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Date : 20070704

Dossier : T-829-07

Référence : 2007 CF 705

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Winnipeg (Manitoba), le 4 juillet 2007

En présence de monsieur le juge Hughes

 

ENTRE :

TRIBUNAL D’APPEL DE LA PREMIÈRE NATION THUNDERCHILD, et JOSEPH JIMMY et ALLAN SNAKESKIN

demandeurs

et

 

DALE AWASIS, GARRY FRENCHMAN, WILTON ANGUS, MELVIN THUNDERCHILD, ALBERT MEETOOS, LEONARD PADDY, JOHN B. NOON, RICHARD STAR, CHARLIE PADDY (PÈRE), VIOLET WEEKUSK, MARY THUNDERCHILD, ANDREW WAPASS, LESLIE ANGUS, EUGENE OKANEE, et JAMES STANDING WATER

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

  • [1] La Cour est saisie d’une requête présentée par les demandeurs en vue d’obtenir :

 

 

[Traduction]

 

Une injonction enjoignant aux défendeurs de s’abstenir de prétendre exercer tout pouvoir discrétionnaire ou toute autorité sur les appels concernant l’élection tenue le 26 mars 2007 ou les différends relatifs à cette élection, ou le nouveau dépouillement tenu le 2 avril 2007 à la Première nation Thunderchild, tant que le Tribunal d’appel n’a pas eu l’occasion d’entendre et de décider ces appels et ces différends;

 

  ainsi que les dépens et une ordonnance de signification indirecte. La question de la signification indirecte n’a plus à être tranchée. Pour les motifs qui suivent, je rejette la présente requête et la demande pour que soit annulée la nomination d’un Tribunal d’appel élargi, sans dépens adjugés aux parties.

 

  • [2] Les demandeurs Jimmy et Snakeskin prétendent composer le Tribunal d’appel de la Première nation Thunderchild, en leur qualité de derniers membres de ce tribunal constitué lors d’une réunion du chef et du conseil de la Première nation Thunderchild tenue le 9 août 2006. Les demandeurs Awasis et autres sont des personnes prétendument élues chef et conseillers (représentants du chef) de la Première nation Thunderchild lors d’une élection tenue le 26 mars 2007, ainsi que les membres d’un tribunal appelé Tribunal d’appel élargi qui ont été nommés par le chef et les conseillers défendeurs.

 

  • [3] La Première nation Thunderchild est une Première nation crie située dans le nord-ouest de la Saskatchewan. Au mois d’août 2004, elle a adopté une constitution écrite qui crée un Tribunal d’appel et incorpore par renvoi la Thunderchild First Nation Election Act (la Loi) figurant en annexe de la constitution. La Loi comporte des dispositions détaillées sur l’élection d’un chef et d’un conseil et sur la façon de tenir un vote présidé par des membres du personnel électoral et crée un appel à un Tribunal d’appel qui, selon l’article quatorze de la Loi, entend tous les appels concernant une élection et rend une décision définitive et exécutoire dont il ne peut être interjeté appel.

 

  • [4] Pour relater brièvement certains des événements qui ont mené à l’actuel différend, la constitution et la Loi ont été instaurées le 12 août 2004. Au printemps 2006, le chef élu de la Première nation Thunderchild était Walter Jimmy. Avec le conseil, il a nommé les membres du Tribunal d’appel comme le prévoit la Loi. À cette date, le 9 août 2006, les demandeurs Joseph Jimmy et Alan Snakeskin ont été nommés à ce tribunal, de même que Maria Linklater. Le 16 octobre 2006, une élection a eu lieu, et Winston Weekusk a apparemment été élu chef. Cette élection a été contestée, et le Tribunal d’appel a été appelé à statuer sur l’affaire. Le 16 novembre 2006, Maria Linklater a démissionné du tribunal, en laissant pour seuls membres du tribunal les demandeurs Jimmy et Snakeskin. Le 22 janvier 2007, le Tribunal d’appel a décidé qu’il y avait lieu de tenir une nouvelle élection. Cette élection a eu lieu le 26 mars 2007. Le chef et le conseil ont présenté une demande à la Cour fédérale avant la tenue de l’élection en vue d’obtenir un sursis à cette décision. La suspension a été refusée dans une décision de notre Cour en date du 22 février 2007, dont la référence est Weekusk c. Tribunal d’appel de la Première nation Thunderchild, 2007 CF 202.

