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Date : 20070306

Dossier : T-310-06

Référence : 2007 CF 254

Ottawa (Ontario), le 6 mars 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

LA CAPORALE NINA IWANOWICH

demanderesse

et

 

LE COMMISSAIRE GIULIAN ZACCADELLIE,

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 32(1) de la Loi sur la gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R‑10 (la Loi sur la GRC) visant à obtenir le contrôle judiciaire de la décision du commissaire, rendue par l’inspecteur J. F. Michel Bachand (l’arbitre). La décision, datée du 13 janvier 2006, a refusé la demande d’intervention de la demanderesse. La demanderesse avait déposé une demande d’intervention aux motifs qu’une promotion avait été accordée à un candidat qui ne possédait pas les qualités requises.

 

[2]               Dans son avis de demande, la demanderesse a demandé ce qui suit :

            1.         Un décision quant au fait que le caporal Ryerse a menti à l’égard de son expérience étayée par des documents dans la conduite d’enquêtes en matière de fraudes d’envergure et a induit en erreur le personnel en ce qui a trait à son expérience.

            2.         Une ordonnance pour un nouvel examen de la demande d’intervention originale afin de déterminer la contribution du caporal Ryerse au projet Oxlip, du cahier de notes du caporal Ryerse à l’égard de sa contribution à l’enquête, et une entrevue avec l’enquêteur responsable du projet appartenant à la Section des délits commerciaux concernant toute aide qu’il a reçue dans le cadre de l’enquête.

 

[3]               La demande de la demanderesse peut être reformulée comme suit :

            La demanderesse demande que la décision de l’arbitre soit annulée et que la demande d’intervention soit renvoyée pour une nouvelle décision.

 

Contexte

 

[4]               La demanderesse, Nina Iwanowich, est membre de la Gendarmerie royale canadienne (la GRC). En août 2004, la GRC a affiché un poste pour la promotion au poste de sergent. Une des qualités exigées pour le poste était une expérience étayée par des documents dans la conduite d’enquêtes en matière de fraudes d’envergure. La demanderesse a posé sa candidature à ce poste le 28 août 2004. Le 15 mars 2005, le poste a été attribué au caporal Ryerse. La demanderesse a déposé une demande d’intervention (la DI) le 12 avril 2005, alléguant avoir subi un préjudice à la suite du choix du caporal Ryerse pour le poste. La demanderesse était d’avis que le caporal Ryerse ne possédait pas les qualités requises pour le poste et qu’il a induit en erreur le comité d’avancement concernant son expérience en matière de fraudes d’envergure.

 

[5]               Dans les allégations de sa DI, la demanderesse a indiqué qu’elle avait parlé au sergent Gairy et au sergent McQueen, qui avaient participé au volet fraude de l’enquête dans laquelle le caporal Ryerse alléguait avoir acquis de l’expérience. Les deux membres ont dit à la demanderesse qu’ils ne se souvenaient pas de la participation du caporal Ryerse à l’enquête. La demanderesse a également allégué que le caporal Ryerse était tenu d’étayer son expérience par des documents au moyen de formulaires 1624 ou C237 ou de notes de membres, afin de démontrer qu’il avait les compétences pour le poste. La demanderesse a déclaré qu’elle avait subi un préjudice découlant de la perte d’une possibilité de promotion puisque le caporal Ryerse n’avait pas les qualités pour le poste. Par conséquent, elle recherchait la formation d’un nouveau comité d’avancement afin d’examiner de nouveau la candidature des candidats originaux pour le poste, à l’exception de celle du caporal Ryerse. 

 

[6]               Un examen administratif de la question a été entrepris, avec pour objectif d’enquêter sur les allégations de la demanderesse en matière d’inconduite. Une note de service rédigée par le sergent McCann, datée du 25 octobre 2005, décrivait les résultats de l’examen administratif. On mentionnait, dans la note de service, qu’il n’y avait aucune indication selon laquelle le caporal Ryerse avait cherché à induire en erreur le comité d’avancement ou eu l’intention de le faire. Les commentaires du caporal Ryerse figurant sur le formulaire 4052 ont été examinés, et il a été décidé qu’il répondait à l’exigence d’expérience en matière de fraudes d’envergure. On discutait également, dans la réponse, des deux manières selon lesquelles l’expression « étayée par des documents » était appliquée dans la section de la dotation en personnel : 1) en se reportant à des documents préexistants (tels que des évaluations annuelles, des lettres et des rapports sur des entrevues avec le personnel) ; 2) au moyen de renseignements fournis par le candidat sur un formulaire 4052, qui sont ensuite validés par une source de référence identifiée qui confirme les renseignements.

