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Date : 20070605

Dossier : IMM-421-06

Référence : 2007 CF 599

Ottawa (Ontario), le 5 juin 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE JOHANNE GAUTHIER

 

 

ENTRE :

KAILESHAN THANABALASINGHAM

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Le demandeur, M. Thanabalasingham, a comparu devant la Cour à de nombreuses reprises. Dans la présente affaire, il demande le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) qui rejetait sa demande de sursis de la mesure de renvoi prise contre lui en 2002.

 

[2]               Dans les motifs qui suivent, la Cour conclut que la décision de la SAI ne contient aucune erreur susceptible de contrôle pouvant en justifier l’annulation.


L’HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE ET LE CONTEXTE

[3]               Le demandeur est arrivé au Canada en 1991 et a obtenu le statut de réfugié à titre de jeune Tamoul du Nord du Sri Lanka. Il a obtenu le statut de résident permanent en août 1992. Il a maintenant une épouse et un jeune enfant[1]. Après avoir terminé un diplôme en génie à l’Université d’Ottawa, il a occupé des postes dans le secteur de la haute technologie.

 

[4]               Le demandeur a été reconnu coupable des trois infractions criminelles suivantes : i) infraction relative aux armes; ii) défaut de respecter un engagement; iii) complot en vue de commettre des voies de fait. En 1998, il a été emprisonné suite à sa dernière condamnation. Il a également été détenu de 2001 à 2004 à la suite d’une initiative du service de police de Toronto visant à mettre fin aux activités des gangs tamouls de la ville. L’initiative visait en particulier deux gangs rivaux connus sous les noms de « A.K. Kannan » (AKK) et de « VVT ». Ces gangs auraient accordé leur appui et leur allégeance à de plus jeunes groupes de Tamouls qui ont formé des gangs de jeunes, comme les « Gilder Boys », un groupe affilié au VVT. En appel, le défendeur a allégué que le demandeur était un membre du VVT, qu’il avait joué un rôle de dirigeant au sein de ce gang et qu’il avait également appuyé des membres des Gilder Boys.

 

[5]               Avant l’audience dans la présente affaire, le juge Robert L. Barnes a rendu, le 24 mars 2006, une ordonnance dans laquelle il a rejeté la demande de M. Thanabalasingham visant à surseoir à son renvoi au Sri Lanka jusqu’à ce que soit tranchée la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[6]               Dans les motifs qui ont suivi son ordonnance (Thanabalasingham c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) 2006 C.F. 486, [2006] A.C.F. no 610), le juge Barnes fait une description exhaustive des procédures antérieures relatives au demandeur qui ont été intentées devant la Cour ainsi que devant la Cour d’appel fédérale. Il s’exprime ainsi :

[4]   Je n'ai pas l'intention d'entrer dans les détails des faits en cause puisqu'ils sont bien établis dans les décisions antérieures de la Cour et de la Cour d'appel fédérale dans les affaires suivantes : Canada c. Thanabalasingham, [2002] A.C.F. n1619, 2002 CFPI 1196 (où le juge John O'Keefe a suspendu une ordonnance libérant le demandeur, détenu en vertu de la législation sur l'immigration); Canada c. Thanabalasingham, [2003] 4 C.F. 491, [2003] A.C.F. no 503, 2003 CFPI 354 (où le juge James Russell a suspendu une ordonnance libérant le demandeur, détenu en vertu de la législation sur l'immigration); Canada c. Thanabalasingham, [2004] 3 R.C.F. 523, [2003] A.C.F. no 1548, 2003 C.F. 1225 (où la juge Johanne Gauthier a rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par la Couronne concernant la libération du demandeur, détenu en vertu de la législation sur l'immigration); Canada c. Thanabalasingham, [2004] 3 R.C.F. 572, [2004] A.C.F. no 15 , 2004 C.A.F. 4 (C.A.F.) (où la Cour d'appel fédérale a confirmé la décision de la juge Gauthier); Thanabalasingham c. Canada, [2005] A.C.F. no 185, 2005 C.F. 72 (où le juge J. François Lemieux a annulé l'évaluation du ministre selon laquelle le demandeur constituait un danger); et, finalement, Canada c. Thanabalasingham, [2006] A.C.F. no 20, 2006 C.A.F. 14 (C.A.F.) (où la Cour d'appel fédérale a infirmé la décision du juge Lemieux pour le motif que le demandeur disposait d'un autre recours, soit un appel à la Section d'appel de l'immigration (SAI)).

 

[7]          Le demandeur a été expulsé du Canada le 27 mars 2006, trois jours après l’ordonnance du juge Barnes.

 

APERÇU DE LA DÉCISION DE LA SAI

[8]           La procédure dont a été saisie la SAI était fondée sur les dispositions de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2 (l’ancienne Loi) et notamment sur l’alinéa 70(1)b) de celle-ci. Comme l’avis d’appel a été déposé avant l’entrée en vigueur de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), le droit d’appel devant la SAI n’est pas touché par le nouveau texte législatif.

 

 

[9]          L’alinéa 70(1)b) de l’ancienne Loi énonçait les motifs pour lesquels un demandeur pouvait interjeter appel. Il conférait à la SAI le pouvoir discrétionnaire d’accorder un appel pour le motif que « [...] eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, [les personnes] ne devraient pas être renvoyé[e]s du Canada ».

 

[10]      Tel que mentionné, la SAI a été saisie de la question de savoir s’il y avait lieu de suspendre la mesure de renvoi prise après que le demandeur a fait l’objet d’un rapport en vertu de l’alinéa 27(1)d) de l’ancienne Loi. Cette disposition s’applique à toute personne qui « a été déclarée coupable d'une infraction prévue par une loi fédérale [...] (i) soit pour laquelle une peine d'emprisonnement de plus de six mois a été imposée, (ii) soit qui peut être punissable d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à cinq ans ».

 

[11]       La preuve dont disposait la SAI était volumineuse, surtout parce qu’elle renfermait toute la preuve déposée dans le cadre des nombreux contrôles des motifs de détention qui ont eu lieu entre 2001 et 2004. L’audience a duré plus d’un an et a nécessité au total neuf séances. La SAI a dû trancher une demande préliminaire concernant des preuves que le défendeur voulait produire et auxquels le demandeur s’opposait (Thanabalasingham c. Canada (MCI) [2003] D.S.A.I. no 603 (QL)). La demande visait des éléments de preuve par ouï-dire, notamment des « déclarations KGB »[2] faites par quatre membres du gang ainsi que la question plus générale de savoir si la SAI pouvait tenir compte de la preuve concernant l’allégation de participation du demandeur aux activités d’un gang étant donné que le défendeur avait déjà choisi de ne pas déposer un rapport rédigé en vertu de l’article 27 concernant l’appartenance à un gang criminel.

 

[12]           Dans une décision bien motivée, la SAI a expliqué comment et pourquoi elle pouvait tenir compte de la preuve par ouï-dire ou de tout autre type de preuve ne pouvant pas faire l’objet d’un contre-interrogatoire. Au paragraphe 32 de sa décision de 2003, la SAI résume comme suit les principes régissant l’admissibilité de la preuve qui découlaient de l’ancienne Loi (alinéa 69.4 (3)c)) et de la jurisprudence :

(1) ) La SAI n’est liée par aucune règle légale ou technique en matière de preuve et peut recevoir les éléments de preuve qu’elle considère comme crédibles ou dignes de foi dans les circonstances, et fonder sa décision sur ceux-ci :

a) la SAI ne peut refuser d’admettre une preuve crédible tout simplement par qu’elle constitue du ouï-dire, qu’elle n’a pas été fournie sous serment ou de vive voix ou qu’elle ne peut faire l’objet d’un contre-interrogatoire;

b) il ne faut pas confondre la recevabilité de la preuve avec le poids devant être donné à cette preuve une fois vérifiée;

c) la crédibilité ou la fiabilité de la preuve, ainsi que les conclusions pouvant en être tirées, sont des questions de fait que la SAI doit trancher, cela relevant de sa compétence;

d) bien que la SAI ne soit pas liée par des règles légales en matière de preuve, elle peut y avoir recours si cela lui permet de déterminer le caractère crédible ou digne de foi de tout élément de preuve.

