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Date : 20070614

Dossier : IMM-2277-07

Référence : 2007 CF 626

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2007

En présence de monsieur le juge Shore 

 

 

ENTRE :

JEFFERSON VIEIRA, MARCIA LIMA VIEIRA

demandeurs

et

 

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET

DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

INTRODUCTION

  • [1] Il n’existe aucun fondement juridique pour l’assertion des demandeurs selon laquelle il existe une relation fiduciaire entre une personne sans statut au Canada et le gouvernement canadien, selon des déclarations prétendument faites par un ministre de l’ancien gouvernement concernant d’éventuelles ou potentielles modifications au système d’immigration canadien. Ni l’ancien gouvernement ni le gouvernement actuel n’ont adopté de loi, de règle ou de règlement à l’égard de telles prétendues déclarations. Les demandeurs n’ont démontré aucun fondement juridique pour leur assertion. L’assertion des demandeurs, renvoyant de façon sélective à des instances concernant l’obligation fiduciaire dans un contexte autre que l’immigration, n’en fait pas une réalité. (L’exception en l’espèce est Medawatte c. Canada (ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2005 CF 1374, [2005] A.C.F. no 1672 (QL), et il s’agit d’une affaire en matière d’immigration portant sur la négligence d’un avocat dans un contexte très différent de celui en l’espèce, tel qu’on en discute aux paragraphes 27 à 33, inclusivement).

 

  Pour ce qui est de la notion d’obligation fiduciaire, j’ai accordé beaucoup d’importance à la jurisprudence suivante, dont on trouve des extraits ci-dessous :

[6]   À mon avis, la présente action semble fondée uniquement sur la négligence. L’avocat du demandeur a tenté, dans son argumentation, de faire valoir qu’il y avait eu manquement aux obligations de fiduciaire. Or, non seulement un tel manquement n’a pas été allégué et ne peut, de ce fait, être invoqué maintenant, mais, à mon avis, le demandeur n’a exposé aucun fait pouvant étayer une telle prétention. Le demandeur n’a pas démontré qu’il était particulièrement vulnérable, et les éléments dont je dispose indiquent assez clairement que, peu de temps après son arrivée au Canada, le demandeur a obtenu de l’aide juridique et des avis juridiques. Selon moi, bien qu’il soit exact que les différentes catégories d’obligations de fiduciaire ne sont pas limitées, celles-ci n’incluent pas les obligations que les agents de l’Immigration ont à l’égard des immigrants qui sont en mesure d’obtenir de l’aide juridique lorsqu’ils traitent avec le ministère et qui obtiennent effectivement une telle aide.

 

(Farzam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 140, [2003] A.C.F. no 203 (QL).)

 

Il nous faut remarquer que, de façon générale, il n’existe d’obligations de fiduciaire que dans le cas d’obligations prenant naissance dans un contexte de droit privé. Les obligations de droit public dont l’acquittement nécessite l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ne créent normalement aucun rapport fiduciaire...

 

(Guérin c. Canada, [1984] 2 A.C.F. 335.)

 

 

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

  • [2] Les demandeurs, citoyens du Brésil, sont au Canada sans statut, car ils sont demeurés au pays plus longtemps que ne le permettaient leurs visas. Ils ont présenté une demande pour motifs d’ordre humanitaire en 2003, qui a été rejetée en février 2005, et une mesure d’exclusion a été prononcée contre eux en juin 2005. Ils ont ensuite retenu les services de Worker Canada pour les aider à régulariser leur statut. En février 2006, les demandeurs ont présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) alléguant une crainte de retourner au Brésil et ont ensuite présenté leurs observations à l’appui. En mars 2007, les demandeurs ont présenté une deuxième demande pour considérations d’ordre humanitaire qui comprenait des allégations de négligence passée et de conseils incompétents de la part de l’avocat de Worker Canada. L’ERAR a été rejeté et une décision à cet égard a été signifiée aux demandeurs en personne, le 14 mai 2007, accompagnée d’une directive de se présenter en vue du renvoi. Aucune demande d’autorisation n’a été déposée suite à l’ERAR défavorable et le délai pour le faire a expiré. Une nouvelle directive leur enjoignant de se présenter à leur renvoi le 14 juin 2007 a été émise le 17 mai.

 

  • [3] Les demandeurs ont présenté une demande de report le 28 mai 2007, laquelle a été suivie d’observations supplémentaires le 31 mai 2007, demandant de reporter le renvoi en raison de la deuxième demande pour considérations d’ordre humanitaire. Les demandeurs alléguaient qu’ils auraient présenté une demande pour considérations d’ordre humanitaire beaucoup plus tôt si cela n’avait été des conseils incompétents qu’ils ont reçus de l’avocat de Worker Canada. L’agente a refusé de reporter le renvoi au motif d’une demande pour motifs d’ordre humanitaire déposée récemment. Les demandeurs n’ont pas répondu au critère pour l’octroi d’un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, car ils n’ont démontré aucune question sérieuse à trancher, selon quelque norme que ce soit, et certainement pas selon la norme élevée devant être considérée eu égard à la décision de l’agente de renvoi. De plus, ils n’ont pas démontré de préjudice irréparable, car les allégations de risque au Brésil ont déjà été examinées et rejetées dans le contexte de leur demande d’ERAR.

