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Date : 20070627

Dossier : T-2146-03

Référence : 2007 CF 683

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 juin 2007

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

APOTEX INC.

demanderesse

et

 

AKTIEBOLAGET HÄSSLE

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Dans la demande d’invalidation à l’origine de la présente requête, Apotex sollicite un jugement déclaratoire pour confirmer que le brevet canadien no 1 264 751 d’AB Hässle « [...] est invalide nulle et sans effet ». Le motif de son intérêt est que, n’eût été ce brevet, et un autre, elle aurait été habilitée à commercialiser plus tôt un de ses médicaments. Elle espère obtenir des dommages-intérêts conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).

 

[2]               À la suite de l’échéance du brevet en janvier dernier, AB Hässle a demandé le rejet de l’action au motif que « le brevet 751 étant maintenant échu, la demande d’invalidation est sans objet et Apotex n’a pas la qualité pour agir ». La protonotaire Tabib a rejeté la requête. Elle a dit qu’il n’était pas « évident et manifeste » qu’un jugement sur l’action n’aurait pas d’effet ou de conséquence juridique sur les droits des parties. Il s’ensuit que l’action n’était pas devenue sans objet et qu’Apotex n’avait pas perdu la qualité pour agir.

 

[3]               La Cour est saisie de l’appel de l’ordonnance de la protonotaire Tabib.

 

LA NORME D’APPEL

[4]               La requête d’AB Hässle concerne, sans s’y limiter, la règle 221 des Règles des Cours fédérales en vertu desquelles la Cour peut (soulignement ajouté) ordonner la radiation d’un acte de procédure et rejeter une action, au motif, selon le cas :

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

 

b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

 

c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

 

[…]

 

f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

 

[5]               Indépendamment de la règle 221, la Cour est maître de sa procédure et donc de toute façon peut rejeter des litiges inutiles.

 

[6]               La règle 51 prévoit qu’une ordonnance d’un protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Cour fédérale. Les ordonnances de protonotaires s’appuient sur des questions de droit, des conclusions de faits ou peuvent être discrétionnaires. Dans la mesure où des questions de droit s’appliquent, la norme d’appel est celle de la décision correcte. Dans la mesure où une ordonnance est discrétionnaire, elle doit être examinée de novo si les questions soulevées dans la requête sont déterminantes sur l’issue du litige ou si la décision est fondée sur un mauvais principe de droit ou sur une mauvaise appréciation des faits (Merck & Co., Inc. c Apotex Inc., [2004] 2 CF 459, 2003 CAF 488).

 

[7]               La question n’est pas de savoir si la décision était déterminante sur l’issue de l’affaire, mais plutôt si elle avait pu l’être. Si la protonotaire Tabib avait accordé la requête, l’action aurait été rejetée. Cette décision aurait évidemment été déterminante. Il s’avère qu’elle a rejeté la requête, et l’action se poursuit. Toutefois, puisque la requête s’en remettait à elle pour rejeter l’action, elle était déterminante, et donc s’il y a un pouvoir discrétionnaire à exercer il doit l’être de novo.

 

[8]               Cela a été confirmé par le juge Décary dans Winnipeg Enterprises Corporation c Fieldturf (IP) Inc., 2007 CAF 95, [2007] ACF no 334 (QL), où il a affirmé, au paragraphe 6 :

Contrairement à ce que le juge a conclu, la décision rendue sur l’examen de l’état de l’instance a une influence déterminante sur l’issue de la cause parce que le protonotaire aurait pu rejeter l’action pour cause de retard (voir l’alinéa 382(2)c) des Règles). Comme la Cour l’a déclaré dans Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd. (C.A.), [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), au paragraphe 98 (QL), une décision qui peut être ainsi soit interlocutoire, soit définitive selon la manière dont elle est rendue, même si elle est interlocutoire en vertu du résultat, doit néanmoins être considérée comme déterminante pour l’issue de la cause principale.

 

FAITS

[9]               Le brevet canadien 751, qui a été décerné à la défenderesse en janvier 1990, revendique de nouveaux sels d’oméprazole. Oméprazole est un composé servant à inhiber la sécrétion gastrique.

 

[10]           Il a été mis en vente par AstraZeneca Canada Inc., avec le consentement d’AB Hässle, sur la liste mise à jour conformément aux règlements par le ministère de la Santé. Apotex veut commercialiser sa version générique d’oméprazole. Vraisemblablement, le ministre a décidé que son produit était bioéquivalent à celui d’AstraZeneca. Toutefois, puisque le brevet 751 et d’autres étaient sur la liste pour l’oméprazole, les règlements lui interdisent de délivrer un avis de conformité avant que le brevet ne soit échu, à moins qu’Apotex ne réussisse, en attendant, à prendre les mesures qu’elle prévoit.

