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Date : 20070501

Dossier : T-2203-05

Référence : 2007 CF 466

Ottawa (Ontario), le 1er mai 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

ENTRE :

VICTORY CYCLE LTD.

 

demanderesse

 

et

 

 

POLARIS INDUSTRIES INC., LEISURE MART AND RV CANADA CORPORATION, faisant affaire sous le nom de POWERSPORTS & RV CANADA,

861073 ONTARIO LTD., faisant affaire sous le nom de WAYNE’S WORLD,

RICK’S PERFORMANCE INC., ELITE PERFORMANCE PRODUCTS (LONDON) INC., FOREST FARM EQUIPMENT LTD., 1070678 ONTARIO INC., faisant affaire sous le nom de SPOILED SPORTS, ELK ISLAND SALES INC., CYCLE WORKS CALGARY LTD., CYCLE WORKS LTD., faisant affaire sous le nom de CYCLE WORKS MOTORSPORTS, YELLOWHEAD POLARIS INC., faisant affaire sous le nom de PARKLAND SLED & ATV, LETHBRIDGE HONDA CENTRE LIMITED, COUNTRYSIDE MOTOR SPORTS INC., THUNDER CITY POWER & LEISURE LTD., ROND’S MARINE LTD.,

RANDY GUDMUNDSON, faisant affaire sous le nom de RANDY’S TIRE & REPAIR,

SEA TO SKY MOTORSPORTS INC., KOOTENAY SLEDS & WHEELS INC., CYCLE NORTH ENTERPRISES LIMITED, SCHULTZ MOTORSPORTS INC., 363337 B.C. LTD., faisant affaire sous le nom de M & M PERFORMANCE,

JAMES VINCENT MARR, TREVOR JAMES MARR, K.V. AUTO & TRUCK CENTRE INC. et SUNSET AUTO SALES LIMITED

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Par la présente requête, les défendeurs sollicitent une ordonnance modifiant l’échéancier qu’a établi la protonotaire Milczynski dans une directive donnée au cours d’une conférence de gestion de l’instance tenue le 5 mars 2007 (la directive).

Contexte

[2]               La déclaration de la demanderesse dans la présente action en contrefaçon d’une marque de commerce a été faite le 15 décembre 2005 et signifiée à tous les défendeurs le 7 février 2006.

 

[3]               Depuis, les défendeurs ont exigé des documents et des précisions. Une requête en vue d’obtenir des précisions a été entendue le 5 février 2007 par la protonotaire Milczynski qui a rendu une ordonnance dans laquelle elle a rejeté intégralement la requête au motif que les défendeurs disposent de tous les faits pertinents dont ils ont besoin pour plaider leur défense.

 

[4]               Conformément à un avis d’examen de l’état de l’instance, la protonotaire Milczynski a ordonné que l’action se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale. Elle a également ordonné aux parties de fournir à la Cour un échéancier sur consentement pour les étapes qui restent dans l’action, jusqu’à la demande de la tenue d’une conférence préparatoire inclusivement.

 

[5]               Les parties n’ont pu s’entendre sur un échéancier. La question sur laquelle leurs points de vue s’opposent le plus profondément à cet égard est celle de savoir si l’échéancier devrait permettre l’interrogatoire préalable de la demanderesse par les défendeurs avant que ceux‑ci déposent une défense, ainsi que le prévoit le paragraphe 236(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/1998‑106.

 

[6]               Lors de la conférence de gestion de l’instance qui a eu lieu le 5 mars 2007, la protonotaire Milczynski a ordonné aux défendeurs soit de déposer et signifier leur défense, soit de présenter une requête en radiation de la demande au plus tard le 23 mars 2007. La protonotaire Milczynski a également fixé un échéancier pour les étapes qui restaient dans l’action, jusqu’à la demande de la tenue d’une conférence préparatoire. Les défendeurs demandent que cet échéancier soit modifié pour permettre l’interrogatoire préalable de la demanderesse avant le dépôt d’une défense.

 

Dispositions pertinentes des règles

[7]               Les dispositions pertinentes des Règles des Cours fédérales sont les suivantes :

Principe général

 

3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

 

[…]

 

Conditions préalables

 

236. (1) Sous réserve du paragraphe (2), une partie ne peut interroger au préalable une partie adverse que si, selon le cas :

 

a) les actes de procédure sont clos et la partie qui interroge a signifié son affidavit de documents;

 

b) les actes de procédure sont clos et la partie adverse consent à ce que l’interrogatoire préalable soit tenu avant que la partie qui interroge ait signifié son affidavit de documents;

 

c) la partie adverse n’a signifié ni déposé aucun acte de procédure et la Cour a donné son autorisation.

 

 

Interrogatoire après le dépôt de la déclaration

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), un défendeur peut interroger le demandeur à tout moment après le dépôt de la déclaration.