 

FAITS

  • [4] Les demandeurs sont entrés au Canada en tant que visiteurs en 1998. En 2003, ils ont présenté une demande pour considérations d’ordre humanitaire et ont ajouté une conjointe en tant que personne à charge sur la demande. La demande pour motifs d’ordre humanitaire a été rejetée en février 2005. Des mesures d’exclusion ont été prononcées à l’endroit des demandeurs en juin 2005.

 

  • [5] Plutôt que de déposer une nouvelle demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, les demandeurs ont retenu les services de Worker Canada, entité qui tentait (en vain) de régulariser le statut de ses clients.

 

  • [6] En février 2006, les demandeurs ont présenté une demande d’ERAR. Ils ont reçu une réponse défavorable en personne le 14 mai 2007, accompagnée d’une directive de se présenter en vue du renvoi. Les demandeurs ont ensuite acheté leurs propres billets et une nouvelle directive leur enjoignant de se présenter, affichant une date de renvoi du 14 juin 2007, à 23 h 10, a été émise le 17 mai 2007. Ils n’ont pas demandé d’autorisation par rapport à l’ERAR défavorable et le délai pour le faire est maintenant passé. (Décision relative à une ERAR; affidavit de Salima Sajan souscrit le 11 juin 2007, pièce « A »; directive leur enjoignant de se présenter en vue du renvoi, affidavit de Salima Sajan, pièce « B ».)

 

  • [7] Le 28 mai 2007, les demandeurs ont présenté, par télécopieur, une demande de report du renvoi, fondée sur une nouvelle demande pour motifs d’ordre humanitaire présentée en mars 2007. L’agente a examiné minutieusement toutes les observations et la preuve, et a conclu que l’existence de la demande récente pour motifs d’ordre humanitaire était insuffisante pour justifier un report du renvoi. Les demandeurs ont été avisés de la décision dans une lettre datée du 4 juin 2007, contenant aussi les notes au dossier expliquant le motif du refus. (Lettre de refus et notes au dossier, dossier du demandeur, aux pages 3 et 9 à 12.)

 

  • [8] Les demandeurs ont ensuite présenté la requête en l’espèce pour qu’elle sursoie à l’exécution de la mesure de renvoi, suite au refus de l’agente de le reporter.

 

QUESTION EN LITIGE

  • [9] Les demandeurs ont-ils démontré qu’ils répondent au critère à trois volets applicable à l’octroi d’un sursis de renvoi du Canada?

 

DISCUSSION

Question préliminaire

  • [10] Les demandeurs indiquent dans l’avis de requête que celle-ci vise à obtenir une ordonnance modifiant la demande d’autorisation. Les demandeurs n’ont fourni aucun renseignement sur une demande de modification quelconque ou sur les observations à l’appui d’une telle demande. S’il s’agit bel et bien de l’intention des demandeurs plutôt qu’une erreur typographique, ils n’ont pas réussi à aborder ou justifier une quelconque modification à leur demande d’autorisation. La Cour procédera donc en présumant que la requête porte uniquement sur un sursis à une mesure de renvoi.

 

 

 

Critère pour l’octroi d’un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi

  • [11] Selon la jurisprudence de la Cour, pour que la requête des demandeurs soit accordée, ils doivent démontrer qu’ils répondent aux trois éléments du critère à trois volets établi par la Cour fédérale d’appel dans Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CAF), [1988] A.C.F. no 587 (QL). En conséquence, les demandeurs ont le fardeau de prouver (i) l’existence d’une question sérieuse à trancher; (ii) qu’un préjudice irréparable leur sera causé si on exécute la mesure de renvoi; (iii) que la prépondérance des inconvénients leur est favorable à eux plutôt qu’au ministre. (RJR MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 (QL).

 

  • [12] Les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils répondent au critère à trois volets pour l’octroi d’un sursis à leur renvoi du Canada. En particulier, ils n’ont pas démontré qu’une question sérieuse doit être tranchée concernant la décision de l’agente d’exécution de ne pas reporter leur renvoi, un préjudice irréparable ne leur sera pas causé s’ils sont renvoyés au Brésil et la prépondérance des inconvénients favorise le ministre.

