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Date : 20070309

Dossier : T-956-06

Référence : 2007 CF 276

Ottawa (Ontario), le 9 mars 2007

En présence de Monsieur le juge Blais

 

ENTRE :

GENEX COMMUNICATIONS INC.

demanderesse

et

 

JEAN-FRANÇOIS FILLION

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision interlocutoire, rendue et communiquée à la demanderesse le 5 juin 2006, par un arbitre désigné en vertu de l’article 242 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le Code), accueillant une objection en inhabilité présentée par le défendeur en ce qui concerne Me René Dion, représentant de l’employeur Genex Communications Inc. (la demanderesse).

 

 

FAITS PERTINENTS

[2]               Le 5 mai 2005, Jean-François Fillion (le défendeur) a déposé une plainte pour congédiement injustifié en vertu des articles 240 et suivants du Code. Conformément à l’article 242 du Code, Me Jean Gauvin (l’arbitre) a été désigné à titre d’arbitre pour entendre la plainte du défendeur.

 

[3]               Me René Dion est le vice-président aux affaires juridiques de la demanderesse et a aussi agi comme procureur ad litem de la demanderesse et du défendeur, dans le cadre d’une série de poursuites civiles, incluant la poursuite intentée par Madame Sophie Chiasson. Dans le cadre de la plainte pour congédiement injustifié, il a été désigné représentant de l’employeur pour assister à l’audition de la plainte devant l’arbitre. La représentation légale de la demanderesse, dans ce dossier, a été confiée à la firme Desjardins Ducharme, S.E.N.C.R.L.

 

[4]               Le 15 mai 2006, lors de la conférence préparatoire devant l’arbitre, le procureur du défendeur a annoncé qu’il comptait s’objecter officiellement à la présence de Me Dion comme représentant de la demanderesse et comme assistant du procureur ad litem. Cette objection a, par la suite, été réitérée par le procureur du défendeur dans une lettre datée du 17 mai 2006. Elle est formulée comme suit :

En conséquence, nous demandons au tribunal de décréter que Me Dion est inhabile à agir comme le représentant de l’Employeur lors de l’audition et qu’il doit se garder de prêter tout concours au procureur ad litem dans la présente affaire, soit Me André Johnson ou à tout autre membre de son cabinet et qu’il doit s’assurer de ne pas préjudicier aux droits de M. Fillion, notamment en divulguant des informations en contravention avec le droit de M. Jean-François Fillion au secret professionnel qui le lie à Me René Dion.

 

[5]               Dans une lettre datée du 26 mai 2006, Me Dion a communiqué avec le procureur du défendeur, dans le but de l’assurer qu’il n’existait pas de conflit d’intérêts ou d’autre contravention, justifiant son exclusion du processus d’arbitrage. Une lettre datée du 26 mai 2006 a aussi été envoyée à l’arbitre par le procureur de la demanderesse, dans laquelle ce dernier répondait aux arguments avancés par le procureur du défendeur quant à l’inhabilité de Me Dion de représenter l’employeur durant le processus d’arbitrage.

 

[6]               Lors de l’audition du 5 juin 2006 devant l’arbitre, les parties ont réitéré leurs arguments sur la question de l’inhabilité de Me Dion. À la suite des plaidoiries des procureurs, l’arbitre a rendu sa décision verbalement, accueillant l’objection à la présence de Me Dion comme représentant de l’employeur et, à ce titre, comme personne-ressource auprès du procureur ad litem de la demanderesse.

 

[7]               Lors de l’audition du 6 juin 2006 devant l’arbitre, la demanderesse a informé l’arbitre et le défendeur qu’elle comptait déposer une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre sur l’inhabilité de Me Dion, rendue le 5 juin 2006.

 

[8]               Le 20 juin 2006, la Cour a ordonné le sursis d’exécution de la décision de l’arbitre, ainsi que la suspension de l’audition devant se poursuivre devant l’arbitre, jusqu’à ce que la Cour ait disposé de la demande de contrôle judiciaire.

 

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

[9]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la Cour doit déterminer les questions suivantes :

1)      Est-ce que l’arbitre a agi en dehors de sa compétence en déclarant Me Dion inhabile à représenter l’employeur et à agir comme personne-ressource auprès du procureur ad litem de l’employeur lors de l’arbitrage?

2)      Est-ce que l’arbitre a erré dans son application d’un principe de droit ou dans son appréciation de la preuve?

 

NORME DE CONTRÔLE

[10]           L’application de l’analyse pragmatique et fonctionnelle est nécessaire afin de déterminer la norme de contrôle appropriée pour réviser une décision d’un arbitre désigné sous le Code. Les quatre critères à considérer sont les suivants :

1)      la nature du mécanisme d’appel ou de contrôle;

2)      l’expertise relative du tribunal;

3)      l’objet de la loi; et

4)      la nature de la question.