 

(2) La preuve qui n’a rien à voir avec une question que la SAI doit trancher est irrecevable.

 

(3) Il faut faire preuve de prudence lorsqu’on rejette une preuve sous prétexte qu’elle n’est pas pertinente. En cas de doute, il faut la prendre sous réserve et trancher plus tard.

 

(4) Toutes les preuves pertinentes sont recevables, à moins qu’il n’existe de bonnes raisons pour exclure des preuves en particulier, notamment :

a) lorsqu’elles sont soumises pour des raisons non permises, comme pour démontrer la culpabilité découlant d’accusations en instance ou ayant fait l’objet d’un non-lieu afin d’étoffer le casier judiciaire de l’appelant,

b) lorsque l’effet nuisible l’emporte sur la valeur probante.

 

(5) La recevabilité de la preuve qui fait allusion une mauvaise conduite criminelle ou suggère pareille conduite dépend des circonstances de l’espèce, en particulier la raison pour laquelle la preuve est soumise :

a) elle est irrecevable si elle vise à étoffer le casier judiciaire de l’appelant;

b) elle doit avoir trait à une question importante par opposition à une question accessoire;

c) son effet nuisible ne doit pas l’emporter sur sa valeur probante.

 

[13]           La SAI conclut ensuite que la preuve présentée par le défendeur est admissible et peut être invoquée à l’appui de l’allégation d’appartenance à un gang et de participation à ses activités; toutefois, elle souligne que de tels faits ne seraient pertinents qu’à l’évaluation de i) la gravité de l’infraction à l’origine de la mesure de renvoi (ils mettent les antécédents criminels du demandeur en contexte) ii) la possibilité de réhabilitation. On a également affirmé qu’ils ont « des conséquences quant au maintien de la sécurité et de l’ordre public au Canada, un des objectifs formulés dans l’ancienne Loi » (paragraphe 36 de la décision Thanabalasingham 2003 citée au paragraphe 11 ci-dessus).

 

[14]           La SAI a aussi noté que l’agent Furlong pouvait témoigner et être contre-interrogé relativement aux déclarations KGB et à l’enquête policière. Elle a ensuite conclu que « bien que les déclarations du KGB comportent des faiblesses apparentes », elle ne pouvait « conclure que leur effet nuisible l’emporte sur leur valeur probante. D’autres preuves peuvent les étayer. Les déclarations KGB et d’autres documents d’enquête se verront accorder le poids qu’ils méritent après que le tribunal chargé de statuer sur le bien-fondé de l’appel aura entendu l’ensemble de la preuve et des observations des parties » (paragraphe 38 de la décision Thanabalasingham 2003 citée au paragraphe 11 ci-dessus).

 

[15]           Dans une décision de 38 pages, la SAI se penche sur une série de facteurs établis, les facteurs Ribic (qui sont examinés plus loin). Après avoir brossé le tableau des antécédents du demandeur, la SAI consacre la plus grande partie de sa décision à l’appréciation de ces facteurs. Au cours de ses délibérations, la SAI a tiré de nombreuses conclusions de fait portant sur diverses questions telles que la crédibilité du demandeur, la nature de son association avec divers membres du gang ainsi que son rôle personnel au sein du VVT, la question de savoir s’il a cessé ses rapports avec les membres du gang après sa condamnation en 1997 et celle de savoir si les infractions criminelles pour lesquelles il a été déclaré coupable était liées au gang.

 

[16]           Il est important de souligner que le demandeur s’est parjuré à de nombreuses occasions avant l’audience devant la SAI. Notamment, à l’égard de ce qu’il savait des activités des gangs tamouls et des circonstances de ses infractions, il a admis avoir menti parce qu’il croyait que la personne qui présidait son premier contrôle des motifs de détention était partiale et favorisait la Couronne. Il a également avoué avoir menti lors de contrôles des motifs de détention subséquents afin d’accroître ses chances d’être remis en liberté.

 

[17]           Concernant son témoignage au cours de l’appel, la SAI a conclu que le demandeur n’était généralement pas crédible lorsqu’il a témoigné quant à la nature de son association avec les membres du VVT et des Gilder Boys. Elle déclare ce qui suit : « Bien [que l’appelant ] ait été plus communicatif en appel au sujet de ses liens avec le gang, il ne disait pas entièrement la vérité ».

 

[18]           Selon la SAI, M. Thanabalasingham a continué de minimiser ses liens et ses propres activités avec les gangs, y compris la nature de sa relation avec des membres reconnus du gang qui ont fourni des déclarations KGB à la police. De plus, son témoignage concernant ses propres activités a été jugé évasif et, lorsqu’on lui a demandé de préciser certains éléments, il a souvent prétendu qu’il ne se souvenait pas. Ce facteur a été jugé particulièrement important lorsque l’élément en cause se rapportait à des incidents qu’il ne pouvait pas oublier facilement.

 

[19]           Bien que la SAI ait conclu que le demandeur était membre du gang VVT et l’un de ses dirigeants, elle a souligné que « les délits relatifs aux armes constituent des infractions graves, non seulement du fait que des armes étaient en cause, mais aussi en raison de la manière dont elles ont été utilisées ou qu’on a voulu les utiliser, et ce, même en faisant abstraction du lien avec les gangs ». Entre autres choses, le demandeur a admis avoir frappé une victime non armée avec une machette après que la victime et l’un des amis du demandeur se soient bousculés l’un l’autre. La SAI a conclu qu’il s’agissait d’un acte de violence gratuite.

 

[20]           La SAI a également déterminé que le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait rompu ses liens avec le gang après 1997 et avant son arrestation. Cette détermination est fondée sur un certain nombre de conclusions de fait : il a invité plusieurs membres du gang à son mariage; en 2001, il a visité en prison un dirigeant du gang (soi-disant pour des raisons purement humanitaires comme de remettre à ce dirigeant de l’argent de poche) ainsi que quatre autres membres du gang; il a assisté à des audiences concernant des membres du gang et a rencontré leurs avocats; on l’a vu rencontrer des membres du gang. Enfin, divers informateurs de la police ont déclaré qu’après 1997, il était impliqué dans la contrebande des armes à feu pour le gang.

 

[21]           En ce qui concerne la possibilité de réhabilitation, la SAI a signalé que le demandeur avait déjà tenté de recourir à la ruse pour contourner une interdiction de cinq ans contre la possession et l’utilisation d’armes à feu imposée après sa première condamnation relative aux armes. De plus, il ne s’est pas dissocié entièrement des gangs lorsqu’il en a eu l’occasion en 1997. En outre, « son manque de sincérité n’augure rien de bon pour sa réhabilitation ». Il a aussi été souligné que de 1997 jusqu’en 2001, date à laquelle il a été détenu par les autorités de l’immigration, le demandeur a ignoré les conseils de sa famille d’éviter les activités de gang et que, dans des procédures antérieures, sa famille était prête à lui obéir en reniant ses liens et activités de gang.