 

  • [13] Les exigences du critère à trois volets sont conjonctives. C’est-à-dire que les demandeurs doivent répondre aux trois volets du critère avant que notre Cour puisse accorder un sursis de l’instance. (Toth, précité; RJR-MacDonald, précité.)

 

  • [14] La délivrance d’un sursis constitue un redressement extraordinaire pour lequel le demandeur doit démontrer qu’il existe des « circonstances spéciales et impérieuses » qui justifieraient une « intervention judiciaire exceptionnelle ». La conclusion générale est que les demandeurs n’ont pas droit à un sursis. Tavaga c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 82 (C.F. 1re inst.), [1991] A.C.F. no 614 (QL); Shchelkanovc. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1994] A.C.F. no 496 (C.F. 1re inst.) (QL); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Harkat, 2006 CAF 215, [2006] A.C.F. no 934 (QL), au paragraphe 10.)

 

  • [15] Si les demandeurs ne répondent pas à un des volets du critère, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres volets. (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Fast, 2002 CAF 292, [2002] A.C.F. no 1036 (QL), au paragraphe 8.)

 

  • [16] Les demandeurs n’ont pas démontré qu’il existait des circonstances spéciales et impérieuses qui justifieraient, en l’espèce, le report du renvoi ou une intervention judiciaire. Les demandeurs n’ont pas démontré de question sérieuse par rapport à la décision de l’agente d’exécution de refuser de reporter leur renvoi.

 

QUESTION SÉRIEUSE

  Le seuil pour démontrer une question sérieuse est élevé

  • [17] Le seuil du volet de la question sérieuse du critère à trois volets n’est pas « futile et vexatoire ». Cependant, comme l’accueil de la requête des demandeurs leur accorderait effectivement la mesure qu’ils demandent dans le cadre de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire sous-jacente, il est bien reconnu que notre Cour se doit d’entreprendre un examen plus approfondi du bien-fondé de la demande. Cela a été confirmé dans Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] A.C.F. no 295 (QL), au paragraphe 11), où le juge Denis Pelletier a statué que le seuil du volet de la question sérieuse du critère à trois volets pour les requêtes comme celle-ci n’est pas « futile et vexatoire », mais plutôt la « vraisemblance que la demande sous-jacente soit accueillie ». (On mentionne aussi RJR Macdonald, précité.)

 

  • [18] Les demandeurs affirment que le refus de l’agente d’exécution de reporter leur renvoi en raison de leur demande pour motifs humanitaires soulève une question sérieuse à la lumière des circonstances énoncées dans cette dernière et des prétendues [TRADUCTION] « promesses et déclarations de ministres de l’Immigration futurs », auxquelles les demandeurs disent s’être fiés. Les demandeurs n’ont pas démontré de question sérieuse selon le seuil élevé de « vraisemblance que la demande sous-jacente soit accueillie ».

 

  • [19] Il y a lieu de faire preuve de beaucoup de retenue judiciaire quant aux décisions des agents de renvoi. Appliquant une approche pragmatique et fonctionnelle, la Cour a statué, dans Zenunaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1715, [2005] A.C.F. no 2133 (QL), aux paragraphes 19 à 22, que la norme de contrôle appropriée pour les décisions concernant des demandes de report est celle de la décision manifestement déraisonnable. Cette norme a été appliquée lors de nombreuses instances et elle est conforme à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, qui prévoit un contrôle judiciaire seulement si l’agent « a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose ». (On mentionne aussi Haghighi c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 372, [2006] A.C.F. no 470 (QL), aux paragraphes 6 et 7; Griffiths c. Canada (Procureur général), 2006 CF 127, [2006] A.C.F. no 182 (QL), au paragraphe 16; Adomako c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1100, [2006] A.C.F. no 1384 (QL), au paragraphe 11; Munar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 FC 761, [2006] A.C.F. no 950 (QL), au paragraphe 13; Chir c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 242, [2006] A.C.F. no 317 (QL), aux paragraphes 13 et 14; Uthayakumar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 90, [2006] A.C.F. no 107 (QL), au paragraphe 32; J.B. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1720, [2004] A.C.F. no 2094 (QL), aux paragraphes 23 à 25; Arroyo c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 260, [2006] A.C.F. no 342 (QL), au paragraphe 20; Hailu c. Canada (Procureur général), 2005 CF 229, [2005] A.C.F. no 268 (QL), au paragraphe 12; Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 614, [2003] A.C.F. no 805 (QL), au paragraphe 56.)

 

  • [20] Le pouvoir discrétionnaire que peut exercer un agent de renvoi est très limité et de toute façon, il se limite au moment de l’exécution d’une mesure de renvoi. En décidant du moment où les « circonstances permettent » d’exécuter une mesure de renvoi, l’agente chargée du renvoi peut tenir compte de divers facteurs comme la maladie, d’autres raisons à l’encontre du voyage et, peut-être, dans le cas d’affaires qui ont été présentées en temps opportun, mais qui n’ont pas encore été réglées.

