and for the purposes of this paragraph,

 

(i) a disability is severe only if by reason thereof the person in respect of whom the determination is made is incapable regularly of pursuing any substantially gainful occupation, and

 

(ii) a disability is prolonged only if it is determined in prescribed manner that the disability is likely to be long continued and of indefinite duration or is likely to result in death; and

 

 

 

84.(1) A Review Tribunal and the Pension Appeals Board have authority to determine any question of law or fact as to

 

 

 

(a) whether any benefit is payable to a person,

 

 

(b) the amount of any such benefit,

 

(c) whether any person is eligible for a division of unadjusted pensionable earnings,

 

(d) the amount of that division,

 

(e) whether any person is eligible for an assignment of a contributor’s retirement pension, or

 

 

(f) the amount of that assignment,

 

and the decision of a Review Tribunal, except as provided in this Act, or the decision of the Pension Appeals Board, except for judicial review under the Federal Courts Act, as the case may be, is final and binding for all purposes of this Act.

 

 

 

(2) The Minister, a Review Tribunal or the Pension Appeals Board may, notwithstanding subsection (1), on new facts, rescind or amend a decision under this Act given by him, the Tribunal or the Board, as the case may be.

 

Le Règlement sur le Régime de pensions du Canada, C.R.C., ch. 385 :

 

 

68(1) Quand un requérant allègue que lui-même ou une autre personne est invalide au sens de la Loi, il doit fournir au ministre les renseignements suivants sur la personne dont l’invalidité est à déterminer :

 

 

a) un rapport sur toute détérioration physique ou mentale indiquant

 

(i) la nature, l’étendue et le pronostic de la détérioration,

 

(ii) les constatations sur lesquelles se fondent le diagnostic et le pronostic,

 

(iii) toute incapacité résultant de la détérioration, et

 

(iv) tout autre renseignement qui pourrait être approprié, y compris les recommandations concernant le traitement ou les examens additionnels;

 

b) une déclaration indiquant l’emploi et les gains de cette personne pendant la période commençant à la date à partir de laquelle le requérant allègue que l’invalidité a commencé; et

 

c) une déclaration indiquant la formation scolaire, l’expérience acquise au travail et les activités habituelles de la personne.

 

(2) En plus des exigences du paragraphe (1), une personne dont l’invalidité reste à déterminer ou a été déterminée en vertu de la Loi, peut être requise à l’occasion par le ministre

 

a) de fournir une déclaration de ses emplois ou de ses gains pour n’importe quelle période; et

 

b) de se soumettre à tout examen spécial et de fournir tout rapport que le ministre estimera nécessaire en vue de déterminer l’invalidité de cette personne.

 

(3) Le coût raisonnable de tout examen ou rapport requis en application du paragraphe (2) sera

 

a) payé par remboursement ou avance, selon l’avis du ministre;

 

 

b) payé à même le Fonds du revenu consolidé; et

 

c) imputé au compte du régime de pensions du Canada comme frais d’application de la Loi.

 

(4) Aux fins du présent article, les « frais » comprennent les dépenses de voyage et de séjour que le ministre estime nécessaires pour la personne dont l’invalidité doit être déterminée et pour celle qui doit l’accompagner.

68(1) Where an applicant claims that he or some other person is disabled within the meaning of the Act, he shall supply the Minister with the following information in respect of the person whose disability is to be determined :

 

(a) a report of any physical or mental impairment including

 

 

(i) the nature, extent and prognosis of the impairment,

 

(ii) the findings upon which the diagnosis and prognosis were made,

 

(iii) any limitation resulting from the impairment, and

 

(iv) any other pertinent information, including recommendations for further diagnostic work or treatment, that may be relevant;

 

(b) a statement of that person’s occupation and earnings for the period commencing on the date upon which the applicant alleges that the disability commenced; and

 

 

(c) a statement of that person’s education, employment experience and activities of daily life.

 

 

(2) In addition to the requirements of subsection (1), a person whose disability is to be or has been determined pursuant to the Act may be required from time to time by the Minister

 

(a) to supply a statement of his occupation and earnings for any period; and

 

 

(b) to undergo such special examinations and to supply such reports as the Minister deems necessary for the purpose of determining the disability of that person.

 

(3) The reasonable cost of any examination or report required under subsection (2) shall be

 

 

(a) paid by way of reimbursement or advance, as the Minister deems fit;

 

(b) paid out of the Consolidated Revenue Fund; and

 

(c) charged to the Canada Pension Plan Account as a cost of administration of the Act.

 

(4) For the purposes of this section, "cost" includes travel and living expenses that the Minister deems necessary of the person whose disability is to be determined and of a person to accompany that person.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-573-05

 

INTITULÉ :                                       HARRY DEAN

 

                                                            - et -

 

LE BUREAU DU COMMISSAIRE DES TRIBUNAUX DE RÉVISION et le MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL DU CANADA (DSC), anciennement DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 14 JUIN 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 6 JUILLET 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew C. Bomé

 

POUR LE DEMANDEUR

Tania Nolet

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McQuesten Legal & Community Services

Hamilton (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 

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