 

[22]           En ce qui concerne le comportement du demandeur après qu’il a été libéré de la garde de l’immigration, la SAI a conclu que, même s’il existait peu d’éléments de preuve sur ses activités de gang, étant donné son approche non sincère envers les conditions judiciaires et sa réticence initiale à rompre ses liens avec le gang, il était trop tôt pour conclure que l’appelant s’était amendé. Elle a également noté que, vu ses efforts pour causer du tort aux dirigeants de l’AKK, ce gang constituait un danger pour lui et le demandeur avait besoin de protection, que ce soit grâce à son initiative personnelle, à ses liens avec des gangs ou à l’intervention de la police. La SAI a déterminé que l’appelant n’avait produit aucun plan viable quant à la façon dont il réagirait face aux représailles probables de la part du gang rival ni comment il éviterait d’être de nouveau mêlé aux affaires de gang.

 

[23]           Le tribunal a ensuite examiné les autres facteurs Ribic, notamment un examen détaillé des difficultés auxquelles pourrait faire face le demandeur au Sri Lanka.

 

[24]           Après avoir déterminé qu’un sursis ne devait pas être accordé, la SAI a conclu sa décision en ces termes :

En conclusion, l’appelant n’a pas démontré, dans les circonstances de la présente affaire, qu’il ne devrait pas être renvoyé du Canada. Le tribunal a accordé beaucoup d’importance à la gravité des infractions, au contexte dans lequel elles ont été commises, aux possibilités de récidive de l’appelant et à la nécessité de protéger la société canadienne. Bien que le tribunal ait pris en considération la durée de résidence de l’appelant et ses liens avec sa famille au Canada, ainsi que l'intérêt supérieur de son enfant, ces facteurs favorables sont nettement surpassés par les facteurs négatifs en l’espèce. À la lumière des considérations défavorables, en particulier la nécessité de protéger la société canadienne et le contournement d’une interdiction relative aux armes à feu par l’appelant dans le passé, le présent cas ne se prête pas à un sursis d'exécution de la mesure de renvoi.

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[25]           À la lumière des observations (écrites et orales), les principales questions en l’espèce peuvent être résumées comme suit :

i.)                  La décision de la SAI est-elle abusive dans la mesure où elle a tiré des conclusions sélectives quant à la crédibilité du demandeur, surtout à l’égard de la définition d’« amitié intime »?

ii.)                 La SAI a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de la preuve, en se fondant sur des éléments de preuve non dignes de foi provenant de la police ou en tirant des conclusions concernant l’association du demandeur avec un gang ou ses activités au sein de ce gang qui constituent de la spéculation et des conjectures?

iii.)               La SAI s’est-elle fondée sur des conclusions que le demandeur prétend erronées afin de réduire ses possibilités de réhabilitation tout en omettant de tenir compte adéquatement des facteurs positifs à son sujet?

iv.)               La SAI a-t-elle omis d’évaluer correctement le risque auquel ferait face le demandeur au Sri Lanka et, en particulier, a-t-elle omis de tenir compte de sa preuve d’expert?

v.)                La SAI a-t-elle manqué à l’équité procédurale en ne fournissant pas de motifs valables quant à ses conclusions concernant la crédibilité du demandeur, le poids accordé aux « déclarations KGB » et les autres éléments de preuve par ouï-dire, et le présumé risque de récidive?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[26]           Même si la Cour reconnaît que la jurisprudence a habituellement appliqué la norme de la décision manifestement déraisonnable à l’évaluation des décisions discrétionnaires de la SAI concernant un sursis, elle doit prendre en compte l’arrêt récent de la Cour d’appel fédérale, Khosa c. Canada, (2007 C.A.F. 24, [2007] A.C.F. no 139).

 

[27]           Dans cet arrêt, la majorité de la Cour a conclu que la norme appropriée à appliquer lorsqu’on examine les facteurs Ribic est celle de la décision raisonnable. Le raisonnement adopté par la Cour d’appel va dans le même sens que celui qui est proposé par le demandeur à l’audience.

 

[28]           Le défendeur se fonde sur l’opinion dissidente de la juge Alice Desjardins. Il fait valoir que la décision de la majorité est erronée et fait l’objet d’une demande d’autorisation à la Cour suprême. Cela dit, la Cour est liée par cette décision. De toute façon, la question ne sera pas déterminante quant à l’issue de la présente affaire étant donné mes conclusions finales. Pour le moment, il suffit de dire que la Cour est d’accord avec le demandeur, soit qu’il est approprié d’appliquer la norme de la décision raisonnable. Cette norme semble être appropriée étant donné que les questions en litige et les considérations en jeu dans de telles décisions sont semblables à celles qui sont décrites dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

 

[29]           Comme on l’a expliqué dans l’arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan [2003] 1 R.C.S. 247, la norme de la décision raisonnable exige ce qui suit :

[55]      La décision n’est déraisonnable que si aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait. Si l’un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n’est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir (Southam, par. 56). Cela signifie qu’une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux de la cour de révision (voir Southam, par. 79).

 

[56]      Cela ne signifie pas que chaque élément du raisonnement présenté doive passer individuellement le test du caractère raisonnable. La question est plutôt de savoir si les motifs, considérés dans leur ensemble, sont soutenables comme assise de la décision. Une cour qui applique la norme de la décision raisonnable doit toujours évaluer si la décision motivée a une base adéquate, sans oublier que la question examinée n’exige pas un résultat unique précis. De plus, la cour ne devrait pas s’arrêter à une ou plusieurs erreurs ou composantes de la décision qui n’affectent pas la décision dans son ensemble.

                        [Non souligné dans l’original.]

 

 

[30]           Toutefois, comme l’a reconnu le demandeur à l’audience, la Cour doit faire preuve de l’habituel degré élevé de retenue à l’égard des conclusions de fait[3] de la SAI, et notamment les conclusions relatives à la crédibilité (Aguebor c. (Canada) Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1993] A.C.F. no 732, (1993) 160 N.R. 315 (C.A.F.), Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2005] 2 R.C.S. 100, paragraphe 38). Plus précisément, la Cour n’interviendra pas dans de telles conclusions de fait à moins qu’elles soient manifestement déraisonnables.

 

[31]           Enfin, la question du caractère suffisant des motifs relève de l’équité procédurale pour laquelle il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle. Il est bien établi que la Cour examinera les questions d’équité procédurale dans le cadre de la norme de la décision correcte et interviendra s’il y a eu violation : Canada (PG) c. Fetherston, 2005 C.A.F. 111, [2005] A.C.F. no 544 (QL); Sketchley, 2005 C.A.F. 404, [2005] A.C.F. n2056 (QL).

 

LES PRINCIPES JURIDIQUES

[32]           Les facteurs particuliers que la SAI devait prendre en compte sont bien établis et reconnus par les deux parties. Les facteurs appelés « facteurs Ribic »[4] ont été élaborés à partir de la pratique et de l’expérience de la SAI et ont par la suite été confirmés par la Cour suprême dans l’arrêt Chieu c. Canada (MCI), 2002 C.S.C. 3, [2002] 1 R.C.S. 84. Au paragraphe 40 de l’arrêt Chieu, le juge Iacobucci a écrit ce qui suit :

[...] Dans Ribic, précité, p. 4-5, la C.A.I. résume les facteurs pertinents qu’elle doit considérer dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère ce qui est maintenant l’al. 70(1)b) de la Loi :

 

[traduction] Dans chaque cas, la Commission tient compte des mêmes considérations générales pour déterminer si, compte tenu des circonstances de l’espèce, la personne ne devrait pas être renvoyée du Canada. Ces circonstances comprennent la gravité de l’infraction ou des infractions à l’origine de l’expulsion et la possibilité de réadaptation ou, de façon subsidiaire, les circonstances du manquement aux conditions d’admissibilité, qui est à l’origine de la mesure d’expulsion. La Commission examine la durée de la période passée au Canada, le degré d’établissement de l’appelant, la famille qu’il a au pays, les bouleversements que l’expulsion de l’appelant occasionnerait pour cette famille, le soutien dont bénéficie l’appelant, non seulement au sein de sa famille, mais également de la collectivité, et l’importance des difficultés que causerait à l’appelant le retour dans son pays de nationalité. Même si les questions générales à examiner sont similaires dans chaque affaire, les faits, eux, ne sont que rarement, voire jamais, identiques.