 

[7]               La note de service indiquait que le caporal Ryerse avait en effet fourni des renseignements concernant son expérience étayée par des documents relativement à la conduite d’enquêtes d’envergure pour fraude sur le formulaire 4052 et que ces renseignements ont été confirmés par la personne nommée comme source de référence identifiée. Par conséquent, il avait répondu au critère de l’expérience étayée par des documents et possédait les qualités requises pour le poste. De plus, la raison pour laquelle le sergent Gairy et le sergent McQueen ne se souvenaient pas de la participation du caporal Ryerse à l’enquête était que sa participation était antérieure au transfert de l’enquête à leur service.

 

[8]               Le 20 novembre 2005, la demanderesse a répondu aux résultats de l’examen en indiquant qu’elle avait personnellement étudié le dossier d’enquête pour fraude en question et n’avait trouvé aucune preuve de la participation du caporal Ryerse. Elle a aussi indiqué que personne n’avait communiqué avec le sergent Gairy ou le sergent McQueen pendant l’examen. Même s’ils n’avaient pas participé à l’enquête pendant la période de participation alléguée du caporal Ryerse, la demanderesse soutenait qu’il relevait du bon sens qu’ils aient eu connaissance de sa participation au dossier. La demanderesse a réitéré sa position selon laquelle le caporal Ryerse était tenu de prouver au moyen de documents prenant la forme des formulaires 1624 ou C237 ou de notes de membres afin de montrer qu’il avait les compétences pour le poste. Dans une réponse datée du 15 décembre 2005, la demanderesse a été informée qu’il n’y avait rien à ajouter à la note de service du 25 octobre 2005 et que la question serait renvoyée à un arbitre.

 

[9]               Compte tenu que la demanderesse n’a pas fourni d’éléments de preuve à l’appui, l’arbitre a refusé la DI par décision datée du 13 janvier 2006. Il s’agit en l’espèce du contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre.

 

Motifs de l’arbitre

 

[10]           L’arbitre a tout d’abord indiqué que la demanderesse avait déposé une DI au motif que le candidat choisi pour le poste de sergent ne répondait pas à l’exigence pour le poste concernant l’expérience étayée par des documents en matière d’enquêtes de fraudes d’envergure et avait induit en erreur le comité d’avancement à l’égard de son expérience en matière de fraude. Parmi les raisons de ses allégations, mentionnons les suivantes : 1) sa connaissance des antécédents du candidat choisi; 2) une conversation qui a eu lieu avec le candidat choisi au cours de laquelle il a indiqué qu’il ne comprenait pas pourquoi des exemples de fraude étaient exigés pour le poste; 3) sa compréhension que deux membres participant au projet Oxlip ne se souvenaient pas de la participation du candidat choisi au volet du projet qui portait sur la fraude.

 

[11]           L’arbitre a relevé l’allégation de la demanderesse selon laquelle le candidat choisi ne pouvait pas invoquer une expérience en matière de fraudes d’envergure dans un dossier qui avait été imparti à un enquêteur de la Section des délits commerciaux. La demanderesse croyait également que le candidat choisi de même que les collègues de son équipe consacraient leurs efforts uniquement au volet du projet qui visait les drogues. La demanderesse a demandé que le comité d’avancement tente de confirmer l’expérience étayée par des documents du candidat choisi dans les enquêtes en matière de fraudes d’envergure au moyen de formulaires 1624 ou C237 ou de notes de membres. La demanderesse a demandé qu’un nouveau comité examine la candidature des candidats originaux, à l’exception de celle du candidat choisi.

 

[12]           L’arbitre a entrepris d’examiner la note de service du 25 octobre 2005, la réfutation de la demanderesse et la réponse supplémentaire du 15 décembre 2005. Aucune autre observation n’a été présentée à l’arbitre. L’arbitre a mentionné son examen de tous les documents transmis par le bureau de coordination des griefs le 10 janvier 2006.

 

[13]           L’arbitre a indiqué que la demanderesse avait montré qu’elle avait qualité pour contester et que la DI avait été présentée dans le délai prescrit. L’arbitre conclut comme suit :

[traduction] Dans des affaires de cette nature, le fardeau de la preuve incombe au membre qui dépose une demande. En d’autres mots, le membre doit montrer que sa demande est valable. Il n’appartient pas à l’autre partie de réfuter.

