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Date : 20070417

Dossier : IMM-1477-07

Référence : 2007 CF 401

Toronto (Ontario), le 17 avril 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

HARRY OMAR BONIL ACEVEDO

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

APERÇU

[1]               La présente demande de sursis à l’exécution de l'ordonnance de renvoi prise contre le demandeur est fondée sur l'existence de questions valables qu’il a soulevées dans sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire du refus de l'agent de renvoi d'accorder le report du renvoi.

 

LE CONTEXTE

[2]               L'épouse du demandeur est Canadienne et elle est incapable de travailler pour des raisons médicales. Le demandeur a aussi deux très jeunes enfants nés au Canada; l'un d'eux souffre de troubles du développement et a donc besoin de soins particuliers.

 

[3]               Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada et une demande subsidiaire invoquant des motifs d'ordre humanitaire (demande CH). Le demandeur a présenté sa demande de résidence permanente et a demandé qu'elle soit instruite de façon accélérée.

 

[4]               La présente demande est fondée sur des questions graves de droit et d'équité, ainsi que sur une allégation de préjudice irréparable qui sera causé s'il n'est pas sursis au renvoi du demandeur du Canada en attendant qu'une décision soit rendue dans la demande principale d'autorisation et de contrôle judiciaire.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[5]               1) Le demandeur soulève-t-il une question grave?

2) Y aura-t-il préjudice irréparable pour le demandeur ou une autre personne si le demandeur est renvoyé du Canada?

3) La prépondérance des inconvénients penche-t-elle en faveur du demandeur?

 

 

 

ANALYSE

[6]               Dans l'arrêt Turbo Resources Ltd. c. Petro Canada Inc., [1989] 2 C.F. 451 (C.A.F.), [1989] A.C.F. no 14 (QL), la Cour d'appel fédérale a décrit l'objet d'une injonction interlocutoire comme suit :

[traduction]

 

L'objet d'une injonction interlocutoire est de protéger le demandeur contre le préjudice, résultant de la violation de son droit, qui ne pourrait être adéquatement réparé par des dommages-intérêts recouvrables dans l'action si l'affaire devait être tranchée en faveur dudit demandeur au moment de l'instruction […]

 

[7]               Le critère à appliquer pour déterminer si un sursis à une mesure de renvoi sera accordé à été établi dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1988] 86 N.R. 302 (C.A.F.), [1988] A.C.F. no 587 (QL), dans lequel la Cour d'appel fédérale a statué :

[traduction]

Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu’une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu’il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu’il subirait un préjudice irréparable si l’ordonnance n’était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l’octroi de l’ordonnance.

 

(Référence à la décision American Cynamid Co. c. Ethicon Ltd. [1975] A.C. 396 (Chambre des lords).)

 

La question sérieuse

[8]               La Cour suprême du Canada a statué que le critère de la « question sérieuse à juger » signifie simplement que la question soulevée « n'est ni futile ni vexatoire ». (RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, au paragraphe 44.)

 

[9]               Dans l'arrêt North American Gateway Inc. c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1997] A.C.F. no 628 (QL), la Cour d'appel fédérale a donné d'autres précisions sur le critère de la question sérieuse à juger :

[10]      Selon la jurisprudence, le seuil d'opposabilité d'une « question sérieuse à juger » est bas. Selon l'ancienne jurisprudence, la partie requérante devait établir une apparence de droit suffisante avant qu'une suspension d'instance ne pût être accordée. Depuis les décisions de la Cour suprême du Canada dans Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Limited, [1987] 1 R.C.S. 110, et R.J.R. MacDonald, précité, les tribunaux ont décidé que le seuil est beaucoup plus bas : il suffit pour la partie requérante de convaincre la Cour que la question de l'appel n'est ni futile ni vexatoire.

 

[10]           Dans la décision Munar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] 2 R.C.F. 664, [2005] A.C.F. no 1448 (QL), la Cour a aussi récemment statué que :

[21]      Dans le cas d’une demande de surseoir à l’exécution de la décision de l’agent de renvoi, la Cour n’a pas seulement à décider si on a soulevé une question sérieuse à trancher. Elle doit aller plus loin et examiner le fond de la demande, ainsi que la vraisemblance qu’elle soit accueillie. […]

 

 

[11]           Le juge Yves de Montigny, qui partageait l'avis du juge Denis Pelletier énoncé dans la décision Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] A.C.F. no 295 (QL), a aussi statué dans la décision Munar, précitée, qu'il est justifié d'utiliser le seuil le plus élevé si le résultat du recours interlocutoire demandé entraînera le prononcé d'une décision définitive quant à la demande principale.

