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Date : 20070329

Dossier : IMM-1897-06

Référence : 2007 CF 337

Vancouver (Colombie-Britannique), le 29 mars 2007

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge O'Keefe

 

 

ENTRE :

EMAN BALLA IBRAHIM ABDELMAGID

TARIG BALLA IBRAHIM ABDELMAGID

RASHID BALLA IBRAHIM ABDELMAGID

MUNTASER BALLA IBRAHIM ABDELMAGID

MAHA BALLA IBRAHIM ABDELMAGID

RANIA BALLA IBRAHIM ABDELMAGID

UM SALAMA OSMAN SHARAFI

BALLA IBRAHIM ABDELAMAGID

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), en vue du contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente des visas a retiré, le 9 février 2006, Eman, Tarig, Rashid, Muntaser, Maha et Rania (les demandeurs) de la demande de résidence permanente de leur mère Mme Um Salama Osman Sharafi, où ils étaient présentés comme personnes à charge.

 

[2]               Les demandeurs s’adressent à la Cour en vue d’obtenir une ordonnance cassant la décision de l’agente des visas de les retirer de la demande de résidence permanente de leur mère et enjoignant au défendeur de leur délivrer des visas de résident permanent.

 

Contexte

 

[3]               Mme Um Salama Osman Sharafi s’est enfuie du Soudan pour le Canada en 1998. Elle a obtenu le statut de réfugié en janvier 1999. Elle a déposé une demande de résidence permanente au Canada en février 1999. La version définitive de cette demande incluait son mari et six de ses enfants (les demandeurs), à titre de personnes à charge.

 

[4]               L’affidavit de l’époux de Mme Um Salama Osman Sharafi relate les circonstances qui ont mené à l’inclusion des demandeurs dans la demande de résidence permanente de leur mère. Le mari et les demandeurs ont quitté le Soudan pour l’Égypte en 1998 pendant la guerre civile. Ils avaient quelques biens, mais aucun document officiel. Sachant que la famille allait avoir besoin de pièces d’identité, le mari s’est rendu à l’ambassade du Soudan au Caire. Il prétend qu’on a vérifié son identité et qu’on lui a délivré un passeport soudanais et un certificat de mariage. La même procédure a été suivie pour l’obtention des passeports et des certificats de naissance des demandeurs. Ces documents ont été envoyés à l’ambassade du Canada au Caire; toutefois, les agents d’immigration ont mis en doute leur authenticité et ont demandé les originaux. Le mari a expliqué qu’il n’avait pas les originaux, étant donné que les demandeurs et lui s’étaient enfuis sans documents. De plus, les établissements chargés de la délivrance de tels documents avaient été détruits pendant la guerre.

 

[5]               Le 13 avril 2003, le mari est allé à l’ambassade du Canada au Caire et a signé une renonciation permettant à l’ambassade de communiquer des informations au UNHCR. Par la suite, une demande a été présentée au UNHCR pour obtenir de l’information concernant le dossier des demandeurs. Les parties contestent la fiabilité des renseignements contenus dans le dossier du UNHCR. Les demandeurs ont expliqué que Tarig, dix-sept ans, frustré par le temps que prenait le traitement de la demande canadienne, a déposé une demande d’asile en Australie. Le mari déclare qu’il n’a rien à voir avec la deuxième demande et que les renseignements tirés de cette demande pourraient ne pas être exacts.

 

[6]               Le 14 mai 2003, une agente des visas a interviewé le mari avec l’aide d’un interprète. Quand on lui a demandé l’ordre de naissance des demandeurs, il a fourni une énumération différente de celle figurant dans la demande de son épouse. On l’a informé que les certificats de naissance des demandeurs étaient frauduleux – ils étaient différents de ceux délivrés par le gouvernement soudanais – et ne pouvaient pas constituer pas une preuve de leur âge. En outre, l’âge des demandeurs indiqué dans le dossier du UNHCR différait de celui que l’on trouvait dans la demande de résidence permanente. L’agente a dit qu’elle avait de sérieuses réserves à ce sujet et qu’elle croyait que les demandeurs étaient beaucoup plus âgés. Elle a également dit que les nouveaux passeports, sans les anciens, n’étaient pas fiables et ne pouvaient constituer une preuve de leur âge.

