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Date : 20070223

Dossier : T-155-06

Référence : 2007 CF 208

Ottawa (Ontario), le 23 février 2007

EN PRÉSENCE DE madame la juge Simpson

 

ENTRE :

GOWRKUMARAN SELLATHURAI

demandeur

et

 

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

(SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA)

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire concerne les sommes de 123 000 $CAN et de 435 $US saisies entre les mains du demandeur et confisquées à l’aéroport Pearson de Toronto le 10 novembre 2003 (les espèces confisquées). La confiscation a été effectuée en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, ch. 17 (la Loi).

 

[2]               Les espèces confisquées sont les sommes que le demandeur a déclarées, à savoir 4 000 $CAN et 400 $US (les espèces déclarées), ainsi que les sommes qu’il n’a pas déclarées, à savoir 119 000 $CAN et 35 $US (les espèces non déclarées).

 

LA DEMANDE

 

[3]               La demande est présentée à l’encontre d’une décision par laquelle, le 6 octobre 2005, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) a confirmé en vertu de l’alinéa 29(1)c) de la Loi la confiscation des espèces non déclarées.

 

LE DEMANDEUR ET AUTRES

 

[4]               Le demandeur est M. Gowrkumaran Sellathurai (le demandeur). Il exploite à Scarborough (Ontario) une entreprise de vente de bijoux en gros, appelée Jayasaji Jewellers (l’entreprise), depuis sa constitution en société en 1994. D’après les statuts constitutifs de l’entreprise, l’épouse du demandeur, Palarani Gowrkumaran, est l’unique dirigeante et administratrice; de plus, dans sa lettre du 2 mars 2004, l’avocat du demandeur, T. Jegatheesan, affirme qu’elle est la propriétaire de l’entreprise. Or, dans son affidavit du 1er mars 2004 (l’affidavit du demandeur), le demandeur déclare qu’il est le signataire autorisé à l’égard des comptes de l’entreprise et que lui‑même et son épouse exploitent l’entreprise à titre de « partenaires égaux ». Le demandeur vit à Toronto avec son épouse et leurs trois enfants depuis treize ans. Il est arrivé au Canada en 1986 et est devenu citoyen canadien en 1991.

 

[5]               MM. George Montgomery Pathinather et Shudhir Chawla sont les associés du demandeur. Dans leurs affidavits du 29 janvier 2004 (l’affidavit de Pathinather) et du 5 février 2004 (l’affidavit de Chawla), ils affirment avoir remis au demandeur des sommes de 45 000 $ et de 47 000 $ respectivement pour les fins de l’entreprise. Ces sommes feraient partie des espèces confisquées.

 

[6]               M. Sathi Sathananthan tient les livres de l’entreprise. Dans un affidavit souscrit le 16 février 2004 (l’affidavit du commis comptable), il décrit une série de retraits du compte de l’entreprise totalisant 37 000 $. Cette somme ferait aussi partie des espèces confisquées.

 

L’AUDIENCE

 

[7]               La présente demande a été mise au rôle pour une audience d’une journée, ce qui s’est cependant révélé insuffisant. Les avocats étant dans l’impossibilité de se présenter le lendemain pour que se poursuive l’audience, les parties se sont entendues pour que l’avocat du demandeur termine sa réponse en déposant des observations écrites au plus tard le 18 décembre 2006, et pour que l’avocat du défendeur puisse, s’il le souhaitait, déposer des observations écrites à cet égard au plus tard le 12 janvier 2007. Des observations ont été déposées en réponse, et le défendeur a déposé une contre‑preuve le 10 janvier 2007.

 

LE CADRE LÉGISLATIF PERTINENT APPLIQUÉ EN L’ESPÈCE

 

[8]               L’exportation d’importantes quantités d’espèces n’est pas interdite, mais il existe à cet égard une obligation d’en faire la déclaration. En vertu du paragraphe 12(1) et de l’alinéa 3a) de la Loi, ainsi que du paragraphe 2(1) du Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets, DORS/2002-412, la personne qui quitte le Canada est tenue de déclarer les espèces ou effets en sa possession effective ou parmi ses bagages d’une valeur égale ou supérieure à 10 000 $CAN.