 

[11]           En septembre 2001, Apotex a soumis un avis d’allégation selon lequel le brevet 751 était invalide. AstraZeneca et AB Hässle ont réagi en faisant une demande inscrite à la présente Cour au dossier T-1914-01 en vue d’obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l’expiration du brevet. Par ordonnance, avec motifs à l’appui, le juge Campbell a accueilli la demande et a rendu une ordonnance d’interdiction en juin 2003 (2003 CFPI 771).

 

[12]           Son ordonnance a été maintenue en appel au mois de novembre 2004 (2004 CAF 369). Le juge en chef Richard a conclu que le juge Campbell n’avait pas commis d’erreur ouvrant droit à un contrôle lorsqu’il a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet en cause n’était pas invalide. Une demande d’autorisation d’interjeter appel à la Cour suprême a été rejetée ([2005] S.C.C.A. no 15 (QL))

 

[13]           Cette action particulière avait été intentée en novembre 2003 et a été inscrite pour un procès de dix jours commençant en février 2009.

 

[14]           AB Hässle est propriétaire d’un autre brevet canadien sur la liste : 1 292 693 (le brevet 693), portant aussi sur l’oméprazole. Il vient à échéance en décembre 2008. Ce brevet a fait l’objet de deux autres avis d’allégation d’Apotex. AB Hässle et AstraZeneca ont réagi en faisant une demande à la Cour en vue d’obtenir des ordonnances d’interdiction contre le ministre. Elles ont réussi à tous les chefs d’accusation. En septembre 2002, le juge Kelen a délivré une ordonnance d’interdiction (2002 CFPI 931), comme l’a fait la juge Layden-Stevenson (2005 CF 234). Les deux décisions ont été maintenues par la Cour d’appel fédérale. Dans l’une, Apotex n’a pas réussi à obtenir l’autorisation d’interjeter appel à la Cour suprême; dans l’autre, elle n’en a pas fait la demande.

 

DISCUSSION

[15]           Indépendamment du fait que la Cour a le droit d’ordonner la radiation d’une procédure si elle est sans objet, cela ne se limite pas aux circonstances établies à la règle 221; cette règle sert de ligne directrice utile. Comme l’a dit le protonotaire Hargrave dans British Columbia Native Women’s Society c Canada, [2000] ACF No 588 (QL), au paragraphe 6 :

Une instance peut être radiée en raison de son caractère théorique : voir, par exemple, l’arrêt Taylor c. P.G.C., décision non publiée en date du 25 mai 1990 que le juge Dubé a rendue dans l’action T-818-90, où les défendeurs ont réussi à faire radier une action devenue théorique en soutenant qu’elle était, notamment, redondante et abusive, compte tenu de la Règle 419, qui est aujourd’hui la Règle 221. Une action théorique de cette nature ne pourra manifestement pas être accueillie, car elle ne donnera lieu à aucun résultat pratique, en raison de l’absence de controverse au soutien de ladite action; c’est pourquoi elle devrait être radiée, sous réserve de certaines exceptions.

 

[16]           Simplement pour mettre de côté ce point, je mentionne qu’indépendamment de la décision du juge Campbell qui a été maintenue par la Cour d’appel fédérale, il ne peut être dit (et AB Hässle ne le dit pas) que lorsque la déclaration a été déposée au départ il y eût des motifs sur lesquelles la procédure aurait pu être péremptoirement rejetée.

 

[17]           Il est bien établi que l’objectif d’une demande en vertu des Règlements est d’interdire au ministre de délivrer un avis de conformité avant que le ou les brevets en question soient échus. En rendant sa décision, la Cour pourrait décider, selon le dossier dont elle dispose, que les allégations du fabricant du médicament générique sont justifiées concernant l’invalidité du brevet ou sa contrefaçon. Toutefois, la demande n’est pas une procédure qui demande un jugement déclaratoire que le brevet est valide et qu’il sera contrefait.