 

[7]               L’agente a enfin informé le mari de vive voix qu’elle allait retirer les demandeurs du dossier et que seul son nom y resterait. Le mari a réagi en disant qu’il était choqué. L’agente des visas a par la suite envoyé un courrier électronique au centre de traitement des demandes de Vegreville en Alberta pour aviser les autorités que les demandeurs avaient été retirés de la demande de résidence permanente. Mme Um Salama Osman Sharafi a obtenu le statut de résident permanent au Canada en juin 2005. Son époux a obtenu un visa vers la fin de l’année 2005 et l’a rejointe au Canada. Le dossier a été fermé en décembre 2005.

 

[8]               Les demandeurs n’ont pas eu de nouvelles des autorités de l’Immigration jusqu’à la réception d’une télécopie en réponse à une demande d’information de leur avocat en janvier 2006. Le 9 février 2006, l’avocat des demandeurs a reçu une télécopie de la section des visas de l’ambassade du Canada au Caire l’informant que les demandeurs avaient été retirés du dossier, étant donné qu’ils n’étaient pas des enfants à charge. Il s’agit en l’espèce du contrôle judiciaire de la décision de l’agente des visas de retirer les demandeurs, à titre d’enfants à charge, de la demande de résidence permanente de leur mère.

 

Motifs de l’agente

 

[9]               La décision de retirer les enfants de la demande de résidence permanente a été communiquée de vive voix au mari lors d’une entrevue avec l’agente des visas à l’ambassade du Canada au Caire. Les notes au STIDI datées du 14 mai 2003 donnent un compte rendu plus ou moins intégral de l’entrevue :

 

[traduction]

Vous avez fourni de faux documents et les dates de naissance de 2 de vos enfants (dont le plus jeune) sont très différentes. Vous avez eu l’occasion de dissiper mes doutes, mais vous ne l’avez pas fait. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que vos enfants sont visés par la définition d’enfants à charge sous le régime du droit canadien. Je vais donc retirer vos enfants du dossier et celui-ci ne restera qu’à votre nom.

 

- c’est un choc terrible.

 

Avez-vous quelque chose à ajouter?

 

- ils seront choqués.

 

(Entrevue terminée).

 

Pour les motifs expliqués à la partie IV, tous les enfants seront retirés du dossier, étant donné qu’ils ne sont pas visés par la définition d’enfants à charge.

 

Courriel informant du retrait envoyé à CIC-London, cc : CTD-Veg & Service d’information du ministère.

 

[10]           Le courriel que l’agente a envoyé au CTD-Vegreville le 14 mai 2003 énonçait ce qui suit :

 

[traduction]

J’ai interviewé M. Abdelmagid, époux de Mme Sharfi Mohamed, au sujet de l’âge de ses enfants. Les certificats de naissance des enfants dits à charge ne sont pas authentiques. De plus, M. Abdelmagid a signé une renonciation qui nous permet d’avoir accès aux données biographiques contenues dans son dossier au UNHCR, et nous avons découvert que les dates de naissance des enfants que la famille a communiquées étaient différentes. (Dans le dossier du UNHCR, Rashid est née en 1973 alors que dans notre dossier elle est née en 1982; Rania, le plus jeune enfant, a pour année de naissance 1977 dans le dossier du UNHCR, mais 1984 dans notre dossier.) Le demandeur principal n’a pas été en mesure de dissiper mes doutes. Compte tenu de ce qui précède, j’ai retiré ces 6 personnes (Iman, Tarig, Rashid, Mustasr, Maha et Rania) du dossier parce qu’elles ne sont pas visées par la définition d’enfants à charge. Le dossier reste ouvert avec seulement le nom du demandeur principal. Mes notes d’entrevue sont versées au STIDI.

