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Date : 20070322

Dossier : T-1093-06

Référence : 2007 CF 308

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le 22 mars 2007

En présence de monsieur le protonotaire Richard Morneau

 

ENTRE :

BROUILLETTE KOSIE PRINCE

demanderesse

et

 

ORANGE COVE-SANGER CITRUS ASSOCIATION  

REGISTRAIRE CANADIEN DES MARQUES DE COMMERCE

défenderesse

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               La présente est une requête de la demanderesse demandant essentiellement une ordonnance de radiation de certains des affidavits déposés par la défenderesse ou, dans l’alternative, une autorisation de contre-interroger tous les affidavits de la défenderesse. Dans tous les cas, la demanderesse demande une prorogation du délai pour produire son dossier en vertu de l’article 309 des Règles des Cours fédérales (les Règles).

[2]               La présente requête a lieu dans le contexte d’une demande judiciaire déposée par la demanderesse le 30 juin 2006, contre une décision du registraire canadien des marques de commerce selon laquelle le registraire a refusé de radier l’enregistrement de la marque de commerce POM-POM dont le propriétaire enregistré est la défenderesse.

[3]               À la fin d’août 2006, dans les échéances prescrites par l’article 307 des Règles, la défenderesse a signifié et déposé les affidavits de Fay O’Brien, Richard French et Lee. C. Bailey pour compléter les éléments de preuve du défendeur déposées auprès du registraire.

[4]               Le demandeur n’a pas demandé ni procédé à aucun contre-interrogatoire des affidavits du défendeur dans l’échéance prescrite par les règles, qui était le 18 septembre 2006. Peu de temps après le 18 septembre 2006, la demanderesse a entamé des discussions avec la défenderesse concernant la pertinence de l’affidavit O’Brien.

[5]               Lors de ces discussions, il semblerait que la demanderesse a seulement obtenu, au moyen de deux ordonnances sur consentement, son droit de produire jusqu’au 5 janvier 2007 son dossier du demandeur. Cette échéance n’avait pas été respectée par la demanderesse en raison apparemment de l’échec tardif des négociations entre les parties et ensuite des vacances de l’avocat de la demanderesse.

[6]               Le 26 janvier 2007, la défenderesse a reçu un avis de requête envoyé par la demanderesse visant à radier les affidavits O’Brien et French. Dans son redressement subsidiaire demandé, la demanderesse a demandé la possibilité de contre-interroger sur les affidavits O’Brien, French et Bailey.

[7]               Il semblerait que ledit avis de requête a provoqué pour la première fois le souhait de la demanderesse de poursuivre avec des contre-interrogatoires.

[8]               Ladite requête ne s’est pas poursuivie en tant que telle. La présente requête n’a été reçue par la défenderesse que le 2 mars 2007 au moyen de la production par la demanderesse d’un dossier de requête complet.

Discussion

[9]               Je vais premièrement traiter de la demande de la demanderesse dans cette demande judiciaire de radier les affidavits French et O’Brien déposés par la défenderesse.

[10]           Le critère juridique pour radier un acte d’une action est de savoir s’il est évident et manifeste que l’action intentée ne révèle aucune demande raisonnable : Inuit Tapirisat et l’Organisation nationale d’anti-pauvreté c. Canada (Procureur Général), [1980] 2 R.C.S. 735, à la page 740.

[11]           Lors d’une demande de contrôle judiciaire, qui est essentiellement la nature de la présente instance, le critère est tout aussi contraignant, et il a été énoncé dans Bull (David) Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc. et al. (1994), 176 N.R. 48, aux pages 53 à 55.

[12]           Là, il avait été décidé qu’une requête en radiation dans une instance de contrôle judiciaire ne serait admise que dans des cas exceptionnels :

[D]ans les requêtes en contrôle judiciaire l’accent est mis sur la nécessité qu’elles parviennent au stade de l’audition le plus rapidement possible. Les objections visant l’avis introductif d’instance pouvant ainsi être tranchées rapidement dans le contexte de l’examen du bien-fondé de la demande.

 

[…]

 

Nous n’affirmons pas que la Cour n’a aucune compétence, soit de façon inhérente, soit par analogie avec d’autres règles en vertu de la Règle 5 [actuellement Règle 4], pour rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli. (Voir, par exemple, Cyanamid Agricultural de Puerto Rico, Inc. c. Commissaire des brevets (1983), 74 C.P.R. (2d) 133 (C.F. 1ère inst.)l et l’analyse figurant dans la décision Vancouver Island Peace Society et al c. Canada (ministre de la Défense nationale) et al., [1994] 1 C.F. 102 (1ère inst.), aux pages 120-121; 64 F.T.R. 127 (PF 1ère inst.). Ces cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations comme celle dont nous sommes saisis, où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l’avis de requête.

 

[non souligné dans l’original].

[13]           La position de la demanderesse en ce qui concerne la radiation est que lors d’une instance en radiation en vertu de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, la preuve de l’emploi de la marque contestée doit être jurée par le propriétaire enregistré et cette preuve doit se limiter à la question de l’emploi.