 

Restriction — Plus d’un défendeur

 

(3) Lorsque deux ou plusieurs défendeurs sont représentés par le même avocat, aucun d’eux ne peut interroger le demandeur avant d’avoir déposé une défense, à moins qu’ils n’interrogent le demandeur tous en même temps.

 

[…]

 

General principle

 

3. These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.

 

[…]

 

When examination may be initiated

 

236. (1) Subject to subsection (2), a party may examine an adverse party for discovery only if

 

 

(a) the pleadings are closed and the examining party has served its affidavit of documents;

 

(b) the pleadings are closed and the adverse party consents to the examination being conducted before the examining party has served its affidavit of documents; or

 

(c) the adverse party is in default of serving and filing its pleadings and leave of the Court has been obtained.

 

Examination by defendant

 

(2) Subject to subsection (3), a defendant may examine a plaintiff at any time after the statement of claim is filed.

 

Multiple defendants

 

(3) Where two or more defendants are represented by the same solicitor, none of them may examine the plaintiff before filing a defence unless all of them examine the plaintiff at the same time.

 

 

[…]

Pouvoirs du juge responsable de la gestion de l’instance

 

385. (1) Le juge responsable de la gestion de l’instance ou le protonotaire visé à l’alinéa 383c) tranche toutes les questions qui sont soulevées avant l’instruction de l’instance à gestion spéciale et peut :

 

a) donner toute directive nécessaire pour permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible;

 

b) sans égard aux délais prévus par les présentes règles, fixer les délais applicables aux mesures à entreprendre subséquemment dans l’instance;

 

c) organiser et tenir les conférences de règlement des litiges et les conférences préparatoires à l’instruction qu’il estime nécessaires;

 

d) sous réserve du paragraphe 50(1), entendre les requêtes présentées avant que la date d’instruction soit fixée et statuer sur celles‑ci.

 

Powers of case management judge

 

 

385. (1) A case management judge or a prothonotary assigned under paragraph 383(c) shall deal with all matters that arise prior to the trial or hearing of a specially managed proceeding and may

 

 

(a) give any directions that are necessary for the just, most expeditious and least expensive determination of the proceeding on its merits;

 

 

(b) notwithstanding any period provided for in these Rules, fix the period for completion of subsequent steps in the proceeding;

 

 

(c) fix and conduct any dispute resolution or pre-trial conferences that he or she considers necessary; and

 

 

 

(d) subject to subsection 50(1), hear and determine all motions arising prior to the assignment of a hearing date.

 

Question en litige

[8]               La question en litige dans la présente requête est celle de savoir si l’échéancier établi par la protonotaire dans une directive doit être modifié pour permettre aux défendeurs d’interroger la demanderesse avant de déposer une défense.

Analyse

[9]               La jurisprudence établit clairement que le but de l’interrogatoire préalable avant le dépôt d’une défense est d’aider le défendeur à préparer cette dernière en prenant connaissance des éléments de preuve auxquels il doit répondre. L’interrogatoire préalable ne vise pas à permettre une recherche à l’aveuglette de moyens de preuve à l’appui d’une défense : F.P. Bourgault Industries Air Seeder Division Ltd. c. Flexi‑Coil (1994), 58 C.P.R. (3d) 433 (C.A.F.).

 

[10]           À l’audition de la présente requête, les défendeurs ont déclaré qu’ils avaient demandé la tenue d’un interrogatoire préalable anticipé non pas pour obtenir les renseignements nécessaires pour déposer leur défense — même si, manifestement, l’interrogatoire préalable leur permettrait d’élaborer une défense plus complète — mais pour obtenir des renseignements en vue d’appuyer une requête en radiation ou une requête en jugement sommaire.

 

[11]           La Cour souligne que, si la déclaration leur a été signifiée en février 2006, les défendeurs n’ont revendiqué le droit d’interroger la demanderesse qu’un an plus tard. La Cour fait également remarquer que, même s’ils étaient tenus, aux termes de la directive donnée par la protonotaire, de déposer leur défense ou une requête en radiation au plus tard le 23 mars 2007, les défendeurs n’en ont rien fait. Ils ont plutôt déposé la présente requête en modification de l’échéancier le 23 mars 2007.

 

[12]           L’article 3 des Règles des Cours fédérales prévoit que les Règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. La demanderesse est une entreprise de taille assez modeste qui fabrique des motocyclettes au Canada, tandis que la défenderesse principale, Polaris Industries Inc., est une grande entreprise internationale, qui aurait commencé à fabriquer des motocyclettes sous la marque de commerce enregistrée par la demanderesse au Canada. À mon avis, la différence marquée entre les ressources financières des parties est un facteur pertinent dans l’exercice, par la Cour, de son pouvoir discrétionnaire de modifier l’échéancier déjà établi par la protonotaire responsable de la gestion de l’instance.

