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Date :  20070503

Dossier :  IMM-5681-06

Référence :  2007 CF 475

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2007

En présence de L'honorable Maurice E. Lagacé

 

ENTRE :

ENILDA BOURDIERT

Demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (LIPR), d’une décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Section d’appel de l’immigration (la Commission), rendue le 1er septembre 2006, déterminant  que la demanderesse Enilda Bourdiert n’a pas respecté l’obligation de résidence prévue à l’article 28(2) de la LIPR.

 

[2]               Mme Bourdiert demande à cette Cour de casser cette décision et de renvoyer le dossier pour audition devant un tribunal autrement constitué.

 

FAITS

[3]               Citoyenne de la République Dominicaine (RD), la demanderesse est née en 1936. Veuve et mère de quatre enfants adultes, dont trois de citoyenneté canadienne et l’autre de citoyenneté américaine, elle a aussi deux sœurs vivant aux États-Unis.

 

[4]               Elle obtient le statut de résidente permanente du Canada le 30 août 1981.

 

[5]               À l’été 1983, elle quitte le Canada pour la RD afin d’y subir deux opérations. Elle déclare s’être occupée par la suite de son père et être restée avec son époux qui demeurait en RD.

 

[6]               Le 6 janvier 1989 elle est avisée par lettre que, faute d’avoir respecté son obligation de résidence, elle vient de perdre son statut de résidente permanente.

 

[7]               Parrainée par un de ses fils, la demanderesse obtient de nouveau le statut de résidente permanente, en 1993.

 

[8]               En mars 2004, la demanderesse demande la citoyenneté canadienne, et plus tard la même année une carte de résidente permanente.

 

[9]               Le 6 décembre 2004, le gestionnaire du programme à l’ambassade du Canada à Port-au-Prince en Haïti, conclut que la demanderesse n’a pas respecté l’obligation de résidence prévue à l’article 28 de la LIPR, faute d’avoir  résidé au moins 730 jours au Canada pour chaque période de cinq ans. La demande de celle-ci pour l’émission d’une nouvelle carte de résidence permanente est donc rejetée et son statut de résidente permanente est révoqué.

 

[10]           La demanderesse fait appel de cette décision à la Commission.

 

[11]           La demanderesse soutient avoir signé au bureau de sa conseillère un document à l’attention de la Commission où elle indiquerait son intention de soumettre, lors de l’audition de son appel, une documentation supplémentaire en plus de faire entendre trois témoins. Elle soutient avoir fourni le jour même ces documents à sa conseillère et avoir compris que ces documents seraient transmis à la Commission.

 

[12]           Lors de l’audience devant la Commission, le 1er septembre 2006,  la Commission et le représentant du Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration  indiquent ne pas avoir reçu les documents qu’aurait remis la demanderesse à sa conseillère, le 20 juillet 2006. La Commission refuse alors les documents en question au motif qu’ils n’ont pas été transmis vingt jours avant l’audience. Toutefois la Commission accepte un autre document, soit une lettre de la banque de la demanderesse, datée du 16 août 2006, au motif que ce document a été créé après l’expiration du délai de vingt jours. Les témoins de la demanderesse ne seront pas appelés à témoigner.

 

 

 

 

DÉCISION CONTESTÉE

[13]           Considérant le témoignage peu fiable, peu crédible et évasif de la demanderesse et notant des contradictions quant aux périodes de séjour au Canada de celle-ci, le 12 septembre 2006 la Commission rejette l’appel et confirme la décision de l’agent des visas.

 

[14]           Par ailleurs, la Commission motive son refus d’accepter la preuve produite hors délai par l’absence de raison valable pour justifier ce retard. Elle note que, « invitée à expliquer pourquoi la règle de procédure de l’article 30 n’avait pas été respectée, soit de soumettre au tribunal toute preuve 20 jours avant la date de l’audience » la conseillère de la demanderesse n’a présenté aucune preuve d’envoi, n’a fait état d’aucune raison justifiant ce retard et que le conseiller du ministre a déclaré n’avoir rien reçu. Mais cependant, la Commission accepte de recevoir une lettre de la banque avec laquelle la demanderesse a fait affaire, et que la conseillère de celle-ci produit tardivement, en tenant compte du moment de préparation du document, soit le 16 août 2006.

 

[15]           La Commission note par ailleurs « qu’aucun relevé de compte permettant de vérifier les transactions effectuées n’a été soumis….(et)…qu’aucun de ces documents n’atteste de manière convaincante que l’appelante a été présente au Canada  730 jours avant le 6 octobre 2004 » pendant la période prévue à l’article 28(2)(a).

