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Date : 20070531

Dossier : T-1593-06

Référence : 2007 CF 559

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

AHMAD SAEED ABDULLAH AL-GHAMDI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

APERÇU

[1]            Les enfants des diplomates étrangers qui sont nés au Canada sont-il des citoyens canadiens du simple fait qu'ils sont nés au Canada? La législation canadienne et le droit international répondent carrément par la négative à cette question.

 

[2]            Ainsi que les deux parties l'ont signalé, la présente affaire est la première du genre à porter sur la contestation de la constitutionnalité de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29, en ce qui concerne les enfants des diplomates étrangers nés au Canada.

[3]            Bien que les circonstances entourant la naissance du demandeur soient immuables, sa qualité d'enfant de diplomate étranger ou de l'équivalent et de personne jouissant de l'immunité diplomatique ne sont pas des caractéristiques qui seraient normalement considérées comme ayant donné lieu à un traitement discriminatoire dans le passé.

 

[4]            Lorsqu'on envisage la question sous cet angle, il est évident que les exigences prévues aux alinéas 3(2)a) et c) de la Loi sur la citoyenneté ne contreviennent pas à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, Annexe B, partie I de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.) 1982 ch. 11 (la Charte). Dans l'arrêt Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, la Cour explique que l'article 15 ne vise pas à éliminer toutes les formes de distinction prévues par la loi mais plutôt à interdire certains types de distinction qui portent atteinte à la dignité humaine essentielle :

(4) En termes généraux, l’objet du par. 15(1) est d’empêcher qu’il y ait atteinte à la dignité et à la liberté humaines essentielles au moyen de l’imposition de désavantages, de stéréotypes ou de préjugés politiques ou sociaux, et de promouvoir une société dans laquelle tous sont également reconnus dans la loi en tant qu’êtres humains ou que membres de la société canadienne, tous aussi capables, et méritant le même intérêt, le même respect et la même considération.

 

[5]            Les seules personnes visées aux alinéas 3(2)a) et c) de la Loi sur la citoyenneté sont les enfants de personnes ayant le statut diplomatique. Il s'agit de personnes qui sont admises sur le territoire canadien dans des circonstances particulières et qui ne sont pas assujetties aux formalités habituelles. Mais surtout, pendant qu'elles se trouvent au Canada, elles bénéficient de toutes les immunités et de tous les privilèges reconnus aux diplomates; dans ce contexte, on ne saurait donc prétendre que ce traitement pourrait porter atteinte à leur « dignité humaine essentielle ».

 

[6]            Qui plus est, comme les exigences prévues aux alinéas 3(2)a) et c) correspondent aux normes du droit international, leur justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

 

[7]            À l'instar de tout autre ressortissant étranger, le demandeur peut présenter une demande de résidence permanente en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), et une fois qu'il remplit les obligations de résidence énoncées à l'article 5 de la Loi sur la citoyenneté, il peut demander la citoyenneté.

 

INTRODUCTION

[8]            La Cour statue sur une demande de contrôle judiciaire de la décision de Passeport Canada de refuser de délivrer un passeport au demandeur au motif qu'il n'est pas un citoyen canadien, contrairement à ce qu'exige le Décret sur les passeports canadiens, TR/81-86.

 

[9]            Le demandeur n'est pas un citoyen canadien étant donné qu'au moment de sa naissance son père était un diplomate étranger ou l'équivalent. Aux termes des alinéas 3(2)a) et c) de la Loi sur la citoyenneté, les enfants de diplomates étrangers n'acquièrent pas la citoyenneté de naissance sur le territoire canadien.

 

[10]        Le demandeur s'est déjà fait délivré un passeport par erreur et avait même été avisé par erreur qu'il était un citoyen canadien de naissance parce qu'il était né en sol canadien. Rien de tout cela ne peut changer le fait que, aux yeux de la loi, il n'est pas un citoyen du Canada et n'a donc pas droit à un passeport canadien.

 

CONTEXTE

[11]        Le demandeur, M. Ahmad Saeed Abdullah Al-Ghamdi, est né à Montréal, au Canada, le 5 septembre 1988. Il est le fils de Saeed Abdullah Al-Ghamdi et de Hind Saeed Al-Ghamdi.

 

[12]        Entre novembre 1987 et octobre 2003, le père du demandeur a représenté son pays, le Royaume d'Arabie saoudite, auprès de l'Organisation de l'aviation civile internationale. Il jouissait en cette qualité du statut diplomatique.