 

[11]           Le premier facteur, soit la nature du mécanisme d’appel ou de contrôle, suggère que la Cour doit faire preuve d’une certaine retenue à l’égard d’une décision d’un arbitre, en raison de l’absence d’un droit d’appel et de la présence d’une clause privative à l’article 243 du Code qui prévoit :

243. (1) Les ordonnances de l’arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

 

(2) Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action d’un arbitre exercée dans le cadre de l’article 242.

 

243. (1) Every order of an adjudicator appointed under subsection 242(1) is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

 

(2) No order shall be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an adjudicator in any proceedings of the adjudicator under section 242.

 

[12]           En ce qui a trait à la question d’expertise d’un arbitre sous le Code, la Cour d’appel fédérale s’est prononcée sur le sujet dans l’arrêt Société canadienne des postes c. Pollard, [1994] 1 C.F. 652, [1993] A.C.F. no 1038 (QL). Le juge Robert Décary écrit au paragraphe 25 :

D’ailleurs, le domaine d’expertise de l’arbitre est relativement limité. Il s'agit de "la personne qu'il [le Ministre] juge qualifiée pour entendre et trancher l'affaire" (paragraphe 242(1), il est nommé pour connaître d'une affaire précise et son champ d'intervention se limite aux plaintes déposées par une catégorie restreinte d'employés (les paragraphes 240(1) et 242(3.1)), à l'égard d'un seul type de différend, le congédiement injuste (alinéa 242(3)a)). Son expertise est beaucoup moins large que celle des membres du Conseil canadien des relations du travail ou d'un arbitre nommé en vertu de la partie I du Code. Dans l'arrêt Bradco, à la page 337, et dans l'arrêt Mossop, à la page 585, la Cour suprême ne s'est pas montrée particulièrement impressionnée, même si cela se passait à une étape différente du processus de révision, par le statut des organismes ad hoc dotés, comme c'est le cas de l'arbitre nommé en vertu du Code, de pouvoirs et de connaissances restreintes. Disons, pour paraphraser l'argument d'un avocat que, dans l'arrêt Bibeault, le juge Beetz approuve aux pages 1094 et 1095, que l'on peut, d'emblée, constater que le législateur n'a pas jugé opportun de conférer à l'arbitre la compétence générale et exclusive pour assurer l'application et le respect de l'ensemble des dispositions du Code. Il a choisi, plutôt, de conférer une compétence générale au Conseil canadien des relations du travail et d'accorder, à d'autres organes de décision, certaines compétences précises dans des domaines particuliers bien délimités, et même dans ces cas-là, il n'a pas conféré à tous les mêmes pouvoirs.

 

[13]           Par contre, à l’intérieur de son domaine d’expertise, c’est-à-dire « recevoir et évaluer la preuve, mais aussi se servir de ses compétences spécialisées pour trouver une solution au différend à trancher en matière de relations de travail », la Cour d’appel fédérale a reconnu l’expertise de l’arbitre (Énergie atomique du Canada Ltée c. Sheikholeslami (C.A.), [1998] 3 C.F. 349, [1998] A.C.F. no 250 (QL)).

 

[14]           Pour ce qui est de l’objet de la loi, le Code peut être qualifié de polycentrique en raison des multiples objectifs énoncés dans son préambule. Par contre, l’objet de la Partie III du Code est beaucoup plus limité, et donc n’exige pas un degré de retenue important. Tel que l’affirmait la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Dynamex Canada Inc. c. Mamona, [2003] A.C.F. no 907 (QL), 2003 CAF 248, au paragraphe 35 :

En résumé, le but de la partie III du Code canadien du travail consiste à protéger les travailleurs individuels et à créer un niveau de certitude sur le marché du travail en établissant des normes minimales de travail et en établissant des mécanismes afin de résoudre efficacement les différends résultant de l'application de ces dispositions.

 

 

[15]           Finalement, le degré de retenue judiciaire sera fortement influencé par la nature de la question. En premier lieu, une question se rapportant à la compétence de l’arbitre sera évaluée selon la norme de la décision correcte. Tel que l’affirmait la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Beothuk Data Systems Ltd., Division Seawatch c. Dean (C.A.), [1998] 1 C.F. 433, [1997] A.C.F. no 1117, au paragraphe 27 :

[…] Le droit, maintenant établi, indique que, malgré la retenue judiciaire dont il faut faire preuve à l'égard des tribunaux protégés par une clause privative, l'interprétation donnée par un tribunal d'une disposition de la loi qui lui attribue sa compétence, ou qui en limite l'étendue, doit être examinée d'après la norme de la justesse de la décision.

 

 

[16]           Par contre, après avoir déterminé que l’arbitre a agi dans le cadre de ses compétences, une décision prise sous l’article 242 sera généralement révisée selon la norme de la décision manifestement déraisonnable (Mihalicz c. Banque Royale du Canada, [1998] A.C.F. no 1857 (QL), (1998) 160 F.T.R.1, McKeown c. Banque Royale du Canada (1re inst.), [2001] 3 C.F. 139, [2001] A.C.F. no 231 (QL)).

