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Date : 20070327

Dossier : T‑2007‑02

Référence : 2007 CF 329

ENTRE :

MELVIN WANDERINGSPIRIT,

DELPHINE BEAULIEU,

TONI HERON, RAYMOND BEAVER ET

SONNY MCDONALD en leur qualité de

CONSEILLERS DE LA PREMIÈRE NATION SALT RIVER No 195,

élus le 30 août 2002

 

requérants

et

 

VICTOR MARIE, chef incontesté, et

NORMAN STARR, membre incontesté dûment élu du CONSEIL DE BANDE,

NORA BEAVER, DAVID GOWANS, CONNIE BENWELL,

MICHEL BJORNSON, HARVEY LEPINE et DON TOURANGEAU,

censément élus CONSEILLERS DE LA BANDE lors d’une réunion tenue

le 3 novembre 2002, ET JEANNIE MARIE‑JEWELL,

agissant à titre de gestionnaire intérimaire de la bande

 

intimés

 

 

 

TAXATION DES DÉPENS – MOTIFS

Charles E. Stinson

Officier taxateur

[1]               Les requérants ayant déposé un avis de requête réclamant la condamnation pour outrage au tribunal de huit des neuf intimés, la Cour a déclaré que deux des intimés étaient effectivement coupables d’outrage, mais elle a rejeté la requête concernant les six autres intimés, y compris David Gowans (l’intimé Gowans), celui‑ci se voyant adjuger des dépens selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne IV (les conclusions de la Cour en date du 29 juin 2006). J’ai fixé un échéancier pour le règlement par écrit de la taxation du mémoire de dépens de l’intimé Gowans.

 

I.   Argumentation de l’intimé Gowans et des requérants

[2]               L’intimé Gowans a admis l’objection des requérants qui estiment que la somme prévue au titre des honoraires d’avocat à l’article 14a) (comparution) devrait, du maximum de 4 unités pour chaque heure (120 $ par unité), être réduite à la valeur intermédiaire de 3 unités pour chaque heure qu’autorise la décision de la Cour. Les requérants affirment que la Cour n’a siégé que six heures par jour, et non sept comme il a été allégué, et que l’avocat de l’intimé Gowans n’a pas beaucoup participé à la procédure consistant à défendre son client ainsi que plusieurs autres personnes contre l’accusation d’outrage lors de l’audience de justification. L’intimé Gowans a pourtant soutenu que, dans que l’adjudication des dépens, la Cour avait déjà tenu compte des circonstances dans lesquelles son avocat est intervenu, se disant néanmoins prêt à admettre le document qui, dans le dossier de la Cour, rend compte des heures effectivement consacrées aux longues séances de l’affaire. Les requérants font valoir que la somme de 0,445 $ le kilomètre accordée à l’avocat pour se rendre aux audiences devrait être ramenée à 0,30 $ le kilomètre, mais l’intimé Gowans fait valoir que la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta autorise une indemnité de 0,43 $ et que la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit 0,445 $. Quant à l’allégation des requérants selon laquelle aucune preuve ne justifie le montant déraisonnable et excessif de 296,37 $ qui est demandé pour une nuit d’hébergement de l’avocat à l’hôtel, ceux‑ci estimant qu’une somme d’environ 150 $ est plus normale, l’intimé Gowans, qui n’avait produit que le compte des dépenses de son avocat, a présenté en contre‑preuve des notes d’hôtel d’un montant de 89 $ par nuit, plus les taxes, pour trois nuits d’hébergement.

 

II.   Taxation

[3]               Selon le point de vue que j’ai souvent exprimé depuis l’approche que j'ai suivie dans Carlile c. Sa Majesté la Reine, (1997) 97 D.T.C. 5284 (O.T.), et à la suite des commentaires que lord Russell a formulés dans Re Eastwood (deceased) (1974), 3 All E.R. 603, à la page 608, à savoir que la taxation des dépens relève [traduction] d’« une justice rudimentaire, c’est‑à‑dire d’une justice marquée par bon nombre d’approximations sensées », il est possible de se fonder sur le pouvoir discrétionnaire accordé pour arriver à un résultat raisonnable assurant l’attribution de dépens équitables pour les deux parties. Je crois que mon point de vue est étayé par les commentaires sur les paragraphes 57 et 58 des Règles que proposent James J. Carthy, W.A. Derry Millar et Jeffrey G. Gowan dans Ontario Annual Practice 2005-2006 (Aurora (Ontario) : Canada Law Book, 2005), à savoir que la taxation des dépens est plutôt un art que l’application de règles et de principes, en ce qu’elle se fonde sur l’impression générale produite par le dossier et les questions en litige et qu’il faut faire appel au jugement et à l’expérience de l’officier taxateur, aux prises avec la tâche difficile de soupeser l’effet de plusieurs facteurs subjectifs et objectifs.