[10]      La Cour suprême du Canada a déclaré que le critère d’une « question sérieuse à trancher » consiste tout simplement dans la détermination que la question soulevée n’est pas futile : RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, au paragraphe 44, [1994] A.C.S. no 17. Par contre, pour obtenir gain de cause dans le cadre du contrôle judiciaire sous-jacent, le demandeur doit démontrer que la décision de ne pas différer l’exécution doit faire l’objet d’un contrôle par suite d’une erreur de droit, d’une erreur quant à la compétence, d’une conclusion de fait erronée tirée de façon arbitraire ou d’un déni de justice naturelle : Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, paragraphe 18.1(4). En conséquence, si le sursis est accordé, la réparation aura été obtenue sur une conclusion que la question soulevée n’est pas futile. Si le sursis n’est pas accordé et que la demande de contrôle judiciaire est examinée, le demandeur devra démontrer au fond qu’il y a un motif d’accorder la réparation demandée. La structure du processus fait que le demandeur peut obtenir la réparation sollicitée dans sa demande interlocutoire sur une base moins exigeante, nonobstant le fait que cette réparation est justement celle qui est sollicitée dans le cadre du contrôle judiciaire. C’est le fait qu’on sollicite la même réparation dans la demande interlocutoire et dans la demande finale qui me porte à conclure que, comme on sollicite la même réparation, on devrait l’obtenir sur une même base. Par conséquent, je suis d’avis que dans les affaires où une requête de sursis est présentée à la suite du refus de l’agent chargé du renvoi d’en différer l’exécution, le juge saisi de l’affaire doit aller plus loin que l’application du critère de la « question sérieuse » et examiner de près le fond de la demande sous-jacente.

 

 

[12]           La question grave qui est soulevée en l'espèce est de savoir si l'agent de renvoi a commis une erreur de droit en refusant de reporter le renvoi du demandeur en attendant qu'une décision soit rendue au sujet de sa demande de résidence permanente présentée en vertu de la politique d'intérêt publique établie selon les règles de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada, et en attendant qu'une décision soit rendue quant à la demande CH subsidiaire, qui touche aussi l'intérêt supérieur des enfants canadiens concernés.

 

Demande de parrainage et demande CH en attente

[13]           Le 31 mars 2007, le demandeur a présenté sa demande de résidence permanente (justification du retard décrite ci-dessous) dans la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada et une demande subsidiaire pour des motifs d'ordre humanitaire, motifs qui comprennent notamment l'intérêt supérieur de ses enfants canadiens.

 

[14]           En raison de circonstances inhabituelles et exceptionnelles portant sur une situation de fait précise, décrite ci-dessous, le demandeur n'était pas encore prêt au renvoi en attendant qu'une décision soit rendue au sujet de sa demande de résidence permanente fondée sur la catégorie des époux ou conjoints de faits au Canada et sur des raisons d'ordre humanitaire.

 

[15]           Il est bien établi en droit qu'un agent de renvoi a un certain pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait au report d'un renvoi lorsqu'un tel report est demandé. (Man c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 454, [2005] A.C.F. no 574 (QL).)

 

[16]           La déclaration suivante du juge Conrad von Finckenstein, faite par addenda dans la décision Benjamin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 582, [2006] A.C.F. no 750 (QL), est pertinente quant à l'affaire en l'espèce :

[18]      L’affaire a été reportée deux fois pour permettre au demandeur de déposer une demande en vertu de la « Politique d’intérêt public établie en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR pour faciliter le traitement selon les règles de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada », datée du 26 août 2005. Le demandeur a déposé cette demande le 31 décembre 2005 et elle est en cours de traitement. On s’attend à ce que le défendeur accorde une suspension administrative du renvoi du demandeur aux termes de l’article « E » de la politique. La Cour ne voit aucun avantage à renvoyer le demandeur au Nigeria, pendant que sa demande (parrainée par son épouse) est en cours de traitement, pour ensuite le ramener au Canada à toute vitesse si sa demande était accueillie, ce que laisse entendre le défendeur. Une telle façon de procéder ne tient absolument pas compte de la douleur, du bouleversement et des difficultés émotionnelles que cause un renvoi. Le défendeur devrait tenir compte de ces facteurs avant d’ordonner le renvoi du demandeur pendant que le traitement de sa demande dans la catégorie des époux au Canada est en cours.

 

[17]           La Cour a statué que, dans la plupart des cas, le fait qu'une demande de parrainage entre époux ou une demande CH présentée au Canada soit en attente ne permet pas automatiquement le report du renvoi du demandeur. En l'espèce, la requête en sursis est unique en soi en raison de la chronologie des faits et du récit qui en ressort.