 

[9]               Suivant le paragraphe 18(1) de la Loi, si des espèces ou effets ne sont pas déclarés, ils peuvent être saisis et confisqués. Suivant le paragraphe 18(2), plutôt que de restituer les effets saisis sur paiement d’une pénalité, un agent des douanes peut décider de maintenir la confiscation, comme cela s’est produit dans la présente affaire (la confiscation). Le demandeur admet que l’agente avait des motifs raisonnables de maintenir la confiscation. Le paragraphe en question prévoit ce qui suit :

18. (2) Sur réception du paiement de la pénalité réglementaire, l’agent restitue au saisi ou au propriétaire légitime les espèces ou effets saisis sauf s’il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’il s’agit de produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel ou de fonds destinés au financement des activités terroristes.

[non souligné dans l’original]

18. (2) The officer shall, on payment of a penalty in the prescribed amount, return the seized currency or monetary instruments to the individual from whom they were seized or to the lawful owner unless the officer has reasonable grounds to suspect that the currency or monetary instruments are proceeds of crime within the meaning of subsection 462.3(1) of the Criminal Code or funds for use in the financing of terrorist activities.

[my emphasis]

 

[10]           En ce qui concerne les produits de la criminalité, le paragraphe 462.3(1) du Code criminel prévoit ce qui suit :

« produits de la criminalité » Bien, bénéfice ou avantage qui est obtenu ou qui provient, au Canada ou à l’extérieur du Canada, directement ou indirectement :

 

"proceeds of crime" means any property, benefit or advantage, within or outside Canada, obtained or derived directly or indirectly as a result of

a) soit de la perpétration d’une infraction désignée;

 

(a) the commission in Canada of a designated offence, or

b) soit d’un acte ou d’une omission qui, au Canada, aurait constitué une infraction désignée.

(b) an act or omission anywhere that, if it had occurred in Canada, would have constituted a designated offence.

 

 

[11]           Une « infraction désignée » est essentiellement une infraction punissable par mise en accusation. En voici la définition :

a) Soit toute infraction prévue par la présente loi ou une autre loi fédérale et pouvant être poursuivie par mise en accusation, à l’exception de tout acte criminel désigné par règlement;

 

(a) any offence that may be prosecuted as an indictable offence under this or any other Act of Parliament, other than an indictable offence prescribed by regulation, or

b) soit le complot ou la tentative en vue de commettre une telle infraction ou le fait d’en être complice après le fait ou d’en conseiller la perpétration.

 

(b) a conspiracy or an attempt to commit, being an accessory after the fact in relation to, or any counselling in relation to, an offence referred to in paragraph (a);

 

 

[12]           Le règlement pertinent est le Règlement sur l’exclusion de certains actes criminels de la définition de « infraction désignée », DORS/2002-63. Il exclut les infractions punissables par mise en accusation prévues par les lois qui figurent à l’Annexe A dudit règlement. Ces lois n’ont aucune incidence sur la présente affaire.

 

[13]           L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) est chargée de saisir et de confisquer les espèces et les effets non déclarés en vertu de la Loi. Le 10 novembre 2003, une agente de l’ASFC (l’agente des douanes) a interrogé le demandeur à l’aéroport Pearson. Pendant cet interrogatoire, elle a pris des notes (les notes de l’agente des douanes). Le 13 novembre 2003, elle a rédigé un rapport dans lequel elle a décrit la saisie et la confiscation qui avaient été effectuées (le rapport de saisie).

 

[14]           Le 19 novembre 2003, le demandeur a demandé au ministre de rendre une décision en vertu de l’article 25 de la Loi, dont le texte est reproduit ci‑dessous :

25. La personne entre les mains de qui ont été saisis des espèces ou effets en vertu de l’article 18 ou leur propriétaire légitime peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) en donnant un avis écrit à l’agent qui les a saisis ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie.

