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Date : 20070420

Dossier : T-1759-05

Référence : 2007 CF 426

Ottawa (Ontario), le 20 avril 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

 

 

ENTRE :

LE CHEF LYLE DESNOMIE

demandeur

 

et

 

LE CONSEILLER MAURICE NOKUSIS,

LE CONSEILLER ALLAN BIRD,

LE CONSEILLER LAMBERT STONECHILD,

LE CONSEILLER BRIAN DESNOMIE,

en leur qualité de membres du conseil de la Première nation Peepeekisis

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite, en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, le contrôle judiciaire d’une décision du conseil de la Première nation Peepeekisis, communiquée au demandeur dans une lettre datée du 26 juillet 2005, décision qui le destituait de ses fonctions de chef de la Première nation Peepeekisis et qui ordonnait la tenue d’une élection complémentaire, laquelle a eu lieu en septembre 2005.

 

LE CONTEXTE

[2]               Lyle Desnomie (le demandeur) a été élu chef de la Première nation Peepeekisis le 15 décembre 2002.

 

[3]               Des accusations de voies de fait ont été déposées contre le demandeur par un membre de la bande à la suite d’un incident survenu à la fin de 2004, accusations qui furent finalement suspendues le 4 juillet 2005.

 

[4]               Entre-temps, une modification de la Loi électorale coutumière de la Première nation Peepeekisis (la Loi électorale coutumière) fut adoptée lors de l’assemblée des membres de la bande de la Première nation Peepeekisis tenue le 15 janvier 2005. La modification projetée prévoyait essentiellement que, si un chef élu était accusé d’une infraction criminelle, il serait destitué immédiatement et jusqu’au retrait ou au rejet des accusations.

 

[5]               Par lettre datée du 22 février 2005, le demandeur fut informé que l’organe directeur de Peepeekisis avait décidé de le suspendre de sa charge de chef de la Première nation Peepeekisis, conformément à la Loi électorale coutumière modifiée.

 

[6]               Le 25 mai 2005, l’organe directeur de Peepeekisis envoya une lettre au demandeur pour obtenir des renseignements concernant certaines affaires, qui, selon l’organe directeur, constituaient des manquements à l’obligation fiduciaire du demandeur envers la bande.

 

[7]               Le 26 juillet 2005, le demandeur a reçu de l’organe directeur de Peepeekisis une lettre l’informant qu’une réunion avait eu lieu le 25 juillet 2005, que, durant cette réunion, il avait été définitivement démis de ses fonctions de chef, conformément à l’article 7 de la Loi électorale coutumière et qu’une élection complémentaire aurait lieu pour le remplacer.

 

[8]               Une élection complémentaire a eu lieu en septembre 2005 et Bev Bellegarde a été élue chef de la Première nation Peepeekisis.

 

[9]               C’est la décision du 25 juillet 2005 de destituer le demandeur de ses fonctions de chef et de tenir une élection complémentaire pour le remplacer qui est l’objet de cette demande de contrôle judiciaire.

 

LES POINTS À EXAMINER

[10]           Les points suivants doivent être examinés dans cette demande de contrôle judiciaire :

1) La demande de contrôle judiciaire est-elle prématurée parce que le demandeur ne s’est pas prévalu de la procédure d’appel applicable décrite dans la Loi électorale coutumière?

 

2) En destituant le demandeur comme chef de la Première nation Peepeekisis, le conseil a-t-il manqué à son obligation d’équité envers le demandeur?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[11]           Lorsqu’il est allégué qu’il y a eu manquement à la justice naturelle ou à l’équité procédurale, la décision contestée doit être revue d’après la norme de la décision correcte (Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539). Si la Cour juge qu’il y a eu manquement à l’obligation d’équité envers le demandeur, la décision contestée n’appellera aucune retenue de la part de la Cour et la demande d’annulation de la décision sera accordée.

 

ANALYSE

1) La demande de contrôle judiciaire est-elle prématurée parce que le demandeur ne s’est pas prévalu de la procédure d’appel applicable décrite dans la Loi électorale coutumière?