 

[18]           En l'espèce, la demande CH a été déposée avant que le demandeur soit avisé de la décision défavorable rendue dans l'ERAR et avant que la mesure de renvoi soit prise.

 

[19]           Dans la décision Haghighi c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 372, [2006] A.C.F. no 470 (QL), la requête en sursis à une mesure de renvoi a été accueillie, mais la demande de contrôle judiciaire principale a par la suite été rejetée. Une fois de plus, les faits de cette affaire peuvent être distingués de l'affaire en l'espèce parce que, dans Haghighi, la demande CH avait été présentée seulement après qu'une décision défavorable eut été rendue quant à l'ERAR. Dans Haghighi, les demandeurs ont simplement présenté à l'agent de renvoi leur requête en sursis à la mesure de renvoi en déclarant qu'ils avaient récemment présenté une demande CH et qu'ils attendaient une décision à ce sujet. Ils n'ont donné à l'agent de renvoi aucune copie de leur demande CH ni aucun document qui faisait état du risque nouvellement défini.

 

[20]           En l'espèce, le demandeur a non seulement offert de donner à l'agent de renvoi une copie de son dossier de demande complet (offre qui a été refusée), mais il a aussi demandé que l'agent reçoive des copies d'autres documents qui précisaient les facteurs pertinents quant à la demande CH, tels que des preuves de l'état de santé de sa femme et des troubles du développement de son fils ainsi que des lettres d'appui de son employeur et de l’enseignante d’école maternelle de son fils. (Affidavit du demandeur, paragraphes 31 à 33.)

 

[21]           Dans la décision Perry c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 378, [2006] A.C.F. no 473 (QL), la Cour a statué :

[14]      Le pouvoir d’un agent préposé aux renvois de reporter un renvoi en application de l’article 48 de la LIPR est extrêmement mince. Il se limite à dire à quel moment la mesure de renvoi sera exécutée. Lorsqu’il décide à quel moment « les circonstances […] permettent » l’exécution d’une mesure de renvoi, l’agent préposé aux renvois peut tenir compte de circonstances impérieuses ou de circonstances personnelles spéciales (Simoes c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 936, au paragraphe 12; Wang c. Canada (M.C.I.), [2001] 3 C.F. 682, au paragraphe 45; Kaur c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 1082, aux paragraphes 15 et 18; Mollaw c. Solliciteur général du Canada, (28 septembre 2004) IMM‑8072‑04).

[Non souligné dans l’original.]

 

[22]           Il convient de noter que la requête en sursis dans l'affaire Perry a été rejetée parce que le demandeur n'avait pas présenté de demande CH lorsqu'il a demandé le sursis à l'exécution de la mesure de renvoi. Le demandeur avait seulement fondé sa requête sur le fait qu'il avait l'intention de présenter une demande CH.

 

[23]           En l'espèce, le demandeur a présenté sa demande de parrainage et sa demande CH avant que la décision défavorable soit rendue quant à l'ERAR et que la mesure de renvoi ait été ordonnée contre lui. De plus, le demandeur a aussi fait état de circonstances impérieuses et de circonstances personnelles spéciales, appuyée par des preuves, lorsqu'il a demandé le sursis à l'exécution de la mesure de renvoi.

 

[24]           Le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, qui précise qu'il faut tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. La Cour suprême du Canada a confirmé cet engagement dans l'arrêt de principe Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, lorsqu'elle a statué :

[71]      […] Les principes de la Convention et d’autres instruments internationaux accordent une importance spéciale à la protection des enfants et de l’enfance, et à l’attention particulière que méritent leurs intérêts, besoins et droits. Ils aident à démontrer les valeurs qui sont essentielles pour déterminer si la décision en l’espèce constituait un exercice raisonnable du pouvoir en matière humanitaire.

 

[25]           Bien que l'agent de renvoi n'eût pas le pouvoir discrétionnaire lui permettant de rendre une décision sur le fond quant à l'intérêt supérieur d'un enfant, la demande de parrainage et la demande CH du demandeur étaient la façon appropriée d'obtenir un tel examen approfondi. Néanmoins, selon les circonstances, un agent de renvoi a le pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi jusqu'à ce qu'il y ait examen complet de l'intérêt supérieur de l'enfant.