 

  • [5] Lors de l’élection tenue le 26 mars 2007, un membre de la famille du demandeur Jimmy a pu se faire élire chef et un autre n’a pas pu se faire élire conseiller. Un membre de la famille du demandeur Snakeskin n’a pas pu se faire élire au conseil. Ces faits, les défendeurs allèguent-ils, créent une situation dans laquelle les demandeurs Jimmy et Snakeskin ne peuvent plus occuper de poste au sein du Tribunal d’appel. S’ils se récusaient, il ne resterait toutefois personne pour composer ce tribunal. Cette allégation a été faite par les défendeurs sur le fondement de la partialité, mais n’a pas été défendue avec vigueur.

 

  • [6] Le soir du 26 mars 2007 et jusqu’au lendemain matin, les bulletins de vote de l’élection ont été comptés dans le cadre d’une procédure observée par environ 200 membres de la Première nation Thunderchild. Par suite de ce nouveau dépouillement, il a été annoncé que Dale Awasis avait été élu chef et que certains des défendeurs, Richard Star, Garry Frenchman, Melvin Thunderchild, Walton Angus, Albert Meetoos, Leonard Paddy et John B. Noon, avaient été élus conseillers (représentants du chef). Cette élection a été reconnue par le ministère des Affaires indiennes et du Nord dans une lettre du 18 avril 2007; toutefois, cette lettre a reconnu que le Tribunal d’appel pourrait examiner l’affaire.

 

  • [7] La directrice générale des élections qui présidait à l’élection a reçu une demande verbale suivie de deux demandes écrites en vue de la tenue d’un nouveau dépouillement. Par suite d’une réunion tenue entre cette membre du personnel électoral et le Tribunal d’appel, à la laquelle les demandeurs Jimmy et Snakeskin ont assisté, la directrice générale des élections a décidé qu’il y avait lieu de procéder à un nouveau dépouillement. Il a été décidé que le nouveau dépouillement aurait lieu le 2 avril 2007, et le ministère des Affaires indiennes et du Nord a été avisé de ce fait. Il importe de mentionner que la Loi ne prévoit pas la tenue d’un nouveau dépouillement. Il crée toutefois un appel au Tribunal d’appel. Aucun appel de l’élection du 26 mars 2007 n’a été invoqué en vertu de la Loi.

 

  • [8] Pendant ce temps, le nouveau chef, Dale Awasis, et les nouveaux conseillers apparemment élus ont constitué un nouveau Tribunal d’appel de huit personnes, à l’exclusion des demandeurs Jimmy et Snakeskin. Le nouveau chef, dans une lettre du 29 mars 2007, a prétendu mettre fin à la qualité de membres du Tribunal d’appel des demandeurs Jimmy et Snakeskin. Deux des membres du Tribunal d’appel nouvellement constitué, Paddy et Weekusk, ont ordonné à la membre du personnel électoral de ne pas procéder à un nouveau dépouillement dans une lettre du 29 mars 2007. Cette membre du personnel électoral déclare n’avoir pas lu la lettre du 3 avril 2007, soit le lendemain de la tenue du nouveau dépouillement.

 

  • [9] Le 2 avril 2007, la membre du personnel électoral a procédé à un nouveau dépouillement en présence d’environ 150 membres de la Première nation Thunderchild. Les défendeurs allèguent que ce nouveau dépouillement était irrégulier en raison du rejet de certains bulletins qu’ils allèguent avoir été correctement remplis. Par suite du nouveau dépouillement, la membre du personnel électoral a déclaré que Delbert Wapass (et non Dale Awasis) avait été élu chef et que tous les conseillers déclarés élus le 26 mars 2007 étaient encore déclarés élus, sauf qu’Ira Horse avait été déclarée élue à la place de Leonard Paddy. Les demandeurs Jimmy et Snakeskin, dans une lettre du 7 avril 2007, ont déclaré qu’ils acceptaient les résultats du nouveau dépouillement et qu’ils examineraient de nouveau l’affaire si elle faisait l’objet d’un appel.

 

  • [10] Dans une lettre du 19 avril 2007 adressée à chacun des demandeurs Jimmy et Snakeskin, Dale Awasis a déclaré qu’il ne fallait pas tenir compte de la lettre du 29 mars 2007 prétendant mettre fin à leur qualité de membres du Tribunal d’appel et qu’ils étaient rétablis à ce titre, pour se joindre aux huit membres additionnels. Ce groupe de dix membres constituait le soi-disant Tribunal d’appel élargi.