25. A person from whom currency or monetary instruments were seized under section 18, or the lawful owner of the currency or monetary instruments, may within 90 days after the date of the seizure request a decision of the Minister as to whether subsection 12(1) was contravened, by giving notice in writing to the officer who seized the currency or monetary instruments or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place.

 

[15]           Après que le demandeur eut demandé au ministre de prendre une décision, son dossier a été pris en main par la Direction des recours de l’ASFC. Par la suite, un arbitre a examiné le dossier et a préparé un document officiellement intitulé « Avis exposant les circonstances de la saisie », mais connu officieusement sous le nom d’« Avis des motifs de la saisie ». Dans la présente affaire, ce document était daté du 12 janvier 2004 (l’avis des motifs); il a été signifié au demandeur en vertu du paragraphe 26(1) de la Loi, dont voici le texte :

26. (1) Le président signifie sans délai par écrit à la personne qui a présenté la demande visée à l’article 25 un avis exposant les circonstances de la saisie à l’origine de la demande.

26. (1) If a decision of the Minister is requested under section 25, the President shall without delay serve on the person who requested it written notice of the circumstances of the seizure in respect of which the decision is requested.

 

[16]           Par la suite, le demandeur a eu la possibilité en vertu du paragraphe 26(2) de la Loi de produire des éléments de preuve. Ce paragraphe prévoit :

26. (2) Le demandeur dispose de trente jours à compter de la signification de l’avis pour produire tous moyens de preuve à l’appui de ses prétentions.

26. (2) The person on whom a notice is served under subsection (1) may, within 30 days after the notice is served, furnish any evidence in the matter that they desire to furnish.

 

[17]           Le demandeur a déposé son propre affidavit et ceux de Pathinather, de Chawla et du commis comptable, mentionnés plus haut. Son avocat a produit deux lettres contenant ses observations, ainsi que trois lettres de références concernant la réputation du demandeur. Ces documents seront examinés plus loin.

 

[18]           En plus de recevoir la preuve du demandeur, le défendeur avait le droit d’effectuer ses propres vérifications, ce qu’il a fait en l’espèce. L’avocat du demandeur a informé l’arbitre que l’agent David Kim, de la GRC, avait interrogé le demandeur le 3 décembre 2003 pour vérifier s’il était possible qu’il ait tenté de financer les activités de terroristes tamouls au Sri Lanka. L’arbitre n’avait pas été mise au courant de l’interrogatoire, mais elle a dit qu’elle s’informerait. Après l’avoir fait, elle a écrit à l’avocat du demandeur le 18 juin 2004:

[traduction] On m’a informé que l’agent Kim avait simplement vérifié si les espèces devaient servir à financer les activités de terroristes et qu’il n’y avait aucune preuve concluante qu’elles serviraient à cette fin. Il a indiqué que son enquête ne devait pas servir à déterminer si les espèces avaient été recyclées ou si elles étaient des produits de la criminalité.

 

[19]           L’arbitre a obtenu également un rapport, daté du 4 décembre 2003, dans lequel étaient décrits les relations antérieures entre le demandeur et l’ASFC. D’après ce rapport, le 25 février 1999, le demandeur a déclaré des marchandises, mais il a omis de déclarer des effets personnels d’une valeur approximative de 400 $. De même, en 1994, il a introduit illégalement des bijoux dans des saris. Il a été impossible d’obtenir des renseignements à cet égard. Toutefois, par suite de cet incident, le demandeur a été soumis à une fouille, mais on n’a rien trouvé.

 

[20]           L’intimé a également fait effectuer une recherche auprès du CIPC (Centre d’information de la police canadienne), qui lui a permis de constater que le demandeur n’avait été déclaré coupable d’aucun acte criminel. Enfin, le représentant du ministre a reconnu au cours de son contre‑interrogatoire qu’il n’y avait dans le dossier de l’arbitre aucun renseignement liant le demandeur au crime organisé.