 

[18]           Ces demandes, qui en théorie sont de nature sommaire, n’empêchent même pas les parties immédiates d’entamer à cet égard les procédures en matière de brevet. Une décision très récente à cet égard est celle de la Cour d’appel fédérale dans Sanofi-Aventis Canada Inc. c Novopharm Ltée, 2007 CAF 163, [2007] ACF No 548 (QL). D’un autre côté, un procès comprend la communication préalable de documents, l’interrogatoire préalable et la comparution des témoins en personne, plutôt que sous forme d’affidavit. Le juge a donc l’occasion de préciser les questions en litige qui sont incompréhensibles à ceux qui ne sont pas versés dans l’art de la science en question. Le juge Hughes fait état de certaines lacunes du système dans Eli Lilly Canada Inc. c Novopharm Limitée, 2007 CF 596, [2007] ACF No 800 (QL), au paragraphe 45.

 

[19]           Donc, il ne peut être dit que la chose jugée, la question déjà tranchée ou l’abus de procédure s’appliquait à l’action lorsqu’elle a été intentée.

 

a. La question du caractère théorique

[20]           Si Apotex avait obtenu un jugement avant l’échéance du brevet 751, l’ordonnance d’interdiction ne s’appliquerait plus et elle aurait été en mesure de commercialiser sa version d’oméprazole plus tôt. AB Hässle soutient que cela était le seul sujet de l’action. Le brevet étant échu, le délai de l’ordonnance d’interdiction s’est écoulé et il s’ensuit qu’Apotex n’a pas qualité pour annuler une ordonnance caduque. Si seulement l’action avait une perspective d’avenir, je serais d’accord. Toutefois, l’article 62 de la Loi sur les brevets indique :

62. Le certificat d’un jugement annulant totalement ou partiellement un brevet est, à la requête de quiconque en fait la production pour que ce certificat soit déposé au Bureau des brevets, enregistré à ce bureau. Le brevet ou telle partie du brevet qui a été ainsi annulé devient alors nul et de nul effet et est tenu pour tel, à moins que le jugement ne soit infirmé en appel en vertu de l’article 63.

62. A certificate of a judgment voiding in whole or in part any patent shall, at the request of any person filing it to make it a record in the Patent Office, be registered in the Patent Office, and the patent, or such part as is voided, shall thereupon be and be held to have been void and of no effect, unless the judgment is reversed on appeal as provided in section 63.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[21]           Dans sa déclaration, Apotex récite ce qu’était alors l’état de la demande d’ordonnance d’interdiction d’AB Hässle. À l’époque, la décision du juge Campbell faisait l’objet d’un appel. À mon avis, cette déclaration était une description suffisante d’un fait important pour ne pas priver Apotex de sa qualité ou pour rendre l’action sans objet, même si le brevet était échu. Des faits matériels doivent être invoqués; invoquer le droit n’est pas nécessaire (Règles des Cours fédérales, règles 174 et 175).

 

[22]           Cette allégation permet à Apotex de soutenir que si elle réussit l’action d’invalidation, l’ordonnance d’interdiction du juge Campbell ne tient plus, et elle a droit à des dommages-intérêts à partir de l’époque où elle aurait pu autrement commercialiser sa version d’oméprazole. Il est possible qu’aucun dommage n’en ressorte, parce qu’Apotex doit également réussir l’action d’invalidité parallèlement à l’action contre le brevet 693. Toutefois, arrivée à cette étape, ce n’est pas à la Cour d’examiner l’affaire de manière positive et de considérer les chances de réussite. La Cour doit plutôt se pencher sur l’affaire de manière négative, poser la question sur ce qui est « évident et manifeste » ou sur le fait que l’affaire ne réussira pas « hors de tout doute raisonnable ».

 

[23]           Le principal précédent sur la question du caractère théorique est dans Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342. La doctrine de la question du caractère théorique provient de la politique générale que la Cour puisse décider de rejeter une affaire qui se fonde sur des questions hypothétiques ou abstraites. Une décision est sans objet si elle n’a pas d’effet pour résoudre un litige qui affecte ou affecterait les droits des parties. Ce litige doit non seulement être présent au moment d’intenter une action, il doit également l’être au moment de rendre le jugement. La question du caractère théorique comporte deux étapes. La première est de décider si le différend concret et tangible a disparu ou s’il existe toujours. Le cas échéant, et seulement dans ce cas, la Cour a le pouvoir de discrétion de décider d’entendre l’affaire quand même.

 

[24]           Borowski, précitée, doit se lire en tandem avec Hunt c Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959, qui traite des requêtes qui plaident la radiation par défaut de divulguer un motif raisonnable pour intenter l’action. Le critère exposé à la page 980 est de voir si le résultat de l’affaire est « évident et manifeste » ou « hors de tout doute raisonnable ».