 

  • [11] Le Tribunal d’appel élargi a adressé une lettre à la membre du personnel électoral le 30 avril 2007 dans laquelle il remettait en question la validité du nouveau dépouillement. Les demandeurs, par l’entremise de leur avocat, ont écrit à la Première nation Thunderchild le 2 mai 2007 pour faire part de leurs préoccupations concernant les agissements de Dale Awasis, ainsi que le prétendu renvoi des demandeurs du Tribunal d’appel et la prétendue nomination d’autres personnes à ce tribunal. Ce jour-là, le 2 mai 2007, le Tribunal d’appel prétendument nouvellement constitué a tenu une réunion et décidé que le nouveau dépouillement du 2 avril 2007 n’était pas conforme à la Loi. Le demandeur Jimmy a initialement rencontré le Tribunal d’appel élargi, mais est parti rapidement. Le demandeur Snakeskin n’a jamais rencontré le Tribunal d’appel élargi.

 

  • [12] La requête a été déposée le 18 mai 2007.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

  • [13] La question fondamentale soulevée dans l’ensemble des présentes procédures de requête est celle de savoir à qui il revient d’évaluer les appels concernant l’élection du chef et des conseillers de la Première nation Thunderchild tenue le 26 mars 2007 et le prétendu nouveau dépouillement du 2 avril 2007. Cette tâche revient-elle à l’« ancien » Tribunal d’appel composé des demandeurs Jimmy et Snakeskin ou au Tribunal d’appel « élargi » composé de ces personnes et de huit autres personnes choisies par le chef et les conseillers prétendument élus le 26 mars 2007?

 

  • [14] Dans le cadre de la présente requête, on demande à la Cour d’empêcher les défendeurs, notamment le chef et les conseillers du 26 mars 2007 et les membres du Tribunal d’appel élargi nommés par eux, d’agir avant que les membres de l’« ancien » Tribunal d’appel Jimmy et Snakeskin n’entendent ces affaires et décident de leur bien-fondé.

 

 

LE STATU QUO

  • [15] La Cour est saisie d’une demande d’injonction interlocutoire ayant pour but de préserver le statu quo, c’est-à-dire, de faire en sorte que les affaires demeurent telles qu’elles étaient lors de l’introduction de la requête en injonction interlocutoire. La requête a été déposée le 18 mai 2007; il faut donc examiner l’état des affaires à cette date.

  Au 18 mai 2007 :

  1.  Une élection tenue le 26 mars 2007 a eu pour résultat que Dale Awasis et sept conseillers (représentants du chef) (dont Leonard Paddy) ont été déclarés élus par la directrice générale des élections.

 

  2.  L’élection du 26 mars 2007 n’a fait l’objet d’aucune contestation par voie d’appel interjeté en vertu de la Loi.

 

  3.  Le prétendu dépouillement des bulletins du 26 mars a été entrepris par la directrice générale des élections, à la suite d’une conversation avec les demandeurs Jimmy et Snakeskin, le 2 avril 2007. Une fois le nouveau dépouillement terminé, il a été déclaré que Dale Wapass avait été élu chef et qu’Isabelle (Ira) Horse avait été élue représentante du chef à la place de Leonard Paddy. Tous les autres représentants du chef sont demeurés les mêmes.

  4.  Dale Awasis et les représentants du chef du 26 mars ont constitué un Tribunal d’appel élargi composé de dix personnes, dont les demandeurs Jimmy et Snakeskin.

 

  5.  Le Tribunal d’appel élargi, sans les demandeurs Jimmy et Snakeskin, a conclu en appel que le nouveau dépouillement du 2 avril n’avait pas été fait conformément à la Loi.

