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Date : 20070523

Dossier : T-875-06

Référence : 2007 CF 548

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), 23 mai 2007

En présence de monsieur Roger R. Lafrenière,

  protonotaire

 

 

ENTRE :

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

  demanderesse

 

 

et

 

 

L’ADMINISTRATEUR DE LA CAISSE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES CAUSÉE PAR LES NAVIRES

 

  défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Par voie de requête écrite, la demanderesse, Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le sous-procureur général du Canada (la Couronne), demande une prorogation du délai de dépôt de la preuve de signification, ainsi que des directives concernant la désignation de la partie intimée en l’instance d’appel. La Couronne demande également une suspension du délai pour le dépôt d’un appel en vertu de la partie 6 des Règles des Cours fédérales en attendant que la présente requête soit tranchée.

 

  • [2] L’administrateur de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires, qui figure comme le seul défendeur dans cet appel, ne s’oppose pas à la requête de la Couronne visant la prorogation du délai de dépôt de la preuve de signification. Il s’oppose cependant à la requête de la Couronne concernant les directives, vu la procédure déjà en place pour désigner la partie intimée qui est décrite dans les Règles des Cours fédérales.

 

  • [3] Compte tenu de l’explication fournie par la Couronne, j’estime qu’il convient d’acquiescer à la requête en vue de proroger le délai de dépôt qui est relativement court. Quant à la demande de directives, pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus qu’il n’y a pas lieu d’en émettre.

 

Analyse

 

  • [4] En vertu du paragraphe 87(2) de la Loi sur la responsabilité en droit maritime, un demandeur peut, dans les 60 jours suivant la réception d’une offre d’indemnité de l’administrateur ou d’un avis que l’administrateur a rejeté la requête, contester devant la Cour d’amirauté (définie en vertu de l’article 2 de la Loi sur la responsabilité en droit maritime en tant que Cour fédérale) le caractère adéquat de l’offre ou le rejet de la requête par l’administrateur.

 

  • [5] Le présent appel porte sur le caractère adéquat de l’offre d’indemnité par l’administrateur, lequel a offert une indemnité de 20 000 $ alors que la réclamation de la Couronne s’élève à 223 543,88 $. L’un des motifs de l’appel porte sur l’omission par l’administrateur d’informer la Couronne de son intention de se fonder sur certains documents qui n’ont prétendument jamais été fournis à la Couronne.

 

  • [6] La Couronne a désigné l’administrateur à titre de défendeur et lui a signifié un avis d’appel. Toutefois, l’administrateur a refusé de déposer un avis de comparution, alléguant qu’il avait fautivement été désigné à titre de défendeur dans cet appel et que la Règle des Cours fédérales numéro 338 porte spécifiquement sur la désignation du défendeur légitime.

 

  • [7] La Règle 338, qui précise les personnes qui doivent figurer à titre d’intimés dans un appel, se lit comme suit :

338. (1) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l’appelant désigne les personnes suivantes à titre d’intimés dans l’appel :

a) toute personne qui était une partie dans la première instance et qui a dans l’appel des intérêts opposés aux siens;

b) toute autre personne qui doit être désignée à titre de partie aux termes de la loi fédérale qui autorise l’appel;

c) si les alinéas a) et b) ne s’appliquent pas, le procureur général du Canada.

(2) La Cour peut, sur requête du procureur général du Canada, si elle est convaincue que celui-ci est incapable d’agir à titre d’intimé ou n’est pas disposé à le faire, désigner en remplacement une autre personne ou entité, y compris l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de l’appel.

338. (1) Unless the Court orders otherwise, an appellant shall include as a respondent in an appeal

(a) every party in the first instance who is adverse in interest to the appellant in the appeal;

(b) any other person required to be named as a party by an Act of Parliament pursuant to which the appeal is brought; and

(c) where there are no persons that are included under paragraph (a) or (b), the Attorney General of Canada.

(2) On a motion by the Attorney General of Canada, where the Court is satisfied that the Attorney General is unable or unwilling to act as a respondent in an appeal, the Court may substitute another person or body, including a tribunal whose order is being appealed, as a respondent in the place of the Attorney General of Canada.

 

 

 

  • [8] Bref, le paragraphe 338(1) des Règles stipule que l’avis d’appel doit désigner toute personne qui était une partie dans la première instance et qui a dans l’appel des intérêts opposés aux siens, ainsi que toute autre personne qui doit être désignée à titre de partie aux termes de la loi fédérale qui autorise l’appel. Si aucun défendeur n’est désigné, le procureur général du Canada doit alors être désigné à ce titre. Cependant, si le procureur général ne veut pas ou ne peut pas agir à ce titre, la Cour peut désigner un remplaçant, y compris le tribunal qui a rendu la décision, à titre de défendeur qui a présenté la requête en vertu du paragraphe 338(2) des Règles.