 

[13]        Entre 1994 et 2000, le demandeur a fréquenté l'école au Canada jusqu'en 6e année, avant de retourner vivre en Arabie saoudite avec sa mère.

 

[14]        Entre 2000 et 2006, le demandeur a passé toutes ses vacances d'été au Canada.

 

[15]        En août 2003, les parents du demandeur ont demandé son premier passeport canadien en soumettant son certificat de naissance comme preuve de citoyenneté canadienne.

 

[16]        Le 11 août 2003, en réponse à la question explicite contenue dans le formulaire de demande de passeport déposé par les parents du demandeur quant à savoir si le demandeur était un citoyen canadien, le père du demandeur a déclaré de façon inexacte que son fils avait la citoyenneté canadienne. Le demandeur s'est alors vu délivrer un passeport sur la foi de cette réponse inexacte figurant sur le formulaire de demande.

 

[17]        Entre les mois d'août 2003 et de juillet 2006, le demandeur a parcouru le monde muni d'un passeport canadien. Le 6 juin 2006, le demandeur a reçu de l'ambassade du Canada à Djedda, en Arabie saoudite, une lettre confirmant sa citoyenneté canadienne.

 

[18]        Le 24 juillet 2006, le demandeur s'est fait voler son passeport à Londres, en Angleterre. Il est rentré au Canada avec un certificat de naissance délivré par le Québec comme preuve de citoyenneté canadienne.

 

[19]        Le 26 juillet 2006, le demandeur a signalé le vol de son passeport. Le 1er août 2006, le demandeur a demandé un passeport de remplacement au bureau des passeports de Montréal. Sa demande a été refusée le même jour au motif qu'il n'avait pas droit à un passeport canadien parce qu'il n'était pas un citoyen canadien.

 

[20]        Le 2 août 2006, l'avocat du demandeur a écrit au bureau des passeports d'Ottawa pour réclamer une révision de la décision prise par le fonctionnaire du bureau de Montréal.

 

[21]        Le 24 août 2006, l'avocat du demandeur a reçu du bureau des passeports d'Ottawa une lettre confirmant la décision du 1er août 2006 de refuser de délivrer un passeport.

 

[22]        Le 5 septembre 2006, le demandeur a introduit une demande de contrôle judiciaire de la décision du bureau des passeports au motif que les alinéas 3(2)a) et c) de la Loi sur la citoyenneté portent atteinte au droit à la protection égale de la loi garanti par l'article 15 de la Charte et constituent un empiétement sur la compétence conférée aux provinces par la Loi constitutionnelle de 1867 et plus particulièrement par le paragraphe 92(13) (propriété et droits civils dans la province).

 

QUESTIONS EN LITIGE

[23]           (1)        Passeport Canada a-t-il commis une erreur en refusant de délivrer un passeport canadien au demandeur au motif qu'il n'était pas un citoyen canadien?

(2)        Le fait qu'un passeport canadien a été délivré par erreur au demandeur le 11 août 2003 lui donne-t-il droit à la citoyenneté canadienne ou à un nouveau passeport?

(3)        Le paragraphe 3(2) de la Loi sur la citoyenneté empiète-t-il sur la compétence exclusive conférée aux provinces en vertu du paragraphe 91(13) de la Loi constitutionnelle?

(4)        Le paragraphe 3(2) de la Loi sur la citoyenneté porte-t-il atteinte à l'article 15 de la Charte? Dans l'affirmative, cette atteinte est-elle justifiée en vertu de l'article premier de la Charte?

(5)        Le paragraphe 3(2) de la Loi sur la citoyenneté porte-t-il atteinte à l'article 7 de la Charte? Dans l'affirmative, cette atteinte est-elle justifiée en vertu de l'article premier de la Charte?

 

ANALYSE

            La décision du bureau des passeports

[24]        La délivrance des passeports est une question qui relève de la prérogative royale (Hogg, Peter W., Constitutional Law of Canada, Vol. 1, Loose-Leaf Ed. Scarborough (Ontario), Carswell, 1997, 1.9).

 

[25]        Au Canada, les passeports sont délivrés conformément au Décret sur les passeports canadiens.

 

[26]        Le paragraphe 4(2) du Décret sur les passeports canadiens porte : « Aucun passeport n'est délivré à une personne qui n'est pas citoyen canadien en vertu de la Loi ». L'article 2 du Décret sur les passeports canadiens précise que la Loi en question est « la Loi sur la citoyenneté ».