[14]           Toutefois, la décision de la Cour d’appel fédérale dans Registraire des marques de commerce v Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 488, suggère que la preuve de l’emploi est admissible pour autant que la preuve est fournie par le propriétaire de la marque de commerce.

[15]           À cet égard, l’affidavit French provient d’une coopérative agricole qui compte la défenderesse parmi ses membres. Il comprend une facture qui semble appuyer la vente d’agrumes frais en association avec l’enregistrement POM-POM au Canada durant la période en question au moyen de l’aide de la coopérative Sunkist. Par conséquent, je suis prêt à accepter que cet affidavit soit présenté au nom de la défenderesse par l’un de ses distributeurs en vertu de leur relation commerciale. Donc, l’affidavit ne sera pas radié étant donné qu’il n’est pas évident et manifeste qu’il constitue une preuve inadmissible dans une instance en vertu de l’article 45 devant notre Cour.

[16]           En ce qui concerne l’affidavit O’Brien, bien qu’il ne porte pas sur la question de l’emploi, il porte néanmoins sur l’identité de la partie qui a demandé au registraire d’émettre un avis à la défenderesse. Selon Brodenick and Basecom Rope c. Registraire des marques de commerce, 1971, 65 C.P.R. 209, une telle question peut être pertinente lorsqu’une demande au registraire est faite par un avocat ou un agent des marques de commerce sans citer le nom de la partie au nom de qui la requête est faite. Cette situation pourrait peut-être se présenter ici et il n’est donc pas évident et manifeste que l’affidavit O’Brien n’est pas pertinent. Par conséquent, ledit affidavit ne sera pas radié en vertu de cette requête.

[17]           Pour ce qui est des prorogations de délai demandées ici par la demanderesse, le critère à cet égard est décrit dans Canada (Procureur général) c. Hennelly (1999), 244 N.R. 399 (ci-après Hennelly), où le juge Mac Donald a déclaré :

Le critère approprié est de savoir si le demandeur a démontré

1.  une intention constante de poursuivre sa demande;

2.  que la demande est bien fondée;

3.  que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai; et

4.  qu’il existe une explication raisonnable justifiant le délai.

[18]           En ce qui concerne une prorogation du délai pour poursuivre le contre-interrogatoire de chacun des affidavits de la défenderesse, le fait que l’intention de poursuivre les contre-interrogatoires était annoncée par la demanderesse au plus tôt le 26 janvier 2007, au moyen d’un avis de requête – donc, quelques quatre (4) mois après le délai prescrit – m’amène à la conclusion que la demanderesse n’a pas démontré une intention constante de poursuivre ce plan d’action et qu’il n’existe pas d’explication raisonnable justifiant le délai. Le souhait de la demanderesse de poursuivre avec les contre-interrogatoires semble à la Cour être une pensée après coup qui ne devrait pas être admise. Le critère énoncé dans Hennelly n’est tout simplement pas satisfait ici.

[19]           En outre, bien que l’affidavit à l’appui et les observations écrites déposées par la défenderesse allèguent des ambiguïtés dans les affidavits et donc la nécessité de poursuivre les contre-interrogatoires, ces allégations sont d’une nature de simples allégations qui ne signalent aucune ambiguïté particulière qui justifierait le droit à des contre-interrogatoires tardifs.

[20]           En ce qui concerne la prorogation du délai pour donner à la demanderesse la possibilité de produire son dossier du demandeur, je suis convaincu ici que l’intention de poursuivre susmentionnée par la demanderesse a été démontrée et que la défenderesse ne subirait aucun préjudice en raison du délai. Bien que l’on puisse soutenir qu’étant donné les commentaires susmentionnés, la demanderesse aurait dû veiller à produire son dossier plus tôt, je suis convaincu que, selon la prépondérance, la demanderesse devrait bénéficier d’une prorogation relativement courte pour signifier et déposer son dossier du demandeur.

[21]            En ce qui concerne les dépens, étant donné que la défenderesse a pour l’essentiel obtenu gain de cause dans cette requête, les dépens lui seront adjugés.


ORDONNANCE

1.                  La demanderesse devra signifier et déposer son dossier du demandeur au plus tard au 10 avril 2007.

2.                  La requête de la demanderesse est par ailleurs rejetée.

3.                  Des dépens sont adjugés à la défenderesse.

« Richard Morneau »

Protonotaire

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                       T-1093-06

 

INTITULÉ :                                      BROUILLETTE KOSIE PRINCE

demanderesse

et

 

ORANGE COVE-SANGER CITRUS ASSOCIATION

REGISTRAIRE CANADIEN DES MARQUES DE COMMERCE

défenderesse

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :              Le 19 mars 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :                             LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 22 mars 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Bruno Barrette

Me Benoît Huart

Me Matthew Liben

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Jay Zakaib

Me Jennifer Galeano

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stikeman Elliott LLP

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Gowling Lafleur Henderson s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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