 

[25]           Il n’est pas « évident et manifeste » pour moi que l’affaire soit sans objet. Il est donc à mon avis inutile pour moi d’exercer tout pouvoir discrétionnaire pour permettre à l’affaire de se poursuivre. L’affaire doit se poursuivre. AB Hässle compte sur le paragraphe 8(1) des Règlements, qui prévoit que si une demande d’ordonnance d’interdiction « [...] est retirée ou fait l’objet d’un désistement par la première personne ou est rejetée par le tribunal qui en est saisi ou si l’ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité rendue aux termes de ce paragraphe est annulée lors d’un appel, la première personne est responsable envers la seconde personne de toute perte subie [...] ». Sa demande réussie pour une ordonnance d’interdiction n’a jamais été retirée, abandonnée, rejetée ou annulée. Par conséquent, il n’y a aucun fondement juridique pour la requête de dommages d’Apotex.

 

[26]           En ce qui concerne les parties, c’est la première fois qu’une requête est déposée pour rejeter une action d’invalidité parce que l’échéance du brevet est échue. Toutefois, elles ont porté à l’attention de la Cour un certain nombre de précédents qu’elles considèrent comme utiles.

 

[27]           D’un côté, Apotex compte sur les décisions de la juge Reed dans Hoffmann-La Roche Ltd. c Canada (Ministre de la Santé et du Bien-être social), [1999] 167 FTR 111, du juge Blais dans Apotex Inc. c Syntex Pharmaceuticals International Ltd., (2001) 16 CPR (4th) 473, affidavit 2002 CAF 222, [2002] ACF no 800 (QL), et de la juge Sharlow dans AB Hassle c Apotex Inc., 2006 CAF 51, 47 CPR (4th) 329.

 

[28]           De l’autre, AB Hässle me demande de considérer la décision du juge Marc Noël dans Sanofi-Aventis Canada Inc. c Apotex Inc., 2006 CAF 328.

[29]           La première décision traite de la décision du juge Noël dans Sanofi-Aventis, bien que la Cour ait conclu que l’appel était sans objet à cause de la date d’échéance du brevet en question, l’appel provenait d’une ordonnance de rejeter la demande d’une ordonnance d’interdiction. Cela était le seul sujet de la demande. Le fait que le brevet était en liste dans le registre maintenu par le ministre ne pouvait plus l’empêcher de délirer un avis de conformité. Cette affaire est très différente. C’est une action d’invalidité, une des mesures de redressement que la Cour d’appel fédérale elle-même considère pour les parties de procès d’avis de conformité qui échouent.

 

[30]           La décision de la juge Reed dans Hoffman-La Roche ci-dessus provient de faits particuliers. À la suite de la délivrance d’une ordonnance d’interdiction contre le ministre, le brevet en question a été déclaré invalide à la suite d’une action d’invalidité. Armé de la décision, Apotex, qui n’avait pas obtenu un avis de conformité, a alors demandé une ordonnance d’annuler l’ordonnance d’interdiction en vertu de la règle 399(2) pour les motifs qu’une nouvelle affaire en découlait ou conformément à la jurisprudence de la Cour qui prévoit de modifier une ordonnance dans de nouvelles circonstances. Elle demandait également une ordonnance d’annuler l’ordonnance initiale d’interdiction de Hoffman-La Roche.

 

[31]           Dans les circonstances, la juge Reed a affirmé qu’elle n’avait pas à décider si la règle 399(2) s’appliquait, comme elle était persuadée que la Cour avait jurisprudence sur l’ordonnance d’interdiction. Le ministre était en quelque sorte hésitant à délivrer un avis de conformité à la suite de cette interdiction. La juge Reed a noté que la déclaration a accordé que l’action d’invalidation était que le brevet était « invalide, nulle et sans effet ». À son avis, et c’est aussi mon avis, cela a permis au ministre de traiter le brevet comme étant nulle et de procéder comme s’il n’avait jamais été dans la liste. En d’autres mots, on pouvait aussi dire que le brevet est arrivé à échéance plus tôt.

 

[32]           AB Hässle soutient que, bien que l’ordonnance officielle de la juge Reed « annulât » la demande, ce mot n’est pas cohérent avec ses motifs dans lesquels elle annule en réalité l’ordonnance d’interdiction. Une ordonnance qui est annulée n’en est pas une qui a été retirée, abandonnée, rejetée ou annulée, et donc ne peut servir de fondement à une action pour dommages-intérêts en vertu des règlements.