 

En l’espèce, la requérante a exprimé son opinion et ses sentiments à l’égard de l’expérience du caporal Ryerse, mais n’a toutefois pas offert d’éléments de preuve à l’appui de ses arguments.

 

Pour sa part, le défendeur a présenté les conclusions d’un examen administratif, qui « fournissait un appui et une confirmation supplémentaires que le caporal Ryerse avait en effet répondu à l’exigence d’expérience en matière de fraudes d’envergure. »

 

En tant qu’arbitre, je dois appuyer mes conclusions sur les documents qui me sont présentés. Par conséquent en l’espèce, compte tenu de l’absence d’éléments de preuve corroborants présentés par la requérante, je dois rejeter la demande d’intervention.

 

                                                            [Non souligné dans l’original.]

 

Question en litige

 

[14]           L’arbitre a-t-il erré en rejetant la demande d’intervention de la demanderesse?

 

Les allégations de la demanderesse

 

[15]           La demanderesse a allégué que l’arbitre avait commis une erreur de fait en concluant qu’elle n’avait exprimé qu’une opinion et des sentiments à l’égard de l’expérience du caporal Ryerse et qu’elle n’avait présenté aucune preuve à l’appui de ses arguments. La demanderesse a soutenu qu’elle avait offert les éléments de preuve suivants dont l’arbitre n’as pas tenu compte :

-         Son examen du dossier du projet Oxlip n’a révélé aucune mention de la participation du caporal Ryerse dans le volet de l’enquête portant sur la fraude.

-         Sa conversation avec le sergent Gairy et le sergent McQueen, qui étaient responsables du volet du projet portant sur la fraude, a révélé qu’ils ne pouvaient pas se rappeler de la participation du caporal Ryerse. La demanderesse a déclaré qu’ils auraient eu connaissance de l’importante participation du caporal Ryerse dans le projet par l’intermédiaire de réunions et de rapports.

-         L’affidavit du sergent Gairy, reçu le 3 mars 2006, a confirmé que le caporal Ryerse n’avait pas participé au projet. Il y est dit également que le nom du caporal Ryerse ne figurait pas sur la liste des témoins dans laquelle d’autres témoins de la police étaient nommés.

-         Sa conversation avec le caporal Ryerse, au cours de laquelle il a déclaré qu’il ne comprenait pas pourquoi des exemples de fraude étaient nécessaires pour le poste.

 

[16]           La demanderesse a soutenu que l’arbitre a erré en acceptant, sans avoir vu le rapport ni confirmer son existence, la déclaration du sergent McCann selon laquelle un examen administratif avait été entrepris : 1) révélant qu’il n’y avait aucune indication que le caporal Ryerse avait cherché à induire en erreur ou avait eu l’intention de le faire; 2) et confirmant que le caporal Ryerse avait répondu à l’exigence d’expérience en matière de fraudes d’envergure. La demanderesse a soutenu que l’arbitre avait erré en omettant d’appliquer la même norme à ses arguments à elle comme il l’avait fait pour ceux de la GRC. Elle a allégué que ses éléments de preuve ont été rejetés comme étant une « opinion », alors que l’opinion du sergent McCann a été retenue.

 

Les allégations du défendeur

 

[17]           Le défendeur a appliqué la méthode pragmatique et fonctionnelle pour décider de la norme de contrôle appropriée et a conclu que la décision de l’arbitre était assujettie au contrôle selon la norme de la décision manifestement déraisonnable. Il a soutenu que la Cour fédérale avait statué que, dans des affaires portant sur le contrôle de la politique de promotion de la GRC, la norme de contrôle appropriée est la norme de la décision manifestement déraisonnable (voir Shephard c. Canada (Gendarmerie royale du Canada) (2003), 242 F.T.R. 42, 2003 CF 1296, infirmé pour d’autres motifs par (2004), 242 D.L.R. (4th) 529, 2004 CAF 254). Le défendeur a soutenu que la Cour avait appliqué la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable à des décisions prises par des arbitres de la GRC concernant des questions de promotion et d’exigences pour le poste (voir Smith c. Canada (Procureur général), (2005), 140 A.C.W.S. (3d) 560, 2005 CF 868; Brennan c. Gendarmerie royale du Canada (1998), 154 F.T.R. 309, 83 A.C.W.S. (3d) 895).

 

[18]           Selon le défendeur, la question devant l’arbitre était celle de savoir s’il existait des éléments de preuve pour étayer l’allégation de la demanderesse selon laquelle le processus de promotion pour le poste de sergent n’avait pas été suivi correctement, en ce que le candidat choisi ne répondait pas à l’exigence pour le poste concernant l’expérience étayée par des documents en matière de conduite d’enquêtes pour fraudes d’envergure.