 

[17]           Ceci étant dit, la Cour d’appel fédérale s’est aussi prononcée dans l’arrêt Dynamex Canada, ci-haut, sur la nature de la question en distinguant une « question de droit de la même nature que celles habituellement décidées par les différents tribunaux » qui n’exige pas « une expertise particulière de l’arbitre ». Une telle question sera sujette à la norme de la décision correcte, alors qu’une question mixte de droit général et de fait, sera sujette à la norme de la décision raisonnable.

 

ANALYSE

1) Est-ce que l’arbitre a agi en dehors de sa compétence en déclarant Me Dion inhabile à représenter l’employeur et à agir comme personne-ressource auprès du procureur ad litem de l’employeur lors de l’arbitrage?

 

 

[18]           Dans sa décision, l’arbitre affirmait avoir compétence pour disposer de la question de l’inhabilité de Me Dion aux termes de ses pouvoirs relatifs à la procédure, à la tenue de l’enquête et à l’administration de la preuve, pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 242 du Code.

 

[19]           La demanderesse conteste cette interprétation en affirmant que l’arbitre, étant une créature du Code, tire tous ses pouvoirs de cette loi, et n’a donc aucune compétence inhérente ou résiduelle. La demanderesse, contrairement à l’arbitre, soutient que rien, à la lecture des articles pertinents du Code, ne permet de conclure que l’arbitre était compétent pour déterminer que Me Dion était inhabile à agir comme représentant de la demanderesse.

 

[20]           Le défendeur, pour sa part, partage l’interprétation de l’arbitre et soumet que ce dernier était compétent pour statuer sur l’objection aux termes des pouvoirs qui lui sont reconnus à l’article 242 du Code.

 

[21]           En premier lieu, il est nécessaire d’examiner l’étendue des compétences de l’arbitre sous l’article 242, qui se lit comme suit :

242. (1) Sur réception du rapport visé au paragraphe 241(3), le ministre peut désigner en qualité d’arbitre la personne qu’il juge qualifiée pour entendre et trancher l’affaire et lui transmettre la plainte ainsi que l’éventuelle déclaration de l’employeur sur les motifs du congédiement.

 

 

 

    (2) Pour l’examen du cas dont il est saisi, l’arbitre :

 

 

a) dispose du délai fixé par règlement du gouverneur en conseil;

 

 

 

b) fixe lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d’une part, et de tenir compte de l’information contenue dans le dossier, d’autre part;

 

 

c) est investi des pouvoirs conférés au Conseil canadien des relations industrielles par les alinéas 16a), b) et c).

 

[…]

 

242. (1) The Minister may, on receipt of a report pursuant to subsection 241(3), appoint any person that the Minister considers appropriate as an adjudicator to hear and adjudicate on the complaint in respect of which the report was made, and refer the complaint to the adjudicator along with any statement provided pursuant to subsection 241(1).

 

(2) An adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1)

 

(a) shall consider the complaint within such time as the Governor in Council may by regulation prescribe;

 

(b) shall determine the procedure to be followed, but shall give full opportunity to the parties to the complaint to present evidence and make submissions to the adjudicator and shall consider the information relating to the complaint; and

 

(c) has, in relation to any complaint before the adjudicator, the powers conferred on the Canada Industrial Relations Board, in relation to any proceeding before the Board, under paragraphs 16(a), (b) and (c).

 

[…]

 

[22]           Il est clair, à la lecture de l’alinéa 242(2)b), que l’arbitre est maître de sa procédure. Ce pouvoir est conforme à la règle énoncée par la Cour d’appel fédérale dans Fishing Vessel Owners’ Assn. of British Columbia c. Canada (Procureur général), 1 C.P.C. (2d) 312 (C.A.F.), à la page 319 :

Chaque tribunal est investi du pouvoir fondamental de contrôler sa propre procédure afin d'assurer que la justice est rendue. Ce pouvoir est toutefois assujetti à toute limitation ou disposition prévue soit par le droit en général, soit par une loi, soit par les règles de la Cour.

 

[23]           Le pouvoir de contrôler sa procédure devrait donc logiquement comprendre le pouvoir de l’arbitre de faire respecter l’équité procédurale au cours d’une audience. Je suis d’accord avec l’arbitre R.C. Dumoulin qui écrivait dans sa décision préliminaire dans le dossier Iny-Somberg v. Laurentian Bank of Canada, [1999] C.L.A.D. No. 526, au paragraphe 14 : « The principles of audi alteram partem and procedural fairness should be safeguarded by the adjudicator during the pre-hearing process as well as in the conducting of the hearing itself.» Ce devoir de faire respecter l’équité procédurale devrait inclure entre autres le devoir d’assurer une audition impartiale. Dans l’arrêt Smith Mechanical inc. c. Thomson, [1985] C.S. 782, [1985] J.Q. no 124 (QL), l’honorable Charles D. Gonthier, à l’époque juge à la Cour supérieure du Québec, écrivait:

 12      L'audition impartiale implique non seulement l'impartialité du tribunal mais également l'indépendance et le désintéressement des avocats qui sont chargés de faire valoir les droits de leurs clients. Ceci implique également l'accès en toute confiance du justiciable à son avocat, confiance qui ne peut être assurée que par le respect des confidences et une entière loyauté.