 

[13]           Lors de l’audience portant sur la présente requête, j’ai accordé une suspension de 30 minutes pour permettre aux parties de négocier un échéancier mutuellement acceptable. Les négociations ont échoué. À la reprise de l’audience, j’ai décidé de surseoir à ma décision et j’ai invité les défendeurs à proposer un échéancier révisé qui ne retarderait pas le déroulement de l’action et que la demanderesse jugerait acceptable. J’ai alors donné à entendre que je serais tenté de rejeter la requête si aucun autre échéancier acceptable ne pouvait être proposé.

 

[14]           Les défendeurs ont ensuite déposé un autre échéancier modifié et la demanderesse a déposé des observations en réplique. Pour éviter tout retard dans l’atteinte de la dernière étape du processus préparatoire à l’instruction régi par la directive à savoir la demande de la tenue d’une conférence préparatoire —les défendeurs proposent dans leur échéancier de condenser les deux séries d’interrogatoires préalables pour chaque partie, dont les requêtes en vue de contraindre. Suivant le premier échéancier, six mois ont été accordés pour achever la première série d’interrogatoires préalables seulement, à l’exclusion des requêtes en vue de contraindre. Toutefois, le premier échéancier prévoyait que les deux parties mèneraient des interrogatoires préalables simultanément. Suivant l’échéancier proposé par les défendeurs, les parties doivent effectuer les interrogatoires préalables successivement, les défendeurs devant interroger la demanderesse en premier en vertu du paragraphe 236(2) des Règles. En conséquence, les deux parties ont beaucoup moins de temps pour s’occuper de questions préalables à l’instruction, dont l’interrogatoire préalable et les requêtes connexes. Il est tout à fait prévisible qu’un échéancier aussi ambitieux entraîne d’autres retards et d’autres coûts, puisque les parties auront besoin de revenir devant la Cour pour demander des prorogations de délai au besoin. La Cour conclut que l’échéancier proposé n’est pas expéditif, qu’il ne peut apporter une solution au litige qui soit la plus économique possible et qu’il n’est pas juste, compte tenu en particulier de l’inégalité des ressources financières des deux parties pour financer le litige.

 

[15]           Bien que l’argument des défendeurs qui affirment que l’article 236 des Règles prévoit le droit d’interroger un demandeur avant le dépôt d’une défense ait un certain fondement, ce droit n’est pas illimité. Le droit d’interroger un demandeur avant le dépôt d’une défense doit être interprété à la lumière de l’objectif qu’il vise, à savoir, ainsi qu’il a été indiqué plus haut, aider le défendeur à prendre connaissance des éléments de preuve auxquels il doit répondre. Dans l’ordonnance du 13 avril 2007 par laquelle elle a rejeté la requête en précisions des défendeurs, la protonotaire Milczynski a conclu :

[traduction] ... on a plaidé suffisamment de faits pertinents pour permettre aux défendeurs de comprendre la nature de la réclamation à laquelle ils doivent répondre et de préparer une défense.

 

 

Compte tenu de la conclusion de la protonotaire selon laquelle les défendeurs ont obtenu suffisamment de faits pertinents pour comprendre la preuve qu’ils doivent réfuter, je suis d’avis que l’interrogatoire préalable de la demanderesse à cette étape‑ci, avant le dépôt d’une défense, est contraire à l’article 3 des Règles ainsi qu’à l’ordonnance et à la directive, donnée en vertu de l’alinéa 385(1)a) des Règles des Cours fédérales, dans lesquelles la protonotaire établit l’échéancier nécessaire pour permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

 

[16]           La Cour conclut que la présente requête visant à faire modifier l’échéancier établi par la protonotaire responsable de la gestion de l’instance doit être rejetée sous réserve du droit des défendeurs de s’adresser à la protonotaire pour obtenir une prorogation du délai pour déposer leur défense.

 

[17]           La demanderesse a demandé que les dépens de la présente requête soient payables sans délai.

 

 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE :

            La présente requête visant à faire modifier l’échéancier établi par la protonotaire Milczynski est rejetée avec dépens à la demanderesse, lesquels devront être taxés selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III du tarif B et sont payables sans délai.

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-2203-05

 

INTITULÉ :                                                   VICTORY CYCLE LTD.

                                                                        c.

POLARIS INDUSTRIES INC. et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           le 23 avril 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   le juge Kelen

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 1er mai 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rohit Parekh

                                                                        POUR LA DEMANDERESSE

 

Ken McKay

                                                                        POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sheppard, Shalinsky, Brown

Toronto (Ontario)                                             POUR LA DEMANDERESSE

 

Sim, Lowman, Ashton, & McKay LLP

Toronto (Ontario)                                             POUR LES DÉFENDEURS

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