 

[27]        La Loi sur la citoyenneté prévoit que les enfants nés de diplomates étrangers ou de l'équivalent au Canada n'ont pas droit à la citoyenneté canadienne :

3.     (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, a qualité de citoyen toute personne :

 

a) née au Canada après le 14 février 1977;

 

 

[...]

 

(2) L’alinéa (1)a) ne s’applique pas à la personne dont, au moment de la naissance, les parents n’avaient qualité ni de citoyens ni de résidents permanents et dont le père ou la mère était :

 

a) agent diplomatique ou consulaire, représentant à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger;

 

[...]

 

c) fonctionnaire ou au service, au Canada, d’une organisation internationale — notamment d’une institution spécialisée des Nations Unies — bénéficiant sous le régime d’une loi fédérale de privilèges et immunités diplomatiques que le ministre des Affaires étrangères certifie être équivalents à ceux dont jouissent les personnes visées à l’alinéa a).

 

3.      (1) Subject to this Act, a person is a citizen if

 

 

 

(a) the person was born in Canada after February 14, 1977;

 

 

(2) Paragraph (1)(a) does not apply to a person if, at the time of his birth, neither of his parents was a citizen or lawfully admitted to Canada for permanent residence and either of his parents was

 

(a) a diplomatic or consular officer or other representative or employee in Canada of a foreign government;

 

 

(c) an officer or employee in Canada of a specialized agency of the United Nations or an officer or employee in Canada of any other international organization to whom there are granted, by or under any Act of Parliament, diplomatic privileges and immunities certified by the Minister of Foreign Affairs to be equivalent to those granted to a person or persons referred to in paragraph (a).

 

 

[28]        Ainsi qu'il ressort du dossier, le père du demandeur était un diplomate étranger ou l'équivalent lors de la naissance du demandeur au Canada et il n'a donc pas droit à la citoyenneté canadienne sous le régime de la Loi sur la citoyenneté.

 

[29]        On ne peut acquérir la citoyenneté canadienne que conformément à la Loi sur la citoyenneté (Solis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 407 (QL).)

 

[30]        Contrairement à ce que prétend le demandeur, une lettre du gouvernement déclarant de façon erronée qu'il est un citoyen canadien et le fait qu'il s'est déjà vu délivrer un passeport canadien sur la foi de l'affirmation qu'il est un citoyen canadien ne peuvent avoir pour effet de lui octroyer la citoyenneté canadienne.

 

[31]        Une erreur administrative ne saurait modifier les conditions prescrites par la loi. Dans l'arrêt Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.) c. Inland Industries Ltd., [1974] R.C.S. 514, le juge Louis-Philippe Pigeon écrit ce qui suit :

[…] Toutefois, il me paraît clair qu'une approbation donnée sans que les conditions prescrites par la loi ne soient remplies ne lie pas le ministre.

 

(Il y a également lieu de se reporter, à cet égard, à l'arrêt Granger c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 141.)

 

[32]        Il est donc incontestable que la citoyenneté a été retirée légalement au demandeur, étant donné qu'il n'a jamais obtenu la citoyenneté canadienne conformément à la Loi sur la citoyenneté.

 

[33]        Qui plus est, comme il n'est pas un citoyen canadien, le demandeur n'a pas droit à un passeport canadien en vertu du Décret sur les passeports canadiens et Passeport Canada n'a pas commis d'erreur en refusant de lui délivrer un passeport.

 

[34]        En conséquence, aucun des critères prévus au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, 1985, ch. F-7, qui permettraient à notre Cour d'intervenir dans la décision de Passeport Canada n'a été respecté.

 

Attentes légitimes

[35]        Même en supposant que le fait que le demandeur a déjà été titulaire d'un passeport canadien puisse donner lieu à une attente légitime, il est de jurisprudence constante au Canada que la doctrine des attentes légitimes ne peut créer de droits matériels, mais uniquement des droits procéduraux.

 

[36]        Dans une décision récente, notre Cour a résumé l'état du droit au Canada en la matière :

[30]      Il y a lieu de se rappeler à cet égard qu’au Royaume‑Uni, la doctrine des attentes légitimes crée des droits matériels aussi bien que procéduraux alors qu’au Canada, la Cour suprême a restreint l’application du principe à la protection des seuls droits procéduraux (Centre hospitalier Mont Sinaï c. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), [2001] 2 R.C.S. 281, 2001 CSC 41, [2001] A.C.S. no 43 (QL). La Cour doit par conséquent se conformer à l’application plus restreinte dans notre pays du principe des attentes légitimes.