 

[24]           Il convient malgré tout de souligner que l’objection d’inhabilité présentée est, en l’espèce, pour le moins inusitée, puisqu’elle ne vise pas le procureur de l’une ou l’autre des parties,  Me Dion n’agissant pas en sa qualité de procureur, mais bien comme un employé que l’employeur, à titre de personne morale, a désigné pour le représenter au cours de l’audition. Or, Me Dion avait également agi comme procureur du défendeur et de la demanderesse devant la Cour supérieure du Québec, dans le cadre d’un mandat conjoint.  Cette distinction est importante pour les fins de l’analyse de la compétence de l’arbitre dans le présent dossier.

 

[25]           Cependant, je suis d’avis que la demanderesse, en choisissant d’avoir recours à un procureur externe tout en nommant Me Dion comme son représentant, ouvre la porte à la nécessité d’examiner de plus près le processus d’audience devant l’arbitre et de s’assurer que l’équité procédurale, ainsi que les droits respectifs des parties, sont respectés. La considération de ce facteur additionnel me rend d’autant plus enclin à interpréter généreusement la juridiction de l’arbitre en vertu de l’équité procédurale.

 

[26]           Je tiens aussi à examiner l’argument de la demanderesse, qui s’appuie sur la décision du juge Andrew W. MacKay dans l’arrêt CRTC c. Canada, [1991] 1 C.F. 141, [1990] A.C.F. no 819 (QL), à l’effet que le droit d’une personne morale de désigner une personne pour la représenter et de définir le rôle de cette personne, dans le cadre d’une affaire devant être entendue par un tribunal, lui appartient de façon exclusive. La décision du Juge MacKay portait sur la demande d’annulation de l’ordonnance du Tribunal des droits de la personne, laquelle avait pour effet d’exclure de l’audition le représentant désigné du CRTC, jusqu’à ce que ledit représentant témoigne devant le tribunal. Le juge McKay concluait au paragraphe 26 de ce jugement :

Lorsqu'une partie est une société ou un organisme créé par un texte législatif, elle ne peut être représentée à l'audience et donner des directives à son avocat que par l'entremise d'une personne naturelle qui, à toutes fins utiles, est présumée représenter la société ou l'organisme à l'enquête. Si cet organisme n'est pas libre de choisir son représentant comme bon lui semble, la personne qui se trouve à l'audience et dont la présence a pour but principal de donner des directives à l'avocat n'aura peut-être pas toute la confiance de ceux qui sont responsables de l'organisme ou de l'entreprise en question. Cette liberté est sûrement la condition sur laquelle l'organisme se fonde pour choisir son représentant et l'élément-clé qui lui permet de considérer le représentant nommé comme étant la personne devant s'acquitter de la responsabilité que lui a confiée la société ou, en l'espèce, le CRTC, soit celle de donner des directives à l'avocat pour son compte. À mon avis, selon le paragraphe 50(1) de la Loi, un organisme créé [page 155] par une loi, en l'espèce, le CRTC, a le droit d'être représenté et de donner des directives à l'avocat au cours de l'audience du tribunal par l'entremise de la personne qu'il a désignée et la possibilité qu'il a de participer à l'audience selon le paragraphe 50(1) ne peut être restreinte par l'exclusion de ce représentant désigné, même si cette personne est un témoin possible.

 

 

[27]           Bien que cette décision du juge MacKay puisse sembler, à première vue, applicable à la présente situation, je partage l’opinion du défendeur suivant laquelle cet arrêt doit être distingué sur les faits. En effet, dans cette décision, le tribunal avait décidé d’exclure le représentant choisi par l’employeur de la salle d’audience, puisque ce dernier serait appelé à témoigner. Tel que l’indiquait le juge MacKay au paragraphe 28 de sa décision, le droit de l’employé pouvait être protégé dans une telle situation par une évaluation subséquente par le tribunal de la valeur probante du témoignage du représentant de l’employeur.

 

[28]           De fait, cette situation se répète souvent devant les tribunaux. Il n’est pas rare que le représentant de l’une ou l’autre des parties soit appelé à témoigner à un moment ou l’autre de l’audition, sans pour autant être exclu de la salle d’audience.

 

[29]           Il m’apparaît clair que le défendeur ne met pas en doute le droit de l’employeur de choisir son représentant au moment de l’audience devant l’arbitre. Cependant, il affirme avec raison que ce droit doit être tempéré par l’application d’autres règles de justice naturelle et de règlements d’ordre public, tels les règles de déontologie s’appliquant aux avocats en matière de confidentialité et de conflits d’intérêts.