 

[12]           Avant d’examiner les allégations du demandeur, je voudrais dire un mot sur l’unique argument des défendeurs, qui affirment que, dans une demande de contrôle judiciaire, le demandeur doit d’abord avoir épuisé tous les recours que lui offrent les textes de loi avant de pouvoir obtenir de la Cour, dans l’exercice de sa fonction de surveillance, un redressement extraordinaire. En l’espèce, les défendeurs disent que le demandeur n’a pas exercé le droit d’appel prévu par l’article 9 de la Loi électorale coutumière avant de solliciter le contrôle judiciaire de la décision et que sa demande devrait donc être rejetée.

 

[13]           La faiblesse de l’argument des défendeurs tient au fait qu’ils n’ont indiqué à la Cour aucune disposition légale leur permettant d’affirmer que le demandeur pouvait se prévaloir d’une procédure d’appel de la décision du Conseil. En fait, l’avocat des défendeurs a signalé à la Cour, au soutien de cet argument, une disposition légale hors de propos, qui concerne les modifications apportées à la Loi électorale coutumière. Après examen attentif de la Loi électorale coutumière, la seule disposition prévoyant un droit d’appel que la Cour ait pu trouver était l’article 8, qui confère un droit d’appel à l’encontre des résultats d’une élection. Dans l’espèce qui nous concerne, le demandeur ne conteste pas les résultats électoraux, mais plutôt sa propre destitution, qui a conduit au déclenchement d’une élection complémentaire, et l’article 8 n’est donc pas applicable.

 

2) En destituant le demandeur comme chef de la Première nation Peepeekisis, le conseil a-t-il manqué à son obligation d’équité envers le demandeur?

 

[14]           Selon le demandeur, le conseil avait envers lui une obligation d’équité qu’il n’a pas respectée. Comme l’écrivait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Lakeside Colony of Hutterian Brethren c. Hofer, [1992] 3 R.C.S. 165, au paragraphe 79 :

Le contenu des principes de justice naturelle est souple et dépend des circonstances dans lesquelles la question se pose. Toutefois, les exigences les plus fondamentales sont la nécessité d’un avis, la possibilité de répondre et l’impartialité du tribunal.

 

 

En l’espèce, le demandeur soutient qu’il n’a reçu aucun avis des accusations le visant, ni de la réunion où la décision a été prise, et qu’il a donc été privé de la possibilité de se faire entendre. Le demandeur maintient aussi que le processus décisionnel suscite une crainte raisonnable de partialité car la décision n’a pas été prise par un conseil des anciens régulièrement constitué, contrairement à ce que requiert la Loi électorale coutumière.

 

[15]           Les défendeurs n’ont pas présenté de prétentions écrites en réponse à ces allégations de manquement à l’obligation d’équité, encore qu’ils aient produit les procès-verbaux de diverses réunions du conseil et de diverses assemblées de la bande, procès-verbaux qui ont permis de jeter un éclairage sur la procédure suivie pour arriver à la décision aujourd’hui contestée.

 

[16]           La lettre datée du 26 juillet 2005, qui informait le demandeur qu’il avait été démis de ses fonctions de chef, se réfère aux dispositions suivantes de la Loi électorale coutumière, présentées comme dispositions conférant le pouvoir de destituer le demandeur :

[traduction]

7.1 La charge de chef deviendra vacante si la personne qui occupe cette charge :

A)    décède ou est d’une autre manière incapable de l’occuper, ou démissionne;

B)     s’est absentée, sans raison valable, de trois (3) réunions consécutives du conseil;

C)    est déclarée par le conseil des anciens coupable de pratiques électorales malhonnêtes, de corruption, de malversations ou de méfaits dans l’exercice de sa charge;

D)    le conseil des anciens de la PREMIÈRE NATION PEEPEEKISIS peut déclarer une personne qui cesse d’occuper sa charge en vertu de la présente Loi inhabile à occuper la charge de chef durant une période maximale de dix (10) ans.

 

7.3 Le conseil des anciens a le pouvoir de démettre un chef de ses fonctions, en application de la présente Loi.

 

[17]           Il ressort clairement de cette disposition que c’est au conseil des anciens, non à l’organe directeur, qu’il revient de prendre une telle décision. Le problème qui se pose en l’espèce est qu’aucun conseil des anciens n’a jamais été constitué suite à l’adoption de la Loi électorale coutumière. Ainsi que l’attestent les procès-verbaux des assemblées de la bande de Peepeekisis du 15 janvier 2005 et du 26 février 2005, cette question était source d’inquiétude pour quelques membres avant que la destitution du demandeur ne devienne d’actualité. Toutefois, rien n’a jamais été fait pour la régler.