 

(Khadr c. Canada (Procureur général) (C.F), [2007] 2 R.C.F. 218, [2006] A.C.F. no 888 (QL).)

 

 

[37]        Le demandeur a toujours été conscient de ce qu'il devait prouver et on lui a accordé la possibilité de remplir les conditions prévues par le Décret sur les passeports canadiens.

 

[38]        En informant le demandeur de sa décision, Passeport Canada lui a communiqué suffisamment d'éléments d'information pour qu'il sache pourquoi sa demande de passeport était refusée, en l'occurrence parce qu'il n'est pas un citoyen canadien.

 

[39]        La raison pour laquelle le demandeur n'est pas un citoyen canadien est sans intérêt pour ce qui est de la décision de refuser de lui délivrer un passeport. Comme ce renseignement n'est pas pertinent pour ce qui est de la décision, il n'était pas nécessaire qu'il se retrouve dans la décision.

 

[40]        D'ailleurs, si le demandeur lui soumettait une preuve démontrant qu'il a la citoyenneté canadienne et qu'il satisfait à toutes les autres conditions prescrites par le Décret sur les passeports canadiens, Passeport Canada lui délivrerait un passeport.

 

[41]        Au-delà des droits procéduraux, aucun des faits articulés en l'espèce ne confère au demandeur le droit légal de revendiquer la citoyenneté canadienne ou de réclamer un passeport canadien.

 

Questions constitutionnelles

Partage des pouvoirs

[42]        Contrairement à ce qu'affirme le demandeur, ni la Loi sur la citoyenneté, ni le Décret sur les passeports canadiens, ni la décision de Passeport Canada en l'espèce n'ont d'incidences sur la compétence de la province de Québec sur la propriété et les droits civils.

 

[43]        Aux termes du paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle, les provinces ont la compétence exclusive pour légiférer sur « la propriété et les droits civils dans la province ». En vertu de ce pouvoir, le directeur de l'état civil de la province est habilité à délivrer des certificats de naissance.

 

[44]        Un certificat de naissance est un acte authentique qui fait foi des renseignements qu'il contient, à savoir le nom de l'enfant, son sexe, les lieu et date de la naissance et le lien de parenté du déclarant avec l'enfant.

 

Articles 107 et 115 du Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64

[45]        La validité du certificat de naissance du demandeur n'est pas contestée en l'espèce et les faits qu'il atteste ne sont pas remis en question.

 

[46]        L'argument du demandeur suivant lequel un certificat de naissance confère en tant que tel des droits n'a pas de fondement juridique. Un certificat de naissance atteste une série de faits qui peuvent eux-mêmes constituer la condition à laquelle d'autres droits sont conférés.

 

[47]        Le certificat de naissance du demandeur ne fait rien de plus que d'attester les circonstances de sa naissance au Canada. Il ne lui confère aucun droit. Pour la vaste majorité des personnes nées au Canada, un certificat de naissance est suffisant pour établir la citoyenneté parce que la Loi sur la citoyenneté et son prédécesseur (la Loi sur la citoyenneté canadienne, chapitre C-19 des Statuts révisés du Canada, 1970) confèrent la citoyenneté à presque toutes les personnes nées au Canada; toutefois, cette disposition ne s'applique pas au demandeur, parce qu'il est l'enfant d'un diplomate étranger et qu'il tombe ainsi sous le coup de l'exception prévue au paragraphe 3(2) de la Loi sur la citoyenneté.

 

[48]        La citoyenneté est une question qui relève de la compétence exclusive du gouvernement fédérale selon le préambule de l'article 91 et le paragraphe 91(25) de la Loi constitutionnelle :

[traduction] La citoyenneté canadienne est un concept relativement récent, établi pour la première fois par une loi fédérale de 1947. Il est évident que les questions entourant la citoyenneté relèvent de l'autorité législative du Parlement fédéral.

 

(Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, Vol. 2, Loose-Leaf Ed. Scarborough (Ontario),  Carswell, 1997, au paragraphe 34.1d).)