 

[30]           De plus, dans la situation présente, la mitigation de l’atteinte aux droits du défendeur n’est pas aussi simple que dans l’arrêt CRTC c. Canada, ci-haut, puisque, comme l’affirmait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Succession MacDonald c. Martin, [1990] 3 R.C.S. 1235 (Succession MacDonald), l’utilisation de renseignements confidentiels par un procureur est habituellement impossible à prouver, ou à réfuter.

 

[31]           Je suis donc d’avis que l’arbitre avait compétence pour accorder l’objection en inhabilité présentée par le défendeur à l’encontre de Me Dion, en raison de son obligation d’assurer l’équité procédurale et donc, d’assurer au défendeur une audition impartiale.

 

2) Est-ce que l’arbitre a erré dans son application d’un principe de droit ou dans son appréciation de la preuve?

 

[32]           Subséquemment, la demanderesse affirme que, si l’arbitre avait compétence sur la question, il a erré en appliquant l’arrêt Succession MacDonald, à la situation présente et a rendu une décision en l’absence de preuve, fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments à sa disposition.

 

[33]           Le défendeur soumet au contraire que la décision de l’arbitre reflète la preuve au dossier, et qu’il a tenu compte des lettres échangées, des représentations et admissions des procureurs des deux parties, et des documents qui étaient au dossier.  L’arbitre a bien reconnu qu’il existait une distinction entre la situation dans l’arrêt Succession MacDonald et la situation présente, mais a clairement expliqué son raisonnement pour justifier l’application de cet arrêt. L’arrêt Succession MacDonald est une décision de principe qui a été appliquée à diverses situations où l’on recherchait une déclaration d’inhabilité (voir, entre autres, Métro inc. c. Regroupement des marchands actionnaires, J.E. 2002-2046 (C.A.)).

 

[34]           La requête présentée à l’arbitre par le défendeur nécessitait de la part de l’arbitre la considération de plusieurs facteurs, soit : 1) le droit du défendeur à une audition impartiale et au maintien de la loyauté et du secret professionnel liant tout avocat, 2) le droit de l’employeur d’être représenté par l’employé de son choix lors de l’audition, et 3) la protection de l’intégrité du processus judiciaire voulant que non seulement justice soit faite, mais qu’elle paraisse être faite.

 

[35]           Pour ce faire, l’arbitre a appliqué le test développé par la Cour suprême du Canada dans Succession MacDonald afin de déterminer dans quelles circonstances un avocat pourra être déclaré inhabile à agir pour un client, il a donc examiné différents facteurs, tel qu’indiqué par le juge Sopinka:

 13      Pour résoudre cette question, la Cour doit prendre en considération au moins trois valeurs en présence. Au premier rang se trouve le souci de préserver les normes exigeantes de la profession d'avocat et l'intégrité de notre système judiciaire.  Vient ensuite en contrepoids, le droit du justiciable de ne pas être privé sans raison valable de son droit de retenir les services de l'avocat de son choix. Enfin, il y a la mobilité raisonnable qu'il est souhaitable de permettre au sein de la profession. […]

 

[36]           Bien que ces valeurs considérées par la Cour suprême, tout comme la situation factuelle à l’origine de cette décision, ne soient pas identiques à la situation qui nous occupe, il existe une similarité suffisante pour pouvoir appliquer le test élaboré dans Succession MacDonald. Tout d’abord, le droit d’une partie d’être représentée par l’avocat de son choix peut être assimilé au droit de l’employeur d’être représenté par l’employé de son choix. Pour ce qui est de Me Dion, bien qu’il n’agisse pas à titre de procureur pour la demanderesse dans l’audition devant l’arbitre, il n’en demeure pas moins que ce dernier est assujetti au Code de déontologie des avocats, L.R.Q. c. B-1, r.1, lequel prévoit entre autres que :

3.06.01. L'avocat ne peut utiliser à son profit, au profit de la société au sein de laquelle il exerce ses activités professionnelles ou au profit d'une personne autre que le client, les renseignements confidentiels qu'il obtient dans l'exercice de ses activités professionnelles.

 

 

3.06.02. L'avocat ne peut accepter de fournir des services professionnels si cela comporte ou peut comporter la communication ou l'utilisation de renseignements ou documents confidentiels obtenus d'un autre client sans le consentement de ce dernier, sauf si la loi l'ordonne.

3.06.01.   An advocate shall not use, for his benefit, for the benefit of the partnership or joint-stock company within which he engages in his professional activities or for the benefit of a person other than the client, confidential information obtained while he engages in his professional activities.

 

3.06.02.   An advocate shall not agree to perform professional services if doing so entails or may entail the communication or use of confidential information or documents obtained from another client without the latter's consent, unless required by law.

 

[37]           En plus de son devoir de confidentialité, tout avocat a aussi un devoir plus large de loyauté, tel qu’énoncé par l’Association du Barreau canadien dans son Code de déontologie professionnelle, (Édition révisée, 2006), au Chapitre 5 :

L’avocat ne doit pas conseiller ou représenter des parties ayant des intérêts opposés, à moins d’avoir dûment averti ses clients éventuels ou actuels et d’avoir obtenu leur consentement. Il ne doit ni agir, ni continuer d’agir dans une affaire présentant ou susceptible de présenter un conflit d’intérêts.