 

[26]           Il est également établi qu'un agent de renvoi doit néanmoins être « attentif et sensible » à l'intérêt supérieur de l'enfant. Par exemple, la Cour a statué que :

[19]      Il ressort clairement de cette décision, et d’autres décisions semblables, que l’agent chargé du renvoi a bel et bien l’obligation d’être attentif et sensible à l’intérêt immédiat d’enfants qui doivent composer avec le renvoi du Canada d’une personne qui s’en occupe principalement : voir aussi la décision John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 583, 2003 CFPI 420. S’il est prévu que des enfants devront rester au Canada, il est impératif de savoir si les dispositions qui ont été prises pour leurs soins après le départ du parent concerné sont adéquates.

 

(Munar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 761, [2006] A.C.F. n950 (QL); Betton c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1401, [2006] A.C.F. no 1401 (QL).)

 

[27]           La Cour a également statué que :

[40]      […] [J]e ne peux tirer la conclusion que l’agent de renvoi ne devrait pas vérifier si des dispositions ont été prises pour que l’enfant qui reste au Canada soit confié aux bons soins d’autres personnes si ses parents sont renvoyés. Il est clair que ceci est dans son mandat, dans la mesure où l’article 48 de la LIPR doit s’accorder avec les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant. Le fait de s’enquérir de la question de savoir si on s’occupera correctement d’un enfant ne constitue pas une évaluation CH approfondie et ne fait en aucune façon double emploi avec le rôle de l’agent d’immigration qui doit par la suite traiter d’une telle demande […]

 

(Munar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1180, précité.)

 

[28]           Dans Betton, précitée, la Cour a conclu que « certaines des préoccupations au sujet des enfants de M. Betton étaient immédiates – particulièrement en ce qui a trait aux soins et au soutient financier dont ils auraient besoin à court terme. L’agent aurait dû examiner si le report de l’exécution de la mesure de renvoi contre M. Betton était nécessaire pour lui permettre de faire les arrangements nécessaires pour les enfants ». La Cour a conclu que l'agent de renvoi n'avait pas tenu compte de ce facteur important; par conséquent, la demande de contrôle judiciaire a été accueillie et la Cour a ordonné qu'un autre agent examine la requête de M. Betton en report de la mesure de renvoi prise contre lui.

 

[29]           Il est également intéressant de noter que dans l'arrêt Varga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CAF 394, [2006] A.C.F. no 1828 (QL), arrêt que l'agent d'ERAR a invoqué comme fondement pour son allégation selon laquelle il n'avait pas l'obligation de tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants canadiens dans le cadre de l'examen des risques avant renvoi d'au moins un des parents des enfants, la Cour d'appel fédérale a également statué :

[19]      L’avocat du ministre a convenu que, si la demande CH des intimés n’avait pas été tranchée, ils auraient pu demander à l’agent de renvoi de différer leur renvoi en attendant que les risques auxquels les enfants nés au Canada seraient exposés en Hongrie, si l’on présumait que les laisser au Canada n’était pas une option envisageable, soient examinés dans le cadre de la demande CH. Ainsi, bien que les demandeurs n’eussent pas le droit de soumettre cette question à l’agent d’ERAR, ils n’auraient pu être renvoyés sans que l’agent de renvoi examine lui aussi la situation.

 

 

[30]           En l'espèce, le demandeur a en effet fait ce qu'il fallait. Dans sa demande de report de l'exécution de la mesure de renvoi, le demandeur a précisé les risques et les préjudices irréparables auxquels ses enfants feraient face s'il était renvoyé. Il a démontré que laisser sa famille n'était pas une option valable.

 

[31]           Le demandeur a constamment souligné, dans sa lettre de demande de report ainsi qu'au cours de son entrevue tenue le 4 avril 2007, que son épouse canadienne est incapable de travailler pour des raisons médicales et qu'il a deux enfants canadiens : son beau-fils de cinq ans, Favian, dont les besoins particuliers qui découlent de ses troubles de développement ont été diagnostiqués, et sa fille de deux ans, Yvanna.

 

[32]           L'agent de renvoi a bien été avisé des besoins particuliers de Favian ainsi que de l'état de santé de la mère du garçon (l'épouse du demandeur), causé par les blessures qu'elle a subies dans un accident de voiture l'an dernier. On a aussi fourni à l'agent de renvoi des copies d'un certificat médical qui confirmait l'état de santé de la mère et de l'évaluation professionnelle des troubles du développement de Favian. (Affidavit du demandeur, paragraphes 31 à 33.)

 

[33]           L'épouse du demandeur est, entre autres, incapable de travailler ou de vivre seule pendant de longues périodes en raison des blessures qu'elle a subies lors de l'accident de l'an dernier. Elle souffre maintenant de surdité complète à l'oreille gauche qui l'empêche de conduire, lui a fait perdre son sens de l'équilibre et lui cause fréquemment des maux de têtes et des étourdissements, ce qui rend son retour au travail ou le fait de prendre soin de ses deux enfants par elle-même encore plus difficile. (Affidavit de Ginette Samanta Haacke Jimenez, paragraphes 15 et 16.)