 

[19]           Le défendeur a relevé l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle a fourni des éléments de preuve indiquant que le nom du caporal Ryerse n’apparaissait pas dans le volet fraude du dossier du projet Oxlip qu’elle a examiné. Le défendeur a soutenu que, même si ce prétendu élément de preuve était simplement une opinion et une supposition, on avait fourni une explication concernant la manière dont le caporal Ryerse avait répondu à l’exigence d’expérience étayée par des documents dans le cadre du processus de sélection. Le défendeur s’est reporté à la note de service du sergent McCann, datée du 25 octobre 2005, dans laquelle on expliquait que les candidats peuvent répondre à l’exigence d’expérience étayée par des documents en fournissant une source de référence qui peut confirmer leur expérience. La note de service indiquait que le caporal Ryerse avait fourni une telle source de référence, qui a confirmé les renseignements figurant sur son formulaire 4052.

 

[20]           Le défendeur a relevé l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle a parlé au sergent Gairy et au sergent McQueen et qu’aucun d’eux ne pouvait se rappeler la participation du caporal Ryerse à l’enquête. Le défendeur a soutenu que, même si le prétendu élément de preuve constitué par la conversation n’était pas corroboré, il n’était pas déterminant quant à la question devant l’arbitre, puisque le caporal Ryerse avait répondu à l’exigence d’expérience étayée par des documents en fournissant une référence. De plus, dans sa note de service, le sergent McCann expliquait que les enquêteurs ne pouvaient pas se rappeler la participation du caporal Ryerse au projet puisque son enquête sur l’infraction de fraude était antérieure au transfert de l’enquête à leur service. Il a soutenu que le prétendu élément de preuve de la demanderesse concernant les méthodes de conservation des dossiers de la GRC constituait simplement une opinion. Il a fait valoir que les allégations de la demanderesse concernant sa conversation avec le caporal Ryerse constituaient une simple opinion et qu’elles n’étaient pas déterminantes quant à la question devant l’arbitre.

 

[21]           Le défendeur a soutenu que l’affidavit du sergent Gairy constituait un nouvel élément de preuve qui n’avait pas été présenté devant l’arbitre lorsqu’il a rendu sa décision. Il a fait valoir qu’il n’existait pas de circonstances exceptionnelles qui justifieraient l’inclusion de ce nouvel élément de preuve dans la présente demande de contrôle judiciaire, puisque la demanderesse aurait pu le présenter comme élément de preuve devant l’arbitre (voir Han c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2006), 147 A.C.W.S. (3d) 1029, 2006 CF 432). Le défendeur a soutenu que l’affidavit ne devait pas être pris en compte dans la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[22]           Le défendeur a relevé l’allégation de la demanderesse selon laquelle l’arbitre a aveuglément accepté la preuve de la GRC à l’égard de l’examen administratif. Il a fait valoir que l’arbitre n’a pas tiré de conclusions de fait quant à la validité de l’examen, pas plus qu’il ne s’est appuyé sur les résultats de l’examen pour rendre sa décision. L’arbitre a énoncé tous les renseignements qui lui avaient été fournis par les parties, mais a clairement déclaré que sa décision de rejeter la DI était fondée sur l’absence d’éléments de preuve corroborants de la part de la demanderesse.

 

Analyse et décision

 

Norme de contrôle

 

[23]           La question en litige en l’espèce est de nature factuelle. Il s’agit de décider si l’arbitre a erré en concluant qu’il y avait insuffisamment d’éléments de preuve pour appuyer la demande de la demanderesse. Dans la décision Smith précitée, la Cour a analysé la norme de contrôle appropriée à appliquer dans des affaires portant sur la décision d’un arbitre de rejeter une demande d’intervention. La juge Dawson a énoncé ce qui suit aux paragraphes 12 et 13 :

Dans la décision Shephard c. Canada (Gendarmerie royale du Canada) (2003), 242 F.T.R. 42 (1re inst.) (infirmée pour d’autres motifs par 2004 CAF 254 (CanLII), (2004), 242 D.L.R. (4th) 529 (C.A.F)), la Cour a effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme de contrôle applicable à la décision d’un arbitre de rejeter une demande d’intervention. La Cour a pris note de la clause privative figurant à l’article 25 des Consignes du commissaire, de l’expertise spéciale des arbitres pour traiter des questions dont ils sont saisis, des larges pouvoirs des arbitres à cet égard, et de ce que la question en litige était une question de fait et non pas une question de droit. En conséquence, la Cour a conclu au paragraphe 36 que « tous les facteurs qui ressortent de l’analyse pragmatique et fonctionnelle débouchent sur la conclusion qu’il y a lieu de faire preuve d’une grande retenue à l’égard des décisions de l’arbitre dans ce domaine » , et que la norme de contrôle applicable est donc la décision manifestement déraisonnable.