 

[11]           Aucune lettre confirmant cette conversation n’a été envoyée aux demandeurs, à leur mère ou au mari. L’avocat des demandeurs a reçu une télécopie de E. Gaudet, deuxième secrétaire ambassade du Canada au Caire en Égypte, datée du 9 février 2006, en réponse à une demande de mise à jour au sujet de la demande de résidence permanente des demandeurs. La télécopie était ainsi rédigée :

 

[traduction]

La présente fait suite à votre télécopie du 18 janvier 2005. Veuillez noter que les demandeurs ont été retirés du dossier de leur père parce qu’on a conclu qu’ils n’étaient pas des enfants à charge. Ils ont fourni des certificats de naissance qui n’étaient pas authentiques, ce qui a empêché l’agente préposée aux cas de déterminer l’âge réel des enfants. Par conséquent, le test d’ADN ne résoudra pas cette affaire, étant donné qu’il ne s’agit pas d’une question de relation parent‑enfant, mais plutôt du respect des termes de la définition d’enfant à charge.

 

Veuillez noter que notre dossier est fermé depuis le 5 décembre 2005.

 

 

 

Questions en litige

 

[12]           Les demandeurs ont soumis à notre examen les questions suivantes :

            1.         L’agente a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que les demandeurs n’étaient pas des personnes à charge qui accompagnent le demandeur principal et ne pouvaient par conséquent pas prétendre au statut de résident permanent?

            2.         L’agente a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale?

            3.         L’agente a-t-elle rendu une décision erronée, que l’erreur soit manifeste ou non au vu du dossier?

            4.         L’agente a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve?

            5.         L’agente a-t-elle agi de toute autre façon contraire à la loi?

 

[13]           Je reformulerais les questions comme suit :

            1.         L’agente a-t-elle manqué aux règles d’équité procédurale?

            2.         L’agente a-t-elle commis une erreur en retirant les demandeurs de la demande de résidence permanente?

 

 

 

 

Prétentions des demandeurs

 

[14]           Les demandeurs ont soutenu que les autorités de l’ambassade du Canada au Caire ont fait preuve de partialité envers eux. Ils ont fait valoir que les autorités les ont accusés d’avoir menti, d’avoir produit de faux documents et d’avoir inclus dans leur demande des enfants qui n’étaient pas les leurs, du fait de la couleur de leur peau.

 

[15]           Les demandeurs ont affirmé que les autorités de l’Immigration ont retardé le traitement de leur demande, qui avait été déposée en 2000. Après avoir reçu une lettre d’approbation préliminaire en 2001, ils n’ont pas été avisés avant plusieurs années des préoccupations de l’ambassade. Ils ont soutenu que ce retard les a empêchés de prendre des mesures pour dissiper ces préoccupations. Les demandeurs ont fait valoir que ce retard a compromis leur admissibilité dans le cadre d’une autre demande, étant donné qu’ils ont maintenant plus de vingt-deux ans.

 

[16]           Les demandeurs ont soutenu que les autorités ont fondé leurs conclusions sur des facteurs non pertinents, notamment l’illégitimité présumée de leurs certificats de naissance. Ils ont affirmé avoir informé les autorités qu’ils avaient suivi la filière normale pour obtenir les documents à l’ambassade du Soudan au Caire. Ils ont également expliqué que les originaux n’étaient pas disponibles à cause de la guerre civile qui sévissait au Soudan. Les demandeurs ont soutenu que les autorités ont manqué à leur obligation d’agir équitablement lorsqu’ils ne leur ont pas donné la chance de répondre aux allégations selon lesquelles ils avaient produit de fausses preuves. Ils ont soutenu qu’il y a également eu manquement à cette obligation lorsqu’on leur a demandé de fournir des documents originaux impossibles à obtenir. Les demandeurs ont souligné que les autorités les ont injustement accusés d’avoir corrompu les employés de l’ambassade du Soudan.

 

[17]           Les demandeurs ont fait valoir que les agents ont manqué à l’obligation d’agir équitablement en prenant en compte des facteurs non pertinents tels que l’âge de leur fille aînée et la couleur de leur peau pour conclure que leurs documents étaient faux. Les demandeurs ont affirmé que l’âge de leur fille ne sortait pas de l’ordinaire et qu’ils ont expliqué pourquoi la couleur de leur peau était différente. Ils ont souligné que ces explications ont été invariablement fournies au CTD de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié de Vegreville et au bureau des visas.

 

[18]           Les demandeurs ont fait valoir que la Cour devrait délivrer une ordonnance leur accordant des visas de résident permanent étant donné qu’ils ont écarté le seul obstacle à leur demande, à savoir l’authenticité de leurs documents.