 

  • [16] L’avocat des demandeurs a avoué lors des débats que les éléments de preuve ne démontrent pas qu’il est prévu que le Tribunal d’appel élargi ou le chef et le conseil, c’est-à-dire, les défendeurs, prennent toute autre mesure concernant l’élection du 26 mars 2007 ou le nouveau dépouillement du 2 avril 2007. Dans ce cas, le sujet de l’injonction sollicitée n’existe pas. L’avocat des demandeurs a toutefois fait appel à l’indulgence de notre Cour en vertu de l’article 3 des Règles des Cours fédérales de 1998 et des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales pour qu’elle examine le bien-fondé de la prétendue constitution du Tribunal d’appel élargi et de la prétendue décision de ce tribunal selon laquelle le nouveau dépouillement du 2 avril 2007 n’était pas conforme à la Loi, et qu’elle les annule. L’avocat des défendeurs s’est opposé à cette demande. Afin de mettre un terme à cette affaire, j’accueillerai la demande formulée par les demandeurs et je retiendrai qu’ils ont demandé qu’il soit décidé si le chef et le conseil élus le 26 mars 2007 pouvaient nommer de nouveaux membres au Tribunal d’appel et si ce tribunal pouvait examiner un appel concernant le nouveau dépouillement du 2 avril 2007.

 

CRITÈRE APPLICABLE À L’INJONCTION INTERLOCUTOIRE

  • [17] Les avocats des deux parties étaient d’accord pour dire que le critère applicable lorsqu’il s’agit de décider d’accorder ou non une injonction interlocutoire est celui que la Cour suprême du Canada a énoncé dans RJR–MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, à savoir :

1.  Y a-t-il une question sérieuse à juger?

2.  La partie requérante subira-t-elle un préjudice irréparable si l’injonction n’est pas accordée?

3.  La prépondérance des inconvénients favorise-t-elle l’octroi de l’injonction?

  Chacune de ces questions sera examinée.

 

QUESTION SÉRIEUSE

  • [18] Les avocats des parties sont d’accord pour dire que le fardeau d’établir l’existence d’une question sérieuse dans le cadre d’une requête est peu élevé. Un tel fardeau doit toutefois s’appliquer. En l’espèce, en l’absence d’éléments de preuve selon lesquels il reste quelque chose à prévenir, on ne saurait conclure à l’existence d’une question sérieuse. Avant le dépôt des documents de requête le 18 mai 2007, les défendeurs avaient fait ce qu’ils allaient faire concernant l’élection du 26 mars 2007, soit rien. Le nouveau dépouillement du 2 avril 2007 a fait l’objet d’un appel au Tribunal d’appel élargi, qui a déclaré que le nouveau dépouillement n’avait pas été fait conformément à la Loi avant le 18 mai 2007.

 

  • [19] Il n’y a aucune preuve d’autres mesures potentielles ou anticipées.

 

  • [20] J’examinerai par la suite, parce l’avocat des demandeurs m’a demandé de le faire, le bien‑fondé de la constitution du Tribunal d’appel élargi, mais ce n’est pas le sujet de la requête en injonction interlocutoire.

 

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

  • [21] Les demandeurs soutiennent que leur nomination au Tribunal d’appel au mois d’août 2006 était fondée en grande partie sur le respect qu’ils avaient gagné en tant qu’aînés de la Nation Thunderchild. Ils déclarent que les affaires internes de la Nation sont régies non seulement par la constitution de 2004, mais aussi par les lois traditionnelles et les coutumes qui sont entérinées dans le préambule de la constitution.

 

  • [22] Les demandeurs soutiennent que toute tentative de les remplacer dans leur rôle de seuls membres du Tribunal d’appel non seulement va à l’encontre des lois traditionnelles et de la Constitution, mais entraînera aussi le chaos et la confusion dans la collectivité et auprès de ceux qui interagissent avec la collectivité. La thèse est articulée principalement dans l’affidavit de Dale Noon, membre de la Nation et exploitant station de radiodiffusion de la Nation.

 

  • [23] Les défendeurs soutiennent qu’ils ont agi de façon responsable dans le respect des lois et de la constitution de la Nation Thunderchild. Tout chaos soit-il, selon eux, est celui que les demandeurs ont causé. Ils soutiennent qu’un financement continu du gouvernement fédéral peut être compromis et que la tenue d’une autre élection à l’heure actuelle peut s’avérer onéreuse.

 

  • [24] Je conclus qu’aucun préjudice de nature irréparable n’a été établi par les demandeurs, à qui incombe le fardeau d’en faire la preuve. Les éléments de preuve d’Annette Jimmy et de J. Albert Angus, déposés en retard dans le cadre des présentes procédures, mais sur consentement des parties, démontrent que des démarches sérieuses sont entreprises pour clarifier toute la question de la constitution du Tribunal d’appel par voie référendaire quant à la mise en œuvre d’une nouvelle loi à cet égard.

