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Date : 20070529

Dossier : T-1559-05

Référence : 2007 CF 565

Ottawa (Ontario), le 29 mai 2007

En présence de monsieur le juge De Montigny

 

ENTRE :

 

LINCOLN DOBSON, EN SA QUALITÉ D’EXÉCUTEUR

DE LA SUCCESSION DE SON PÈRE, WAYNE DOBSON

 

demandeur

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée par Lincoln Dobson en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, en vue d’obtenir le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le ministre du Revenu national (le ministre) a refusé une demande présentée par M. Dobson en vertu des « dispositions d’équité » du paragraphe 220 (3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch.1, en vue d’obtenir l’annulation des frais d’intérêt sur la succession de son père pour les années d’imposition 1985 à 1990 et 1992.

 

APERÇU

[2]               Wayne Dobson était le père de Lincoln Dobson. Pendant sept des huit années d’imposition comprises entre 1985 et 1992, il n’a pas payé d’impôt. Il n’a fait aucun versement volontaire à l’Agence du revenu du Canada (ARC) après 1990. En 1993, sa dette fiscale accumulée s’élevait à 51 148 $. Il semble que cette dette était constituée principalement d’intérêts, bien qu’il n’ait jamais été possible d’en déterminer la proportion exacte.

 

[3]               En 1995, Wayne Dobson a subi une crise cardiaque. Au cours des années suivantes, il a été hospitalisé à maintes reprises et n’était plus en mesure de travailler. En 1996, Sa Majesté a suspendu les mesures de recouvrement de sa dette fiscale en raison de son mauvais état de santé, mais les intérêts ont continué à courir sur le solde impayé. Sa Majesté a radié le solde de 51 148 $ en février 1996 [traduction] « pour cause d’incapacité de payer ».

 

[4]               En 1997, on a diagnostiqué un cancer chez Wayne Dobson. Il est décédé en octobre 1998. Il avait une voiture d’occasion évaluée à 200 $ et quelques biens à son nom.

 

[5]               Les intérêts accumulés sur la dette fiscale impayée de Wayne Dobson pour la période de 1993 à 2002 s’élevaient à 56 294,14 $, de sorte que la dette due par la succession en janvier 2002 se chiffrait à 101 477,46 $. Cette année-là, une partie des biens de Wayne Dobson a été vendue. Sa Majesté a saisi 77 544,73 $ à la suite de cette vente et a affecté cette somme au remboursement des montants qu’elle avait auparavant radiés.

 

[6]               Par lettre datée du 5 juillet 2002, M. Dobson a demandé au ministre d’annuler les frais d’intérêt pour les années d’imposition 1985, 1986, 1987, 1988, 1989, 1990 et 1992. Dans sa demande, il signalait plusieurs faits à l’attention du ministre, notamment l’état de santé de Wayne Dobson avant son décès, les circonstances ayant conduit Wayne Dobson à ne pas produire de déclaration de revenus après 1996 et des motifs de commisération. Dans les derniers paragraphes de sa demande, le représentant de M. Dobson expliquait qu’il n’avait [traduction] « jamais entendu parlé d’un cas comme celui-ci, où les enfants n’ont reçu absolument rien de la succession de leur père ». Il demandait que chacun des enfants de Wayne Dobson [traduction] « se voit verser au moins 10 000 $ du produit récupéré par Sa Majesté ou toute autre somme plus élevée, selon que vous le jugerez à propos ».

 

[7]               Lorsqu’elle est saisie d’une demande d’équité, l’ARC suit une procédure particulière (affidavit de Brian Thompson, dossier du défendeur, à la page 41). Premièrement, un agent de recouvrement examine la demande et recommande son acceptation ou son rejet. La recommandation de l’agent est ensuite transmise à un comité d’équité de premier palier constitué d’au moins trois chefs d’équipe de la Direction du recouvrement des recettes. Le comité examine la recommandation de l’agent et rend sa décision. Après avoir reçu la décision de l’ARC, le contribuable peut présenter par écrit une demande d’équité au second palier s’il n’est pas d’accord avec la première décision. Lorsqu’une telle demande est reçue, le dossier est confié à l’agent de recouvrement à qui le dossier avait été soumis au premier palier. L’agent examine les nouveaux éléments d’information qui lui sont soumis et formule ses observations au sujet de leur pertinence dans le contexte de la première décision de l’ARC. Le dossier est ensuite déféré au directeur adjoint de la Direction du recouvrement des recettes, qui procède à une révision impartiale et formule une recommandation au directeur du Bureau des services fiscaux au sujet de l’opportunité de faire droit ou non à la demande d’équité de second palier du contribuable. Le directeur examine la demande d’équité et la recommandation du directeur adjoint et prend une décision, qui est ensuite communiquée par écrit au contribuable.