 

[33]           Je ne suis pas convaincu que cela aille de soi. Dans Hunt c Carey, ci-dessus, la juge Wilson examine exhaustivement la jurisprudence concernant la divulgation de motifs raisonnables pour intenter une action. Elle a noté à la page 972 : « Les affaires complexes qui révélaient des questions juridiques de fond étaient tranchées de la façon la plus appropriée au procès où la preuve relative aux faits pouvait être présentée ainsi que des arguments sur le bien‑fondé de l’action du demandeur. » Les sujets de droit en litige ne sont pas tranchés net comme il arrive parfois lorsque le différend traite de la jurisprudence de la Cour concernant le sujet de l’action.

 

[34]           À cette fin, je fais référence à la décision du juge Blais dans Apotex c Syntex, ci-dessus, qui traite de la requête pour annuler une ordonnance d’un protonotaire de radier une revendication en vertu de l’article 8 des Règlements. S’appuyant sur la décision du juge Blanchard dans Apotex Inc. c Eli Lilly And Co., 2001 CFPI 636, le juge Blais était d’avis que les questions juridiques litigieuses d’interprétation législative ne devraient pas être abordées dans une requête de radiation. Dans ses observations, il indique qu’il n’y avait pas à l’époque une compréhension précise de la définition exacte de l’article 8 des Règlements, ce qui est tout aussi vrai aujourd’hui. Dans l’appel, le juge Sexton, au nom de la Cour, et à la suite de Hunt c Carey, ci-dessus, a conclu qu’il n’était pas évident et manifeste que la requête du requérant était vouée à l’échec.

 

[35]           Une autre affaire que je considère particulièrement instructive est la décision de la juge Sharlow, au nom de la Cour d’appel fédérale, dans Apotex c AB Hassle, ci-dessus. Cela était un appel demandé par Apotex à la suite de la délivrance d’une ordonnance d’interdiction concernant le brevet 693, l’autre brevet pertinent qui porte sur l’oméprazole. C’était la deuxième tentative d’Apotex pour obtenir un avis de conformité, sans succès. Le juge des requêtes a conclu contre Apotex selon le critère de la question déjà tranchée ou de l’abus de procédure. La Cour d’appel fédérale a décidé de ne pas intervenir.

 

[36]           Toutefois, aux paragraphes 28 et 29, la juge Sharlow a envisagé exactement ce qu’Apotex faisait dans cette affaire. Elle s’est référée à une doctrine bien établie que les procédures en vertu des Règlements ne sont pas déterminantes pour tous les objectifs de validation et de contrefaçon, et qu’il était possible pour Apotex d’intenter une action en vertu de l’article 60 de la Loi sur les brevets pour invalider un brevet. Elle dit au paragraphe 29 :

[...] Si une telle action donnait lieu à une déclaration d’invalidité du brevet 693, l’ordonnance d’interdiction dans AB Hassle 2003 soit cesserait d’avoir effet, soit pourrait être annulée en vertu de la règle 397 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 : voir Hoffmann‑La Roche Ltd. c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), (1999), 167 FTR 111, (F.C.T.D.), aux paragraphes 14 à 16.

 

[37]           J’imagine que la référence à la règle 397 est une référence à la règle 397 et ce qui s’ensuit, plus précisément la règle 399. AB Hässle souligne que les observations de la juge Sharlow sont incidentes. Cela est possible, mais il n’est pour moi pas « évident et manifeste » qu’elle ne les utiliserait pas au besoin, par exemple, dans un appel d’une ordonnance qui accompagne ces motifs. Les mots prononcés délibérément, qui n’ont pas à être prononcés, peuvent être très révélateurs aux instances inférieures.

 

[38]           Ayant tenu compte du droit, et s’il était justifié d’exercer le pouvoir discrétionnaire, pour emprunter les mots de la protonotaire Tabib :

[traduction] [...] Je ne peux conclure qu’il est évident et manifeste que la détermination de ce procès n’aurait pas d’effet juridique ou de conséquence sur les parties et par conséquent, elle est sans objet. Pour les mêmes motifs, je conclus également qu’il n’est pas évident et manifeste qu’Apotex ait toujours la qualité d’intenter une action.

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête d’Aktiebolaget Hässle d’interjeter appel de l’ordonnance de la protonotaire Tabib rendue le 30 mars 2007, soit rejetée avec dépens.

 

 

 

« Sean Harrington »

 

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2146-03

 

INTITULÉ :                                       APOTEX INC. c Aktiebolaget Hässle

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 21 juin 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      27 juin 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Andrew Brodkin

 

Pour la demanderesse

Me Gunars A. Gaikis

Me Mark G. Biernacki

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Goodman LLP

Avocats et conseillers juridiques

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

Smart & Biggar

Avocats et conseillers juridiques

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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