 

De la même manière, en l’instance, la même clause privative s’applique, l’arbitre doit être, selon la même politique de la GRC, un officier ou un cadre supérieur, afin d’avoir de l’expertise en ce qui concerne les exigences des postes et les processus de promotion à la GRC, les buts visés par la disposition concernant les griefs et par la Loi sont identiques, et le problème dont l’arbitre était saisi était une question de fait. Je conclus donc que la norme de contrôle applicable à la décision de l’arbitre selon laquelle le caporal Smith ne satisfaisait pas à toutes les exigences du code de poste 575 est la décision manifestement déraisonnable.

 

 

J’adopterais l’analyse de la juge Dawson, et par conséquent la norme de contrôle appropriée est la norme de la décision manifestement déraisonnable.

 

[24]           Question en litige

            L’arbitre a‑t‑il erré en rejetant la demande d’intervention de la demanderesse?

            Question préliminaire – Utilisation de l’affidavit du sergent Gairy

            La demanderesse a présenté l’affidavit du sergent Gairy reçu le 3 mars 2006, qui était postérieur à la date de la décision de l’arbitre, datée du 13 janvier 2006. Le défendeur a soutenu que cet affidavit ne devrait pas être pris en compte puisqu’il s’agit d’un nouvel élément de preuve qui n’était pas devant l’arbitre et qui aurait pu être présenté à l’arbitre. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que la Cour permettra la considération, lors d’un contrôle judiciaire, de nouveaux éléments de preuve qui auraient pu être présentés à l’arbitre, mais qui ne l’ont pas été. Je ne peux déceler aucune circonstance exceptionnelle en l’espèce. L’affidavit du sergent Gairy, dans la mesure où il contient de nouveaux éléments de preuve, ne sera pas pris en compte dans la présente demande.

 

[25]           Un examen de la décision de l’arbitre indique qu’il a examiné les documents suivants dans son examen de la DI de la demanderesse :

-         les allégations de la DI de la demanderesse;

-         la note de service du sergent McCann, datée du 25 octobre 2005;

-         la réponse de la demanderesse, datée du 20 novembre 2005;

-         la réponse de l’inspecteur Brine, datée du 15 décembre 2005.

 

[26]           L’arbitre a indiqué avec justesse que les membres qui déposent une demande d’intervention ont le fardeau de prouver la validité de leurs allégations. Ainsi, la demanderesse était tenue de fournir à l’arbitre les éléments de preuve à l’appui de ses allégations selon lesquelles le caporal Ryerse ne répondait pas à l’exigence d’expérience étayée des documents dans la conduite d’enquêtes en matière de fraudes d’envergure et avait induit en erreur le comité à l’égard de l’expérience dont il se réclamait.

 

[27]           Dans ses allégations, la demanderesse mentionne ce qui suit : 1) une conversation avec le caporal Ryerse dans laquelle il a prétendument indiqué qu’il ne comprenait pas pourquoi le poste exigeait des exemples de fraude; 2) une conversation avec le sergent Gairy et le sergent McQueen, dans laquelle aucun d’eux ne pouvait se rappeler la participation du caporal Ryerse au projet Oxlip; 3) le fait que l’expérience du caporal Ryerse doit être documentée au moyen de formulaires 1624 ou C237 ou de notes de membres. Dans sa réponse à la note de service du sergent McCann, la demanderesse énonce ce qui suit : 1) elle a personnellement examiné le dossier du projet Oxlip et n’a pas été en mesure de trouver une mention de la participation du caporal Ryerse au volet fraude de l’enquête; 2) le sergent Gairy et le sergent McQueen auraient nécessairement eu connaissance de la participation du caporal Ryerse au projet même s’ils avaient commencé à y travailler après son départ.