 

[8]               À la suite de cette procédure, l’ARC a adressé à M. Dobson une lettre datée du 22 juillet 2004 l’informant que le ministre avait rejeté sa première demande d’équité. La lettre expliquait que M. Dobson n’avait pas démontré que les frais d’intérêt accumulés sur la succession avaient causé des difficultés financières et qu’il n’avait pas convaincu le ministre que le fait de ne pas hériter constituait une situation extraordinaire au sens des dispositions d’équité.

 

[9]               Par lettre datée du 29 juillet 2004, M. Dobson a présenté une seconde demande d’équité en vue d’obtenir l’annulation des frais d’intérêt de 56 294,14 $. Le directeur adjoint de la Direction du recouvrement des recettes a examiné la demande et a recommandé son rejet. Le directeur a estimé qu’on n’avait pas fait la preuve de l’existence d’une situation extraordinaire et il a ajouté que les difficultés financières qui avaient pu être causées étaient atténuées par la radiation de la dette fiscale de Wayne Dobson en 1995. Se fondant sur cette recommandation, Mme Sandra Brownlee, directrice par intérim du Bureau des services fiscaux de Regina, a refusé la seconde demande d’équité de M. Dobson.

 

[10]           Saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la juge Danièle Tremblay-Lamer a annulé la décision en question. Sa Majesté avait d’ailleurs admis que la décision ne prenait pas en compte tous les facteurs pertinents dans le cas d’une demande d’équité. La seconde demande a par conséquent été renvoyée au ministre pour réexamen sans délai au second palier.

 

[11]           En sa qualité de chef des appels du Bureau des services fiscaux de Regina, Brian Thompson a donné pour instruction à la Section des appels de ce bureau de procéder à un examen indépendant de la seconde demande d’équité de M. Dobson. Dans le cadre de son examen de la demande, la Section des appels a rédigé un exposé des faits. Après avoir réexaminé la demande au second palier conformément à l’ordonnance de la juge Tremblay-Lamer de notre Cour, Brian Thompson a rejeté la seconde demande. Par lettre datée du 1er septembre 2005, il a informé M. Dobson de la décision du ministre. Le 13 septembre 2005, M. Dobson a introduit une demande de contrôle judiciaire de la décision de M. Thompson.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

[12]           Dans sa décision, M. Thompson énumère tous les facteurs dont M. Dobson avait demandé à l’ARC de tenir compte dans sa demande d’équité. Il reconnaît que l’ARC a quelque peu tardé à répondre à M. Dobson, mais ajoute que ce retard n’a pas eu d’incidence sur la capacité de ce dernier de payer les intérêts en souffrance. Il s’est concentré sur la situation de la succession de Wayne Dobson, et non sur celle de Wayne Dobson lorsque sa dette fiscale avait été suspendue, ou sur celle de ses enfants. Ainsi, tout en reconnaissant que Wayne Dobson avait été malade avant son décès, il a estimé que c’était la situation de la succession au moment de la demande d’équité dont il y avait lieu de tenir compte. Il y avait dans la succession suffisamment d’argent pour rembourser les intérêts dus et il n’était pas inusité pour l’ARC de recouvrer pareille créance en procédant à une saisie des années plus tard, lorsque des biens étaient vendus.

 

[13]           M. Dobson avait par ailleurs soutenu que les frais d’intérêt absorbaient une partie importante des versements. M. Thompson a rejeté cet argument parce que ni M. Dobson ni la succession de son père n’avait effectué de versements volontaires après le 1er octobre 1990. Suivant M. Thompson, l’ARC n’envisagera la possibilité de renoncer en tout ou en partie aux intérêts dus par un contribuable que si ce dernier n’est pas en mesure de conclure une entente de paiement qui serait raisonnable parce que les frais d'intérêts sont trop élevés. Dans le même ordre d’idées, il a conclu que le simple fait que des employés de l’ARC avaient informé M. Dobson des dispositions d’équité ne pouvait être interprété comme une incitation à présenter une demande d’équité, et encore moins comme une reconnaissance du bien-fondé de la demande de M. Dobson. Enfin, M. Thompson a rejeté l’allégation que la créance de l’ARC était frappée de prescription en tout ou en partie, étant donné qu’avant le 4 mars 2004, date à laquelle la Loi avait été modifiée pour prévoir un délai de prescription de dix ans, le recouvrement des dettes fiscales n’était assujetti à aucun délai de prescription.