 

[21]           Entre le mois de septembre 2004 et le mois de juillet 2005, la demande par laquelle le demandeur a sollicité une décision du ministre a été suspendue, le demandeur ayant présenté une demande d’accès à l’information. Toutefois, en juillet 2005, le demandeur a retenu les services d’un nouvel avocat, qui a fait révoquer la suspension et a demandé qu’une décision soit rendue le plus rapidement possible.

 

[22]           À ce moment‑là, le premier arbitre avait été promu, et une seconde arbitre avait pris en main le traitement du dossier du demandeur. Celle‑ci a préparé un document intitulé synopsis du dossier et motifs de décision (le synopsis et les motifs), qu’elle a signé le 25 septembre 2005.

 

[23]           Le synopsis et les motifs ont servi de recommandation et ont été remis à un gestionnaire de la Direction des recours. Par voie de délégation, ce dernier a été chargé de prendre les décisions du ministre en vertu des articles 25 et 29 de la Loi (le représentant du ministre). Il a signé le synopsis et les motifs le 3 octobre 2005, décidant ainsi de confirmer la confiscation des espèces non déclarées et de restituer les espèces déclarées au demandeur.

 

[24]           La dernière étape consistait à communiquer la décision. Dans une lettre datée du 6 octobre 2005, le représentant du ministre a donc informé le demandeur qu’il avait conclu qu’il y avait eu contravention au paragraphe 12(1) de la Loi et qu’il avait confirmé la confiscation des espèces non déclarées (la décision). Ces décisions ont été prises en vertu des paragraphes 27(1) et (3) et de l’alinéa 29(1)c) de la Loi, dont voici le texte :

27. (1) Dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent l’expiration du délai mentionné au paragraphe 26(2), le ministre décide s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

 

27. (1) Within 90 days after the expiry of the period referred to in subsection 26(2), the Minister shall decide whether subsection 12(1) was contravened.

 

[…]

 

 

(3) Le ministre signifie sans délai par écrit à la personne qui a fait la demande un avis de la décision, motifs à l’appui.

(3) The Minister shall, without delay after making a decision, serve on the person who requested it a written notice of the decision together with the reasons for it.

 

29. (1) S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre, aux conditions qu’il fixe :

29. (1) If the Minister decides that subsection 12(1) was contravened, the Minister shall, subject to the terms and conditions that the Minister may determine,

 

[…]

 

c) soit confirme la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34.

(c) subject to any order made under section 33 or 34, confirm that the currency or monetary instruments are forfeited to Her Majesty in right of Canada.

 

LES ÉVÉNEMENTS AYANT MENÉ À LA SAISIE ET À LA CONFISCATION

 

[25]           Le 10 novembre 2003, le demandeur s’est rendu à l’aéroport Pearson pour prendre un vol à destination de Paris. De là, il prévoyait se rendre à Dubaï, puis au Sri Lanka. À l’aéroport, il n’a pas déclaré à l’ASFC qu’il transportait des espèces d’une valeur supérieure à 10 000 $CAN. À 18 h 30, une agente des douanes s’est approchée du demandeur et lui a demandé quelles espèces il transportait. Le demandeur a répondu qu’il n’avait que les espèces déclarées. L’agente des douanes a fouillé ses bagages à main pour vérifier s’il disait la vérité et a trouvé deux lingots d’or, que le demandeur a évalués à 20 000 $CAN. L’agente des douanes a alors remarqué que le demandeur avait le visage « couvert de sueur ». Elle a remarqué également un renflement dans la poche de son pantalon, qui s’est révélé être une somme d’agent importante.