 

[19]           Les demandeurs ont fait valoir que la lettre d’approbation préliminaire reçue en 2001 et les assurances des autorités quant à la régularité de leur demande ont fait en sorte qu’ils s’attendaient légitimement à ce que celle-ci soit traitée et les ont empêchés de prendre des mesures pour dissiper toute préoccupation (voir Bendahmane c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 3 C.F. 16, (1989) 61 D.L.R. (4th) 313 (C.A.)).

 

[20]           Les demandeurs soutiennent que le dossier du bureau des visas indiquait ce qui suit :

 

  • en dépit d’une recherche dans les dossiers du bureau des visas, aucune décision écrite relative à leur retrait de la demande ne figurait au dossier en 2003 ou à tout autre moment;

 

  • il y avait une demande initiale présentée par le mari qui indiquait que les documents originaux avaient été égarés ou détruits et que des certificats attestant l’authenticité des certificats de naissance des demandeurs avaient été déposés;

 

  • la demande présentée à l’ONU a été faite par l’un des enfants (le mari a déclaré que les renseignements au dossier de l’ONU n’étaient pas fiables);

 

  • les renseignements au dossier de l’ONU indiquent que les divergences d’âges se rapportent seulement à deux des demandeurs;

 

  • une décision relative à la conformité des demandeurs aux exigences de la résidence permanente indiquant qu’il fallait d’abord que leur mère soit établie au Canada avant que leur établissement ne soit accordé a été rendue en 2001;

 

  • la demande d’établissement de leur mère a été suspendue à cause des doutes au sujet de ses documents d’identité, quoiqu’un contrôle ait confirmé leur authenticité;

 

  • une lettre de l’avocat des demandeurs datant de 2003 indiquait que la demande au UNHCR avait été présentée par un enfant, qui a agi par pure frustration;

 

  • il y avait plusieurs remarques désobligeantes faites par les autorités.

 

 

Prétentions du défendeur

 

[21]           Le défendeur fait valoir que l’évaluation des dates de naissance des enfants était une question de fait qui relevait entièrement de l’agent des visas (voir Lim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1991), 121 N.R. 241, 12 Imm. L.R. (2d) 161 (C.A.F.)). Dans la décision To c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 39 A.C.W.S. (3d) 664, la Cour a statué que lorsque le pouvoir discrétionnaire d’un agent de visa a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s’est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l’objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision. Le défendeur a soutenu que la télécopie datée du 9 février 2006 et les notes au STIDI démontrent que l’agente a porté son attention sur la question appropriée et que sa conclusion n’était pas manifestement déraisonnable.

 

[22]           Un réfugié au sens de la Convention peut présenter une demande de résidence permanente comprenant les membres de sa famille. Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, D.O.R.S./2002-227 (le Règlement), définit « membre de la famille » de manière à inclure un enfant à charge. Pour répondre à la définition d’enfant à charge, il faut : (1) être âgé de moins de vingt-deux ans et ne pas être un époux ou conjoint de fait; (2) passé l’âge de vingt-deux ans, ne pas avoir cessé de dépendre du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où on a atteint l’âge de vingt-deux ans et ne pas avoir cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire; (3) passé l’âge de vingt-deux ans, ne pas avoir cessé de dépendre du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où on a atteint l’âge de vingt-deux ans et ne pas être en mesure de subvenir à ses besoins du fait de son état de santé. Le défendeur a fait valoir qu’aucun élément de preuve n’indiquait que les demandeurs étaient des étudiants ou qu’ils avaient des problèmes de santé les empêchant de subvenir à leurs besoins. Il a affirmé que l’agente devait par conséquent être convaincue que les enfants étaient âgés de moins de vingt-deux ans pour être admissibles à titre de membres de la famille.

 

[23]           Le défendeur a fait valoir que les demandeurs n’ont pas établi que l’agente a commis une erreur en les retirant de la demande. La demande de résidence permanente de leur mère, déposée en février 1999, indiquait que les dates de naissance des demandeurs étaient 1979, 1980, 1982, 1983 et que les jumeaux étaient nés en 1984. Les demandeurs étaient donc âgés de 14 à 19 ans en 1999. Les renseignements au dossier du UNHCR contredisaient cette information, vu qu’il y était indiqué que les demandeurs étaient tous nés dans les années 1970. Le défendeur a affirmé que le mari a aussi fourni des informations contradictoires en ce qui concerne l’ordre de naissance des demandeurs.