 

[34]           Comme l'épouse du demandeur ne peut pas travailler en raison de son état de santé, le demandeur est le seul soutien de famille. Son revenu est encore plus important pour Favian, qui doit constamment participer à diverses activités scolaires et parascolaires en raison de ses besoins particuliers. Ces activités entraînent des dépenses supplémentaires pour la famille. (Affidavit de Ginette Samanta Haacke Jimenez, paragraphe 11.)

 

[35]           Si le demandeur est renvoyé du Canada, son épouse ne voudra pas présenter une demande d'aide sociale puisqu'elle sait que ceci la rendrait inadmissible au parrainage de la demande de résidence permanente de son époux pour qu'il puisse revenir au Canada. Ceci entraînerait une longue séparation de la famille, qui causerait à la famille un préjudice irréparable encore plus grand, particulièrement pour les deux enfants en croissance. Pis encore, le recours à l'aide sociale placerait l'épouse du demandeur et sa famille dans un cycle sans fin de dénuement et de pauvreté.

 

[36]           Le demandeur a présenté un affidavit de l'enseignante de Favian, dans lequel elle confirme la nature des troubles du développement de l'enfant. Elle offre aussi une évaluation des préjudices sérieux que les enfants subiraient s'ils étaient séparés du demandeur et/ou si toute la famille devait déménager dans un autre pays. (Affidavit de Nancy Alo, paragraphes 6 à 14.)

 

[37]           Tous ces facteurs renforcent l'allégation du demandeur selon laquelle son renvoi du Canada causerait des difficultés inhabituelles, injustes ou excessives à sa famille qui sont plus que le « simple inconvénient » et que les « conséquences normales d'une expulsion » que le juge John Maxwell Evans a mentionnés dans la décision Tesoro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CAF 148, [2005] A.C.F. no 698 (QL).

 

[38]           L'agent de renvoi a non seulement refusé le report du renvoi, mais il n'a pas expliqué ses motifs pour ce refus, ni les raisons pour lesquelles il n'était pas convaincu que l'exécution immédiate du renvoi du demandeur causerait un préjudice irréparable aux enfants en particulier.

 

Justification du retard pour la présentation de la demande de parrainage et de la demande CH

[39]           Une autre question a aussi contribué aux problèmes d'immigration en l'espèce. À son arrivée au Canada, le demandeur a retenu les services d'un consultant en immigration qu'il croyait être un avocat. Le demandeur a payé le consultant pour ses services. Le consultant a fourni des services pendant l'audition de la demande d'asile du demandeur devant la CISR et lorsque la demande a été rejetée, il a déposé un avis de demande d'autorisation et de contrôle judiciaire à la Cour fédérale; cependant, le consultant n'a pas présenté de dossier de la demande comme il devait le faire. Le demandeur a seulement été avisé de cette omission après qu'il eut personnellement reçu la décision de la Cour fédérale dans laquelle sa demande était rejetée, non pas sur le fond, mais en raison du [traduction] « défaut de présenter le dossier de la demande ». De plus, le demandeur a été surpris d'apprendre seulement par la suite que le consultant en immigration n'était pas un membre du barreau de l'Ontario et qu'il ne pouvait donc pas le représenter devant la Cour fédérale. (Affidavit du demandeur, paragraphes 12, 53 et 54.)

 

[40]           En plus de ne pas avoir représenté le demandeur devant la Cour fédérale, le consultant en immigration a induit le demandeur en erreur. Le consultant a expliqué au demandeur qu'il ne pouvait pas présenter une demande de parrainage dans la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada avant que son divorce d’un premier mariage soit prononcé, même si le couple était séparé depuis 1999. En offrant ce conseil, le consultant n'a pas tenu compte du fait que le demandeur et sa conjointe canadienne vivaient en union de fait et qu'ils pouvaient donc présenter une demande de parrainage depuis longtemps. (Affidavit du demandeur, paragraphes 56 à 59.)

 

[41]           Comme l'action en divorce a été plus longue que prévue et que le demandeur n'a obtenu le certificat de divorce final que le 29 mars 2007, il pouvait se marier au plus tôt le jour suivant, soit le 30 mars 2007. Par conséquent, le demandeur a cru que c'était seulement à partir de ce jour-là qu'il pouvait présenter sa demande de parrainage et sa demande CH.