 

[26]           Un superviseur s’est alors joint à l’agente des douanes, et tous deux ont accompagné le demandeur dans une zone privée de la passerelle d’embarquement pour l’interroger plus en détail. L’agente des douanes a alors découvert huit enveloppes contenant des liasses de billets retenus par des bandes élastiques.

 

[27]           À la suite de ces découvertes, le demandeur a été emmené dans une zone décrite comme étant le « guichet secondaire du Terminal I ». À cet endroit, on a compté l’argent, puis on l’a confisqué, avant de remettre un reçu au demandeur. On a laissé au demandeur ses deux lingots d’or (qui, au Canada, ne sont pas considérés comme étant des espèces), des bijoux ainsi que les billets que contenait son portefeuille. Les espèces déclarées et les espèces non déclarées ont été confisquées.

 

[28]           Le demandeur a informé l’agente des douanes qu’il se rendait à Dubaï, dans les Émirats arabes unis, à peu près une fois par mois. Le rapport de saisie révèle que, d’après le passeport du demandeur, ce dernier est revenu au Canada, en provenance de Dubaï, le 13 octobre 2003. Les notes de l’agente des douanes indiquent que le demandeur a également déclaré qu’il n’avait pas l’habitude de se déplacer en ayant en sa possession d’importantes sommes d’argent, et qu’il ne l’avait fait dans ce cas que parce que Noël approchait.

 

[29]           Le demandeur a déclaré à l’agente des douanes qu’il avait acheté son billet le jour du vol (le lundi 10 novembre), car la billetterie était fermée le samedi 8. Il a dit qu’il se rendait aux funérailles de son père et qu’il serait absent une semaine. Toutefois, lorsqu’elle a vérifié les billets, l’agente des douanes a constaté que le billet d’avion à destination de Paris pour cette journée‑là avait été émis le 6 novembre, pour un vol qui serait effectué le 10 et dont le retour était prévu le 19, et que son billet de Dubaï à Colombo avait été émis le 31 octobre. Elle a par conséquent conclu que le demandeur n’effectuait pas le voyage en question à la fin ou pour la durée mentionnées.

 

[30]           D’après les notes de l’agente des douanes, le demandeur a indiqué très tôt dans sa conversation avec elle qu’il était bijoutier‑joaillier; de plus, le représentant du ministre a admis au cours du contre‑interrogatoire sur son affidavit daté du 12 avril 2006 que le synopsis et les motifs indiquaient à tort que le demandeur avait dissimulé le fait qu’il était bijoutier‑joaillier et ne l’avait déclaré que plus tard pendant son entrevue avec l’agente des douanes.

 

[31]           Le demandeur a déclaré à l’agente des douanes que, sur les espèces confisquées, une somme de 47 000 $ lui avait été prêtée par Kanthy Wilberg, un bijoutier‑joaillier de Montréal, pour acheter des bijoux. En outre, une somme de 45 000 $ lui avait été prêtée par George Mulhambery de Montréal, également pour acheter des bijoux. Le demandeur a fourni les numéros de téléphone des deux bijoutiers‑joailliers à Montréal et a déclaré s’être rendu en auto dans cette ville deux jours plus tôt pour rencontrer les deux hommes. Le demandeur n’a pas indiqué la provenance du reste des espèces confisquées.


 

LA PREUVE PRÉSENTÉE POUR LE COMPTE DU DEMANDEUR

 

[32]           Dans son affidavit du 1er mars 2004, le demandeur a contredit les renseignements qu’il avait donnés plus tôt à l’agente des douanes sur la provenance des espèces. Il a juré qu’il avait reçu la somme de 45 000 $ de M. Pathinather, de Montréal (Québec), pour acheter certains articles de bijouterie, et que la somme de 47 000 $ lui avait été avancée par M. Chawla, de Markham (Ontario), pour l’achat d’or en lingots. À cet égard, l’affidavit de Chawla contredisait les déclarations du demandeur. En effet, M. Chawla a déclaré avoir remis la somme de 47 000 $ au demandeur pour qu’il achète des bijoux en or 22 carats à Dubaï. Il n’a pas mentionné l’achat de lingots.