 

  • [21] En l’espèce, toutefois, la deuxième demande pour motifs d'ordre humanitaire n’a pas été présentée en temps opportun. Les demandeurs savent depuis le jour où ils ont dépassé leur durée de séjour et au plus tard, depuis juin 2005, lorsqu’ils ont reçu la mesure d’exclusion, qu’ils étaient clairement exposés au risque de renvoi du Canada. Mais ils ont quand même attendu jusqu’en mars 2007 (voilà trois mois seulement), alors que le renvoi était essentiellement imminent, pour présenter une deuxième demande pour motifs d’ordre humanitaire. Ils ont plutôt choisi de retenir les services d’une entreprise qui tentait en vain de régulariser le statut de leurs divers clients en fonction de modifications éventuelles aux politiques sur l’immigration, qui n’ont jamais été adoptées par le gouvernement précédent ou actuel. Un demandeur ne devrait pas pouvoir nuire à son renvoi en attendant essentiellement jusqu’à la dernière minute pour présenter une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. (Maharaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 509, [2001] A.C.F. no 786 (QL), au paragraphe 5; Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 936 (C.F.1re inst.) (QL).)

 

  • [22] Comme le juge Richard Mosley l’a récemment déclaré dans Chavezc. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 830, [2006] A.C.F. no 1059 (QL) :

[18]   Le pouvoir discrétionnaire d’un agent chargé de l’expulsion se limite à l’étude des circonstances personnelles impérieuses qui pourraient empêcher l’exercice de l’obligation du ministre de faire exécuter la Loi. Le paragraphe 48(2) précise que « [l]’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent ». L’agent n’a aucune obligation de reporter le renvoi en l’attente de l’issue d’une demande pour motifs d’ordre humanitaire. Le fait de conclure autrement, comme le juge Simon Noël l’a fait remarquer, « permettrait effectivement aux demandeurs de surseoir automatiquement et unilatéralement à l’exécution de mesures de renvoi émises en toute validité comme bon leur semble en présentant la demande appropriée. Ce n’est évidemment pas l’issue escomptée par le législateur » : Francis v. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 31, au paragraphe 2 (T.D.) (QL).

 

 

  • [23] De plus, l’article 50 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), établit les circonstances dans lesquelles, par application d’une loi, il y a sursis d’une mesure de renvoi. Le législateur aurait pu prévoir un sursis lorsqu’une demande pour motifs d'ordre humanitaire est déposée, mais il a choisi de ne pas le faire. L’article 48 est aussi très clair par rapport au devoir de renvoyer dès que les circonstances le permettent.

 

  • [24] Les demandeurs ont tenté d’excuser aux yeux de l’agent leur omission de présenter plus tôt une deuxième demande pour motifs d’ordre humanitaire. Les demandeurs ont aussi indiqué que, plutôt que de présenter une deuxième demande pour motifs d’ordre humanitaire, ils « sont devenus clients enregistrés de Worker Canada, qui se fiait aux promesses et aux déclarations de ministres de l’Immigration futurs pour obtenir un statut pour leurs clients. » L’avocat indique que [TRADUCTION] « les ministres ne se sont pas conformés aux déclarations et promesses... » (Lettre demandant un report de renvoi, affidavit de Salima Sajan, pièce « C ».)

 

  • [25] Pour ce qui est de l’assertion des demandeurs selon laquelle ils se seraient fiés à des déclarations et promesses prétendument faites par un ancien ministre, il y a, chaque année, des déclarations sur d’éventuels changements aux plans et politiques en matière d’immigration. Certaines d’entre elles, sous une forme quelconque, sont occasionnellement adoptées par le gouvernement, alors que bon nombre d’autres ne le sont pas. Qui plus est, il n’y avait pas de moratoire sur le renvoi de personnes se trouvant dans la position des demandeurs, mais il y en a un maintenant. Le Parlement a été dissous en novembre 2005 et le gouvernement actuel a été élu en janvier 2006. Le demandeur n’a offert aucun fondement ou motif justifiant le fait de ne pas avoir présenté une nouvelle demande pour motifs d’ordre humanitaire immédiatement après la venue au pouvoir du gouvernement actuel, voilà plus d’un an, préférant plutôt d’attendre jusqu’au dernier moment, juste avant de recevoir une décision défavorable à l’ERAR.

 

  • [26] Ce dont notre Cour est saisie, c’est seulement et uniquement le refus de l’agente de reporter le renvoi, conformément aux limites de son pouvoir discrétionnaire en vertu de la LIPR et tel que décrit par le juge Mosley dans Chavez, précité.