 

[49]        Dans l'arrêt Winner c. S.M.T. (Eastern) Ltd., [1951] R.C.S. 887, la Cour suprême du Canada a convenu qu'il s'agissait là d'un des principes fondamentaux de la Loi constitutionnelle de 1867 :

[…] La première réalisation fondamentale de la Loi constitutionnelle a été la création d'une organisation politique unifiée de sujets de Sa Majesté dans les limites géographiques du Dominion, dont le postulat fondamental était l'institution de la citoyenneté canadienne. La citoyenneté est l'appartenance à un État, et en le citoyen s'incarnent les droits et obligations, corollaires de l'allégeance et de la protection, qui constituent le fondement de ce statut.

La Loi ne prévoit pas expressément que la citoyenneté relève de la compétence législative du Dominion ou des provinces; mais étant donné que la citoyenneté se trouve à la base même de l'organisation politique et qu'elle revêt un caractère national, et vu la rubrique 25 de l'article 91, « La naturalisation et les aubains », il faut conclure qu'elle relève des pouvoirs résiduels du Dominion (l'affaire de la « tempérance », [1946] A.C. 193, à la page 205]. Indépendamment de ce qu'on a pu dire avant 1931, le Statute of Westminister, ajouté aux déclarations de relations constitutionnelles de 1926 desquelles il découlait et qui ont essentiellement eu pour effet de créer la souveraineté, vide le débat.

 

            Le paragraphe 3(2) de la Loi sur la citoyenneté par rapport à l'article 15 de la Charte

[50]        Le demandeur affirme que la décision est invalide parce qu'elle dépend essentiellement de l'application du paragraphe 3(2) de la Loi sur la citoyenneté et que cette disposition contrevient à l'article 15 de la Charte.

 

[51]        Dans l'arrêt Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Ministre de la Justice), [2000] 2 R.C.S. 1120, la Cour suprême du Canada propose un critère à trois volets pour déterminer si une loi contrevient au paragraphe 15(1) de la Charte :

[110]    Dans un certain nombre d’arrêts récents, notre Cour a souligné qu’il fallait donner une interprétation « téléologique » des droits à l’égalité garantis par le par. 15(1) : Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497; Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203; Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703, 2000 CSC 28; et Lovelace c. Ontario, [2000] 1 R.C.S. 950, 2000 CSC 37. Ces décisions n’avaient pas encore été rendues lorsque la présente affaire a été entendue par les tribunaux de la Colombie‑Britannique. Il est maintenant clairement établi que l’analyse comporte trois étapes et qu’une grande attention est accordée au contexte. À la première étape, le demandeur doit démontrer que la loi, le programme ou l’activité a pour effet d’imposer une différence de traitement entre lui et d’autres personnes  par rapport auxquelles il peut à juste titre prétendre à l’égalité. À la deuxième étape, le demandeur doit établir que cette différence de traitement est fondée sur un ou plusieurs motifs énumérés ou motifs analogues. À la troisième étape, le demandeur doit prouver que la distinction équivaut à une forme de discrimination ayant pour effet de porter atteinte à sa dignité humaine. L’aspect « dignité » du critère vise à écarter les plaintes futiles ou autres qui ne mettent pas en cause l’objet de la disposition relative à l’égalité. Dans l’arrêt Law, précité, notre Cour a dit ceci, au par. 51:

 

On pourrait affirmer que le par. 15(1) a pour objet d’empêcher toute atteinte à la dignité et à la liberté humaines essentielles par l’imposition de désavantages, de stéréotypes et de préjugés politiques ou sociaux, et de favoriser l’existence d’une société où tous sont reconnus par la loi comme des être humains égaux ou comme des membres égaux de la société canadienne, tous aussi capables, et méritant le même intérêt, le même respect, et la même considération.

 

[52]        Pour appliquer ce critère, il est essentiel de tenir compte du contexte dans lequel se situe la disposition. En l'espèce, le contexte approprié nous est fourni par les normes du droit international, la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales, L.C. 1991, ch. 41 et la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, (Vienne, 18 avril 1961), RTC1966/29.

 

[53]        Dans son ouvrage Principles of Public International Law, 5e éd., Clarendon Press, Oxford (1998), aux pages 391 à 393, le professeur Ian Brownlie explique ce qui suit :

[traduction]

 

L'acquisition de la nationalité est régie par deux grands principes : le droit du sang (jus sanguinis), selon lequel la nationalité est accordée aux enfants nés de parents possédant eux-mêmes la nationalité, et le droit du sol (jus soli), selon lequel la nationalité est accordée à toute personne née sur le territoire national.