 

[18]           Il semblerait que ce n’est que lorsque l’organe directeur de Peepeekisis a décidé qu’il pouvait y avoir matière à démettre le demandeur de ses fonctions que l’on a entrepris d’établir un conseil des anciens. Ce à quoi le demandeur trouve à redire, c’est au processus suivi pour établir ce conseil des anciens, et cela parce que les anciens n’avaient pas tous été informés qu’un tel conseil était constitué pour examiner la situation, et que ceux qui ont fini par constituer ce conseil ne représentaient qu’une minorité des membres de la Première nation Peepeekisis.

 

[19]           La Loi électorale coutumière ne semble renfermer aucune disposition sur la manière dont un tel conseil des anciens aurait dû être constitué, de telle sorte qu’il est impossible de dire si la procédure suivie était conforme à ce texte. Par ailleurs, aucune des parties n’a produit une preuve permettant de dire si la procédure suivie était conforme aux coutumes de la Première nation Peepeekisis. Par conséquent, nous devons nous en rapporter aux principes de l’équité procédurale pour savoir si le conseil des anciens a porté atteinte aux droits du demandeur et si la procédure suivie pour instituer le conseil des anciens suscite une crainte raisonnable de partialité.

 

[20]           Le critère à appliquer pour savoir si un tribunal administratif a été de parti pris fut exposé à l’origine par le juge Louis-Philippe de Grandpré dans un arrêt de la Cour suprême du Canada, Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, aux pages 394 et 395 :

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. »

 

 

[21]           La procédure retenue pour établir un conseil des anciens, ainsi que l’attestent les procès-verbaux de la réunion du 18 juillet 2005 de l’organe directeur, a consisté à inviter les anciens qui étaient déjà membres de divers comités à devenir membres du conseil des anciens, et, s’il y avait un conflit d’intérêts sur un point particulier, le membre à l’origine du conflit d’intérêts pourrait être remplacé par un ancien figurant sur une liste de suppléants. Une réunion de ce conseil des anciens a alors eu lieu le 20 juillet 2005. Seuls trois anciens se sont présentés à la réunion, et la décision fut prise de démettre le demandeur de ses fonctions, aux motifs qu’il s’était absenté de trois réunions du conseil de la Première nation et qu’il s’était approprié de l’argent alors qu’il était suspendu. Le conseil des anciens recommanda aussi la tenue d’une élection complémentaire pour le remplacement du demandeur.

 

[22]           Le 25 juillet 2005, une assemblée de la bande eut lieu, au cours de laquelle la recommandation du conseil des anciens fut présentée. Certains membres formulèrent des objections sur le processus suivi pour établir ce conseil des anciens. En réaction auxdites objections, tous les anciens qui étaient présents à l’assemblée furent priés de se réunir pour examiner les recommandations et dire s’ils les appuyaient ou non. À la suite de ce débat, ce nouveau conseil des anciens recommanda lui aussi que le demandeur soit démis de ses fonctions et qu’une élection complémentaire ait lieu. Cette recommandation de destitution du demandeur fut alors mise aux voix durant une assemblée de la bande, avec les résultats suivants : 47 pour, 4 contre et 7 abstentions.

 

[23]           Ayant décrit les principales étapes de la procédure suivie pour destituer le demandeur de ses fonctions, j’examinerai maintenant les motifs invoqués par ce conseil des anciens, composé de trois membres, pour justifier la destitution : le demandeur était destitué de ses fonctions au motif qu’il s’était absenté de trois réunions consécutives du conseil de la Première nation et qu’il s’était approprié de l’argent alors qu’il était suspendu. L’article 7.1 de la Loi électorale coutumière, reproduit au paragraphe 16 des présents motifs, contient une disposition selon laquelle un chef peut être démis de ses fonctions si l’on constate qu’il « s’est absenté, sans raison valable, de trois (3) réunions consécutives du conseil ».