[Souligné dans l’original.]

 

Il s’agit d’une liste indicative et non exhaustive. Le poids qui doit être accordé à un facteur en particulier variera selon les circonstances particulières de l’affaire.

 

[33]           En appel, il incombe au demandeur d’établir que, « eu égard aux circonstances particulières de l’espèce », il ne devrait pas être renvoyé du Canada. Cette exigence ressort clairement de l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Chieu (précité), au paragraphe 56 :

Avant d’aborder les arguments avancés par le ministre relativement au par. 114(2), je désire ajouter quelques brefs commentaires sur la procédure à suivre dans un appel en vertu de l’al. 70(1)b). Premièrement, il incombe au résident permanent frappé de renvoi d’établir selon la prépondérance des probabilités le pays de renvoi probable. (Le juge Iacobucci.)

 

 

[34]           Étant donné que l’appréciation de la preuve est le principal point en litige dans la présente affaire, il est également important de confirmer que, tel qu’elle l’a mentionné Dans l’arrêt Thanabalasingham de 2003, la SAI n’est liée par aucune règle formelle ou technique. Il en est ainsi en vertu de la LIPR (article 175), et tel était aussi le cas en vertu de l’ancienne Loi. À cet égard, l’alinéa 69.4(3)c) énonce ce qui suit :

69.4 (3) La section d'appel a, pour la comparution, la prestation de serment et l'interrogatoire des témoins, ainsi que pour la production et l'examen des pièces, l'exécution de ses ordonnances et toute autre question relevant de sa compétence, les attributions d'une cour supérieure d'archives. Elle peut notamment :

 

 

c) recevoir, en cours d'audition, les éléments de preuve supplémentaires qu'elle estime utiles, crédibles et dignes de foi.

 69.4 (3) The Appeal Division has, as regards the attendance, swearing and examination of witnesses, the production and inspection of documents, the enforcement of its orders and other matters necessary or proper for the due exercise of its jurisdiction, all such powers, rights and privileges as are vested in a superior court of record and, without limiting the generality of the foregoing, may

 

(c) during a hearing, receive such additional evidence as it may consider credible or trustworthy and necessary for dealing with the subject-matter before it.

 

 

[35]           Comme nous le verrons plus loin, ces dispositions ont été appliquées de façon uniforme par les cours fédérales afin de permettre la prise en compte d’éléments de preuve qui ne seraient manifestement pas admissibles dans des affaires criminelles, comme celles que cite et invoque le demandeur.

 

ANALYSE

[36]           Le demandeur affirme que la SAI a traité son témoignage de manière abusive. Plus particulièrement, il fait valoir que la SAI a mal interprété son témoignage à l’égard de sa relation avec divers membres du VVT et des Gilder Boys. De plus, elle se serait fondée de manière sélective sur son témoignage afin d’appuyer sa propre conclusion à l’égard de son appartenance au gang. Selon M. Thanabalasingham, il est manifestement injuste que la SAI ait déclaré qu’il minimisait sa relation avec des membres du gang tout en acceptant par la même occasion la totalité de son témoignage à l’égard de la nature de sa relation avec des dirigeants du gang, tels que Rasa et Suresh, et de la structure du gang.

 

[37]           La Cour concède au demandeur que les conclusions quant à son manque de crédibilité sont cruciales à la décision dans son ensemble. Par conséquent, la Cour a examiné attentivement les transcriptions.

 

[38]           De plus, comme le demandeur prétend que la SAI n’a pas fourni de motifs suffisants ou valables à l’appui de ces conclusions, il est important d’examiner la contestation du demandeur à la lumière des diverses questions soulevées par la SAI à l’égard de sa crédibilité.

 

[39]           Tel que mentionné, la SAI s’est fondée sur les facteurs suivants :

 

i.)                  le fait qu’il s’est parjuré dans le passé à l’égard de questions connexes (les circonstances entourant ses infractions et sa connaissance des gangs tamouls);

ii.)                 le fait que son témoignage était évasif. À cet égard, la SAI donne quelques exemples (conversation enregistrée concernant l’« auto » et son utilisation d’une machette, etc.);

iii.)               le fait que sa thèse de socialisation à temps partiel ne correspond pas aux conversations enregistrées au cours desquelles il demande à Rasa une arme à feu pour les Gilder Boys et que Rasa a envisagé de le faire participer à un possible échange de 10 000 $ contre des preuves que le gang voulait faire disparaître.

iv.)               le fait qu’il a minimisé ses liens ou relations avec des membres du VVT et des Gilder Boys, autres que Rasa et Suresh.

 

[40]           En ce qui a trait au point iv) ci-dessus, la SAI souligne que la définition par le demandeur de sa relation avec des personnes comme Vimal Mohanarajah n’est pas cohérente parce que, d’une part, il a déclaré qu’il se tenait simplement avec lui et d’autres membres du VVT et des Gilder Boys, mais qu’ils n’étaient pas réellement ses amis et, d’autre part, il a fait référence à Vimal comme étant « mon ami ». La SAI a conclu que « [s]ans tenir compte de la façon dont l’appelant souhaite définir sa relation avec ces individus, la preuve indique clairement qu’ils étaient des amis intimes; ils socialisaient et passaient considérablement de temps ensemble ».

 

[41]           Le défendeur soutient qu’il existe de nombreux éléments de preuve établissant que le demandeur a en effet passé une bonne partie de son temps libre avec des membres du gang (en plus du temps passé avec ses dirigeants) et que la phrase citée ci-dessus devrait être interprétée dans le contexte comme voulant dire qu’il s’agissait d’une relation plus intime qu’il ne l’a reconnu. Le demandeur ne conteste pas le temps qu’il a passé avec ces personnes, mais ajoute que l’amitié est un concept subjectif. On ne peut pas lui reprocher de ne pas considérer ces personnes comme ses amis.

 

[42]           Il ressort du témoignage du demandeur que la principale différence entre ces personnes et ses véritables amis était qu’ils fumaient et buvaient ensemble alors qu’il ne faisait rien de tel avec Rasa et Suresh. De plus, il n’allait pas au cinéma avec eux.

 

[43]           Il est évident que la solidité de l’amitié est une question quelque peu subjective, mais la Cour ne juge pas utile de se livrer au débat sémantique proposé par le demandeur. Il reste que la conclusion de la SAI reposait sur un fondement objectif. Les éléments de preuve concernant Vimal (avec qui il passait plus de temps qu’avec quelqu’un qu’il a décrit comme un véritable ami intime) étaient contradictoires et les faits objectifs par ailleurs établis laissaient entendre qu’il s’agissait d’une relation plus solide que celle qu’il a reconnue. Dans les circonstances et compte tenu de la nature des explications fournies par le demandeur et des autres questions qui entachaient déjà sa crédibilité, il n’était pas déraisonnable, et encore moins manifestement déraisonnable, que la SAI conclue qu’il minimisait ses liens avec des membres du gang.