 

[16]           Tenant compte tenu de la déclaration de la demanderesse selon laquelle elle n’habitait plus à l’adresse figurant au bail produit en preuve, de l’absence de documentation quant à son nouveau logement et du caractère évasif de son témoignage sur ses entrées et sorties du Canada, la Commission conclut que celle-ci  « faisait la navette entre la République Dominicaine et les États-unis, tel que l’a constaté l’agent des visas dans son passeport… », (et) qu’elle utilisait son statut de résidence (canadienne) pour avoir accès à l’assurance-maladie et à la pension de la sécurité et de la vieillesse ».

 

[17]           La Commission  finalement refuse d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’accueillir l’appel de la demanderesse sur la base de motifs humanitaires. Pour justifier son refus, elle considère que la demanderesse n’est pas vraiment enracinée au Canada, qu’elle n’y possède aucun  bien meuble ou immeuble au Canada et que ses enfants au Canada sont adultes, qu’elle a un réseau social aux États-Unis ou résident d’ailleurs deux sœurs qu’elle visite régulièrement.

 

[18]           La Commission note de plus que la demanderesse n’a soulevé aucune épreuve, risque ou danger pouvant avoir occasionné sa perte de résidence sans compter qu’elle ne dépend pas de ses enfants au Canada  et qu’il s’agit d’un deuxième manquement à son obligation de résidence. Enfin la Commission tient compte que la demanderesse pourra toujours continuer de visiter ses enfants au moyen de visa de visiteur, et même être parrainée de nouveau.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[19]           Les questions à trancher peuvent se résumer comme suit:

1)  Y a-t-il matière à intervention de la Cour au motif que  la Commission a soit commis une erreur manifestement déraisonnable dans son appréciation des faits et ou soit enfreint la règle de l’équité procédurale ?

2)  La Commission a-t-elle dérogé la règle de l’équité procédurale en refusant à la demanderesse le droit de produire tardivement en preuve certains documents ?

 

 

NORME DE CONTRÔLE

[20]           La première question met en cause des conclusions de fait. La norme applicable est donc celle de la décision manifestement déraisonnable (Mugesera c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration) 2003 CAF 325). D’ailleurs la demanderesse soumet que telle est la norme sur cette question.

 

[21]           La deuxième question se rapporte à l’équité procédurale  pour laquelle aucune norme ne s’applique. Il n’est pas contesté non plus que toute atteinte à l’équité procédurale entraîne l’invalidité de la décision.

 

LA LOI

La loi ne peut être plus claire quant à l’ « obligation de résidence » des résidents permanents

 

[22]           Ces droits et obligations sont définis aux articles 27 et 28 de la Loi :

 

27. (1) Le résident permanent a, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le droit d’entrer au Canada et d’y séjourner.

(2) Le résident permanent est assujetti aux conditions imposées par règlement.

28. (1) L’obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale.

(2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence :

 

a) le résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas :

 

(i) il est effectivement présent au Canada,

(ii) il accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents,

(iii) il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

 

(iv) il accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

(v) il se conforme au mode d’exécution prévu par règlement;

 

b) il suffit au résident permanent de prouver, lors du contrôle, qu’il se conformera à l’obligation pour la période quinquennale suivant l’acquisition de son statut, s’il est résident permanent depuis moins de cinq ans, et, dans le cas contraire, qu’il s’y est conformé pour la période quinquennale précédant le contrôle;

 

c) le constat par l’agent que des circonstances d’ordre humanitaire relatives au résident permanent — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — justifient le maintien du statut rend inopposable l’inobservation de l’obligation précédant le contrôle

27. (1) A permanent resident of Canada has the right to enter and remain in Canada, subject to the provisions of this Act

2) A permanent resident must comply with any conditions imposed under the regulations.

28. (1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five-year period

(2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five-year period if, on each of a total of at least 730 days in that five-year period, they are

(i) physically present in Canada,

(ii) outside Canada accompanying a Canadian citizen who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent,

(iii) outside Canada employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province,

(iv) outside Canada accompanying a permanent resident who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent and who is employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province, or

(v) referred to in regulations providing for other means of compliance;

(b) it is sufficient for a permanent resident to demonstrate at examination

(i) if they have been a permanent resident for less than five years, that they will be able to meet the residency obligation in respect of the five-year period immediately after they became a permanent resident;

(ii) if they have been a permanent resident for five years or more, that they have met the residency obligation in respect of the five-year period immediately before the examination; and

(c) a determination by an officer that humanitarian and compassionate considerations relating to a permanent resident, taking into account the best interests of a child directly affected by the determination, justify the retention of permanent resident status overcomes any breach of the residency obligation prior to the determination.