 

[24]           Le défendeur a soutenu qu’aucune preuve fiable n’établissait que les demandeurs étaient âgés de moins de vingt-deux ans. Il a également souligné que leurs certificats n’étaient pas authentiques, que leurs nouveaux passeports n’étaient pas fiables et que leurs anciens passeports n’avaient pas été présentés. Le défendeur a affirmé que l’omission de fournir une preuve fiable a empêché l’agente de déterminer l’âge réel des demandeurs. Il a soutenu qu’elle n’a donc pas commis d’erreur en les retirant du dossier.

 

[25]           Le défendeur a produit un mémoire complémentaire afin de répondre aux questions soulevées par le dépôt d’un dossier complémentaire des demandeurs. Il a souligné en premier lieu qu’il n’y a jamais eu qu’une seule demande de résidence permanente, à savoir celle que la mère des demandeurs a déposée au Canada. Le défendeur a nié que son mari ait continué à chercher de l’information auprès de l’ambassade du Canada, vu que les notes au STIDI indiquaient qu’après l’entrevue de mai 2003, il n’est retourné à l’ambassade qu’en juillet 2005.

 

[26]           Le défendeur a admis que la décision de retrait n’avait pas été communiquée aux demandeurs avant le 9 février 2006. Il a fait valoir que le retard a été causé par inadvertance, étant donné que l’agente avait cru que la décision avait été communiquée de vive voix au mari, et qu’aucune autre formalité n’était nécessaire. Le défendeur a soutenu que les demandeurs n’ont pas établi qu’ils ont été lésés par le retard.

 

Réponse des demandeurs

 

[27]           Les demandeurs ont souligné n’avoir reçu la décision relative à leur retrait de la demande d’une manière compréhensible que le 9 février 2006. Ils ont soutenu que le défendeur n’a pas fourni d’information fiable justifiant la non-validité de leurs certificats de naissance. Ils ont fait valoir que l’authenticité de leurs documents n’a pas été contredite.

 

[28]           Les demandeurs ont souligné qu’on ne leur a pas remis de copie du dossier du UNHCR. Ils ont fait valoir que le défendeur a manqué à l’obligation d’équité en se fondant sur ces renseignements sans leur en avoir fourni copie, ni leur avoir donné l’occasion d’y répondre. En ce qui concerne les contradictions présumées entre les renseignements fournis par le mari au sujet des dates de naissance des demandeurs et ceux fournis par son épouse, ils affirment que le mari a déclaré ne pas se souvenir de leur âge, et qu’il s’appuyait à cet égard sur les renseignements de son épouse. Ils ont soutenu qu’il n’y avait par conséquent pas de contradiction.

 

 

 

 

Analyse et décision

 

La norme de contrôle applicable

 

[29]           La norme de contrôle applicable à un manquement aux règles de l’équité procédurale est celle de la décision correcte.

 

[30]           Question 1

            L’agente a-t-elle manqué aux règles de l’équité procédurale?

Retard

            La décision de retirer les demandeurs de la demande de résidence permanente de leur mère a été communiquée de vive voix au mari le 14 mai 2003. Les parties reconnaissent qu’aucune décision écrite à cet égard n’a été envoyée aux demandeurs avant que leur avocat ne reçoive une télécopie le 9 février 2006. Le défendeur a admis que les demandeurs n’ont pas eu connaissance de la décision relative à leur retrait de la demande avant 2006. Il y a donc eu un retard de presque trois ans entre la communication de la décision de vive voix et sa confirmation par écrit.

 

[31]           Les demandeurs ont soutenu que ce retard constitue un manquement à l’équité procédurale, étant donné qu’ils ont maintenant plus de vingt-deux ans et que leur admissibilité dans le cadre d’une autre demande a été gravement compromise. Le défendeur a soutenu que les demandeurs n’ont pas établi que le retard leur a causé un préjudice. À mon avis, l’agente a manqué aux règles de l’équité procédurale en tardant pendant presque trois ans à communiquer sa décision de retirer les demandeurs de la demande. Même si la décision semble avoir été communiquée de vive voix au mari en 2003, les répercussions du retrait n’ont manifestement pas été comprises. À mon avis, les demandeurs ont été lésés du fait de ce retard en ce qu’ils ont tenu pour acquis qu’ils n’avaient pas été retirés du dossier et n’ont pas pu contester la décision plus tôt.