 

[44]           La Cour souligne que, mis à part l’argument selon lequel il était abusif pour la SAI de traiter du même coup de la question de l’amitié et de la thèse de la socialisation à temps partiel mise de l’avant par le demandeur, il n’y a pas eu de véritable contestation des trois autres éléments décrits ci-dessus (au paragraphe 42). Ainsi, il n’est pas déraisonnable de conclure que le demandeur manquait de crédibilité à l’égard de son association avec les activités du gang.

 

[45]           À l’audience, l’avocate du demandeur a affirmé qu’il n’existait dans la preuve obtenue par écoute électronique aucun élément qui contredisait la thèse de la socialisation à temps partiel de l’appelant. La Cour n’est pas d’accord avec cette affirmation. Comme l’a souligné la SAI, il ne s’agit pas tant de la question du temps partiel par opposition au temps plein[5] que contredisent les conversations interceptées, mais plutôt la nature de l’association. Contrairement à la thèse avancée par le demandeur, soit la socialisation (les membres étaient des voisins, même école, amitié avec Rasa pour obtenir le respect de la communauté et être craint), ces conversations démontrent clairement qu’il a participé à au moins une activité criminelle liée au gang pour laquelle il a effectivement été condamné.

 

[46]           Le demandeur n’a nullement étayé le principe qu’il semble avancer selon lequel les conclusions concernant la crédibilité devant la SAI sont de l’ordre du tout ou rien. Rien n’empêche la SAI de se fonder sur les aveux du demandeur et sur les détails qu’il a fournis concernant la structure du gang. Il n’y a là rien d’abusif.

 

[47]           Dans l’ensemble, la Cour est également convaincue que la SAI a fourni suffisamment de raisons pour expliquer pourquoi elle a conclu que le témoignage de M. Thanabalasingham n’était pas généralement crédible à l’égard de ses liens et de ses activités avec le VVT. La Cour n’a eu aucune difficulté à comprendre le raisonnement suivi et les observations détaillées du demandeur montrent qu’il l’a bien compris lui aussi, même s’il n’était pas d’accord. Par conséquent, les motifs de la SAI ne sont pas analogues aux motifs déficients examinés par la Cour d’appel dans l’arrêt VIA Rail Canada c. Office national des transports [2001] 2 C.F. 25, [2000] A.C.F. n1685.

 

 

b) La preuve de la police

 

[48]           Le demandeur conteste également les conclusions de la SAI à l’égard de la « preuve de la police » produite par le défendeur ou qui sont fondées sur celle-ci. Cette preuve comprend notamment des notes de surveillance policière, une copie de l’affidavit non signé d’un policier, des rapports de police contenant des opinions fondées sur des renseignements obtenus d’informateurs de la police et de sources communautaires, ainsi que ce qu’on appelle les déclarations KGB.

 

[49]           En particulier, le demandeur affirme que ces éléments de preuve constituent du ouï-dire et souvent du double ouï-dire. Ils ne sont manifestement pas fiables et la SAI a commis une erreur en les prenant en compte étant donné qu’il n’a eu l’occasion de contre-interroger aucun témoin, à l’exception de l’agent Furlong.

 

[50]           Ce témoin, bien que jugé crédible, a clairement fondé sa propre conclusion selon laquelle M. Thanabalasingham était membre du VVT et avait joué un rôle de dirigeant au sein de ce gang après 1997, non seulement sur des renseignements qu’il a reçus de sources communautaires, y compris de membres du gang, mais aussi sur le ouï-dire contenu dans l’affidavit du gendarme-détective Malcolm déposé à l’appui de la demande de mandat judiciaire en vue de l’enquête par écoute électronique des activités du gang en 1997 (c’est à cet égard que la SAI se serait fondée sur le double ouï-dire pour tirer ses conclusions). De plus, la copie de l’affidavit déposée devant la SAI n’est pas signée et l’auteur de cet affidavit n’a jamais pu faire l’objet d’un contre-interrogatoire, que ce soit pendant les contrôles des motifs de détention ou durant l’appel. L’agent Furlong s’est également fondé sur des renseignements reçus d’informateurs par un autre policier, D.C. Clark, qui n’a pas fait non plus l’objet d’un contre-interrogatoire (encore une fois, ceci constituerait un double ouï-dire).

 

[51]           De l’avis du demandeur, la SAI a simplement émis une hypothèse lorsqu’elle a conclu qu’il avait pris part à la distribution et à l’entreposage d’armes à feu. Enfin, non seulement la SAI a-t-elle commis une erreur en tenant compte de la preuve de la police et en se fondant sur elle, mais elle a omis d’aborder convenablement ses arguments à cet égard dans sa décision.

 

[52]           À l’audience, le demandeur a concentré sa contestation sur les conclusions formulées au paragraphe 48 de la décision. La SAI y précise que, malgré la fragilité de la preuve provenant d’informateurs de la police, le tribunal était d’avis qu’en l’espèce les renseignements étaient généralement fiables pour les raisons suivantes : i) différents informateurs étaient impliqués; ii) l’agent Furlong, un témoin crédible, avait déclaré qu’il avait vérifié la fiabilité de ses informateurs afin de s’assurer de la fiabilité des renseignements fournis. Enfin, les renseignements reçus avant l’enquête par écoute électronique (renseignements contenus dans l’affidavit du détective Malcolm), pendant celle-ci (recherche d’une arme à feu pour les Gilder Boys) et par la suite (en 1999) étaient, de façon générale, cohérents et menaient à la même conclusion : la participation du demandeur à la distribution d’armes à feu.

 

[53]           Afin de déterminer si les motifs sont suffisants, la Cour doit évidemment examiner les motifs fournis par la SAI dans sa décision de 2003 qui concerne la requête interlocutoire du demandeur et qui porte en particulier sur l’argument du demandeur quant à l’admissibilité de cette preuve et à son droit au contre-interrogatoire.

 

[54]           En outre, tel que mentionné dans cette décision (aux paragraphes 30, 36 et 38), le tribunal a clairement expliqué que, conformément à l’usage de la SAI établi de longue date qui consiste à tenir compte de la participation potentielle d’un appelant dans les activités de gang dans le cadre de l’évaluation de la gravité des infractions, des possibilités de réhabilitation et de la nécessité générale de protéger la société canadienne, cette preuve ne serait admise qu’à de telles fins. Ainsi, par exemple, le complot visant à produire une arme à feu (une infraction pour laquelle le demandeur a été reconnu coupable) est-il lié à un gang ou non ou, comme l’a soutenu le demandeur par la suite, son casier judiciaire était-il simplement le résultat d’un « acte fautif spontané et fait en réaction? »

 

[55]           Le demandeur n’a jamais contesté le raisonnement suivi et à la conclusion tirée par la SAI dans cette décision. Au contraire, il a fait valoir à l’audience que la SAI n’avait pas agi conformément aux conclusions qu’elle tire au paragraphe 38 de sa décision.

 

[56]           Après avoir lu la décision dans son ensemble et en combinaison avec les motifs de 2003, la Cour est convaincue que, contrairement à l’affirmation du demandeur, la SAI n’a rien ajouté à la liste d’infractions pour lesquelles il a été condamné et à partir de laquelle un rapport a été établi en vertu de l’article 27. Une distinction peut être clairement faite entre l’affaire en l’espèce et celle dont a été saisie la juge Judith Snider dans Veerasingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 C.F. 1661, [2004] A.C.F. n2014, dans laquelle la SAI avait fait un nombre inquiétant de références à une accusation retirée et avait omis d’établir une distinction entre la preuve sous-tendant cette accusation et le fait que le demandeur avait été accusé. Elle n’a jamais apprécié ou examiné la preuve sous-jacente.