 

 

 

[23]           Dans la présente affaire un gestionnaire du programme d’immigration à l’ambassade du Canada à Port-au-Prince, Haïti, conclut que la demanderesse n’a pas démontré s’être conformée à son obligation de résidence permanente d’au moins 730 jours requise par l’article 28(2)(a), pendant la période quinquennale précédent sa demande d’un titre de voyage.

 

La demanderesse a-t-elle démontrée une erreur déraisonnable de la Commission dans l’appréciation des faits qui lui permet de conclure que celle-ci ne s’est pas conformée à son obligation de résidence ?

 

[24]           Dans son analyse des faits la Commission note que le témoignage de la demanderesse est évasif, qu’elle ne se rappelait pas certaines dates tout en étant affirmative sur d’autres. La demanderesse ne lui est pas apparue comme un témoin fiable et crédible. La Commission est en meilleure position que cette Cour pour évaluer la crédibilité à accorder au témoignage de la demanderesse.

 

[25]           La demanderesse invite la Cour à prendre connaissance de la transcription pour vérifier l’inexactitude de ces commentaires de la Commission sur son comportement lors de son témoignage devant elle.

 

[26]           Il est bon de mentionner que la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wen v. MEL., [1994] F.C.J.No.997 (F.C.A.) rappelle, en termes on ne peut plus clairs, que cette Cour ne doit pas intervenir sur l’appréciation que fait un tribunal de l’attitude d’un témoin. Cet enseignement a été suivi dans d’autres affaires et notamment dans Nabi v . M.C.I, IMM-2334-03, 28 avril 2004 (F.C.) cité par le défendeur.

 

[27]           Néanmoins une lecture de la transcription semble confirmer les commentaires de la Commission sur le comportement de la demanderesse lors de son témoignage. De sorte que la Cour ne voit aucune erreur dans le jugement que porte la Commission sur le témoin, et surtout pas une erreur justifiant son intervention pour substituer son opinion à celle de la Commission, et ce d’autant plus que celle-ci a eu l’avantage, que la Cour n’a pas, de pouvoir entendre et apprécier.

 

[28]           Quant à la question principale du litige, l’étude du dossier indique que la demanderesse semble croire que pour satisfaire les exigences de la résidence permanente il suffisait pour elle de ne pas passer plus que cinq mois par année à l’extérieur du Canada.  C’est sans doute pourquoi,  lorsque questionnée sur ses séjours en RD entre 1999 et 2004, elle n’a jamais répondu directement sauf pour affirmer n’avoir jamais dépassé une période de cinq mois.

 

[29]           Pour le reste la Cour ne voit aucune erreur dans l’analyse de la preuve ou les conclusions qu’en tire la Commission. Il n’y a donc pas matière à intervenir pour annuler ou rescinder la décision de la Commission, puisque la demanderesse n’a pas réussi à convaincre la Cour que la décision est entachée d’une erreur déraisonnable telle qu’il y a matière à l’intervention.

 

[30]           N’oublions surtout pas qu’il appartenait en tout temps à la demanderesse de démontrer par une preuve convaincante et prépondérante, ses avancés sur le respect de son obligation de résidence aux termes de la Loi qui la liait, et ce tout autant que la Commission et le gestionnaire du programme d’immigration qui rendit la décision ayant fait l’objet de l’appel et de la présente demande de révision.

 

[31]           Pour ces motifs la Cour se doit de conclure que la demanderesse n’a pas démontré une erreur déraisonnable de la Commission dans son appréciation des faits qui lui permet de conclure que la demanderesse ne s’est pas conformée à son obligation de résidence, et conséquemment de confirmer la décision du gestionnaire du programme d’immigration quant à la requête initiale de la demanderesse.

 

 

 

 

 

La Commission a-t-elle dérogé à la règle de l’équité procédurale par son refus de permettre à la demanderesse de produire tardivement en preuve certains documents ?

 

[32]           La demanderesse allègue un déni d’équité procédurale du fait que la Commission aurait refusé de considérer les documents additionnels qu’elle demandait de mettre en preuve le jour de l’audition.

 

[33]           Le défendeur réfute cet argument en prenant soin d’indiquer que la demanderesse n’a jamais cherché à expliquer en quoi les documents additionnels qu’elle voulait produire tardivement pouvaient l’aider à démontrer qu’elle était demeurée au Canada pour au moins 730 jours pendant la période quinquennale en litige, respectant ainsi son obligation conformément aux termes de l’article 28(2)(a) de la Loi.