 

[24]           La première difficulté que me cause cette décision est qu’aucune preuve n’a été produite concernant le point de savoir si le demandeur s’était absenté desdites réunions à la suite de la décision de l’organe directeur de Peepeekisis de le suspendre de ses fonctions de chef par lettre datée du 22 février 2005, jusqu’au rejet ou au retrait des accusations criminelles déposées contre lui. Autrement dit, il serait important de savoir si le conseil des anciens a décidé de le renvoyer en raison du fait qu’il s’était absenté de trois réunions consécutives qui avaient eu lieu avant ou après le 22 février 2005, et de connaître aussi les dates précises des réunions auxquelles il ne s’était prétendument pas présenté. Par ailleurs, il n’était pas établi qu’on avait prié le demandeur de dire s’il avait une « raison valable » de ne pas avoir assisté à ces trois réunions consécutives, selon les mots employés par l’article 7.1 de la Loi électorale coutumière.

 

[25]           L’autre motif invoqué au soutien de la recommandation de destitution du demandeur de ses fonctions de chef était qu’il s’était approprié de l’argent alors qu’il était suspendu. La preuve produite montre que cette accusation avait été évoquée au cours d’assemblées antérieures de la bande, mais il n’est pas établi que, avant que la décision soit prise, le demandeur ait jamais été mis au fait de cette accusation particulière et qu’on l’ait prié de dire s’il avait une explication valide pouvant justifier son comportement. En réalité, la recommandation du conseil des anciens fut faite sans que le demandeur ou son représentant désigné ait comparu, car le demandeur n’a jamais été invité à comparaître devant lui pour se justifier ou pour répondre aux accusations.

 

[26]           Comme je l’écris au paragraphe 22 des présents motifs, des objections ont été formulées par des membres de la bande lors de la réunion du 25 juillet de l’organe directeur, à propos de la procédure suivie pour constituer le conseil des anciens. Un nouveau conseil des anciens fut donc constitué parmi les anciens présents lors de cette assemblée pour qu’il dise s’il approuvait la recommandation déjà faite par le conseil des anciens à la suite de sa réunion du 20 juillet 2005.

 

[27]           Quels qu’aient pu être les moyens pris lors de la réunion de l’organe directeur pour atténuer les vices de la procédure suivie à l’origine en vue d’obtenir une recommandation du conseil des anciens, je suis d’avis que la procédure tout entière a quand même porté atteinte au droit du demandeur à l’équité procédurale. Vu l’importance de la décision qui fut soumise au conseil des anciens, à savoir la destitution du demandeur de ses fonctions de chef élu, il y avait obligation pour l’organe directeur de faire en sorte que la procédure suivie soit totalement indépendante et exempte de partialité.

 

[28]           Comme je l’ai déjà dit, les anciens qui avaient été invités à devenir membres du conseil des anciens étaient ceux qui étaient déjà membres de divers comités et qui avaient un lien direct avec l’organe directeur. Il ne semble pas y avoir de raison valide, autre que la convenance, expliquant pourquoi l’organe directeur n’a pas invité tous les anciens de la bande à devenir membres de ce conseil des anciens. Si l’on ajoute à cela que seuls trois anciens se sont manifestés, et que le chef n’a jamais été prié de comparaître devant eux pour répondre aux accusations, il ne fait aucun doute dans mon esprit que la procédure suivie était à première vue viciée dès le départ et qu’elle ne pouvait être « rectifiée » par la réunion ultérieure du 25 juillet au cours de laquelle fut entérinée la recommandation du conseil des anciens.

 

[29]           J’admets que la Loi électorale coutumière ne donnait guère d’indications à l’organe directeur sur la manière de constituer valablement un conseil des anciens. Néanmoins, une prudence élémentaire et un souci d’équité lui commandaient de réunir le plus grand nombre possible d’anciens, vu l’importance de la décision pour le demandeur.

 

[30]           À mon avis, la procédure suivie pour constituer le conseil des anciens ne suscite pas en tant que telle une crainte raisonnable de partialité. Néanmoins, je n’ai aucune hésitation à dire qu’il y a eu atteinte manifeste au droit du demandeur à l’équité procédurale.

 

[31]           Il m’est impossible également de souscrire à l’avis des défendeurs selon lequel des mesures raisonnables furent prises pour corriger les vices de la procédure suivie, car je ne suis saisi d’aucune preuve que le demandeur fut invité à exposer, par écrit ou oralement, ses arguments en réponse aux accusations le visant.

