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Date : 20070614

Dossier : IMM-2627-06

Référence : 2007 CF 634

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES

 

 

ENTRE :

IVAN TOROMANOSKI ET

ALEKSANDAR TOROMANOSKI

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’égard de décisions connexes relatives à des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire présentée par des frères, Ivan Toromanoski et Aleksandar Toromanoski. Ces derniers avaient présenté des demandes d’asile qui ont été rejetées le 24 juin 2003 par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). Une demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire a été rejetée le 16 octobre 2003 par la présente Cour. Chacun des demandeurs a aussi fait l’objet d’un examen des risques avant renvoi (l’ERAR), lesquels ont été rejetés. Les demandeurs demeurent au Canada depuis août 2005 en raison de la protection que leur offre un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi accordé le 22 août 2005 par la présente Cour.

 

Contexte

[2]               En 2001, les demandeurs sont arrivés au Canada en tant que visiteur en provenance de la Macédoine. Lorsque la situation politique et militaire s’est détériorée dans ce pays, ils ont choisi de demeurer au Canada et, à cette fin, ils ont présenté des demandes d’asile. Ces demandes d’asile étaient fondées sur un risque de persécution auquel ils seraient exposés en Macédoine du fait qu’ils n’avaient pas effectué leur service militaire obligatoire et qu’ils étaient menacés par une vendetta. Ces allégations ont été rejetées par la Commission, et plus tard dans le cadre de leurs ERAR susmentionnés.

 

[3]               Les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire des demandeurs mettaient l’accent, comme on aurait pu s’y attendre, sur leur intégration au Canada depuis leur arrivée six ans plus tôt. Les liens que les demandeurs ont tissés avec le Canada se sont effectivement développés de façon admirable comme en témoignent leurs réussites dans des études postsecondaires et le fait qu’ils aient réussi à obtenir un emploi rémunérateur et stable. Les demandeurs profitent énormément du fait qu’ils ont appris l’anglais et qu’ils se sont intégrés dans la société canadienne. Ils ont aussi une relation étroite avec les membres de leur famille qui habitent au Canada bien que leurs parents vivent toujours en Macédoine. Les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire s’appuyaient largement sur l’importance de ces observations, mais, en même temps, les demandeurs ont continué d’invoquer les risques qui avaient été le fondement principal de leurs demandes d’asile et d’ERAR. 

 

Décisions fondées sur des motifs d’ordre humanitaire

[4]               Les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire contiennent un résumé suffisant de l’historique des demandes d’immigration qui ont été déposées par les demandeur, et de la preuve ayant trait à la question de leur établissement au Canada. L’agent qui a examiné la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (l’agent) a proposé aux demandeurs de mettre à jour leurs demandes peu de temps avant que les décisions soient rendues et ceux-ci y ont donné suite en fournissant des références supplémentaires, ainsi que leurs dossiers financier, professionnel et académique.

 

[5]               Après avoir reconnu que les demandeurs avaient fourni des efforts louables en vue de s’établir au Canada, l’agent a conclu que ceux-ci ne s’étaient pas acquittés du fardeau de montrer que les effets négatifs d’un renvoi en Macédoine étaient inhabituels et excessifs. Il a indiqué que le degré d’établissement que les demandeurs avaient atteint n’était pas supérieur à ce à quoi on pouvait raisonnablement s’attendre de personnes tirant pleinement avantage des processus d’immigration qui leur sont offerts. L’agent a aussi mentionné que les connaissances académiques et linguistiques acquises par les demandeurs leur seraient très profitables en Macédoine, et qu’ils ont toujours la possibilité de revenir au Canada soit en tant que titulaire d’un visa d’étudiant, soit dans le cadre d’autres programmes d’immigration mis à leur disposition. L’agent a tenu compte de la question des risques qui avait fait l’objet des demandes de contrôle antérieures et il est arrivé à la même conclusion, c’est‑à‑dire, que les demandeurs ne seraient pas exposés à un risque s’ils étaient renvoyés en Macédoine. 