 

[33]           À l’affidavit de Chawla était jointe une lettre non datée, sans en‑tête, signée par M. Kurgan, confirmant qu’en septembre 2003, il avait prêté à M. Chawla 93 onces d’or fin provenant de son propre stock, et que la valeur de cet or était de 47 750 $CAN. M. Chawla a juré que les lingots d’or qu’il avait vendus étaient un prêt qui lui avait ét consenti afin de lui permettre de se remettre sur pied après une période financière difficile. M. Chawla a déclaré que la somme de 47 000 $ en espèces qu’il avait fournie au demandeur provenait de la vente au comptant de cet or en lingots à des bijoutiers‑joailliers. Toutefois, en dépit des nombreuses demandes de l’arbitre, aucun reçu ni affidavit n’ont été déposés afin de prouver que ces ventes avaient eu lieu.

 

[34]           Dans son affidavit, Pathinather indique que, le 6 ou le 7 novembre 2003, il a remis au demandeur une somme de 45 000 $ en espèces, que cette somme provenait du coffre‑fort de son entreprise et qu’il l’avait obtenue après avoir effectué des ventes de bijoux au comptant. Encore une fois, en dépit des demandes de l’arbitre, aucune preuve n’a été fournie pour corroborer ces ventes.

 

[35]           MM. Chawla et Pathinather ont dit qu’ils faisaient confiance au demandeur parce qu’ils le connaissaient et faisaient affaires avec lui depuis plus de 3 ans et demi et 10 ans respectivement. Ils ont déclaré que la communauté indienne préfère les transactions au comptant et que, dans leurs opérations avec le demandeur, ils ont couramment utilisé d’importantes sommes d’argent comptant. Ce qu’ils n’ont pas expliqué, en dépit des réserves formulées par l’arbitre, est l’absence de toute preuve corroborant les ventes qui leur ont permis d’obtenir l’argent comptant qu’ils ont affirmé avoir remis au demandeur.

 

[36]           Dans son affidavit, le commis comptable a indiqué qu’il croyait que le reste des espèces confisquées (déduction faite de la somme de 47 000 $ de M. Chawla et de celle de 45 000 $ de M. Pathinather) avaient été retirées du compte de l’entreprise, puisqu’il avait constaté qu’entre le 19 septembre et le 10 novembre 2003, le demandeur avait retiré 37 000 $ [traduction] « …au moyen de six chèques sur le compte d’affaires, libellés à son ordre [] ». Les détails des chèques sont les suivants :

19 septembre 2003                    8 000 $

24 septembre 2003                    8 000 $

25 septembre 2003                    6 000 $

7 novembre 2003                       5 000 $

7 novembre 2003                       7 000 $

10 novembre 2003                     3 000 $

 

[37]           Cette preuve était erronée. Les chèques en question n’étaient pas libellés à l’ordre du demandeur. Ils étaient plutôt payables à son épouse. Toutefois, dans son affidavit, le demandeur affirme avoir reçu l’argent lorsque les chèques ont été encaissés.

 

[38]           Dans son affidavit, le demandeur affirme également ce qui suit :

·        Il voyage beaucoup et il se déplace en avion entre Toronto et Dubaï tous les mois ou tous les deux mois.

·        Il n’avait jamais auparavant transporté une large somme en espèces. Il utilise normalement les virements bancaires. Il ignorait qu’il devait déclarer les espèces provenant d’activités commerciales.

·        Il n’a pas divulgué les noms de MM. Pathinather et Chawla de crainte qu’ils fassent l’objet de soupçons parce qu’ils sont membres de la communauté des Indes orientales au Canada,.

·        Il avait en sa possession de l’argent comptant pour acheter des bijoux à Dubaï au cours de ce voyage parce qu’il disposait de peu de temps et aurait eu de la difficulté à utiliser des services bancaires canadiens le jour du Souvenir, soit le 11 novembre 2003.