 

[32]           Il ressort du dossier que l’avis écrit de retrait des demandeurs de la demande a été envoyé par courrier électronique au centre de traitement des demandes de Vegreville en Alberta et au bureau de Citoyenneté et Immigration Canada de London. Toutefois, aucun avis n’a été remis aux parties concernées ou à leur mère, la demandeure principale. En outre, rien n’indique qu’on ait demandé au mari d’informer les demandeurs que leurs noms avaient été retirés de la demande.

 

[33]           La demande de contrôle judiciaire est par conséquent accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen.

 

[34]           Aucune des parties n’a souhaité proposer une question grave de portée générale à certifier.


 

JUGEMENT

 

[35]           LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen.

 

 

 

 

 

« John A. O'Keefe »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Aude Megouo

 

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

 

Les dispositions législatives pertinentes sont énoncées dans cette partie.

 

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 :

 

 

21. . . .

 

(2) Sous réserve d’un accord fédéro-provincial visé au paragraphe 9(1), devient résident permanent la personne à laquelle la qualité de réfugié ou celle de personne à protéger a été reconnue en dernier ressort par la Commission ou celle dont la demande de protection a été acceptée par le ministre — sauf dans le cas d’une personne visée au paragraphe 112(3) ou qui fait partie d’une catégorie réglementaire — dont l’agent constate qu’elle a présenté sa demande en conformité avec les règlements et qu’elle n’est pas interdite de territoire pour l’un des motifs visés aux articles 34 ou 35, au paragraphe 36(1) ou aux articles 37 ou 38.

 

21. . . .

 

(2) Except in the case of a person described in subsection 112(3) or a person who is a member of a prescribed class of persons, a person whose application for protection has been finally determined by the Board to be a Convention refugee or to be a person in need of protection, or a person whose application for protection has been allowed by the Minister, becomes, subject to any federal-provincial agreement referred to in subsection 9(1), a permanent resident if the officer is satisfied that they have made their application in accordance with the regulations and that they are not inadmissible on any ground referred to in section 34 or 35, subsection 36(1) or section 37 or 38.

 

 

Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, D.O.R.S./2002-227 :

 

1. (3) Pour l’application de la Loi — exception faite de l’article 12 et de l’alinéa 38(2)d) — et du présent règlement — exception faite des articles 159.1 et 159.5 —, « membre de la famille », à l’égard d’une personne, s’entend de :

 

a) son époux ou conjoint de fait;

 

b) tout enfant qui est à sa charge ou à la charge de son époux ou conjoint de fait;

 

 

c) l’enfant à charge d’un enfant à charge visé à l’alinéa b).

 

 

 

« enfant à charge » L’enfant qui :

 

a) d’une part, par rapport à l’un ou l’autre de ses parents :

 

 

(i) soit en est l’enfant biologique et n’a pas été adopté par une personne autre que son époux ou conjoint de fait,

 

 

(ii) soit en est l’enfant adoptif;

 

 

b) d’autre part, remplit l’une des conditions suivantes :

 

 

 

(i) il est âgé de moins de vingt-deux ans et n’est pas un époux ou conjoint de fait,

 

(ii) il est un étudiant âgé qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans ou est devenu, avant cet âge, un époux ou conjoint de fait et qui, à la fois :

 

 

 

 

 

(A) n’a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci,

 

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle,

 

(iii) il est âgé de vingt-deux ans ou plus, n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental.

 

175.(1) Pour l’application du paragraphe 21(2) de la Loi, la demande de séjour au Canada à titre de résident permanent doit être reçue par le ministère dans les cent quatre-vingts jours suivant la décision de la Commission ou celle du ministre visées à ce paragraphe.

 

(2) L’agent ne peut conclure que le demandeur remplit les conditions prévues au paragraphe 21(2) de la Loi si la décision fait l’objet d’un contrôle judiciaire ou si le délai pour présenter une demande de contrôle judiciaire n’est pas expiré.