 

[…] Les règles spéciales régissant le droit du sol (jus soli) présentent un intérêt particulier. Elles constituent une exception au principe général et ont pour effet de supprimer les cas où l'application de celui-ci est de toute évidence injustifiable. Ainsi, un principe jouissant d'une autorité considérable voulait que les enfants nés de parents bénéficiant de l'immunité diplomatique ne pouvaient être considérés de naissance comme des ressortissants de l'État auprès duquel l'agent diplomatique concerné était accrédité. Treize États se sont prévalus de cette exception lors des travaux préliminaires de la Conférence de La Haye pour la codification du droit international. Un commentateur faisait observer ce qui suit au sujet de l'article pertinent sur les privilèges et immunités diplomatiques : « Cet article est censé consacrer un principe établi de droit international ». Ce principe bénéficie d'un large appui de la part des législateurs des divers pays et des experts. La Convention de 1930 concernant certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité prévoit à son article 12 : « Les dispositions légales relatives à l’attribution de la nationalité d’un État en raison de la naissance sur son territoire ne s’appliquent pas de plein droit aux enfants dont les parents jouissent des immunités diplomatiques dans le pays de la naissance ».

 

En 1961, la Conférence des Nations Unies sur les relations et immunités diplomatiques a adopté un Protocole facultatif concernant l'acquisition de la nationalité, qui prévoit, à son article II : « Les membres de la mission qui n'ont pas la nationalité de l'État accréditaire et les membres de leur famille qui font partie de leur ménage n'acquièrent pas la nationalité de cet État par le seul effet de sa législation ». Certains États étendent la portée de cette règle aux enfants des consuls, et certains experts appuient cette façon de procéder […]

 

Première étape de l'analyse de l'article 15

[54]        Les conditions des alinéas 3(2)a) et c) de la Loi sur la citoyenneté imposent effectivement une différence de traitement entre le demandeur et d'autres personnes par rapport auxquelles il peut à juste titre prétendre à l'égalité.

 

Deuxième étape de l'analyse de l'article 15

[55]        Pour donner lieu à l'application de l'article 15 de la Charte, la différence de traitement doit être fondée sur un ou plusieurs des motifs énumérés à cet article ou sur des motifs « analogues ».

 

[56]        Dans le cas qui nous occupe, la distinction est fondée sur le statut du demandeur en tant qu'enfant de diplomate étranger ou l'équivalent. Il ne s'agit manifestement pas de l'un des motifs énumérés et l'article 15 ne peut donc s'appliquer que si l'on démontre que l'on peut dire qu'on a affaire à une caractéristique analogue.

 

[57]        Le demandeur affirme que la caractéristique qu'il invoque est assimilable à l'un des motifs analogue parce qu'elle est immuable.

 

[58]        Bien que l'immuabilité de la caractéristique constitue un solide indicateur, elle n'est pas nécessairement suffisante à elle seule. Les tribunaux ont reconnu que ce qui distingue les motifs analogues est le fait qu'ils protègent « une minorité discrète et isolée ou un groupe qui a historiquement été désavantagé ou fait l'objet de discrimination ».

 

[59]        Ainsi, bien que les circonstances entourant la naissance du demandeur soient immuables, son statut d'enfant d'un diplomate étranger ou de l'équivalent et de personne jouissant de l'immunité diplomatique ne sont pas des caractéristiques qui seraient normalement considérées comme ayant donné lieu par le passé à de la discrimination.

 

Troisième étape de l'analyse de l'article 15

[60]        Même si la Cour devait conclure que la caractéristique que constitue le statut diplomatique est analogue à l'un des motifs énumérés, il est évident que la distinction ne contrevient pas à la troisième étape de l'analyse de l'article 15.

 

[61]        L'exception prévue aux alinéas 3(2)a) et c) de la Loi sur la citoyenneté n'a pas pour effet de « porter atteinte à la dignité humaine » du demandeur.

 

[62]        Les diplomates et leurs enfants bénéficient d'une gamme extraordinaire de privilèges en vertu de la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales, qui incorpore par renvoi diverses dispositions de la Convention de Vienne, dont les suivantes :

Article 29

 

La personne de l’agent diplomatique est inviolable. Il ne peut être soumis à aucune forme d’arrestation ou de détention. L’État accréditaire le traite avec le respect qui lui est dû, et prend toutes mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à sa personne, sa liberté et sa dignité.