 

  • [25] Aucun préjudice irréparable n’a été établi à l’égard des demandeurs Jimmy et Snakeskin en leur nom personnel. Tout préjudice causé à la collectivité est en voie d’être corrigé et ne peut être jugé irréparable.

 

PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

  • [26] L’injonction interlocutoire vise à préserver le statu quo jusqu’à la résolution définitive des procédures. En l’espèce, le statu quo est le fait qu’il n’est pas prévu que les demandeurs prennent toute autre mesure concernant l’élection du 26 mars et le nouveau dépouillement du 2 avril. La Nation exerce ses activités normales dans d’autres dossiers.

 

  • [27] La prépondérance des inconvénients ne favorise pas l’octroi d’une injonction interlocutoire.

 

QUANT À L’OCTROI D’UNE INJONCTION INTERLOCUTOIRE

  • [28] Par conséquent, en appliquant le critère en trois étapes, je conclus que les demandeurs n’ont satisfait à aucun des trois éléments. La requête en injonction interlocutoire sera rejetée.

 

QUANT À L’ANNULATION DE LA CONSTITUTION DU TRIBUNAL D’APPEL ÉLARGI

  • [29] Comme il a déjà été indiqué dans les présents motifs, l’avocat des demandeurs a demandé l’autorisation d’inclure dans sa demande d’ordonnance une ordonnance pour que soient annulées la prétendue constitution du Tribunal d’appel élargi et sa décision visant le nouveau dépouillement du 2 avril. Je suis pleinement conscient du fait qu’il est inhabituel d’examiner ce type de demande dans le cadre d’une requête comme la présente, surtout les défendeurs s’y opposent. Étant donné que les demandeurs, selon leur avocat, sont des personnes dont les moyens sont limités, et qu’il y a lieu d’obtenir un résultat définitif en l’espèce, je consens à la demande formulée par les demandeurs pour qu’une telle décision soit rendue. Je conclus que la constitution du Tribunal d’appel élargi par le chef et le conseil élus le 26 mars 2007 était conforme à la constitution et à la Loi de la Nation Thunderchild et que la décision qu’il a rendue concernant le nouveau dépouillement du 2 avril était fondée. Dans la mesure où il faut aussi examiner les lois et les coutumes de cette Nation qui font partie du dossier des éléments de preuve devant la Cour, je ne vois rien dans ce dossier qui ne concorde pas avec mes conclusions.

 

  • [30] La constitution constitue un Tribunal d’appel à l’article sept. La constitution ne précise pas le nombre de personnes qui composent ce tribunal. Le paragraphe 7.05 prévoit qu’une loi qui précise diverses questions relatives à ce tribunal sera adoptée et que, dans l’intervalle, le chef et le conseil peuvent nommer des membres pour un mandat d’au plus deux ans. Il dispose :

[Traduction]

 

7.05 Avant l’adoption d’une loi de la Première nation qui régit le Tribunal d’appel, le chef et le conseil nommeront, de façon provisoire, les membres du Tribunal d’appel pour un mandant d’au plus deux (2) ans et à des conditions acceptables qui sont conformes à la constitution de la Première nation Thunderchild.

 

  • [31] La nomination des demandeurs Jimmy et Snakeskin au Tribunal d’appel (ainsi que de Maria Linklater) est constatée dans le procès-verbal contemporain établi le 9 août 2006. La motion no 3 est ainsi libellée :

[Traduction]

 

Le chef et le conseil proposent la nomination des personnes ci-après à titre de membres du nouveau Tribunal d’appel Thunderchild (qui remplacent les membres précédents) : Joe Jimmy (père), Allan Snakeskin et Maria Linklater.

 

Motion présentée par Charlie Paddy

Motion secondée par Arnold J. Wapass

Motion adoptée.

 

  • [32] Il n’existe aucun autre élément de preuve concernant leur nomination. La durée du mandat n’est pas mentionnée. Quelque fut la durée, cependant, elle doit être d’au plus deux ans comme le dispose le paragraphe 7.05 de la constitution.

