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Date : 20070606

Dossier : T-1776-06

Référence : 2007 CF 609

Calgary (Alberta), le 6 juin 2007

En présence du juge Blanchard

 

ENTRE :

IRENE GJERNES

demanderesse

 

et

 

 

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

1.         Introduction

[1]               La demanderesse, Irene Gjernes, demande le contrôle judiciaire d’une décision défavorable rendue le 6 septembre 2006 par le ministre du Revenu national (le ministre) en vertu du paragraphe 220(3.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi). La décision rejetait la demande d’équité de deuxième niveau de la demanderesse pour le dépôt tardif d’un choix en vertu du paragraphe 45(2) l’autorisant à désigner son habitation comme sa résidence principale.

 

[2]               La demanderesse est une veuve de 87 ans qui s’est installée dans une maison de soins infirmiers en 2001. De 2001 à 2004, son habitation a été mise en location. Elle a engagé un « spécialiste des impôts » pour faire sa déclaration d’impôt. Celui‑ci a, par erreur, omis de faire le choix en vertu du paragraphe 45(2) dans la déclaration de 2000. Ce choix aurait permis de désigner la propriété comme résidence principale et, par conséquent, d’éviter à la demanderesse des impôts sur les gains en capital associés à sa vente. Lorsqu’elle s’est rendue compte de l’erreur, la demanderesse a pris des mesures pour la corriger. Elle a aussitôt produit un choix tardif en vertu du paragraphe 45(2).

 

2.         La décision contestée

[3]               La demande de la demanderesse a été rejetée au premier examen, et, à sa demande, un deuxième examen a été effectué. Le 17 juillet 2006, l’auteur d’un rapport d’équité sur le deuxième examen a recommandé de rejeter la demande. La recommandation a été acceptée par le ministre, et, dans une lettre datée du 6 septembre 2006, les motifs suivants ont été communiqués à la demanderesse : 

a)         Le choix proposé par le paragraphe 45(2) a été rejeté en vertu du paragraphe 45(4) de la Loi parce que la demanderesse avait réclamé une déduction pour amortissement (DPA) en 2000 et 2003.

 

b)        La demanderesse n’avait pas fourni de renseignements justificatifs « répondant de façon satisfaisante » à des situations décrites au paragraphe 10 du document IC92-1 intitulé Lignes directrices concernant l'acceptation des choix tardifs, modifiés ou révoqués (les « Directives »).

 

c)         Selon le dossier, il était raisonnable de conclure que la demanderesse avait fait la demande à des fins de planification fiscale rétroactive (par. 11 des Directives).

 

[4]               La défenderesse reconnaît que la décision contient une erreur de droit du fait qu’elle a conclu que le paragraphe 45(4) de la Loi s’applique à l’interdiction d’un choix tardif en vertu du paragraphe 45(2), parce qu’une DPA avait été déduite. Le paragraphe 45(4) ne s’applique qu’au paragraphe 45(3). Par conséquent, la défenderesse estime que la décision devrait être annulée et renvoyée au ministre. Elle fait valoir que c’est là la seule solution possible pour la demanderesse dans les circonstances.

 

[5]               La demanderesse, de son côté, semble vouloir plus. Dans ses observations écrites, elle demande également que la Cour lui permette de déposer son choix de résidence principale en vertu du paragraphe 45(2) et d’en obtenir les avantages avec dépens. 

 

[6]               Le renvoi d’une demande par la Cour à un décideur avec instructions visant un résultat défini est un recours accordé « dans des circonstances exceptionnelles ». Voir Simmonds c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2006 CF 130, [2006] F.C.J. no 184 (QL) et Rafuse c. Canada (Commission d’appel des pensions) 2002 CAF 31; [2002] F.C.J. no 91 (QL). Il n’existe pas en l’espèce de circonstances extraordinaires. Le dossier de la demande ne révèle pas de pure question de droit qui réglerait l’affaire, pas plus qu’une question de droit qui serait fondée sur des preuves non controversées et des faits acceptés, ni des éléments manifestement concluants ne pouvant donner lieu qu’à une seule conclusion possible. L’espèce suppose une évaluation des éléments de preuve factuels. Par conséquent, le recours demandé par la demanderesse ne peut lui être accordé.