 

[39]           L’arbitre a examiné les affidavits de MM. Chawla et Pathinather, puis a écrit à l’avocat du demandeur le 15 mars et le 3 mai 2004 qu’ils ne [traduction] « confirmaient pas la légitimité de leur part des espèces saisies ». Dans sa première lettre, l’arbitre a indiqué que les entreprises légitimes consignent les mouvements de fonds et a dit douter que l’explication fournie par le demandeur quant à la raison pour laquelle il transportait de l’argent comptant soit logique, ajoutant qu’elle croyait comprendre que les devises canadiennes ne sont pas utilisées d’emblée à l’étranger pour effectuer des achats. Elle a demandé des renseignements supplémentaires, mais n’en a obtenu aucun.

 

[40]           Les trois lettres de référence concernant le demandeur ont été mises de côté dans le synopsis et les motifs, car elles ne portaient pas expressément sur la question de la légitimité des espèces confisquées.

 

 

LA DÉCISION

 

[41]           Le représentant du ministre a conclu qu’il existait des motifs raisonnables de soupçonner que les espèces non déclarées étaient des produits de la criminalité.

 

[42]           Les motifs du représentant du ministre énoncés dans la lettre du 6 octobre sont reproduits ci‑dessous :

 

[traduction] La preuve produite a confirmé que vous avez été spécifiquement interrogé par une agente des douanes à l’Aéroport international Pearson le 10 novembre 2003 et que vous lui avez déclaré n’avoir pas plus de 10 000 $CAN en espèces. Une vérification a permis de constater que vous étiez en possession de 435 $US et de 123 000 $CAN en espèces. Par conséquent, en vertu des articles 12 et 18 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, les espèces pouvaient légalement être saisies. Aucune condition pour la restitution de ces espèces n’a été fixée car l’agente avait des motifs raisonnables de soupçonner qu’il s’agissait de produits de la criminalité.

 

Bien que les observations de votre avocat aient été prises en considération, aucune mesure d’atténuation n’a été prise en l’espèce. La preuve produite ne peut pas être vérifiée et elle n’atteste pas la provenance des espèces. Compte tenu de l’ensemble de la preuve et de l’absence d’une preuve vérifiable confirmant la provenance légitime des espèces, des doutes raisonnables subsistent. Pour cette raison, la confiscation des espèces a été maintenue. Toutefois, il a été décidé que les espèces déclarées (4 000 $CAN et 400 $US) devaient vous être restituées.

 

[43]           Le synopsis et les motifs indiquent que le demandeur n’a pas dissipé les doutes exprimés par l’arbitre sur les points suivants :

·        les enveloppes dans lesquelles se trouvaient les espèces confisquées – Pourquoi se trouvaient‑elles dans huit enveloppes, certaines contenant différentes coupures, attachées au moyen de bandes élastiques?

·        la preuve contradictoire – À l’aéroport Pearson, le demandeur a déclaré à l’agente des douanes que les espèces confisquées provenaient de deux bijoutiers‑joailliers de Montréal. Il a fourni leurs noms et numéros de téléphone et il a indiqué les avoir rencontrés quelques jours plus tôt. Or, dans son affidavit, le demandeur a fourni les noms de deux personnes complètement différentes, dont une seule était à Montréal. En outre, ces personnes n’étaient plus l’unique source des fonds, car le demandeur a ajouté que ceux‑ci provenaient également de l’entreprise;

·        le fait que l’argent a été retiré du compte de l’entreprise en septembre en vue d’un voyage en novembre même si, dans l’intervalle, c’est‑à‑dire en octobre 2003, il y a eu un voyage à Dubaï;

·        l’absence de documents indiquant que les ventes d’or et de bijoux sont à l’origine des fonds fournis par MM. Chawla et Pathinather;

·        les fausses déclarations du demandeur à l’agente des douanes au sujet de l’objet de son voyage et de la date à laquelle il a acheté son billet pour le vol du 10 novembre;

·        la déclaration du demandeur selon laquelle il avait l’intention d’utiliser l’argent pour acheter des bijoux à Dubaï, où les devises canadiennes ne sont pas facilement acceptées.