 

[42]           En ce qui a trait à une erreur commise par un représentant juridique, la Cour a conclu dans la décision Medawatte c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2005 CF 1374, [2005] A.C.F. no 1672 (QL), que :

[10]      Il existe une jurisprudence abondante en la matière selon laquelle une partie doit subir les conséquences des actes de son avocat. Je suis du même avis. Si la cause a été mal préparée, si la jurisprudence pertinente n’a pas été portée à l’attention de la Cour dans une affaire au civil ou si les témoins ont été mal choisis, c’est la partie concernée qui doit en subir les conséquences. Y a-t-il toutefois une différence entre la faute de commission et la faute d’omission? Il ne s’agit pas, en l’espèce, d’une tâche mal exécutée par un avocat. Il n’a pas fait quelque chose qu’il aurait dû faire. Dans la décision Andreoli c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2004 CF 1111; 2004 A.C.F. 1349 (QL), il avait été décidé que les demandeurs s’étaient désistés de leur revendication du statut de réfugié parce que l’interprète du bureau de leur avocat n’avait pas communiqué un changement d’adresse aux autorités. J’ai conclu dans cette affaire que la Commission avait puni les demandeurs pour la négligence d’un tiers en décidant qu’ils étaient responsables de leur propre malheur. En outre, le rejet de la revendication serait allé à l’encontre des principes de justice naturelle. J’ai tenu les propos suivants :

 

Je rends la présente ordonnance, en ayant en tête les propos de Lord Denning dans Doyle c. Olby (Ironmongers) Ltd. (1969) 2 All E.R. 119, qui à la page 121 énonçait :

 

[traduction]

Nous ne permettrons jamais qu’un client soit pénalisé en raison d’une erreur que son avocat a commise si nous pouvons agir autrement. Autant que possible, nous tenterons toujours de redresser la situation. Nous corrigerons l’erreur s’il nous est possible de le faire sans causer d’injustice à l’autre partie. Parfois, l’erreur entache sérieusement la présentation de la preuve, auquel cas nous ne pouvons qu’ordonner la tenue d’un nouveau procès.

            [Non souligné dans l'original.]

 

[43]           En l'espèce, le demandeur a subi un préjudice en raison des actes et des omissions de son ancien représentant juridique, qui s'était également faussement présenté comme membre du barreau de l'Ontario. Par conséquent, le demandeur n'a pas reçu de services adéquats de la part d’un avocat compétent. Sans me lancer dans un examen plus approfondi, je remarque que la question a simplement été soulevée en tant que circonstance spéciale additionnelle qui pourrait être un facteur décisif en ce qui a trait aux motifs d'ordre humanitaire entourant la présente demande.

 

Le préjudice irréparable

[44]           La Cour a examiné dans de nombreuses affaires la question de ce qui constitue un préjudice irréparable. Certaines des conclusions pertinentes sont reproduites ci-dessous.

 

[45]           Dans la décision Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1341, [2003] A.C.F. no 1695 (QL), le juge François Lemieux a conclu :

[18]      La question est de savoir si les difficultés sur le plan économique et les troubles émotionnels que vivront l’épouse et la fille constituent un préjudice irréparable […]

 

[19]      […] la Convention met l’emphase sur l’importance de la famille et dit au paragraphe 7(1) qu’un enfant a le droit, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux. À mon avis, si l’on applique la LIPR de façon à ce qu’elle soit compatible avec la Convention, la séparation d’un parent et d’un enfant par l’État qui ne tient pas compte de l’intérêt supérieur de l’enfant constituerait une violation continue des droits de l’enfant. Il me semble également qu’une pareille violation des droits de la personne constitue un préjudice irréparable.

[Non souligné dans l'original.]

 

[46]           Dans la décision Rimoldi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1481, [2003] A.C.F. no 1877 (QL), le juge von Finckenstein a aussi fait remarquer :

[9]        […] La conclusion de préjudice irréparable dans la décision Martinez, précitée, est fondée sur les faits propres à cette affaire. Comme il est décrit précédemment, le père demandeur dans l’affaire Martinez, précitée, son épouse et leurs enfants étaient tous de nationalité différente. Le Canada était le seul endroit ou les enfants avaient de plein droit accès à la possibilité d’être élevés par leur père, si on lui accordait le droit de rester. La décision sur le préjudice irréparable résultait du fait que les enfants n’avaient apparemment pas d’autre pays où aller.