 

Les demandeurs allèguent l’incompétence de leur avocat malgré leur assertion contraire

 

  • [27] Les demandeurs affirment qu’ils n’allèguent pas avoir reçu une représentation inefficace. Ils maintiennent plutôt que les mesures prises pour leur compte par Worker Canada découlent de déclarations provenant prétendument du bureau d’un ministre. Contrairement à leurs assertions, les demandeurs allèguent en fait qu’ils ont eu droit à une représentation inadéquate ou négligente, comme la preuve indique qu’ils l’ont fait depuis le début. Ils allèguent s’être fiés aux actions et aux assurances d’un tiers qui les représentait (en l’occurrence l’avocat de Worker Canada) qui se fiait prétendument aux déclarations d’un ancien ministre sur d’éventuels changements au régime d’immigration du Canada. De plus, les observations que l’avocat a présentées à l’agente en vue d’obtenir le report du renvoi déclarent explicitement que la raison pour laquelle les demandeurs n’ont pas présenté leur deuxième demande pour des motifs d’ordre humanitaire bien avant était qu’ils avaient reçu ce qu’ils considèrent maintenant comme étant des conseils juridiques inadéquats. Voici, en partie, le contenu des lettres :

[traduction]

Les demandeurs prétendent qu’ils auraient présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qui aurait été en attente pendant très longtemps, s’ils n’avaient pas reçu de conseils juridiques qu’ils considèrent maintenant comme ayant été inadéquats. La Cour fédérale du Canada a permis l’annulation d’une décision pour allégations de négligence de la part d’un avocat.

(Soulignement ajouté.)

 

(Lettre datée du 25 mai 2007 demandant le report d’une mesure de renvoi, affidavit de Salima Sajan, pièce « C ».)

 

  • [28] De même, dans les observations concernant les demandes pour motifs d’ordre humanitaire aux pages 37 et 38 de la [TRADUCTION] « preuve supplémentaire », les demandeurs disent s’être fiés à l’avocat Richard Boraks, qu’il leur a menti, refusait de retourner leurs appels et était saoul lors de leur dernière rencontre avec lui, à une date non précisée.

 

  • [29] Il ressort clairement de la jurisprudence qu’un demandeur est tenu responsable du conseiller qu’il choisit et, en outre, que des allégations d’incompétence professionnelle ne seront entendues que si elles s’accompagnent d’une preuve corroborante. Une telle preuve revêt habituellement la forme d’une réplique de l’avocat en question à l’allégation ou celle d’une plainte auprès du barreau compétent. En l’espèce, les demandeurs ont fait une prétention sans fournir à l’appui une preuve quelconque. Le défaut de donner avis et de donner l’occasion de répliquer à un avocat dont le professionnalisme est contesté suffit pour rejeter toutes les allégations d’incompétence, d’action fautive ou de prévarication. (Nunez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2000) 189 FTR 147, [2000] A.C.F. no 555 (QL), au paragraphe 19; Geza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2004) 257 FTR 114, [2000] A.C.F. no 1401 (QL), Shirvan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005CF 1509, [2005] A.C.F. no 1864 (QL), au paragraphe 32; Nduwimana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1387, [2005] A.C.F. no 1736 (QL); Chavez, précité)

 

  • [30] Surtout, les demandeurs ont choisi librement de devenir les clients de Worker Canada plutôt que de présenter une nouvelle demande pour motifs d’ordre humanitaire. Cela ne change en rien, cependant, le fait qu’ils faisaient l’objet d’une mesure de renvoi. Comme l’a noté l’agente :

[traduction]

... Je suis convaincue que M. et Mme Vieira comprenaient qu’ils devaient présenter une demande pour des motifs d’ordre humanitaire pour régulariser leur statut. Il est malheureux qu’ils soient devenus clients inscrits de Worker Canada plutôt que de faire une demande pour motifs d’ordre humanitaire. La correspondance de Worker Canada et Richard Boraks indiquait clairement que l’objectif principal de Worker Canada était d’obtenir un statut pour leurs clients. Le fait que Worker Canada se fiait à d’éventuels changements dans la politique sur l’immigration pour régulariser le statut de ses clients ne change rien au fait que M. et Mme Vieira étaient toujours visés par des mesures de renvoi et devaient régulariser leurs statuts pour demeurer au Canada.(Soulignement ajouté.)

 

(Notes au dossier, dossier du demandeur, pages 11 et 12.)

 

  • [31] Les demandeurs reconnaissent tout ce à quoi ils avaient sciemment participé, nonobstant tous les signes et les renseignements contraires. Cela comprenait le fait d’avoir été avisés, à au moins deux reprises, en juin 2005, après le rejet de la première demande pour motifs d’ordre humanitaire, lorsqu’on les a avisés au sujet du départ volontaire (et qu’une mesure d’exclusion a été prise contre eux), et lorsqu’on leur a offert la possibilité de présenter un ERAR en 2006. De plus, outre l’importante et exhaustive couverture médiatique du renvoi de travailleurs sans papiers au début de 2006, y compris une lettre de M. Boraks datée du 9 mars et indiquant clairement aux clients de Worker Canada que des renvois de « travailleurs sans papiers » étaient en cours. (Preuve supplémentaire du demandeur, à la page 22.)