 

(3) Pour l’application du paragraphe 21(2) de la Loi, la personne qui présente une demande de séjour au Canada à titre de résident permanent — et les membres de sa famille visés par celle-ci — qui cherchent à s’établir dans la province de Québec à titre de résidents permanents et à qui la Commission n’a pas reconnu le statut de réfugié au sens de la Convention ne deviennent résidents permanents que sur preuve que les autorités compétentes de la province sont d’avis qu’ils répondent aux critères de sélection de celle-ci.

 

176.(1) La demande de séjour au Canada à titre de résident permanent peut viser, outre le demandeur, tout membre de sa famille.

 

(2) Le membre de la famille d’un demandeur visé par la demande de séjour au Canada à titre de résident permanent de ce dernier et qui se trouve hors du Canada au moment où la demande est présentée obtient un visa de résident permanent si :

a) d’une part, il présente une demande à un agent qui se trouve hors du Canada dans un délai d’un an suivant le jour où le demandeur est devenu résident permanent;

 

b) d’autre part, il n’est pas interdit de territoire pour l’un des motifs visés au paragraphe (3).

 

(3) Le membre de la famille qui est interdit de territoire pour l’un des motifs visés au paragraphe 21(2) de la Loi ne peut obtenir de visa de résident permanent ou devenir résident permanent.

 

 

 

 

 

1. (3) For the purposes of the Act, other than section 12 and paragraph 38(2)(d), and for the purposes of these Regulations, other than sections 159.1 and 159.5, "family member" in respect of a person means

 

 

 

(a) the spouse or common-law partner of the person;

 

(b) a dependent child of the person or of the person's spouse or common-law partner; and

 

(c) a dependent child of a dependent child referred to in paragraph (b).

 

 

"dependent child" , in respect of a parent, means a child who

 

(a) has one of the following relationships with the parent, namely,

 

(i) is the biological child of the parent, if the child has not been adopted by a person other than the spouse or common-law partner of the parent, or

 

(ii) is the adopted child of the parent; and

 

(b) is in one of the following situations of dependency, namely,

 

 

(i) is less than 22 years of age and not a spouse or common-law partner,

 

(ii) has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 — or if the child became a spouse or common-law partner before the age of 22, since becoming a spouse or common-law partner — and, since before the age of 22 or since becoming a spouse or common-law partner, as the case may be, has been a student

 

(A) continuously enrolled in and attending a post-secondary institution that is accredited by the relevant government authority, and

 

 

(B) actively pursuing a course of academic, professional or vocational training on a full-time basis, or

 

(iii) is 22 years of age or older and has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 and is unable to be financially self-supporting due to a physical or mental condition.

 

 

 

175.(1) For the purposes of subsection 21(2) of the Act, an application to remain in Canada as a permanent resident must be received by the Department within 180 days after the determination by the Board, or the decision of the Minister, referred to in that subsection.

 

(2) An officer shall not be satisfied that an applicant meets the conditions of subsection 21(2) of the Act if the determination or decision is subject to judicial review or if the time limit for commencing judicial review has not elapsed.

 

 

(3) For the purposes of subsection 21(2) of the Act, an applicant who makes an application to remain in Canada as a permanent resident — and the family members included in the application — who intend to reside in the Province of Quebec as permanent residents and who are not persons whom the Board has determined to be Convention refugees, may become permanent residents only if it is established that the competent authority of that Province is of the opinion that they meet the selection criteria of the Province.

 

176.(1) An applicant may include in their application to remain in Canada as a permanent resident any of their family members.

 

 

(2) A family member who is included in an application to remain in Canada as a permanent resident and who is outside Canada at the time the application is made shall be issued a permanent resident visa if

 

(a) the family member makes an application outside Canada to an officer within one year after the day on which the applicant becomes a permanent resident; and

 

(b) the family member is not inadmissible on the grounds referred to in subsection (3).

 

 

(3) A family member who is inadmissible on any of the grounds referred to in subsection 21(2) of the Act shall not be issued a permanent resident visa and shall not become a permanent resident.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1897-06

 

INTITULÉ :                                       EMAN BALLA IBRAHIM ABDELMAGID

 

-         et   -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 13 MARS 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 29 MARS 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Loebach

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Negar Hashemi

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Loebach

London (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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