 

Article 30

 

1. La demeure privée de l’agent diplomatique jouit de la même inviolabilité et de la même protection que des locaux de la mission.

2. Ses documents, sa correspondance et, sous réserve du paragraphe 3 de l’article 31, ses biens jouissent également de l’inviolabilité.

 

 

Article 31

 

1. L’agent diplomatique jouit de l’immunité de la juridiction pénale de l’État accréditaire. Il jouit également de l’immunité de sa juridiction civile et administrative […]

 

Article 29

 

The person of a diplomatic agent shall be inviolable. He shall not be liable to any form of arrest or detention. The receiving State shall treat him with due respect and shall take all appropriate steps to prevent any attack on his person, freedom or dignity.

 

 

Article 30

 

1. The private residence of a diplomatic agent shall enjoy the same inviolability and protection as the premises of the mission.

 

2. His papers, correspondence and, except as provided in paragraph 3 of article 31, his property, shall likewise enjoy inviolability.

 

Article 31

 

1. A diplomatic agent shall enjoy immunity from the criminal jurisdiction of the receiving State. He shall also enjoy immunity from its civil and administrative jurisdiction …

 

[63]        C'est précisément en raison de la vaste gamme de privilèges dont jouissent les diplomates et leur famille, privilèges qui sont de par leur nature même incompatibles avec les obligations de la citoyenneté, qu'une personne qui jouit du statut diplomatique ne peut acquérir la citoyenneté :

Article 37

 

1. Les membres de la famille de l’agent diplomatique qui font partie de son ménage bénéficient des privilèges et immunités mentionnés dans les articles 29 à 36, pourvu qu’ils ne soient pas ressortissants de l’État accréditaire.

(La Cour souligne.)

Article 37

 

1. The members of the family of a diplomatic agent forming part of his household shall, if they are not nationals of the receiving State, enjoy the privileges and immunities specified in articles 29 to 36.

 

(Emphasis added.)

 

[64]        Lorsqu'on envisage la question sous cet angle, il est évident que les conditions prévues aux alinéas 3(2)a) et c) de la Loi sur la citoyenneté ne contreviennent pas à l'article 15 de la Charte. Dans l'arrêt Law, précité, la Cour explique bien que l'article 15 ne vise pas à éliminer toutes les formes de distinction prévues par la loi mais plutôt à interdire certains types de distinction qui portent atteinte à la dignité humaine essentielle.

(4) En termes généraux, l’objet du par. 15(1) est d’empêcher qu’il y ait atteinte à la dignité et à la liberté humaines essentielles au moyen de l’imposition de désavantages, de stéréotypes ou de préjugés politiques ou sociaux, et de promouvoir une société dans laquelle tous sont également reconnus dans la loi en tant qu’êtres humains ou que membres de la société canadienne, tous aussi capables, et méritant le même intérêt, le même respect et la même considération.

 

 

[65]        Les seules personnes visées par les alinéas 3(2)a) et c) de la Loi sur la citoyenneté sont les enfants des personnes ayant le statut diplomatique. Il s'agit nécessairement de personnes qui sont admises sur le territoire canadien dans des circonstances particulières et sans être assujetties aux formalités habituelles. Mais surtout, pendant qu'elles se trouvent au Canada, elles se voient conférer toutes les immunités et tous les privilèges reconnus aux diplomates; dans ce contexte, on ne saurait donc prétendre que ce traitement pourrait porter atteinte à leur « dignité humaine essentielle ».

 

Article 7 de la Charte

[66]        L'article 7 de la Charte exige que le demandeur démontre qu'il existe une privation réelle ou imminente de la vie, de la liberté, de la sécurité de sa personne ou d’une combinaison de ces trois droits (R c. White, [1999] 2 R.C.S. 417.)

 

[67]        La seule conséquence de la disposition contestée est que le demandeur n'a pas droit à la citoyenneté canadienne en vertu de sa naissance.

 

[68]        Rien ne permet de penser que cette situation expose le demandeur à un danger.

 

[69]        Rien ne permet non plus de penser que le demandeur n'est pas un citoyen du pays de ses parents, l'Arabie saoudite, ou que, s'il n'en est pas un citoyen, qu'il n'a pas le droit d'y présenter une demande de citoyenneté.

 

[70]        Il semble d'ailleurs très peu probable que les enfants de diplomates n'aient pas droit à la citoyenneté de leur pays d'origine lorsqu'ils sont nés à l'étranger par suite de l'affectation de leurs parents dans le pays accréditaire.