 

[34]           Les articles 30 et 31 des Règles de la Division d’appel de la Commission d’immigration concernant la communication de documents par une partie, la preuve de transmission de ceux-ci et le délais pour le faire avant l’audience stipulent comme suit :

 

30.(1) Pour utiliser un document à l'audience, la partie en transmet une copie à l'autre partie et à la Section.

Preuve de transmission

(2) En même temps qu'elle transmet une copie du document à la Section, la partie lui transmet une déclaration écrite indiquant à quel moment et de quelle façon elle en a transmis une copie à l'autre partie.

Délai — général

(3) Sous réserve du paragraphe (4), tout document transmis selon la présente règle doit être reçu par son destinataire au plus tard :

a) soit vingt jours avant l'audience;

b) soit dix jours avant l'audience, dans le cas où il s'agit d'un document transmis en réponse à un document reçu de l'autre partie.

Délai — document médical

(4) Dans le cas d'un document médical transmis dans le cadre d'un appel portant sur l'interdiction de territoire pour motifs sanitaires, le délai de transmission applicable est de soixante jours avant l'audience ou, si le document est en réponse à un autre document médical, de trente jours avant l'audience.

 

Utilisation d'un document non communiqué

31. La partie qui ne transmet pas un document selon la règle 30 ne peut utiliser celui-ci à l'audience, sauf autorisation de la Section.

 

30.(1) If a party wants to use a document at a hearing, the party must provide a copy to the other party and the Division.

Proof that document was provided

(2) Together with the copy provided to the Division, the party must provide a written statement of how and when a copy was provided to the other party.

Time limit — general

(3) Subject to subrule (4), documents provided under this rule must be received by the Division and the other party

(a) no later than 20 days before the hearing; or

 

(b) if the document is provided to respond to another document provided by the other party, no later than 10 days before the hearing.

Time limit — medical documents

(4) A medical document provided in an appeal based on inadmissibility on health grounds must be received by the Division and the other party no later than 60 days before the hearing or, if the document is provided to respond to another medical document, no later than 30 days before the hearing.

 

Use of undisclosed documents

31. A party who does not provide a document as required by rule 30 may not use the document at the hearing unless allowed by the Division.

 

 

 

[35]           Ces règles obligent la demanderesse à transmettre ses documents 20 jours avant l’audition et faire une déclaration écrite pour indiquer à quel moment et de quelle façon elle a transmis une copie à l'autre partie.

 

[36]           La preuve démontre clairement que la demanderesse ne s’est pas conformée à cette obligation. Plus encore, et bien que la demanderesse annexe à son affidavit les documents additionnels qu’elle souhaitait produire devant la Commission le jour de l’audition, elle ne produit par ailleurs aucune preuve de transmission de ceux-ci à la Commission.

 

[37]           La Cour ne peut aussi ignorer que, lorsque durant l’audition, le procureur du défendeur s’objecte à l’admission en preuve des documents que la demanderesse désire produire tardivement, la demanderesse n’insiste pas pour les produire. Au contraire, elle se contente de déclarer que la plus part des documents en question font déjà partie du dossier d’appel que la Commission a devant elle. Elle indique de plus qu’elle n’a véritablement qu’un seul nouveau document à produire, soit une lettre récente de sa banque, datée du 16 août 2006.  Le procureur du défendeur ne s’étant pas objecté à la production de cette lettre, la Commission l’admet en preuve. Si les autres documents exclus étaient aussi importants que l’indique aujourd’hui la demanderesse, pourquoi ne pas avoir insister pour les produire quand c’était le temps, pourquoi ne pas avoir fait ressortir leur importance et pourquoi avoir alors indiqué à la Commission que de toute façon ces documents se trouvaient déjà au dossier de la Cour ?

 

[38]           Bien qu’il soit vrai que la Commission a  tiré des conclusions du fait de l’absence d’une preuve de résidence au Canada et l’absence d’états bancaires pour corroborer la version de la demanderesse sur son état de résidence au Canada, la demanderesse n’explique toujours pas en quoi le bail et les états bancaires, que la Commission lui refuse la permission de produire tardivement, peuvent corroborer ses prétentions d’avoir résider au Canada pour une durée d’au moins 730 jours pendant la période quinquennale en litige.

 

[39]           La Cour ne peut aussi ignorer que les relevés bancaires que la demanderesse désirait offrir en preuve ne portent pas son nom et que la lettre de la banque, dont la Commission autorise la production tardive, ne fait même pas référence à ces relevés qui, de toute façon, ne prouvent rien.