 

[4]               J’ai toujours suivi le principe que le temps de présence d’un avocat à l’audience, au sens de l’article 14a), comprend forcément un certain temps passé dans la salle d’audience avant le début ou la reprise des audiences afin que l’avocat puisse se présenter au greffier de la Cour, attendre l’appel de la cause et confirmer auprès du greffier qu’il est effectivement prêt à procéder, ce qui selon moi, n’est pas du temps de préparation visé dans les autres articles concernant les honoraires d’avocat. Par conséquent, le compte rendu de l’audience, tel que consigné dans le dossier, est utile pour évaluer le temps de présence lors des débats, mais on ne peut pas se baser uniquement sur celui‑ci, car il faut également tenir compte de suspensions d’audience et de pauses‑repas d’une durée variable. D’après le dossier, la Cour a siégé de 9 h 32 à 16 h 25 et de 9 h 30 à 16 h 10 pendant les deux jours de l’audience de justification. J’accorde 7 heures pour le premier jour et 6,5 heures pour le deuxième. Ces chiffres, conformes au registre des présences, comprennent également une partie du temps de préparation indiqué à la page 6 de la note d’honoraires de l’avocat des requérants (pièce A accompagnant l’affidavit de Chris J. Watson en date du 17 octobre 2006). Je n’accorde aucun poids aux arguments avancés par les requérants quant au rôle joué par l’avocat de l’intimé Gowans : des allégations d’outrage peuvent avoir de graves conséquences, ce qui ne permet pas de supposer qu’un avocat peut s’en tenir à un rôle purement passif. Dans les conclusions qu’elle a tirées le 29 juin 2006, la Cour ne s’attarde guère sur la situation de l’intimé Gowans mais, au paragraphe [88]b), elles indique que son avocat lui a apporté une aide considérable.

 

[5]               Dans Almecon Industries Ltd. c. Anchortek Ltd., [2003] A.C.F. n1649 (O.T.), au paragraphe 31, j’ai conclu que certains des commentaires formulés dans la preuve, même s’ils étaient intéressés, étaient néanmoins pragmatiques et raisonnables quant au fait que le coût qu’engendrerait la preuve d’une multitude de débours essentiels pourrait bien dépasser le montant de ces débours. Cependant, cela ne veut pas dire pour autant que les parties à un litige peuvent obtenir leurs dépens sans présenter de preuve et s’en remettre au pouvoir discrétionnaire et à l’expérience de l’officier taxateur. En l’espèce, la preuve est loin d’être absolue, c’est‑à‑dire que le résumé du compte de dépenses de l’avocat donnait l’impression que ce dernier avait payé 300 $ la nuit pour sa chambre d’hôtel. La minceur de la preuve concernant les circonstances de chacune des dépenses ne permet guère ni à l’intimé ni à l’officier taxateur de s’assurer lors de la taxation des dépens que chaque dépense était raisonnable. Moins il y a d’éléments de preuve, plus la partie qui demande la taxation des dépens est assujettie au pouvoir discrétionnaire reconnu à l’officier taxateur qui est tenu de faire preuve de circonspection en exerçant ce pouvoir, une certaine austérité devant accompagner la question des dépens de façon à éviter de léser la partie qui devra payer ces dépens. Cela dit, il ne faut pas oublier pour autant que la conduite d’un litige exige de réelles dépenses : il serait absurde de n’accorder absolument rien dans une taxation. En contre‑preuve, l’intimé Gowans a présenté des éléments de preuve qui, s’ils avaient été produits dans le cadre de l’interrogatoire principal comme ils auraient dû l’être, auraient pu éviter aux requérants d’avoir à contester les frais d’hôtel. De fait, le prix de la chambre d’hôtel était de 89 $ plus les taxes par nuit pour trois nuits (l’avocat n’ayant pas souhaité rentrer, après la seconde journée d’audience, à la ville où il réside). J’autorise la dépense telle qu’elle a été présentée.