 

  • [32] Les demandeurs avaient le droit de faire le choix qu’ils ont fait. Toutefois, leur tentative de régulariser leur statut ne devrait pas entraver ou nuire au devoir du ministre d’appliquer les dispositions de la LIPR, y compris celles portant sur l’application et les renvois. Dans Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 RCS 560, une majorité de la Cour suprême du Canada a statué que la tentative d’un demandeur de normaliser ou régulariser son séjour au Canada ne devait pas entraver ou nuire à l’application des dispositions de la Loi sur l’immigration de l’époque, L.R.C. 1985, ch. I-2. Ce raisonnement s’applique avec autant de force à la LIPR.

 

  • [33] Il n’existe aucun fondement juridique pour l’assertion des demandeurs selon laquelle il existe une relation fiduciaire entre une personne sans statut au Canada et le gouvernement canadien, selon des déclarations prétendument faites par un ministre de l’ancien gouvernement concernant d’éventuelles ou potentielles modifications au système d’immigration canadien. Ni l’ancien gouvernement ni le gouvernement actuel n’ont adopté de lois, de règles ou de règlements à l’égard de telles prétendues déclarations. Les demandeurs n’ont démontré aucun fondement juridique pour leurs assertions. L’assertion des demandeurs, renvoyant de façon sélective à des instances concernant l’obligation fiduciaire dans un contexte autre que l’immigration, n’en fait pas une réalité. (L’exception se trouve dans Medawatte, précité, mais il s’agit là d’une question de négligence de l’avocat dans un contexte très différent de celui en l’espèce, comme mentionné aux paragraphes 27 à 33, inclusivement.)

 

  Pour ce qui est de la notion d’obligation fiduciaire, j’ai accordé beaucoup d’importance à la jurisprudence suivante, dont on trouve des extraits ci-dessous :

[6]   À mon avis, la présente action semble fondée uniquement sur la négligence. L’avocat du demandeur a tenté, dans son argumentation, de faire valoir qu’il y avait eu manquement aux obligations de fiduciaire. Or, non seulement un tel manquement n’a pas été allégué et ne peut, de ce fait, être invoqué maintenant, mais, à mon avis, le demandeur n’a exposé aucun fait pouvant étayer une telle prétention. Le demandeur n’a pas démontré qu’il était particulièrement vulnérable, et les éléments dont je dispose indiquent assez clairement que, peu de temps après son arrivée au Canada, le demandeur a obtenu de l’aide juridique et des avis juridiques. Selon moi, bien qu’il soit exact que les différentes catégories d’obligations de fiduciaire ne sont pas limitées, celles-ci n’incluent pas les obligations que les agents de l’Immigration ont à l’égard des immigrants qui sont en mesure d’obtenir de l’aide juridique lorsqu’ils traitent avec le ministère et qui obtiennent effectivement une telle aide.

 

(Farzam, précité.)

 

Il nous faut remarquer que, de façon générale, il n’existe d’obligations de fiduciaire que dans le cas d’obligations prenant naissance dans un contexte de droit privé. Les obligations de droit public dont l’acquittement nécessite l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ne créent normalement aucun rapport fiduciaire...

 

(Guérin, précité.)

 

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

  • [34] Si notre Cour conclut qu’il existe une question sérieuse, les demandeurs doivent toujours étayer leur requête d’éléments de preuve clairs et convaincants établissant un préjudice irréparable. Le préjudice irréparable est un critère très rigoureux dans le cadre duquel on doit démontrer la probabilité sérieuse que la vie ou la sécurité des demandeurs est menacée. De plus, le préjudice irréparable ne doit pas être hypothétique ou reposer sur une série de possibilités. En l’espèce, il n’y a aucune preuve claire et non conjecturale que le fait que les demandeurs vont être expulsés fera subir un préjudice irréparable à quiconque. (Grant c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 141, [2002] A.C.F. no 191 (QL); Mikhailov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 642 (QL); Kazmic. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), document no IMM-2126-04, (16 mars 2004) (T.D.).)

 

  • [35] Pour démontrer que le préjudice allégué est irréparable, les demandeurs doivent démontrer que le préjudice se produirait entre le refus de leur demande de sursis et la décision favorable concernant leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire ou, subsidiairement, à tout moment suivant une décision dans le cadre de cette demande. (Bandzar c. (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 772 (C.F.1re inst.) (QL); Ramirez-Perez c. (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 724 (C.F.1re inst.) (QL).)