 

  • [33] Une élection a eu lieu le 26 mars 2007. Les voix exprimées ont été comptées, et la directrice générale des élections, conformément à l’article 8.02 de la Loi, a déclaré que Dale Awasis avait été élu chef et que sept conseillers (représentants du chef) avaient été élus. Comme l’a déclaré Cheryl Wapass, directrice générale des élections, au paragraphe 24 de son affidavit, ce nouveau chef et ces nouveaux conseillers ont prêté serment le 27 mars 2007 et, conformément à l’article 9 de la Loi, le résultat de l’élection leur a été remis. À ce stade, les attributions de la directrice générale des élections prennent fin. L’article 10.01 de la Loi dispose seulement qu’elle est tenue de conserver les bulletins pendant trente (30) jours au cas où un appel soit interjeté. Seul un appel est explicitement prévu, mais non pas un nouveau dépouillement. Aucun appel n’a été interjeté.

 

  • [34] Si un appel était interjeté, il serait interjeté au Tribunal d’appel conformément à l’article quatorze de la Loi. La procédure est initiée par un candidat ou un électeur qui doit présenter un affidavit indiquant un ou plusieurs des motifs d’appel prévus. Il n’en a pas été appelé de l’élection du 26 mars 2007. Trente jours se sont écoulés. Cette élection est définitive.

 

  • [35] Le chef et le conseil nouvellement élus à compter du 27 mars 2007 étaient habilités, conformément au paragraphe 7.05, à nommer les membres du Tribunal d’appel. Le nombre de membres permis n’est pas précisé. La nomination de huit nouveaux membres issus de divers groupes de la collectivité n’est pas déraisonnable. Le renvoi d’un membre du Tribunal d’appel n’est pas explicitement prévu, sauf peut-être au paragraphe 7.02, selon lequel un membre doit notamment faire preuve de bonne moralité et d’impartialité et n’avoir aucun casier judiciaire. Aucun de ces cas n’a toutefois été allégué en l’espèce. Les observations équivoques des défendeurs quant à la partialité sont constatées, mais la thèse n’a pas été défendue avec vigueur lors des débats. Le prétendu renvoi des demandeurs Jimmy et Snakeskin a, de toute façon, été révoqué. Ainsi, la composition finale du Tribunal d’appel élargi n’est pas contraire à la constitution, et le chef et le conseil qui ont procédé à la constitution du Tribunal d’appel élargi avaient été dûment élus conformément à la Loi.

 

  • [36] Le Tribunal d’appel élargi a jugé que le nouveau dépouillement du 2 avril n’était pas conforme à la Loi. Il avait le pouvoir discrétionnaire de tirer cette conclusion. De toute façon, je souscris à la conclusion. La Loi ne prévoit pas la tenue d’un nouveau dépouillement; la réparation consiste en un appel. Aucun appel n’a été interjeté.

 

  • [37] Par conséquent, je conclus que la constitution du Tribunal d’appel élargi et la nomination des demandeurs ne contreviennent pas à la constitution ni à la Loi de la Nation Thunderchild.

 

DÉPENS

  • [38] Les défendeurs ont obtenu gain de cause, notamment en ce qui concerne la mesure de réparation demandée verbalement, dans le cadre de la requête. L’avocat des demandeurs fait remarquer que les demandeurs ont des moyens limités et qu’ils ont introduit la requête dans le but véritable de faire clarifier et régulariser une affaire chaotique. À cet égard, je suis d’accord pour dire que la clarté est souhaitable et que l’affaire a été chaotique.

 

  • [39] Je n’adjuge aucuns dépens aux parties.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :  T -829-07

 

INTITULÉ :  TRIBUNAL D’APPEL DE LA PREMIÈRE NATION THUNDERCHILD et autres c. DALE AWASIS et autres

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 3 juillet 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  Le juge Hughes

 

DATE DES MOTIFS :  Le 4 juillet 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Me Donald E. Worme, c.r.

Tél. : (306) 664-7175

Téléc. : (306) 664-7176

 

Me Katherine Hensel

Tél. : (416) 593-2486

Téléc. : (416) 593-9345

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Ranji G. Jeerakathil

Tél. : (306) 975-7107

Téléc. : (306) 290-9013

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me SEMAGANIS WORME

Réserve indienne Asimakaniseekan Askiy

Saskatoon (Saskatchewan)

 

STOCKWOODS LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

MacPHERSON LESLIE & TYERMAN LLP

Saskatoon (Saskatchewan)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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