 

[40]           De plus, la simple preuve du bail, dont la Commission ne permet pas la production, ne suffit pas en soi à corroborer le témoignage de la demanderesse sur le nombre de jours de résidence pendant la période visée par l’article 28(2)(a) de la Loi.

 

[41]           La demanderesse insiste sur le fait que sa représentante est responsable du non respect du délai de transmission des documents additionnels qu’elle désirait offrir en preuve, et conséquemment elle ne devrait pas supporter la négligence de celle-ci.

 

[42]           Rappelons que la demanderesse n’a pas démontré en quoi les documents auraient pu modifier la décision ultime de la Commission, car le nom de la demanderesse n’apparaît pas sur les états bancaires refusés, et à leur face même rien ne relie la demanderesse à ceux-ci. La lettre de la banque, dont la Commission autorise la production, ne fait même pas référence à ces états bancaires. Où est la preuve qu’il s’agit des états bancaires de la demanderesse plutôt que ceux d’une autre personne ?  Sans compter que ces documents ne prouvent absolument rien quant à la question de la durée minimale de résidence que la Commission se devait de trancher. Il en va de même du bail non admis en preuve qui lui aussi n’a rien à voir avec la durée de résidence.

 

[43]           Notons cependant que la représentante de la demanderesse nie avoir reçu les documents additionnels que sa cliente prétend lui avoir transmis. De sorte que si la représentante dit vrai, on ne saurait lui imputer négligence. Mais en admettant que la représentante a vraiment reçu ces documents, la Cour ne peut voir en quoi ces documents, transmis à temps et produits, auraient pu modifier le résultat de la décision que devait finalement rendre la Commission compte tenu de la preuve en dossier et de ce que la Commission se devait de décider. Cette Cour a refusé d’intervenir lorsque un demandeur, comme dans l’espèce, ne réussit pas à démontrer que, n’eut été de la négligence de son représentant (ici ne pas avoir transmis à temps les documents reçus), le résultat eut été différent (Shirvan v. M.C.I., [2005]  FC, par. 35 ; Angeles v. M.C.I., [1994] FC 1257).

 

[44]           La demanderesse soutient dans son affidavit que ses enfants étaient assis devant la salle d’audience, mais qu’ils n’ont jamais été appelés à témoigner. Le dossier et la transcription n’indiquent pas que la demanderesse ou sa représentante aient demandé ou insisté pour les faire entendre. Et il n’y a aucune preuve que la Commission ait refusé qu’ils le soient. Il appartenait à la représentante et la demanderesse de décider de l’opportunité de faire entendre ou pas ces témoins. Chose certaine, on ne saurait reprocher à la Commission le fait que ces témoins n’aient pas été entendus.

 

CONCLUSION

[45]           Somme tout, la demanderesse n’a pas réussi à convaincre la Cour que la Commission a enfreint l’équité procédurale, et pas plus qu’il y a ici motif à intervention de cette Cour. Au contraire, il appert que la demanderesse a été entendue et pu faire valoir ses prétentions sur la question principale du litige, soit son respect ou non de l’obligation de résidence. Elle a eu l’occasion d’expliquer en quoi les documents refusés auraient pu être pertinents. Contrairement à ses prétentions, il paraît, à la lecture même de la transcription et de la preuve au dossier, que ce n’est pas par négligence que sa représentante n’a pas insister pour produire les documents refusés, mais bien parce qu’elle jugeait son dossier complet avec l’ajout de la lettre bancaire produite tardivement avec la permission de la Commission.

 

[46]           Et si la représentante de la demanderesse n’a pas fait  entendre les enfants de la demanderesse comme témoins, malgré leur présence lors de l’audition, ce n’est pas parce que la Commission a refusé de les entendre mais bien parce que, pour un motif tactique ou autre, la représentante a décidé de ne pas les faire entendre sans que la demanderesse conteste cette décision alors qu’il était encore temps.

 

[47]           Elle doit aujourd’hui assumer les décisions de sa représentante, et elle n’a qu’à s’en prendre à elle-même de n’avoir pas su respecter son obligation de résidence qu’elle ne pouvait ignorer. Pour le moment la Cour se doit de rejeter la demande de contrôle judiciaire, vu que la demanderesse a failli faire la preuve des reproches faits à la Commission.

 

[48]           Les parties n’ayant soumis aucune question à certifier, aucune ne sera certifiée.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ADJUGE QUE la demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée.

 

 

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5681-06

 

INTITULÉ :                                       ENILDA BOURDIERT

                                                            c.

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               24 avril 2007

 

MOTIFS  :                                         L’honorable Maurice E. Lagacé, juge suppléant

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 3 mai 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me William Sloan

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Gretchen Timmins

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me William Sloan

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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