 

Allégations de risque déjà considérées par un agent d’ERAR et rejet de la demande d’ERAR

 

  • [36] Les demandeurs allèguent qu’ils craignent de retourner au Brésil. Cependant, ces mêmes allégations de risque ont déjà été évaluées par un agent d’ERAR, qui a conclu qu’ils n’étaient pas en danger s’ils retournaient au Brésil. Ils n’ont pas demandé l’autorisation de contester la décision découlant de l’ERAR et le délai pour le faire est maintenant passé. Par conséquent, comme l’unique fondement d’un préjudice irréparable a déjà été considéré et rejeté, les demandeurs n’ont pas démontré de préjudice irréparable. (Décision issue de l’ERAR, affidavit de Salima Sajan, pièce « A ».)

 

 

Les conséquences intrinsèques du renvoi ne constituent pas un préjudice irréparable

  • [37] La Cour d’appel fédérale a statué qu’un préjudice irréparable représente quelque chose de plus grave que les regrettables difficultés auxquelles va donner lieu une séparation familiale. Comme l’a dit le juge John Maxwell Evans dans Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, [2004] A.C.F. no 1200 (QL) :

[13]   Le renvoi de personnes qui sont demeurées au Canada sans statut bouleversera toujours le mode de vie qu’elles se sont donné ici. Ce sera le cas en particulier de jeunes enfants qui n’ont aucun souvenir du pays qu’ils ont quitté. Néanmoins, les difficultés qu’entraîne généralement un renvoi ne peuvent à mon avis constituer un préjudice irréparable au regard du critère exposé dans l’arrêt Toth, car autrement il faudrait accorder un sursis d’exécution dans la plupart des cas dès lors qu’il y aura une question sérieuse à trancher :

 

(On mentionne aussi Lewis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1271, [2003] A.C.F. no 1620 (QL), au paragraphe 9; Aquila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 36 (T.D.) (QL), au paragraphe 12; Wang, précité, au paragraphe 48; Frankowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 935 (T.D.) (QL), au paragraphe 7.)

 

  • [38] Un préjudice irréparable doit être quelque chose de plus que les conséquences intrinsèques de l’expulsion. Comme le juge Pelletier l’a dit dans Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 403 (T.D.) (QL) :

[21] ...pour que l’expression « préjudice irréparable » conserve un peu de sens, elle doit correspondre à un préjudice au-delà de ce qui est inhérent à la notion même d’expulsion. Être expulsé veut dire perdre son emploi, être séparé des gens et des endroits connus. L’expulsion s’accompagne de séparations forcées et de cœurs brisés.

 

 

  • [39] La Cour d’appel fédérale a cité Selliah et Melo et approuvées dans Atwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 427, [2004] A.C.F. no 2118 (QL), et réitéré qu’une « suite de possibilités » et que les « conséquences habituelles d’une expulsion » sont insuffisantes pour justifier un sursis :

[14]   La notion de préjudice irréparable doit comporter plus qu’une simple suite de possibilités. Il appartient à l’appelant de prouver que le recours extraordinaire qu’est un sursis d’exécution d’une mesure de renvoi est justifié.

[16]   Le préjudice irréparable allégué par l’appelant en ce qui concerne la perte de son emploi et la séparation d’avec sa famille est inhérent aux conséquences habituelles d’une expulsion. Il ne s’agit pas d’un des préjudices irréparables prévus par le critère à trois volets relatif à l’octroi d’un sursis.

(Soulignement ajouté.)

 

Une demande pour motifs d’ordre humanitaire pendante ne constitue pas un préjudice irréparable.

  • [40] Notre Cour a conclu à plusieurs reprises qu’une demande pour motifs d’ordre humanitaire pendante ne constitue pas un préjudice irréparable. Une personne peut présenter une demande pour motifs d’ordre humanitaire aussi souvent qu’elle le souhaite, en tout temps. Si une demande pour motifs d’ordre humanitaire pendante pouvait être décrite comme constituant un préjudice irréparable, on pourrait alors sans cesse présenter des demandes pour motifs d’ordre humanitaire et ainsi reporter indéfiniment son renvoi. Ce n’est pas là l’intention de la loi ou du législateur et ces demandeurs ne devraient pas pouvoir reporter leur renvoi parce qu’ils ont choisi de présenter une demande pour motifs d’ordre humanitaire lorsque leur renvoi était imminent. La demande pour motifs d’ordre humanitaire sera traitée et, si la décision est favorable, ils pourront revenir au Canada après leur renvoi. (Gakou c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1267, [2005] A.C.F. no 1528 (QL).)