 

[6]               La partie 5b) des Alberta Rules of Court, « Schedule E – Tariff of Fees for Court Officials, Number 3, Amounts Payable by Parties to Witnesses and Jurors in Civil Proceedings » prévoit pour l’usage d’un véhicule personnel une indemnité d’un montant prescrit à l’article 15 du Public Service Subsistence, Travel and Moving Expenses Regulation, pris en vertu de la Alberta Public Service Act. L’article 15 fixe actuellement à 0,43 $ le kilomètre l’indemnité pour les déplacements officiels de fonctionnaires. C’est également le barème que les officiers taxateurs appliquent aux avocats en Alberta. Une comparaison intéressante peut être faite avec l’article 16 du même Règlement qui prévoit une indemnité de 0,14 $ le kilomètre pour les déplacements officiels lorsqu’il y a un mode de transport plus direct, plus pratique et moins cher. En l’espèce, j’autorise l’emploi, par l’avocat, de son véhicule pour effectuer le trajet entre Grande Prairie et Edmonton (Alberta), lui accordant une indemnité de 0,43 $ le kilomètre plutôt que de 0,445 $ le kilomètre tel qu’initialement réclamé.

 

[7]               Le 4 avril 2005, dans le cadre de la présente action, répertoriée Wanderingspirit c. Première Nation Salt River n195, [2005] A.C.F. no 550 (O.T.), j’ai taxé les dépens des requérants pour la demande de contrôle judiciaire. J’ai estimé que les documents produits en réponse par les intimés étaient évasifs ou vagues, mais je suis quand même intervenu dans leur intérêt, y compris dans l’intérêt de l’intimé Gowans, compte tenu de l’idée que j’avais des objections que leur inspirait le mémoire de dépens. J’ai conclu, plus précisément, qu’en l’absence d’une justification évidente, je n’avais pas compétence pour accorder les frais d’avocat (déplacements) en vertu de l’article 24. J’ai le pouvoir, par contre, d’autoriser les frais de déplacement connexes : voir Marshall c. Canada, [2006] A.C.F. no 1282 (O.T.), pour une explication plus complète sur ce point. Selon les requérants, les frais dont il était fait état étaient excessifs compte tenu de certains facteurs, parmi lesquels ne figurait pas l’article 24. Par souci de cohérence, j’estime devoir refuser l’article 24 dans le mémoire de dépens de l’intimé Gowans.

 

[8]               Initialement, dans son mémoire de dépens s’élevant à 11 652,71 $, l’intimé Gowans réclamait, au titre des honoraires d’avocat, le montant maximal prévu à la colonne IV. Un mémoire de dépens modifié a ramené la plupart des montants réclamés à ceux qui sont prévus selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne IV, sauf en ce qui concerne l’article 14a), le nouveau montant réclamé étant de 8 599,91 $. Le mémoire de dépens modifié est maintenant taxé et accordé au montant de 7 886,63 $.

 

 

 

« Charles E. Stinson »

Officier taxateur

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                              T‑2007‑02

 

INTITULÉ :                                             MELVIN WANDERINGSPIRIT et al.

                                                                  c.

                                                                  VICTOR MARIE et al.

 

TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER SANS COMPARUTION PERSONNELLE DES PARTIES

 

MOTIFS DE LA TAXATION               

DES DÉPENS :                                        CHARLES E. STINSON

 

DATE DES MOTIFS :                            LE 27 MARS 2007

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Chris J. Watson

POUR LES REQUÉRANTS

 

D. Bruce Logan

 

POUR L’INTIMÉ David Gowans

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MacKenzie Fujisawa LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES REQUÉRANTS

Dobko Logan Innes & Hougestol

Grande Prairie (Alberta)

 

Hendrickson Gower Massing Olivieri LLP, Edmonton (Alberta)

 

McLennan Ross LLP

Edmonton (Alberta)

POUR L’INTIMÉ David Gowans

 

 

POUR L’INTIMÉ Harvey Lepine

 

 

POUR L’INTIMÉ Don Tourangeau

 

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