 

The lawyer shall not advise or represent both sides of a dispute and, except after adequate disclosure to and with the consent of the clients or prospective clients concerned, shall not act or continue to act in a matter when there is or is likely to be a conflicting interest.

 

 

Les Commentaires associés à cette règle précisent d’ailleurs :

1. Il y a conflit d’intérêts lorsque les intérêts en présence sont tels que le jugement et la loyauté de l’avocat envers son client ou envers un client éventuel ou en son nom peuvent en être défavorablement affectés.

 

[…]

12. L’avocat qui a agi pour un client ne doit ni agir ultérieurement contre lui (ou contre des personnes qui s’étaient engagées ou associées avec le client) dans la même affaire ou dans une affaire connexe, ni se placer dans une position telle qu’il pourrait être tenté, ou être perçu comme tenté, de violer le secret professionnel. Cependant, il est parfaitement licite pour un avocat d’agir contre un ancien client, dans une affaire totalement nouvelle n’ayant aucun lien avec les services qu’il aurait pu rendre antérieurement à cette personne.

 

1. A conflicting interest is one that would be likely to affect adversely the lawyer’s judgment on behalf of, advice to, or loyalty to a client or prospective client.

 

[…]

 

 

 

 

12. A lawyer who has acted for a client in a matter should not thereafter, in the same or any related matter, act against the client (or against a person who was involved in or associated with the client in that matter) or take a position where the lawyer might be tempted or appear to be tempted to breach the Rule relating to confidential information. It is not, however, improper for the lawyer to act against a former client in a fresh and independent matter wholly unrelated to any work the lawyer has previously done for that person.

 

 

Ce devoir de loyauté est aussi reconnu dans le Code de déontologie des avocats, lequel prévoit que :

3.00.01.   L'avocat a, envers le client, un devoir de compétence ainsi que des obligations de loyauté, d'intégrité, d'indépendance, de désintéressement, de diligence et de prudence.

3.00.01.   An advocate owes the client a duty of skill as well as obligations of loyalty, integrity, independence, impartiality, diligence and prudence.

 

 

[38]           L’obligation professionnelle de confidentialité, tout comme le devoir de loyauté, protègent à la fois le client actuel et l’ancien client, et se rattachent à l’avocat lui-même, peu importe la qualité en vertu de laquelle il agit subséquemment.

 

[39]           Ayant confirmé l’applicabilité de l’arrêt Succession MacDonald, il est maintenant nécessaire de considérer le test élaboré par la Cour suprême du Canada dans cette décision. Le juge Sopinka écrit aux paragraphes 44 à 51 :

 44      Quelle doit donc être la bonne approche?  La norme de la "probabilité de préjudice" est-elle assez exigeante pour donner à la justice ce caractère apparent que le public exige d'elle?  À mon sens, elle ne l'est pas;  ce que confirment la jurisprudence que j'ai citée et le désir de la profession juridique d'avoir des règles strictes de déontologie, comme le démontre l'adoption du Code canadien de déontologie professionnelle.  Le critère de la probabilité de préjudice correspond essentiellement à la norme de preuve en matière civile.  Nous nous en tenons aux probabilités, tel est le fondement de  l'arrêt Rakusen.  Force m'est cependant de conclure que le public, et même les avocats et les juges, ont jugé cette norme insuffisante.  L'utilisation de renseignements confidentiels est habituellement impossible à prouver.  Comme le fait remarquer le lord juge Fletcher Moulton dans l'arrêt Rakusen, [TRADUCTION] "ce n'est pas possible de le prouver" (p. 841).  J'ajouterais:  "ou de le réfuter".  S'il en était autrement, le public se satisferait sans doute d'une preuve d'absence de préjudice.  Mais comme c'est impossible à prouver, le critère [page1260] retenu doit tendre à convaincre le public, c'est-à-dire une personne raisonnablement informée, qu'il ne sera fait aucun usage de renseignements confidentiels.  Voilà, à mon sens, la ligne directrice primordiale que doit suivre la Cour en répondant à la question:  sommes-nous en présence d'un conflit d'intérêts de nature à rendre l'avocat inhabile à agir?  Il faut souligner à cet égard que cette conclusion suppose que le client n'a pas acquiescé, mais qu'il s'oppose au mandat qui est à l'origine du conflit présumé.

 

 45      D'ordinaire, ce type d'affaire soulève deux questions: premièrement, l'avocat a-t-il appris des faits confidentiels, grâce à des rapports antérieurs d'avocat à client, qui concernent l'objet du litige?  Deuxièmement, y a-t-il un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client?