 

[7]               Dans son plaidoyer oral, la demanderesse a invité la Cour à tenir compte de ses arguments à l’égard des deux autres motifs prononcés par le décideur pour rejeter la demande au deuxième niveau. Essentiellement, la demanderesse estime que le ministre n’a pas correctement appliqué les Directives et a commis une erreur en concluant qu’elle n’avait pas fourni de renseignements étayant des situations prévues dans les Directives. Elle considère que le ministre n’a pas tenu compte de faits importants versés au dossier concernant les Directives et qu’il a eu tort de lui demander de « répondre de façon satisfaisante » à des situations prévues dans les Directives, alors que tout ce qui est juridiquement exigible est de prendre des mesures raisonnables pour respecter la loi. Enfin, la demanderesse fait valoir qu’il était déraisonnable pour le ministre de conclure qu’elle avait fait cette demande à des fins de planification fiscale rétroactive (par. 11 des Directives). Elle n’est pas d’accord avec la conclusion, estimant qu’elle n’est étayée par aucun élément de preuve et qu’elle n’est tout simplement pas plausible.

 

[8]               L’erreur de droit concédée par la défenderesse règle la question. Il n’est donc pas nécessaire de conclure sur les autres arguments de la demanderesse. Cependant, lorsqu’un autre délégué ministériel examinera la demande, il pourra trouver utiles les observations suivantes. Pour ce qui est des conclusions de fait du ministre, la Cour n’est pas habilitée, lorsqu’elle procède à un contrôle judiciaire, à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui du ministre. La Cour ne peut intervenir et annuler une décision discrétionnaire que si son auteur était de mauvaise foi, a délibérément écarté des faits utiles ou a tenu compte de faits sans rapport, ou que si la décision est contraire à la loi. Je ne commenterai pas le caractère raisonnable des conclusions de fait du ministre, mais je tiens à exprimer le souci suivant. En demandant à la demanderesse de produire des renseignements « répondant de façon satisfaisante » à des situations décrites au paragraphe 10 des Directives, le ministre a peut‑être fait peser sur la demanderesse un fardeau plus lourd, en l’occurrence, que ce que suppose le droit. Il faut se rappeler que les Directives sont un guide favorisant la cohérence des décisions. Les situations qui y sont décrites ne sont pas censées être exhaustives et ne doivent pas servir à limiter l’esprit ou l’intention de la loi. L’adoption des dispositions relatives à l’équité vise à lever certaines dispositions de la Loi pouvant donner lieu à des difficultés excessives en raison de la complexité des règles fiscales et des questions procédurales associées à la contestation des cotisations fiscales.

 

[9]               Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision du ministre rejetant la demande d’équité de la demanderesse pour le dépôt tardif d’un choix en vertu du paragraphe 45(2) pour lui permettre de désigner son habitation comme résidence principale sera annulée. L’affaire sera renvoyée à un autre délégué ministériel, qui tiendra compte des présents motifs.

 

[10]           La demanderesse n’aura droit à des dépens qu’au titre des services évaluables exécutés et des dépenses engagées jusqu’à la date de notification de l’offre de règlement de la défenderesse.

 


 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE  :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du ministre rejetant la demande d’équité de la demanderesse pour le dépôt tardif d’un choix en vertu du paragraphe 45(2) pour lui permettre de désigner son habitation comme résidence principale est annulée.

 

2.        L’affaire est renvoyée à un autre délégué ministériel, qui tiendra compte des présents motifs.

 

3.         La demanderesse n’a droit à des dépens qu’au titre des services évaluables exécutés et des dépenses engagées jusqu’à la date de notification de l’offre de règlement de la défenderesse.

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1776-06

 

INTITULÉ :                                      IRENE GJERNES

c.

AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 4 JUIN 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 ET ORDONNANCE :                     LE JUGE BLANCHARD

 

DATE :                                              LE 6 JUIN 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kevin C. Mellor                                  POUR LA DEMANDERESSE

 

Belinda Schmid                                  POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mellor Law Firm                                 POUR LA DEMANDERESSE

Regina (Saskatchewan)

 

John H. Sims, c.r.                                POUR LA DÉFENDERESSE

Sous‑procureur général du Canada

 

 

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