 

  • [41] Les demandeurs n’ont pas réussi à établir une véritable possibilité de préjudice irréparable. Ils n’ont présenté leur deuxième demande pour motifs d’ordre humanitaire que tout récemment, elle sera traitée après leur renvoi, et la crainte déclarée de retour a été minutieusement examinée par l’agent d’ERAR, qui l’a rejetée. En l’absence de preuves précises de préjudice irréparable, le deuxième élément du critère en trois volets n’a pas été rempli.

 

PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

  • [42] Si la personne qui demande un sursis d’exécution n’établit pas qu’elle subira un préjudice irréparable en cas de refus du sursis qu’elle demande, la prépondérance des inconvénients militera en faveur de la décision de ne pas surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi, parce qu’un tel sursis sera présumé causer un préjudice irréparable à l’intérêt public. (Hill c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans (17 mars 2000) T -284-00 (C.F.1re inst.). Dugonitsch c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 320 (C.F.1re inst.) (QL).)

 

  • [43] De plus, la prépondérance des inconvénients ne découle pas automatiquement d’une conclusion qu’il existe une question sérieuse à trancher et un préjudice irréparable. La Cour suprême du Canada a statué que chaque partie du critère à trois volets doit être prouvée individuellement. Dans une décision récente de la présente Cour, le juge Conrad von Finckenstein a affirmé : « Sans commenter le bien-fondé de la cause du demandeur, la Cour est d’avis de rejeter la présente demande parce que le demandeur n’a pas satisfait au volet [...] relatif à la prépondérance des inconvénients... » (Dasilao c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1168, [2004] A.C.F. no 1410 (QL), au paragraphe 4.)

 

  • [44] Dans Dugonitsch, le juge Andrew MacKay a énoncé les facteurs dont il faut tenir compte dans l’évaluation de la prépondérance des inconvénients :

Cet intérêt public appuie le maintien des programmes prévus par la loi et des efforts de ceux qui sont chargés de les appliquer. C’est seulement dans des cas exceptionnels que l’intérêt du particulier, qui, selon la preuve, pourrait subir un préjudice irréparable, l’emportera sur l’intérêt public. Il ne s’agit pas, en l’espèce, d’un tel cas exceptionnel.

(On mentionne aussi Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, au paragraphe 146).

 

  • [45] Les inconvénients que les demandeurs pourraient subir par suite de leur renvoi du Canada ne l’emportent pas sur l’intérêt public qu’il y a à exécuter les mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent conformément au paragraphe 48(2) de la LIPR. L’obligation du ministre en vertu du paragraphe 48(2) de la LIPR n’est pas simplement une question de commodité administrative, il s’agit plutôt de l’intégrité et de l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système.

 

Paragraphe 48(2) de la LIPR

  • [46] Chaque année, notre Cour est saisie de centaines de demandes de sursis. Même s’ils sont ici illégalement, bon nombre de demandeurs sont des personnes assidues, respectueuses de la loi, qui sont ici tout simplement dans le but d’améliorer leurs vies et celles de leurs familles. Néanmoins, afin de respecter le système d’immigration et la loi, la Cour est tenue de rejeter la plupart des requêtes présentées par ces candidats immigrants. Rejetant une requête en sursis d’exécution, la Cour d’appel fédérale écrivait ce qui suit dans Selliah, précité :

[21]   L’avocate des appelants dit que, puisque les appelants n’ont aucun casier judiciaire, qu’ils ne sont pas une menace pour la sécurité et qu’ils sont financièrement établis et socialement intégrés au Canada, l’équilibre des inconvénients milite en faveur du maintien du statu quo jusqu’à l’issue de leur appel.

[22]   Je ne partage pas ce point de vue. Ils ont reçu trois décisions administratives défavorables, qui ont toutes été confirmées par la Cour fédérale. Il y a bientôt quatre ans qu’ils sont arrivés ici. À mon avis, l’équilibre des inconvénients ne milite pas en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement, ni en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de l’obligation du ministre de les renvoyer dès que les circonstances le permettront : voir le paragraphe 48(2) de la LIPR. Il ne s’agit pas simplement d’une question de commodité administrative, il s’agit plutôt de l’intégrité et de l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système.

CONCLUSION

  • [47] Pour tous les motifs précités, la requête en sursis à la mesure de renvoi est rejetée.


 

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis à la mesure de renvoi soit rejetée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER   : IMM-2277-07

 

INTITULÉ   : JEFFERSON VIEIRA,

  MARCIA LIMA VIEIRA c.

  LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

  ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :   Le 13 juin 2007

PAR TÉLÉCONFÉRENCE :

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  JUGE SHORE

 

DATE :  Le 14 juin 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Joel Etienne

 

POUR LES DEMANDEURS

Me David Joseph

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER 

 

JOELLE ETIENNE

Barrister and Solicitor

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

JOHN H. SIMS, Q.C.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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