 

[32]           Le fait que le demandeur savait qu’une assemblée de la bande aurait lieu le 25 juillet 2005 ne suffit pas. Le procès-verbal de la réunion du 18 juillet 2005 de l’organe directeur mentionne que le conseil des anciens serait constitué d’anciens qui étaient déjà membres de divers comités, et une réunion de ce conseil des anciens a alors eu lieu le 20 juillet 2005. Cinq jours plus tard, le 25 juillet, la bande s’assemblait pour prendre connaissance de la recommandation du conseil des anciens. Si je considère cette série de trois assemblées ou réunions sur une période de sept jours, je ne vois nulle part que le chef fut jamais invité, durant cette période, à répondre aux accusations, une omission qui, selon moi, porte un coup fatal à la décision du conseil des anciens. Même si l’organe directeur avait informé le demandeur de ses doutes à propos de certaines dépenses faites alors qu’il était suspendu de ses fonctions, et même s’il l’avait invité à y réagir, cela ne dispensait pas le conseil des anciens de son obligation d’inviter le chef à répondre aux accusations, dans le cadre de ses délibérations.

 

[33]           À l’évidence, l’incertitude règne concernant les observations et allégations qui furent faites durant les diverses assemblées de la bande. Néanmoins, pour que soit respecté le critère de l’équité procédurale, il faut à tout le moins signifier à l’intéressé un avis suffisant et lui donner l’occasion de réagir quand lui sont imputés de graves manquements qui pourraient avoir de graves conséquences, telles que, comme c’est le cas ici, la destitution du demandeur de ses fonctions de chef.

 

[34]           Je voudrais aussi faire observer à ce stade que je ne nie pas que les accusations puissent être valides ou raisonnables; mon seul sujet d’inquiétude concerne la procédure suivie pour arriver à une décision. À la vérité, les faits entourant cette demande ne suscitent guère de sympathie envers le demandeur. Néanmoins, que la décision de démettre le demandeur de ses fonctions ait été bonne ou mauvaise, il reste que le conseil des anciens avait une obligation d’équité envers quiconque devait répondre à d’aussi graves accusations de malversations, et devait lui donner la possibilité d’être entendu.

 

[35]           Je conclus donc que le demandeur n’a pas reçu un avis suffisant des accusations portées contre lui par l’organe directeur ou le conseil des anciens et qu’il n’a pas eu la possibilité d’y répondre. Il y a donc eu, atteinte manifeste au droit du demandeur d’être entendu, en vertu de l’obligation d’équité atteinte qui justifie l’intervention de la Cour.

 

[36]           Pour tous les motifs susmentionnés, la demande est accueillie. La décision du conseil de la Première nation Peepeekisis, communiquée au demandeur par lettre datée du 26 juillet 2005, qui destituait le demandeur de ses fonctions de chef de la Première nation Peepeekisis et qui ordonnait la tenue d’une élection complémentaire, laquelle a eu lieu en septembre 2005, est annulée.

 

[37]           Les dépens seront accordés au demandeur.

 


JUGEMENT

 

1.                  La demande est accueillie;

 

2.                  La décision du conseil de la Première nation Peepeekisis, communiquée au demandeur par lettre datée du 26 juillet 2005, qui destituait le demandeur de ses fonctions de chef de la Première nation Peepeekisis et qui ordonnait la tenue d’une élection complémentaire, laquelle a eu lieu en septembre 2005, est annulée;

 

3.                  Les dépens sont accordés au demandeur.

 

« Pierre Blais »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-1759-05

 

INTITULÉ :

LE CHEF LYLE DESNOMIE

demandeur

 

et

 

LE CONSEILLER MAURICE NOKUSIS,

LE CONSEILLER ALLAN BIRD,

LE CONSEILLER LAMBERT STONECHILD,

LE CONSEILLER BRIAN DESNOMIE,

en leur qualité de membres du conseil de la Première nation Peepeekisis

défendeurs

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Winnipeg, par téléconférence

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 15 MARS 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 20 AVRIL 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Jeffery W. Deagle

 

POUR LE DEMANDEUR

Tom Waller, c.r.

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hunter Miller LLP

Regina (Saskatchewan)

 

POUR LE DEMANDEUR

Olive Waller Zinkhan & Waller

Regina (Saskatchewan)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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