 

[28]           Le dossier devant moi indique que tous les arguments qui précèdent et qui étaient pertinents en l’espèce ont reçu une explication. À titre d’exemple : le sergent Gairy et le sergent McQueen ont commencé à participer au dossier après la participation du caporal Ryerse au volet fraude du dossier; le caporal Ryerse pouvait documenter son expérience en matière de fraude soit par des documents (inscriptions dans des cahiers de notes, formulaires 1624 ou C237, et ainsi de suite), soit par la validation de renseignements fournis par le candidat au moyen du formulaire 4052. Pour valider les renseignements donnés par un candidat, on communique avec les sources de référence désignées par lui afin de leur demander de confirmer l’information fournie. Cette méthode est utilisée pour confirmer l’expérience possédée par un membre, mais non étayée par des documents.

 

[29]           En l’espèce, le candidat a présenté un formulaire 4052 avec des sources de référence. Il y a eu communication avec ces sources de référence qui ont confirmé l’expérience que le candidat alléguait posséder.

 

[30]           Pour annuler la décision de l’arbitre, je dois conclure que sa décision est manifestement déraisonnable. Une décision manifestement déraisonnable est une décision qui est clairement irrationnelle. En l’espèce, l’arbitre a rejeté la demande d’intervention en raison de l’absence d’éléments de preuve corroborants de la part de la demanderesse. Il a également indiqué que le défendeur a fourni les conclusions d’un examen administratif qui [traduction] « appuyaient et reconfirmaient que le caporal Ryerse avait en effet répondu à l’exigence d’expérience en matière de fraudes d’envergure. » Compte tenu du dossier devant moi, je ne peux conclure que la décision de l’arbitre était manifestement déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire doit par conséquent être rejetée.

 

 

 


 

JUGEMENT

 

[31]           LA COUR ORDONNE :

            1.         La demande du contrôle judiciaire de la demanderesse est rejetée.

            2.         Aucune ordonnance n’est rendue au sujet des dépens.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 

 


 

ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

            Les dispositions législatives pertinentes sont énoncées dans la présente section.

La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R‑10 :

 

31.(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), un membre à qui une décision, un acte ou une omission liés à la gestion des affaires de la Gendarmerie causent un préjudice peut présenter son grief par écrit à chacun des niveaux que prévoit la procédure applicable aux griefs prévue à la présente partie dans le cas où la présente loi, ses règlements ou les consignes du commissaire ne prévoient aucune autre procédure pour corriger ce préjudice.

 

[. . .]

 

32.(1) Le commissaire constitue le dernier niveau de la procédure applicable aux griefs; sa décision est définitive et exécutoire et, sous réserve du contrôle judiciaire prévu par la Loi sur les Cours fédérales, n’est pas susceptible d’appel ou de révision en justice.

 

31.(1) Subject to subsections (2) and (3), where any member is aggrieved by any decision, act or omission in the administration of the affairs of the Force in respect of which no other process for redress is provided by this Act, the regulations or the Commissioner’s standing orders, the member is entitled to present the grievance in writing at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Part.

 

[. . .]

 

32.(1) The Commissioner constitutes the final level in the grievance process and the Commissioner’s decision in respect of any grievance is final and binding and, except for judicial review under the Federal Courts Act, is not subject to appeal to or review by any court.

 

 

Les Consignes du commissaire (règlement des différends en matière de promotions et d’exigences de postes), DORS/2000-141 :

2.(1) Les présentes consignes s’appliquent, à la place de la partie III de la Loi, à la présentation et au règlement des griefs suivants:

 

a) ceux ayant trait à une décision, un acte ou une omission liés aux processus de sélection en vue de la promotion des membres et causant un préjudice à un membre;

 

b) ceux ayant trait aux exigences de postes — à l’exception des exigences en matières de langues officielles — qui sont arrêtées à la suite d’une décision, d’un acte ou d’une omission, lesquels causent un préjudice à un membre.

 

2.(1) These Standing Orders apply instead of Part III of the Act to the presentation and resolution of all grievances of members in respect of

 

(a) a decision, act or omission made in the course of the selection processes for the promotion of members, by which decision, act or omission a member has been aggrieved; or

 

(b) job requirements, other than official languages requirements, established for a position through a decision, act or omission, by which decision, act or omission a member has been aggrieved.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          T-310-06

 

INTITULÉ :                                                         LA CAPORALE NINA IWANOWICH

                                                                              c.

                                                                              LE COMMISSAIRE GIULIAN ZACCADELLIE,

                                                                              GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 LE 5 DÉCEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                        LE 6 MARS 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Nina Iwanowich (se représentant elle‑même)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Sharon McGovern

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nina Iwanowich (se représentant elle‑même)

Barrie (Ontario)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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