 

[71]        C'est au demandeur qu'il incombait de démontrer qu'on a porté atteinte à sa liberté et il ne s'est pas acquitté de ce fardeau de la preuve.

 

[72]        Même si le demandeur devait démontrer qu'il n'a pas droit à la citoyenneté dans son pays d'origine, ce ne sont pas les alinéas 3(2)a) et c) de la Loi sur la citoyenneté qui seraient la source de la restriction à sa liberté.

 

Paragraphe 3(2) de la Loi sur la citoyenneté par rapport aux articles 15 ou 7 de la Charte et à l'article premier de la Charte

 

[73]        L'analyse prévue à l'article premier de la Charte comporte quatre étapes :

(1)        L'État doit démontrer que la disposition contestée vise un objectif important;

(2)        Il doit y avoir un lien rationnel entre la mesure et l'objectif;

(3)        Le moyen choisi doit porter le moins possible atteinte aux droits en jeu;

(4)        Il doit y avoir une proportionnalité entre la restriction et l'objectif.

(R c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.)

 

[74]        L'objectif visé par les alinéas 3(2)a) et c) de la Loi sur la citoyenneté est de s'assurer que la citoyenneté n'est pas octroyée à quelqu'un qui est dispensé de la presque totalité des obligations attachées à la citoyenneté (par ex. payer des impôts et respecter les lois criminelles). Il s'agit manifestement d'un objectif important.

 

Lien rationnel entre la mesure et l'objectif

[75]        Pour s'assurer qu'aucun citoyen n'est dispensé des obligations afférentes à la citoyenneté, le refus d'octroyer la citoyenneté est étroitement lié à l'objectif visé.

 

[76]        La seule autre alternative consisterait à ne pas accorder l'immunité aux enfants des personnes ayant le statut diplomatique. Une telle mesure irait à l'encontre d'une longue tradition qui existe en droit international et constituerait une ingérence dans l'exercice de la prérogative royale sur les affaires internationales.

 

[77]        Il n'est pas nécessaire que le gouvernement démontre que le moyen choisi est celui qui est le moins attentatoire que l'on puisse imaginer. Il suffit que « la loi se situe à l'intérieur d'une gamme de mesures raisonnables ». En pareil cas, « les tribunaux ne concluront pas qu'elle a une portée trop générale simplement parce qu'ils peuvent envisager une solution de rechange qui pourrait être mieux adaptée à l'objectif et à la violation » (Harper c. Canada (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 827).

 

Proportionnalité entre la restriction et l'objectif

[78]        Pour mesurer la proportionnalité entre la restriction et de l'objectif, il est important de reconnaître que les alinéas 3(2)a) et c) ont seulement pour effet de refuser la citoyenneté canadienne. Bien que le Canada n'ait aucun pouvoir sur les États étrangers et qu'il ne puisse être certain que chaque enfant né d'un diplomate étranger aura droit à la citoyenneté dans son pays d'origine, il est néanmoins raisonnable de supposer que la plupart y auront droit. Les alinéas 3(2)a) et c) ne traitent donc pas ces enfants différemment des autres citoyens nés dans le pays d'origine de leurs parents.

 

[79]        À l'instar de tout autre ressortissant étranger, le demandeur peut présenter une demande de résidence permanente en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), et une fois qu'il aura rempli les obligations de résidence énoncées à l'article 5 de la Loi sur la citoyenneté, il pourra demander la citoyenneté.

 

[80]        Qui plus est, comme les exigences prévues aux alinéas 3(2)a) et c) correspondent aux normes du droit international, leur justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

 

CONCLUSION

[81]        Pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur est rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée;

2.                  Reconnaissant, comme les deux parties l'ont admis, que la présente affaire est la première du genre dans laquelle la constitutionnalité des alinéas 3(2)a) et c) de la Loi sur la citoyenneté est contestée, la Cour n'adjuge aucuns dépens.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-1593-06

 

INTITULÉ :                                                   AHMAD SAEED ABDULLAH

                                                                        AL‑GHAMDI

                                                                        c. LE MINISTRE DES AFFAIRES

                                                                        ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE

                                                                        INTERNATIONAL

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 14 mai 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 31 mai 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lucrèce M. Joseph

 

POUR LE DEMANDEUR

Alexander Pless

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lucrèce M. Joseph

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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