 

 46      Pour répondre à la première question, la cour doit résoudre un dilemme.  Il peut en effet être nécessaire, pour examiner à fond la question, de révéler les renseignements confidentiels que l'on cherche justement à protéger.  La requête perdrait alors tout sens.   Les tribunaux américains ont résolu ce dilemme en adoptant le critère du "lien important".  L'établissement d'un "lien important" fait naître une présomption irréfragable selon laquelle l'avocat a appris des faits confidentiels.  À mon avis, ce critère est trop rigide.  Il peut arriver qu'il soit prouvé hors de tout doute raisonnable qu'aucun renseignement confidentiel pertinent en l'espèce n'a été divulgué; le requérant a pu, par exemple, reconnaître ce fait au cours de son contre-interrogatoire. Or, cette preuve serait inefficace au regard d'une présomption irréfragable.  À mon avis, dès que le client a prouvé l'existence d'un lien antérieur dont la connexité avec le mandat dont on veut priver l'avocat est suffisante, la Cour doit en inférer que des renseignements confidentiels ont été transmis, sauf si l'avocat convainc la Cour qu'aucun renseignement pertinent n'a été communiqué. C'est un fardeau de preuve dont il aura bien de la difficulté à s'acquitter. Non seulement la Cour doit être convaincue, au point qu'un membre du public raisonnablement informé serait persuadé qu'aucun renseignement de cette nature n'a été transmis, mais encore la preuve doit être faite sans que soient révélés les détails de la [page1261] communication privilégiée.  Néanmoins, je suis d'avis qu'il ne convient pas de priver de tout moyen d'action l'avocat qui veut s'acquitter de ce lourd fardeau.

 

 47      Il s'agit en deuxième lieu de décider si un mauvais usage sera fait des renseignements confidentiels.  Un avocat qui a appris des faits confidentiels pertinents ne peut pas agir contre son client ou son ancien client.  Il sera automatiquement déclaré inhabile à agir.  Peu importe qu'il donne l'assurance ou qu'il promette de ne pas utiliser les renseignements.  L'avocat ne peut pas compartimenter son esprit de façon à trier les renseignements appris de son client et ceux obtenus d'autres sources.  Au surplus, il risquerait de s'abstenir d'utiliser des renseignements obtenus licitement, par crainte de donner l'impression qu'ils proviennent du client.  L'avocat serait ainsi empêché de bien représenter son nouveau client.  Par surcroît, l'ancien client aurait le sentiment d'être désavantagé.  Il ne pourrait s'empêcher de penser que les questions posées au cours du contre-interrogatoire au sujet de sa vie privée, par exemple, ont leur origine dans la relation antérieure.

 

[…]

 

 50      A fortiori, les simples engagements et affirmations catégoriques contenus dans des affidavits ne sont pas acceptables.  On peut s'attendre à les trouver dans toute affaire de cette nature qui est soumise aux tribunaux.  Cela revient à une invitation de l'avocat à lui faire confiance. Le tribunal a alors la tâche ingrate de décider quels avocats sont dignes de confiance et lesquels ne le sont pas.  De plus, même si les tribunaux estimaient que cette pratique est acceptable, il est peu probable que le public soit convaincu s'il n'a d'autres garanties que les renseignements confidentiels ne seront jamais utilisés.  À cet égard, j'approuve les propos du juge Posner dans la décision Analytica, précitée, selon qui les affidavits des avocats, qui sont difficiles à vérifier objectivement, ne rassureront pas le public.

 

 51      Selon moi, ces normes établiront un juste équilibre entre les trois valeurs que j'ai mentionnées plus haut.  Si l'on donne préséance au secret professionnel, on pourra préserver et augmenter la confiance du public dans l'intégrité de la profession et de l'administration de la justice.  En revanche, parce qu'elles reconnaissent le droit du justiciable de retenir les services de l'avocat de son choix et l'intérêt de la profession à la mobilité, ces normes sont assez souples pour permettre à l'avocat d'agir contre un ancien client, à la condition qu'un membre raisonnable du public au courant des faits en arriverait à la conclusion qu'aucun renseignement confidentiel n'a été divulgué sans autorisation ni n'est susceptible de l'être.

 

[40]           En appliquant le test élaboré par la Cour suprême du Canada, il n’y a pas de doute dans mon esprit qu’il existe un « lien important » entre la cause devant l’arbitre et les litiges récents pour lesquels Me Dion a agi comme procureur du défendeur. Tel que le notait l’arbitre, Me Dion « a agi comme procureur du plaignant et de son employeur dans une affaire où l’un et l’autre étaient codéfendeurs et qu’il est vraisemblable de croire que l’employeur invoquera contre le plaignant dans le cadre du présent litige ». Ayant établi ce lien important, l’arbitre devait donc inférer que des renseignements confidentiels avaient été transmis, sous réserve d’une preuve à l’effet contraire. D’ailleurs, une telle preuve devait être suffisamment probante pour convaincre l’arbitre « qu'un membre du public raisonnablement informé serait persuadé qu'aucun renseignement de cette nature n'a été transmis », faute de quoi l’arbitre devait conclure qu’un mauvais usage pourrait être fait de ces renseignements confidentiels, et donc que Me Dion ne pouvait maintenant agir contre son ancien client.