 

[14]           Après avoir passé en revue les arguments soulevés par M. Dobson à l’appui de sa demande, M. Thompson a déclaré ce qui suit :

[traduction]

 

La latitude dont nous disposons en matière d’examen des demandes d’équité se répartit en trois grandes catégories. Nous pouvons faire droit à une demande d’équité pour cause d’incapacité de payer, en raison de l’existence de certaines situations extraordinaires ou lorsque le contribuable a été empêché de faire un paiement dans le délai exigé en raison d’une erreur de l’Agence.

 

Lorsque je tiens compte de ces trois catégories, je ne puis conclure que le paiement des frais d’intérêt a causé des difficultés financières à la succession ou qu’il existe une situation extraordinaire qui a empêché la succession de se conformer à la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

En conclusion, je suis d’avis que la décision de refuser la demande d’équité était fondée et qu’elle était conforme aux politiques de l’Agence.

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

[15]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève trois questions. Premièrement, la Cour doit déterminer la norme de contrôle appropriée. Deuxièmement, M. Dobson soutient que la décision contestée n’a pas été prise de façon impartiale parce qu’elle est calquée sur celle que la juge Tremblay-Lamer a annulée. Troisièmement, la Cour doit se demander si la décision de M. Thompson était raisonnable sur le fond.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[16]           Le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu fait partie de ce qu’on appelle communément les « dispositions d’équité ». Ces dispositions ont été édictées pour permettre au fisc de gérer plus équitablement le régime fiscal « en faisant la place au bon sens dans le traitement des contribuables qui, en raison de leur infortune ou de circonstances échappant à leur volonté, sont incapables de respecter des délais ou de se conformer aux règles propres au régime fiscal », pour reprendre les paroles du juge Paul Rouleau dans la décision Kaiser c. Ministre du Revenu national (1995), 95 DTC 5187, à la page 5188. Voici le texte de ces dispositions :

 

220. (3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

 

220. (3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to 152(5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

 

 

[17]           La circulaire d’information 92-2 fournit aux contribuables des renseignements et des lignes directrices sur la façon dont l’ARC entend appliquer les dispositions d’équité. Les paragraphes qui nous intéressent sont les articles 5, 6 et 7, qui sont ainsi libellés :

5. Il sera convenable d'annuler la totalité ou une partie des intérêts ou des pénalités, ou de renoncer à ceux-ci, si ces intérêts ou ces pénalités découlent de situations indépendantes de la volonté du contribuable ou de l'employeur. Voici des exemples de situations extraordinaires qui pourraient empêcher un contribuable, un agent d'un contribuable, l'exécuteur d'une succession ou un employeur de faire un paiement dans les délais exigés ou de se conformer à d'autres exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu:

 

a) une calamité naturelle ou une catastrophe provoquée par l'homme comme une inondation ou un incendie;

 

b) des troubles civils ou l'interruption de services comme une grève des postes;

 

c) une maladie grave ou un accident grave;

 

d) des troubles émotifs sérieux ou une souffrance morale grave comme un décès dans la famille immédiate.

 

6. L'annulation des intérêts ou des pénalités ou la renonciation à ceux-ci peuvent également être justifiées si ces intérêts ou pénalités découlent principalement d'actions attribuables au Ministère comme dans les cas suivants:

 

a) des retards de traitement, ce qui a eu pour effet que le contribuable n'a pas été informé, dans un délai raisonnable, de l'existence d'une somme en souffrance;

 

b) des erreurs dans la documentation mise à la disposition du public, ce qui a amené des contribuables à soumettre des déclarations ou à faire des paiements en se fondant sur des renseignements erronés;

 

c) une réponse erronée qu'un contribuable ou un employeur a reçue concernant une demande de renseignements comme dans le cas où le Ministère a informé par erreur un contribuable qu'aucun acompte provisionnel n'est nécessaire pour l'année en cours;

 

d) des erreurs de traitement;

 

e) des renseignements fournis en retard comme dans le cas où un contribuable n'a pu faire les paiements voulus d'acomptes provisionnels ou d'arriérés parce qu'il n'avait pas les renseignements nécessaires.