 

  • [9] L’administrateur soutient que, par le biais de cette requête, la Couronne tente de court‑circuiter le processus énoncé dans les Règles des Cours fédérales en désignant l’administrateur à titre de défendeur. Il soutient que, dans cet appel, aucune partie à la première instance n’a d’intérêts opposés à la Couronne. Il ajoute que la Loi sur la responsabilité en droit maritime n’exige pas qu’une autre personne soit désignée à titre de partie.

 

  • [10] L’administrateur maintient que, dans les circonstances, l’alinéa 338(1)c) de la Règle précise qu’en l’absence d’un défendeur légitime le procureur général du Canada peut alors être désigné. L’administrateur est d’avis que la Couronne devrait tenter de modifier l’avis d’appel en désignant le procureur général du Canada à titre de défendeur. L’avis d’appel ainsi amendé devrait être signifié au procureur général du Canada et à l’administrateur conformément à l’article 339 des Règles. Le procureur général devrait alors déposer un avis de comparution à titre de défendeur dans l’appel, puis décider, en tant que défendeur, s’il y a lieu ou non de procéder à une demande visant à désigner une autre personne ou entité pour le remplacer à titre de défendeur.

  • [11] L’approche de l’administrateur est plutôt technocratique. Je ne vois aucune utilité à obliger la Couronne à intenter une poursuite contre elle-même et à se soumettre à la procédure prescrite par la Règle 338, surtout que cette Règle ne semble pas porter sur la possibilité que la Couronne puisse agir à titre de demanderesse.

 

  • [12] Quoi qu’il en soit, les arguments de l’administrateur reposent sur l’hypothèse voulant qu’il n’est pas la personne désignée en vertu des alinéas a) ou b) de la Règle 338. La Couronne ne partage pas cette opinion.

 

  • [13] Il incombe au demandeur ou à son avocat de désigner le défendeur légitime à qui un avis d’appel doit être signifié : Indian Manufacturing Ltd. et al v. Lo et al. (1996) 199 N.R. 114 (C.A.F.). En règle générale, un demandeur est libre de choisir la partie défenderesse.

 

  • [14] Lorsqu’un avis de demande lui a été signifié, le défendeur doit signifier et déposer un avis de comparution s’il choisit de se défendre. Un défendeur qui ne dépose pas d’avis de comparution n’a pas le droit de recevoir une notification de l’une ou l’autre des mesures prises au cours de l’instance ni tout autre document. Le défendeur n’a pas non plus le droit de produire des documents, d’interroger un témoin, de contre-interroger les auteurs d’un affidavit, ni d’être entendu lors de l’audience, sauf s’il a l’autorisation du juge.

 

  • [15] Si la décision de la Couronne de désigner l’administrateur à titre de défendeur s’avère erronée, cette décision peut être sans recours. Toutefois, la Couronne n’est nullement tenue à cette étape de la procédure d’établir qu’elle a désigné le défendeur légitime et la Cour n’a pas à confirmer la position de la Couronne.

 

  • [16] Au contraire, c’est l’administrateur qui avait le fardeau de démontrer qu’il avait été désigné de façon inappropriée. À la lumière du dossier qui m’a été soumis, il semble que l’administrateur soit indépendant de la Couronne, en ce qui concerne l’exécution de ses tâches en vertu de la partie 6 de la Loi sur la responsabilité en droit maritime, et que l’on peut le considérer comme une partie adverse dans l’intérêt de la Couronne vu son rôle d’administrateur de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires.

 

  • [17] Vu les circonstances, je suis d’avis que l’administrateur a été désigné inadéquatement en tant que défendeur. En conséquence, l’appel impliquant les parties citées aux présentes peut être accueilli.

 


ORDONNANCE

 

  LA COUR ORDONNE :

 

1.  Le demandeur se voit accorder une prorogation de délai jusqu’au 1er juin 2007 afin de déposer une preuve de signification de l’avis d’appel.

 

2.  Le défendeur signifiera et déposera un avis de comparution dans les dix jours à compter de la date de la présente ordonnance.

 

3.  Le délai accordé pour prendre les mesures subséquentes en vertu de la partie 6 des Règles des Cours fédérales est prorogé afin de s’appliquer à partir de la date de la signification de l’avis de comparution du défendeur ou de l’expiration du délai pour ce faire, soit le premier des deux événements.

 

4.  Aucuns dépens ne sont adjugés pour la présente requête.

 

 

 

  « Roger R. Lafrenière »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-875-06

 

INTITULÉ :  SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA c.

  L’ADMINISTRATEUR DE LA CAISSE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES CAUSÉE PAR LES NAVIRES

 

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :  Le 23 mai 2007

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Lorne Lachance

 

POUR LE DEMANDEUR/APPELANT

David F. McEwen

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ministère de la Justice du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR/APPELANT

Alexander Holburn Beaudin & Lang LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

 

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