 

[57]           Dans la présente instance, la SAI s’est clairement attardée à la preuve. Tel que mentionné, elle fait référence au fait que l’affidavit de l’agent Malcolm indique que M. Thanabalasingham était lié à l’approvisionnement et au transport d’armes à feu avant même la tenue de l’enquête par écoute électronique. Il s’agit également de l’un des éléments invoqués par l’auteur de l’affidavit pour obtenir un mandat.

 

[58]           Plus tard, au cours de la période couverte par l’enquête par écoute électronique, des conversations ont confirmé que M. Thanabalasingham avait demandé à Rasa (qui était à ce moment le chef du VVT) de lui fournir une arme à feu à l’intention des Gilder Boys, ce que le demandeur a avoué (il a en effet été condamné pour cet incident).

 

[59]           Ensuite, encore en 1999, au moins un informateur a lié le demandeur au transfert d’un fusil de chasse à canon scié qui devait être entreposé plus tard à la résidence de son cousin à Ottawa. Quelques minutes après avoir été informé qu’une rencontre devait avoir lieu entre M. Thanabalasingham et des membres du gang à un certain endroit concernant le transfert et l’utilisation de ce fusil, l’agent Furlong a été témoin de la réunion, à l’endroit désigné, entre M. Thanabalasingham et des membres du gang (dont l’un avait déjà été identifié par l’informateur). La preuve montre que le demandeur ne vivait pas dans ce secteur et qu’il ne se tenait pas régulièrement autour de ce magasin. En fait, il a déclaré qu’il rendait visite à sa sœur et qu’il y était allé pour obtenir une bonne affaire pour son mari concernant un téléphone cellulaire (rien n’a jamais été acheté).

 

[60]           Il prétend avoir croisé les membres du gang dans le stationnement du magasin par pure coïncidence et a confirmé qu’il avait un cousin qui vivait à Ottawa. Dans les circonstances, est-il manifestement déraisonnable de conclure que les renseignements reçus par l’informateur étaient partiellement corroborés par les faits? La Cour ne le croit pas. La SAI n’était certainement pas tenue d’accepter l’explication plus anodine fournie par le demandeur dont la crédibilité avait déjà été jugée boiteuse. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Thanaratnam 2005 C.A.F. 122, [2005] A.C.F. n587, au paragraphe 37 :

Il est possible, bien sûr, comme son avocate l'a affirmé, que M. Thanaratnam se soit simplement « tenu » avec des membres du groupe V.V.T. et qu'il ait été tout simplement assez malchanceux de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Néanmoins, je le répète, le fait qu'il puisse exister une explication plus anodine ne rend pas la conclusion opposée manifestement déraisonnable, particulièrement lorsque l'on tient compte du nombre élevé d'« interactions » survenues entre la police et M. Thanaratnam avant sa détention en 2001.

 

 

[61]           Tel que mentionné, la conclusion de la SAI selon laquelle la preuve démontre que le demandeur a joué un rôle de dirigeant, surtout en ce qui a trait à la distribution et à l’entreposage d’armes à feu, doit être interprétée dans le contexte de l’ensemble de la décision. D’autres sources communautaires, notamment des membres du gang (autres que les auteurs des déclarations KGB) l’ont identifié comme étant un dirigeant après 1997. L’agent Furlong a confirmé que, selon ses propres observations, il apparaissait clairement que des membres du gang admiraient le demandeur.

 

[62]           Cette conclusion n’était pas, comme le prétend le demandeur, une simple supposition ou conjecture de la part de la SAI. Elle a été tirée après l’examen des faits exposés ci-dessus et pouvait raisonnablement être inférée de ceux-ci. Il n’était certainement pas manifestement déraisonnable pour la SAI de conclure ainsi. Les propos de la Cour d’appel, au paragraphe 34 de la décision Thanaratnam, précitée, sont particulièrement pertinents :

Une conclusion n'est pas manifestement déraisonnable simplement parce que des déductions différentes de celles de la Commission peuvent être faites de façon raisonnable à partir de la preuve. Bien qu'aucun élément de preuve dans la présente affaire ne soit déterminant, lorsque la preuve est examinée dans son ensemble, elle était suffisante selon moi pour que la décision de la Commission ne puisse être considérée comme manifestement déraisonnable.

 

[63]           En ce qui concerne l’allégation d’insuffisance des motifs concernant le poids accordé à la preuve fournie par les informateurs et le défaut de tenir compte des objections du demandeur à l’égard des déclarations KGB et de l’autre preuve de ouï-dire, encore une fois la Cour n’est pas convaincue que la SAI a manqué à son obligation de fournir des motifs valables.

 

[64]           Mis à part le témoignage du demandeur, qui a été jugé non crédible sur ces questions en particulier, aucun élément de preuve ne contredit la preuve provenant des informateurs sur laquelle s’est fondée la SAI. Par conséquent, il n’était pas nécessaire que la SAI élabore plus qu’elle ne l’a fait à l’égard du poids accordé à une telle preuve. La SAI a examiné en particulier, dans sa décision de 2003 (au paragraphe 33), la norme de la preuve applicable afin de déterminer l’association avec le gang et le rôle du demandeur. Il n’y a aucune raison de croire qu’elle s’est écartée de sa conclusion à cet égard.

 

[65]           En ce qui a trait à l’affidavit de l’agent Malcolm, le demandeur n’a pas contesté qu’il s’agit d’une copie complète de l’affidavit utilisé par la Cour de l’Ontario comme fondement à la délivrance du mandat autorisant l’enquête par écoute électronique. L’auteur de l’affidavit a donc dûment prêté serment sur l’original et rien ne justifie que la SAI traite précisément de ce document dans sa décision autrement que pour expliquer les principes généraux qui s’appliquent à une telle preuve par ouï-dire.

 

[66]           La Cour est convaincue que le tribunal a bien compris les principes généraux qui s’appliquent à l’admissibilité et à l’appréciation de la preuve de la police (y compris les principes visant les informateurs, le ouï-dire et le double ouï-dire – voir le paragraphe 12 ci-dessus).

 

[67]           Récemment, dans deux affaires portant sur des dossiers où la preuve en rapport avec les activités de gangs tamouls est semblable, la Cour d’appel fédérale a apporté un éclairage supplémentaire. Dans l’arrêt Balathavarajan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2006 C.A.F. 340, [2006] A.C.F. no 1550, elle affirme ce qui suit :

 

[12]      L’article 173 de la LIPR permet à la SAI de recevoir les éléments de preuve qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision. Ces éléments de preuve peuvent parfois être faibles et peuvent comprendre des témoignages d’informateurs : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Thanabalasingham, [2004] 3 R.C.F. 523 (C.F.), au paragraphe 107; conf. à [2004] 3 R.C.F. 572 (C.A.). C’est la SAI, et non la cour de révision, qui doit décider de l’importance à accorder à la preuve.

[Non souligné dans l’original.]

 

[68]           Dans l’arrêt Sittampalam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [2006] C.A.F. 326, [2006] A.C.F. no 1512, elle déclare ce qui suit :

[52] L’appelant prétend également que la preuve recueillie par la police en l’espèce n’est pas crédible et digne de foi. Bon nombre des rapports de police ont été rédigés avant qu’une enquête appropriée soit menée et n’étaient pas étayés par le témoignage des policiers et des témoins concernés. L’appelant ajoute que la preuve semble indiquer que la police manquait d’objectivité ou, en d’autres termes, que son opinion sur lui était biaisée.