 

7. Il peut être convenable dans des situations où il y a incapacité de verser le montant exigible d'examiner la possibilité de renoncer ou d'annuler la totalité ou une partie des intérêts afin d'en faciliter le recouvrement, par exemple dans les cas suivants:

 

a) lorsque les mesures de recouvrement ont été suspendues à cause de l'incapacité de payer;

 

b) lorsqu'un contribuable ne peut conclure une entente de paiement qui serait raisonnable parce que les frais d'intérêts comptent pour une partie considérable des versements; dans un tel cas, il faudrait penser à renoncer à la totalité ou à une partie des intérêts pour la période où les versements débutent jusqu'à ce que le montant exigible soit payé pourvu que les versements convenus soient effectués à temps.

5. Penalties and interest may be waived or cancelled in whole or in part where they result in circumstances beyond a taxpayer's or employer's control. For example, one of the following extraordinary circumstances may have prevented a taxpayer, a taxpayer's agent, the executor of an estate, or an employer from making a payment when due, or otherwise complying with the Income Tax Act:

 

 

 

 

 

 

(a) natural or human-made disasters such as, flood or fire;

 

 

 

(b) civil disturbances or disruptions in services such as, a postal strike;

 

(c) a serious illness or accident; or

 

(d) serious emotional or mental distress such as, death in the immediate family.

 

 

6. Cancelling or waiving interest or penalties may also be appropriate if the interest or penalty arose primarily because of actions of the Department, such as:

 

 

 

(a) processing delays which result in the taxpayer not being informed, within a reasonable time, that an amount was owing;

 

 

(b) material available to the public contained errors which led taxpayers to file returns or make payments based on incorrect information;

 

 

 

 

(c) a taxpayer or employer receives incorrect advice such as in the case where the Department wrongly advises a taxpayer that no instalment payments will be required for the current year;

 

 

 

 

(d) errors in processing; or

 

(e) delays in providing information such as the case where the taxpayer could not make the appropriate instalment or arrears payments because the necessary information was not available.

 

7. It may be appropriate, in circumstances where there is an inability to pay amounts owing, to consider waiving or cancelling interest in all or in part to facilitate collection. For example,

 

 

 

(a) When collection has been suspended due to an inability to pay.

 

 

(b) When a taxpayer is unable to conclude a reasonable payment arrangement because the interest charges absorb a significant portion of the payments. In such a case, consideration may be given to waiving interest in all or in part for the period from when payments commence until the amounts owing are paid provided the agreed payments are made on time.

 

 

 

ANALYSE

 

[18]           Les parties s’entendent sur la norme de contrôle applicable. Dans l’arrêt Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 153, la Cour d’appel fédérale a adopté la norme de la décision raisonnable dans le cas du contrôle des décisions prises en vertu des dispositions d’équité. Les juges ont par la suite adopté la norme de la décision raisonnable dans les décisions ultérieures suivantes : Nail Centre and Esthetics Salon c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 166; Succession Dort c. Canada (Ministre du Revenu national), 2005 CF 1201; North Vancouver Airlines Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2006 CF 531; Litmar Ltd. c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2006 CF 635).

 

[19]           Ceci étant dit, les questions de partialité et d’équité procédurale ne donnent pas lieu à une analyse de la norme de contrôle. Ces questions doivent toujours être contrôlées en fonction de la norme de la décision correcte. Si le décideur a manqué à ses obligations par la façon dont il a pris sa décision, celle-ci doit alors être annulée (Canada (Procureur général) c. Sketchley, 2005 CAF 404).

 

[20]           Avant d’aborder les arguments de M. Dobson, il faut régler quelques questions préliminaires. Tout d’abord, je suis d’accord avec Sa Majesté pour dire que la seconde décision réexaminée est la seule décision visée par le présent contrôle judiciaire. La décision en question est la décision du ministre qui a été communiquée à M. Thompson dans la lettre du 1er septembre 2005. Bien que M. Dobson conteste divers aspects de la première décision et de la seconde décision initiale, aucune de ces décisions ne fait l’objet du présent contrôle judiciaire. La première décision concernait la première demande d’équité de M. Dobson. Cette décision a fait l’objet d’un autre examen administratif lorsque M. Dobson a présenté sa seconde demande d’équité. La seconde décision a été annulée par la juge Tremblay-Lamer dans son ordonnance du 11 mai 2005.

 

[21]           Je suis également d’accord avec Sa Majesté pour dire que c’est à tort que M. Dobson s’insurge contre le cadre de référence que le ministre a appliqué pour analyser sa demande d’annulation d’intérêts. Dans toutes les lettres qu’il a échangées avec M. Dobson, le ministre a constamment affirmé que le cadre de référence approprié pour analyser le cas de M. Dobson était la situation de la succession en tant que contribuable, et non la situation des bénéficiaires de la succession de son père. M. Dobson, en revanche, est constamment revenu sur la situation de Wayne Dobson et de ses descendants à l’appui de sa demande.