 

[47]           Dans la décision Belkin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1159 (QL), la Cour a rejeté l'allégation selon laquelle le préjudice irréparable ne faisait référence qu'à la possibilité d'atteinte à l'intégrité physique de la personne qui fait l'objet de la mesure de renvoi. En fait, elle a conclu que les juges avaient souvent tiré la conclusion contraire :

[12]      En premier lieu, il y a Toth c M.M.I où la Cour d’appel fédérale a perçu un préjudice irréparable dans la possibilité de la faillite de l’entreprise familiale que dirigeait l’appelant, ce qui entraînerait des difficultés personnelles et économiques pour la famille du dernier et le chômage pour les employées de l’entreprise. Dans l’arrêt Calabrese c. M.C.I., le juge Gibson accueilla la demande de sursis dans le cas d’un jeune homme qui devait se faire retourner en Italie, pays qu’il avait quitté comme enfant, et dont il ne parlait pas le langage. M. le juge Dubé, dans l’arrêt Garcia c. M.C.I. accepta qu’il y aurait un préjudice irréparable si un homme dont l’état de santé était douteux se faisait rapatrier au Nicaragua. Un criminel en voie de réhabilitation qui se verrait dépourvu des ressources communautaires sur lequel il se fiait a été accordé sa demande de sursis par le juge Gibson pour le motif que la perte de ces sources de soutien serait pour cet individu un préjudice irréparable. Il y d’autres exemples de ce genre.

 

[48]           Dans la décision Toth, précitée, la Cour a déclaré :

[…] si le requérant est expulsé maintenant, il y a des risques que l’entreprise familiale fasse faillite et que sa famille immédiate ainsi que d’autres personnes qui dépendent de cette entreprise pour gagner leur vie en souffrent. Je pense qu’au moins une partie de ce préjudice éventuel est irréparable et ne peut pas être compensé par des dommages-intérêts.

 

[49]           Dans un même ordre d'idées, dans la décision Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 403 (QL), le juge Pelletier a conclu :

[19]      […] Le préjudice irréparable, s’il y a lieu, a trait à la situation du demandeur et de son entourage.

 

[20]      […] [I]l y a des précédents à la Cour d’appel fédérale selon lesquels un préjudice lié aux intérêts économiques ou autres du demandeur peut satisfaire à l’exigence du critère du préjudice irréparable.

 

 

[50]           La Cour a aussi conclu, dans Melo, précitée, que l'intérêt supérieur des enfants doit être examiné dans le cadre de la demande principale de contrôle judiciaire. Si l'injonction interlocutoire est rejetée, les enfants subiront un préjudice avant même que leur intérêt supérieur soit examiné, ce qui « rendrait effectivement le contrôle judiciaire sans effet ». Par conséquent, il a été conclu dans cette affaire que :

[22]      […] Les circonstances ressemblent à celles de l’affaire Suresh c. Canada, [1999] 4 C.F. 206, [1999] A.C.F. no 1180, dans laquelle le juge d’appel Robertson a conclu que la perte de l’avantage de pouvoir présenter une demande pouvait causer un préjudice irréparable au sens du critère en trois volets de l’arrêt Toth. Pour que la demande de contrôle judiciaire ait un quelconque effet, le statu quo doit être maintenu. Bien que l’avantage en question puisse sembler être un avantage pour les enfants, il s’agit aussi d’un avantage pour M. Melo. Je suis d’avis que la perte de l’avantage de pouvoir présenter la demande de contrôle judiciaire constitue un préjudice irréparable aux fins de la présente demande.

 

[51]           Dans la décision Jmakina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1680, la Cour a conclu que les effets psychologiques d'une expulsion causeraient un préjudice irréparable pour l'enfant.

[32]      L’avocat de la requérante a aussi fait valoir que l’enfant requérant subirait un préjudice irréparable s’il était expulsé aux États-Unis. Je suis d’accord avec lui. La preuve versée au dossier établit que le bouleversement de la vie de l’enfant requérant qui découlerait de son expulsion aux États-Unis porterait durement atteinte à ses besoins et à ses intérêts, plus particulièrement en ce qui concerne son éducation, son bien-être psychologique et ses rapports avec son beau-père. Pour tirer cette conclusion, j’ai tenu compte du fait que l’expulsion aux États-Unis n’aurait aucun effet pratique en l’espèce, étant donné plus particulièrement les demandes de parrainage dans la catégorie de la famille et de résidence permanente présentement en instance. Bref, je ne puis permettre qu’un enfant innocent subisse un grave préjudice en tolérant qu’il soit expulsé dans des circonstances absurdes. Je ne vois non plus aucune utilité au fait de séparer la requérante de son enfant.

 

[52]           En l'espèce, comme dans l'affaire Jmakina, il y a une demande de résidence permanente en instance, fondée sur une demande de parrainage et une demande CH, qui deviendra théorique si la présente requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est rejetée. Par conséquent, il est raisonnable de surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi en attendant qu'une décision soit rendue quant à la demande de résidence permanente du demandeur.