 

[53] À cet égard, je constate que la Commission a considéré que la preuve provenant des sources de la police était crédible et digne de foi dans les circonstances de l’espèce, ce qu’elle pouvait parfaitement faire dans le cadre de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. La Commission se trouve dans une situation unique pour apprécier la crédibilité de la preuve qui lui est présentée dans le cadre d’une enquête; les conclusions relatives à la crédibilité doivent faire l’objet d’une grande retenue dans le cadre d’un contrôle judiciaire et elles ne peuvent être infirmées que si elles sont abusives ou arbitraires ou ont été tirées sans qu’il soit tenu compte de la preuve : Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, alinéa 18.1(4)d).

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[69]           Ce point de vue n’a rien de nouveau. Dès 1992, la Cour d’appel fédérale a déclaré, à l’égard de preuves recueillies par la police concernant les activités d’un gang asiatique :

L'avocat ne nous a pas convaincus qu'en recevant le témoignage du caporal Ditchfield et en s'y fiant, la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a commis une erreur de droit ou un excès de compétence susceptible de révision. Même si certains éléments de ce témoignage étaient, comme l'a dit l'avocat, du "ouï-dire double", la Commission avait le droit d'entendre le témoignage et de s'y fier s'il le jugeait utile, crédible et digne de foi. (voir l'alinéa 69.4(3)c)) [Non souligné dans l’original.]

 

[70]           De plus, en ce qui concerne l’admissibilité d’un télex faisant référence à la preuve provenant d’un membre non identifié de la communauté sri-lankaise, la Cour d’appel a souligné dans l’arrêt Mahendran c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991) 134 N.R. 316, [1991] A.C.F. no 549 (QL), qu’à la lumière du paragraphe 68(3)[6] de l’ancienne Loi, la Commission n’avait commis aucune une erreur susceptible de révision en admettant la preuve. Il appartenant au décideur de déterminer le poids qu’il devait accorder à une telle preuve. (Voir aussi dans un contexte différent la décision Mugesera c. Canada MCI, 2001 CFPI 460, [2001] A.C.F. n724, aux paragraphes 46 à 49.)

 

[71]           Il convient également de mentionner que, dans la présente affaire, le demandeur avait pris les mesures afin de pouvoir interroger l’agent Furlong (voir le paragraphe 38 de la décision de 2003). Finalement, il n’a pas eu à assigner l’agent Furlong à témoigner puisque le défendeur a décidé de le présenter comme témoin. La Cour ne dispose d’aucune preuve (il n’y en avait pas non plus devant la SAI) qui indique que le demandeur n’aurait pu assigner à témoigner le détective Malcolm ou D.C. Clark s’il croyait qu’il allait ainsi apporter plus d’éclaircissements quant à la fiabilité (ou au manque de fiabilité) des renseignements de l’informateur mentionnés dans l’affidavit du détective Malcolm ou dans les rapports de police.

 

[72]           Finalement, la Cour conclut que le demandeur ne peut se plaindre du fait que la SAI n’a pas examiné en détail son argument concernant les déclarations KGB. En effet, dans sa décision, la SAI explique clairement qu’elle n’a pas fondé sa décision sur ces éléments de preuve qui sont considérés comme étant « superfétatoires ». Il n’est donc pas nécessaire de discuter davantage de cette question.

 

 

c) La réhabilitation et les autres facteurs positifs

[73]           Rien n’indique que la SAI a omis de tenir compte de faits avancés à l’appui de la position du demandeur, soit qu’il pourrait réussir à se réhabiliter. Comme l’a affirmé le décideur, il n’a tout simplement pas été convaincu par les affirmations de M. Thanabalasingham qu’il avait de bonnes chances à ce chapitre.

 

[74]           Le norme de la décision raisonnable ne donne pas droit à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve. C’est en fait ce que le demandeur demande à la Cour de faire en l’espèce.

 

[75]           Après un examen poussé du dossier, la Cour est convaincue que la plupart des motifs fournis par la SAI (soit l’attitude antérieure envers les conditions imposées par le tribunal, la ruse employée pour contourner l’interdiction de cinq ans contre la possession d’armes à feu, le défaut de se dissocier des membres du gang après 1997, le manque de franchise, le fait que ses liens familiaux et ses études supérieures n’ont pas suffi à l’empêcher d’adopter le comportement qu’il a eu dans le passé, surtout après 1997, le manque de franchise des membres de sa famille dans les instances précédentes) sont défendables et appuient la conclusion de la SAI quant aux chances de réhabilitation.

 

[76]           Le demandeur affirme que la SAI a commis une erreur considérable en laissant entendre que ses chances de réhabilitation étaient réduites parce qu’il pourrait être victime de représailles de la part du gang et qu’il n’avait produit aucun plan viable à cet égard.

 

[77]           À l’audience, l’avocate du demandeur a reconnu qu’elle n’avait produit aucune preuve visant à établir que les gangs tamouls n’existaient plus, mais a affirmé qu’elle le savait pertinemment. Sur ce point, le demandeur se fonde sur la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Sittampalam, 2004 C.F. 1756, [2004] A.C.F. no 2152, au paragraphe 25, dans laquelle le juge Pierre Blais a déclaré qu’un décideur ne peut tenir pour acquis que des faits établis à un moment existeront indéfiniment. La Cour faisant référence à l’existence de gangs tamouls à Toronto.

 

[78]           Toutefois, il convient de noter que le juge Blais a également conclu que le commissaire avait commis une erreur en se fondant uniquement sur les renseignements fournis par la conseil dans ses observations au lieu de s’en remettre à la preuve au dossier ou au fait que les renseignements fournis par le ministre (qui avait le fardeau de la preuve dans cette affaire) étaient désuets.

 

[79]           Tel que mentionné, dans la présente instance il incombait au demandeur d’établir tous les faits en sa faveur. Au cours de son témoignage, M. Thanabalasingham a déclaré ce qui suit à la page 3769 du dossier :

 

[Traduction]

R.    Je ne veux croiser les personnes qui participent à

--ce qu’on suppose être un gang. Alors maintenant, j’évite tous les événements ou programmes, tous les films tamouls ou autres.

...

Q.    D’accord. Donc quand vous dites que vous n’assistez pas à ça, vous n’êtes pas allé à cet événement et – parce que vous avez peur de croiser des membres du gang; est-ce vrai pour tout?

R. Oui, madame.

 

[80]           En l’absence d’éléments de preuve établissant que les gangs avaient cessé d’exister, on pourrait supposer, à partir du passage précédent, que M. Thanabalasingham et son conseil semblent avoir cru ou supposé que les gangs tamouls existaient toujours.

 

[81]           En outre, l’évaluation du danger préparée par la police le 26 octobre 2003, en vue de l’audience du présent appel, envisage clairement la possibilité de représailles de la part de l’AKK contre M. Thanabalasingham. On y fait également référence au meurtre en 2003 d’un jeune homme tamoul qui semble correspondre aux activités d’un gang. Comme l’a laissé entendre le défendeur, cet événement a peut-être a donné lieu aux commentaires de la SAI à l’égard des représailles.

 

[82]           Quoi qu’il en soit, il est clair que la SAI disposait du pouvoir discrétionnaire de tenir compte des « circonstances particulières de l’espèce ». Cette conclusion en particulier n’est certainement pas l’une de ses plus solides. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il a été déraisonnable pour la SAI de conclure que les chances de réhabilitation de M. Thanabalasingham n’étaient pas bonnes. D’autres motifs soutenables appuyaient cette conclusion.