 

[22]           M. Dobson souhaite que l’ARC rembourse les intérêts à la succession de son père, ce qui entraînerait un partage des fonds aux bénéficiaires de la succession. Mais le cadre de référence que le ministre doit appliquer se limite à la situation de la succession. Wayne Dobson a accumulé une dette fiscale considérable avant de tomber grièvement malade en 1995. Il n’a fait aucun versement volontaire pour diminuer sa dette fiscale après 1990. Il n’a jamais demandé l’annulation des intérêts de son vivant. Il avait des biens qui ont été vendus au profit de ses créanciers après sa mort. Bien que la vente des actifs de Wayne Dobson ait pu avoir une incidence sur l’héritage de ses enfants, elle démontre aussi que, grâce à l’administration de sa succession, Wayne Dobson a été en mesure d’éponger une importante partie de sa dette fiscale.

 

[23]           Ceci étant dit, je suis néanmoins d’avis que la décision contestée devrait être annulée. Lorsque la juge Tremblay-Lamer a fait droit à la demande de contrôle judiciaire de la décision initiale du ministre, elle a ordonné que la demande de M. Dobson soit déférée au ministre pour être « réexaminée » au second palier. Elle n’a apporté aucune autre réserve à son ordonnance et elle n’a certainement pas renvoyé la demande au ministre dans le seul but qu’il examine les motifs qui n’avaient pas été examinés dans la première décision. Il semble pourtant que M. Thompson ait littéralement calqué sa décision sur la décision annulée de Mme Brownlee et qu’il en ait copié et collé les divers paragraphes en les insérant sous les rubriques appropriées.

 

[24]           Si les similitudes constatées entre les conclusions tirées par M. Thompson et par Mme Brownlee se limitaient à leur affidavit respectif, je serais d’accord pour dire que les allégations de M. Dobson sont sans fondement. Mais tel n’est pas le cas. Une lecture attentive des deux lettres adressées à M. Dobson révèle que le seul élément qui permet d’établir une distinction entre la décision de M. Thompson et celle de Mme Brownlee sont les rubriques incorporées dans le corps de la lettre, ainsi que quelques paragraphes dans lesquels sont abordés les facteurs qui n’avaient pas été examinés dans la première décision. Il ne s’agissait de toute évidence pas d’un nouveau réexamen.

 

[25]           Lorsqu’une décision discrétionnaire est annulée à la suite d’une demande de contrôle judiciaire et que le dossier est renvoyé à l’auteur de la décision pour qu’il la réexamine, on est en droit de s’attendre à ce que la personne qui prend la seconde décision le fasse avec ouverture d’esprit en se fondant sur une appréciation entièrement nouvelle de l’affaire et de son bien-fondé. Le fait que le second décideur puisse en arriver à la même conclusion que le premier n’est pas en soi problématique, pourvu que la seconde décision soit compatible avec les motifs exposés pour annuler la première décision et que cette décision repose sur une appréciation qui soit véritablement indépendante et nouvelle. Dans le cas qui nous occupe, il est impossible d’avoir cette assurance compte tenu de la similitude troublante qui existe entre les deux décisions et ce, non seulement sur le plan de leur contenu mais aussi sur celui de leur libellé.

 

[26]           Pour ce seul motif, je suis d’avis de faire droit à la demande de contrôle judiciaire et de renvoyer la demande présentée par M. Dobson en vue d’obtenir l’annulation des intérêts pour les années d’imposition 1985, 1986, 1987, 1988, 1989, 1990 et 1992 au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un véritable réexamen.


ORDONNANCE

 

LA COUR ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire et renvoie la demande présentée par M. Dobson en vue d’obtenir l’annulation des intérêts pour les années d’imposition 1985, 1986, 1987, 1988, 1989, 1990 et 1992 au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un véritable réexamen.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-1559-05

 

INTITULÉ :                                                   LINCOLN DOBSON, EN SA QUALITÉ D’EXÉCUTEUR DE LA SUCCESSION DE SON PÈRE WAYNE DOBSON

                                                                        c.

                                                                        PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             REGINA (SASKATCHEWAN)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 17 MAI 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 29 MAI 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Donald Alaistair Kenneth MacLean

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Brooke Sittler

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Donald Alaistair Kenneth MacLean

Regina (Saskatchewan)

 

              POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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