 

[53]           De plus, dans la décision Harry c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1727 (QL), le juge Frederick Gibson a conclu qu'il y a préjudice irréparable si le demandeur et sa famille sont privés d'une « [vie] relativement sûre au Canada » et qu'ils sont envoyés dans un autre pays où leur avenir est incertain.

[17]      […] Les demandeurs et leur enfant vivent de façon relativement sûre au Canada pour le moment. D’après la preuve dont je suis saisi, leur avenir à Trinidad est au mieux incertain, tant sur le plan économique que sur le plan social. Autant d’incertitude constitue un préjudice irréparable pour la jeune enfant, tout comme cela serait le cas si on la laissait au Canada sans les soins et l’attention de l’un ou l’autre de ses parents.

 

[54]           Il a été conclu qu'il y a clairement un préjudice irréparable si l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas examiné avant l'exécution de la mesure de renvoi du Canada. (Iskander c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 235, [2002] A.C.F. no 308 (QL); Vaseekaran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 913, [2004] A.C.F. no 1117 (QL); Dennis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 196, [2004] A.C.F. no 223 (QL).)

 

[55]           En l'espèce, le demandeur a constamment répété qu'il ne pouvait pas quitter les membres de sa famille parce qu'ils dépendent complètement de lui pour vivre. En raison de la situation particulière de la famille (notamment, ils ne sont citoyens d'aucun autre pays que le Canada, ils n'ont aucun lien réel avec le pays où le demandeur sera renvoyé et il n'y a pas dans ce pays de soutien adéquat pour un enfant qui a des besoins particuliers), l'avenir incertain et le préjudice irréparable auxquels ils feraient face constituent plus que le « simple inconvénient » et que les « conséquences normales d'une expulsion » énoncés dans la décision Tesoro, précitée, qui ont entraîné dans cette affaire le rejet d'une demande de sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi.

 

[56]           L'épouse du demandeur est malade et est incapable de travailler, ils ont deux très jeunes enfants canadiens qui ont besoin de soins constants et l'un de ces enfants souffre de troubles du développement; il s'agit là de facteurs cruciaux dont la Cour doit tenir compte lors de l'examen de la gravité du préjudice irréparable qui serait causé à la famille du demandeur.

 

[57]           Il existe un préjudice irréparable en l'espèce, qui se détaille comme suit :

a) L'intérêt supérieur des enfants ne sera pas examiné avant le renvoi et, par conséquent, les droits de l'enfant, prévus par la Convention relative aux droits de l'enfant et confirmés dans l'arrêt Baker, précité, seront violés. Le viol d'un droit fondamental de la personne constitue un préjudice irréparable.

b) L'intérêt supérieur des enfants ne sera pas examiné avant le renvoi et, par conséquent, cela compromet sérieusement les motifs pour lesquels la demande de résidence permanente du demandeur, fondée sur sa demande de parrainage et sa demande CH, serait examinée de façon favorable. Le demandeur sera essentiellement privé de tous les avantages de sa demande, ce qui constitue également un préjudice irréparable.

 

La prépondérance des inconvénients

[58]           La Cour est convaincue qu'il existe une question grave et un préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients est favorable au demandeur. Cette conclusion a clairement été expliquée dans la décision Membreno-Garcia c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 3 CF 306, [1992] A.C.F. no 535 (QL), dans laquelle la juge Barbara Reed a conclu que lorsque le demandeur établit qu'il y a préjudice irréparable, la prépondérance des inconvénients penche en sa faveur.

 

[59]           En examinant la question à savoir si elle devait accorder un sursis, la Cour a tenu compte des propos tenus par le juge Arthur Stone dans l'arrêt Turbo Resources Ltd. c. Petro Canada Inc., [1989] 24 CPR (3d) 1 (CAF), [1989] A.C.F. no 14 (QL) :

[…] Si les autres facteurs semblent bien s'équilibrer, il sera prudent d'adopter les mesures propres à maintenir le statu quo [...]

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE qu'il soit sursis à l'exécution de la mesure de renvoi du Canada prise contre le demandeur jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendue au sujet de sa demande de parrainage dans la catégorie des époux et des conjoints de fait au Canada et de sa demande CH.

 

                                                                                                            « Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                        IMM-1477-07

 

INTITULÉ :                                       HARRY OMAR BONIL ACEVEDO

                                                            c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 16 avril 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 17 avril 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Maria Deanna P. Santos

 

POUR LE DEMANDEUR

Leanne Briscoe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MARIA DEANNA P. SANTOS

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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