 

[41]           La demanderesse affirme qu’aucun renseignement confidentiel n’a été communiqué, puisque Me Dion agissait dans le cadre d’un mandat conjoint. En règle générale, lorsqu’un avocat agit pour deux parties, l’information communiquée par une partie ne sera pas considérée comme protégée par le privilège vis-à-vis l’autre partie (Chersinoff v. AllState Insurance Co. (1969), 3 D.L.R. (3d) 560 (B.C.C.A.), R. v. Dunbar (1982), 138 D.L.R. (3d) 221 (Ont. C.A.)). Par contre, il est possible que dans les faits, une telle explication ne soit pas suffisante pour convaincre la Cour qu’une personne raisonnablement informée serait satisfaite qu’il n’y ait pas eu communication d’information confidentielle (Zaworski v. Carrier Lumber Ltd., 2003 BCSC 565, [2003] B.C.J. No. 829 (QL)).

 

[42]           L’arbitre a reconnu, dans sa décision, que de l’information obtenue dans le cadre d’une défense commune n’est généralement pas considérée confidentielle. Par contre, il n’a pas cru qu’une telle explication puisse convaincre un public raisonnablement informé qu’aucune information confidentielle ne serait divulguée dans le cadre de l’audience et que le défendeur n’avait aucun motif d’entretenir des craintes à ce sujet.

 

[43]           Dans les circonstances présentes, cette conclusion de l’arbitre me paraît raisonnable, et ne devrait donc pas être renversée.

 

[44]           En dernier lieu, la demanderesse affirme que l’arbitre a erré en décidant que le défendeur n’était pas forclos de présenter son objection, alors qu’il avait accepté sans aucune réserve que Me Dion, dans le cours normal de son emploi, exerce ses fonctions auprès de la demanderesse et de son procureur ad litem depuis le mois d’avril 2005.

 

[45]           Le défendeur, pour sa part, soumet que l’arbitre n’a pas commis d’erreur en ne considérant pas le laps de temps comme une fin de non-recevoir, puisqu’il n’y a eu aucun délai entre le moment de la connaissance du rôle de Me Dion devant l’arbitre et l’objection du défendeur.

 

[46]           Je suis d’accord sur ce point avec le défendeur. En effet, le défaut du défendeur de s’objecter à la présence de Me Dion durant le processus de négociations n’empêche pas le défendeur de s’objecter à pareille situation lorsque la question est portée devant un arbitre, l’affaire prenant de ce fait un caractère litigieux (Peel Financial Holdings Ltd. v. Western Delta Lands Partnership, 2001 BCSC 1560, [2001] B.C.J. No. 2828 (QL)).

 

[47]           Dans l’arrêt Celanese Canada inc. c. Murray Demolition Corp., [2006] 2 R.C.S. 189, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur les facteurs à considérer pour décider s’il y a lieu d’accueillir une requête en inhabilité. L’un des facteurs retenu par la Cour est l’étape de l’instance, tel que discuté au paragraphe 64 de cette décision :

[…] À une étape avancée d'une instance complexe, une ordonnance déclarant un avocat inhabile à occuper peut être "extrême" et avoir un effet "dévastateur" sur la partie dont l'avocat est déclaré inhabile à occuper (Michel c. Lafrentz (1992), 12 C.P.C. (3d) 119 (C.A. Alb.), par. 4). Ce n'est pas le cas en l'espèce. Il n'y a pas de doute que les parties ont toutes engagé des frais considérables, mais dans une lettre datée du 15 juillet 2003, soit moins d'un mois après le début de l'instance et quelques jours après avoir pris connaissance de la controverse relative au privilège, BLG a informé Cassels Brock que [TRADUCTION] "[c]'est une question très grave et nous avons l'intention d'en faire part au tribunal à la première occasion". La requête en déclaration d'inhabilité à occuper a été déposée le 24 juillet 2003. Un préavis amplement suffisant a donc été donné au sujet de la demande de déclaration d'inhabilité à occuper.

 

[48]           Dans le cas présent, le défendeur soumet, avec raison, que puisque l’objection a été formulée dès le début de l’instance devant l’arbitre, ce dernier était justifié de conclure que l’absence d’objection du défendeur lors des pourparlers en vue d’un règlement ne devrait pas être interprétée comme une renonciation de sa part au droit de s’objecter à la présence de Me Dion lors de l’arbitrage.

 

[49]           Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Le tout avec dépens.

 

 

 

 

 

« Pierre Blais »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-956-06

 

INTITULÉ :                                       GENEX COMMUNICATIONS INC. c. JEAN-FRANÇOIS FILLION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               22 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :                   M. le juge Blais

 

DATE DES MOTIFS :                      9 mars 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me André Johnson

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Jean-Guy Villeneuve / Me Guylaine Lacerte

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me André Johnson

Desjardins, Ducharme

Québec (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Jean-Guy Villeneuve

Langlois, Kronström, Desjardins

Québec (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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