 

Questions en litige

[6]               a)         Quelle est la norme de contrôle appropriée quant aux questions soulevées dans la demande?

b)         L’agent a-t-il commis une erreur en examinant ou en interprétant la preuve dont il disposait?

 

Analyse

[7]               Les arguments des demandeurs concernaient le traitement et l’appréciation que l’agent a fait de la preuve au dossier. Les questions soulevées dans la présente affaire donnent lieu à l’application de la norme de contrôle analysée dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, dans lequel la Cour a jugé au paragraphe 62 :

62        Tous ces facteurs doivent être soupesés afin d’en arriver à la norme d’examen appropriée.  Je conclus qu’on devrait faire preuve d’une retenue considérable envers les décisions d’agents d’immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l’analyse, de son rôle d’exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi.  Toutefois, l’absence de clause privative, la possibilité expressément prévue d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, Section de première instance, et la Cour d’appel fédérale dans certaines circonstances, ainsi que la nature individuelle plutôt que polycentrique de la décision, tendent aussi à indiquer que la norme applicable ne devrait pas en être une d’aussi grande retenue que celle du caractère «manifestement déraisonnable».  Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[8]               L’argument principal des demandeurs à l’encontre des décisions relatives à des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire repose sur la préoccupation selon laquelle l’agent aurait omis de tenir compte d’un certain nombre de documents qui avaient été déposés à l’appui de leurs demandes initiales. Bien qu’il y ait deux erreurs de faits évidentes dans une des décisions relativement à la situation académique et à l’emploi actuel d’Ivan Toromanoski, il est évident à la lecture de la décision que l’agent a tenu compte des documents que les demandeurs avaient produits. Dans les deux décisions, on indique qu’une série de documents a été reçue et examinée, et dans une décision, on reprend le contenu d’un de ces documents. Par exemple, dans le cas d’Aleksandar Toromanoski, on mentionne correctement le nom de son employeur actuel et ce renseignement figurait dans les documents supplémentaires fournis. Les erreurs de fait qui ressortent de la décision concernant Ivan Toromanoski portent sur des points qui n’auraient pas influés sur la décision définitive (c’est‑à‑dire une moyenne scolaire plus élevé que celle indiquée, et l’omission de préciser le nom de son employeur actuel). Je suis donc d’avis que l’agent n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en examinant les documents supplémentaires qui avaient été fournis par les demandeurs.

 

[9]               Les autres contestations que les demandeurs ont formulées à l’égard des décisions relatives à des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire concernent le rôle de l’agent dans l’appréciation et l’interprétation de la preuve. De toute évidence, rien n’indique que l’agent a fait abstraction de la preuve documentaire ou qu’il a tiré des conclusions déraisonnables. De plus, dans la décision, l’agent adopte le bon critère juridique applicable dans le cas d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. 

[10]           Enfin, l’agent a conclu que les liens qu’entretiennent les demandeurs avec le Canada – aussi louables qu’ils puissent être – étaient insuffisants pour justifier leurs demandes d’établissement au pays par un recours autre que les procédures d’immigration régulières. Il était raisonnable de tirer cette conclusion de la preuve, et la Cour ne peut l’annuler en raison de la grande retenue dont elle doit faire preuve à l’égard de telles décisions administratives. Même si une décision plus favorable aurait pu être rendue dans la présente affaire, la Cour ne peut substituer son opinion à celle de l’agent en l’absence d’une erreur de droit ou d’une erreur de fait importante. 

 

[11]           La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. 

 

[12]           Bien que les demandeurs aient indiqué qu’ils n’étaient pas intéressés à exercer d’autres recours judiciaires, je leur accorde cinq jours pour déposer une question à la Cour en vue d’un éventuel appel, s’ils souhaitent maintenant le faire.

 

 


JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. 

 

 

«  R. L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-2627-06

 

INTITULÉ :                                                               IVAN TOROMANOSKI ET AUTRE

                                                                                    c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET AUTRE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 23 MAI 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 14 JUIN 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ivan Toromanoski                                                         POUR SON PROPRE COMPTE

 

Michael Butterfield                                                        POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ivan Toromanoski                                                         POUR SON PROPRE COMPTE

Mississauga (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

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