 

[83]           En ce qui a trait à la question des facteurs positifs, la Cour ne peut accepter l’argument avancé par le demandeur qu’à première vue la SAI a omis de prendre en compte de façon appropriée les facteurs positifs parce qu’elle n’a consacré que trois pages environ à l’examen de ceux-ci. Comme les défendeurs l’ont fait remarquer à l’audience, on ne pouvait rien ajouter de plus sur les facteurs positifs qui jouaient en faveur du demandeur. La longueur et le niveau de détail des motifs dépendent des circonstances de chaque instance (voir Via Rail au paragraphe 21). Le demandeur n’a pas réussi à convaincre la Cour que la SAI a manqué à son obligation d’agir équitablement.

 

 

d) Les risques au Sri Lanka

 

[84]           La Cour a examiné attentivement toutes les pages du dossier qui, selon le demandeur, appuient son allégation selon laquelle la SAI n’a pas apprécié convenablement la preuve et n’a pas tenu compte de parties importantes de celle-ci, en particulier le fait que la situation au Sri Lanka empirait au cours de la période pertinente.

 

[85]           La Cour n’est pas convaincue que l’un ou l’autre de ces passages constitue une preuve sur laquelle aurait dû se fonder expressément la SAI dans sa décision à la lumière des principes énoncés Dans l’arrêt Cepeda- Gutierrez c. MCI (1998) 157 F.T.R. 35, [1998]  A.C.F. no 1425. Dans les circonstances, la Cour n’est pas prête à tirer une conclusion défavorable et à écarter la présomption selon laquelle le décideur a pris en compte tous les éléments de preuve dont il a été saisi.

 

[86]           La Cour souligne également que dans ses motifs la SAI précise ce qui suit : « que l’actuel accord de cessez-le-feu reste en vigueur ou non ». Elle était clairement au courant de la position du demandeur et s’y est attardée.

 

[87]           En ce qui concerne le témoignage de M. Sheran, l’expert dont les services ont été retenus par le demandeur pour déposer un affidavit sur les risques auxquels il serait probablement exposé au Sri Lanka, il est clair que la SAI en a tenu compte. Elle y fait référence à plusieurs occasions. Il est également clair que cette preuve a été jugée inutile parce qu’elle était composée principalement de pures affirmations non appuyées par des détails ou des pièces précises.

 

 

[88]           La Cour a examiné les témoignages de MM. Sheran et Schultz et de Mme Garcia[7] et elle est convaincue que les motifs fournis par la SAI sont défendables. Par exemple, la preuve appuie manifestement l’affirmation de la SAI selon laquelle la déclaration de M. Sheran concernant les TLET est mordante et catégorique, mais non étayée. En fait, les témoins du défendeur ont fourni, au cours de leur contre-interrogatoire, des témoignages directs qui contredisent la plupart des points de vue exprimés par M. Sheran.

 

[89]           La SAI a compris, pris en compte et rejeté l’argument du demandeur selon lequel son cas est exceptionnel en raison de la couverture médiatique et de sa grande visibilité en tant que dirigeant présumé du VVT. La preuve produite à l’égard du retour d’autres membres de gangs tamouls et d’autres criminels connus, ainsi que la preuve selon laquelle toutes représailles de la part du gouvernement ou des TLET contre de telles personnes auraient sans aucun doute été signalées dans les médias sri-lankais ainsi que par des organismes de défense des droits de la personne qui surveillaient la situation de près à cette époque, appuient le raisonnement décrit Dans l’arrêt.

 

[90]           L’analyse de la SAI ne referme aucune erreur susceptible de révision.

 

e) Le risque futur de récidive

 

[91]           Le demandeur déclare que l’utilisation du terme « récidive » dans la conclusion de la SAI au paragraphe 85 sans motif détaillé à cet égard constitue une erreur susceptible de révision. (Voir le paragraphe 24 ci-dessus.)

 

[92]           Dans le contexte, la Cour interprète les termes « aux possibilités de récidive de l’appelant » comme faisant référence aux chances de réhabilitation qui ont été examinées en détail plutôt Dans l’arrêt de la SAI. Il n’est tout simplement pas nécessaire de se pencher davantage sur cet argument qui est sans fondement.

 

[93]           Enfin, comme l’a proposé le demandeur, la Cour a examiné la décision à la lumière de l’ensemble des faiblesses ou des erreurs soulevées par le demandeur.

 

[94]           La Cour est convaincue que la SAI a bien appliqué les facteurs Ribic, qu’elle a tenu compte des circonstances particulières de l’espèce comme l’en a mandatée l’ancienne Loi et que des motifs défendables appuient sa conclusion. Ainsi, la décision résiste à un examen approfondi et ne devrait pas être modifiée.

 

[95]           Les parties ont indiqué que la seule question qui pourrait justifier une certification était celle de la norme de contrôle applicable à la décision. La Cour conclut que, dans la présente affaire, la question n’est pas déterminante et ne justifie donc pas une certification.

 

[96]           La présente demande est rejetée.


JUGEMENT

La Cour statue que :

[1]        la demande est rejetée.

 

 

« Johanne Gauthier »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, trad. a., LL.L.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-421-06

 

INTITULÉ :                                       KAILESHAN THANABALASINGHAM

demandeur

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 25 JANVIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 5 JUIN 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Barbara Jackman

                                                                                                POUR LE DEMANDEUR

 

Greg George

Vanita Goela

                                                                                                POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

JACKMAN & ASSOCIATES

Avocats

Toronto (Ontario)                                                                     POUR LE DEMANDEUR

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                           POUR LE DÉFENDEUR

 



[1] Son épouse était enceinte pendant l’audition de l’appel.

 

[2] Le terme « déclarations KGB » est tiré de l’arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. B. (K.G.), [1993] 1 R.C.S. 740. Ces déclarations constituent une procédure à laquelle ont recours les policiers dans certaines circonstances afin d’enregistrer le témoignage de témoins réticents ou opposés. Dans la présente affaire, elles désignent des déclarations faites par quatre membres d’un gang enregistrées sur bande vidéo, dont trois se sont par la suite rétractés après que M. Thanabalasingham a demandé à un autre membre du gang de communiquer avec eux à cet égard.

[3] Ceci comprend les inférences reposant sur des faits (Jessani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2001] C.A.F. 127, paragraphes 16 à 20) ainsi que, dans un contexte analogue, (Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S 235, paragraphe 25)

[4] Énoncés Dans l’arrêt antérieure de la SAI, Ribic c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] D.S.A.I. no 4 (QL)

[5] Le demandeur a déclaré que les dirigeants des gangs consacraient tout leur temps aux activités de leur gang tandis qu’il ne l’a jamais fait. Il avait un emploi et ne faisait que se tenir avec certains membres du gang à temps partiel.

 

 

[6] Le paragraphe 68(3) de l’ancienne Loi énonce les principes de présentation de la preuve applicables aux audiences en appel devant la Section du statut de réfugié. Ce paragraphe peut être traité comme étant grandement analogue aux règles de la preuve de la SAI prescrites par l’alinéa 69.4(3)c).

[7]               M. Schultz et Mme Garcia sont les auteurs d’affidavits déposés par le défendeur qui ont été contre-interrogés par le demandeur. La SAI a conclu que leurs témoignages étaient crédibles et qu’ils avaient fourni des éléments de preuve détaillés et directs qui étaient corroborés par la preuve documentaire portant sur les conditions qui avaient cours au Sri Lanka (paragraphe 80).

 

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