 

[44]           Il m’apparaît clairement que l’arbitre a insisté à juste titre sur la preuve concernant la provenance véritable des espèces confisquées. Il ne suffisait pas de montrer à l’aide de relevés bancaires et de simples déclarations dans des affidavits que le demandeur et ses partenaires commerciaux avaient des moyens suffisants qui leur auraient permis de fournir les espèces confisquées. À cet égard, voir la décision du juge Blais dans l’affaire Martirossian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1119, au paragraphe 36.

 

[45]           Dans son affidavit du 12 avril 2006, le représentant du ministre a étoffé ses motifs. J’ai supprimé les passages de l’alinéa 14 b) et du paragraphe 19 qui, ainsi que le représentant du ministre l’a admis au cours de son contre‑interrogatoire, étaient inexacts.

[traduction] 14. À mon avis, ces documents ont établi qu’il y avait des motifs raisonnables de soupçonner que les espèces non déclarées qui ont été saisies entre les mains du demandeur le 10 novembre 2003 étaient des produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel, les motifs les plus importants étant les suivants :

 

a)                   le demandeur a tenté d’exporter une très grosse somme d’argent et a choisi de déclarer une petite partie seulement de cette somme à l’agente des douanes;

b)                   lorsqu’il a été interrogé sur [] la provenance des espèces par l’agente des douanes, le demandeur a fourni une explication vague et contradictoire;

c)                   à la suite de sa demande visant à obtenir une décision du ministre pour la saisie, le demandeur a fourni sur la provenance des espèces une explication qui différait de celle qu’il avait fournie initialement à l’agente des douanes;

d)                   l’explication ultime fournie par le demandeur sur la provenance des espèces n’est pas plausible et n’est pas corroborée par des documents justificatifs.

 

15. En ce qui concerne le premier motif, les documents dont je dispose démontrent que le demandeur avait en sa possession 123 000 $ (CAN) et 435 $ (US). Ils établissent également que le demandeur voyageait souvent à l’étranger et qu’il devait connaître les exigences en matière de déclaration des espèces. Or, lorsqu’une agente des douanes lui a demandé combien d’argent il avait en sa possession, le demandeur a choisi de ne déclarer que 4 000 $ (CAN) et 400 $ (US). À mon avis, un tel comportement permet de soupçonner que les espèces en question sont illégales.

 

16. En raison notamment du risque de vol ou de perte, la plupart des personnes qui possèdent légitimement de telles sommes d’argent ne tenteront pas de les transporter sur elles. Les personnes qui souhaitent transférer de larges sommes d’argent légitimes entre divers pays utilisent plutôt, de manière générale, les services des institutions financières (c.‑à‑d. des virements électroniques, des traites bancaires, des mandats, des chèques de voyage, etc.), qui sont plus rapides, moins coûteux et plus sûrs que le transport de sommes d’argent sur soi.

 

17. De plus, contrairement à la devise américaine, la devise canadienne n’est pas utilisée ni acceptée d’emblée dans les pays autres que le Canada. En conséquence, il est peu plausible qu’un voyageur apporte de larges sommes en devises canadiennes légitimes dans un pays comme les Émirats arabes unis pour y mener des activités commerciales légitimes.

 

18. Par ailleurs, même si on peut admettre qu’un voyageur occasionnel peut néanmoins décider de courir le risque et de subir les inconvénients qui découlent du fait de voyager en ayant en sa possession d’importantes sommes en devises canadiennes, il est très peu probable qu’un tel voyageur ne réponde pas ensuite honnêtement à une question précise d’un agent des douanes concernant la somme d’argent transportée, à moins que cette somme ne soit en fait illégale et qu’il craigne qu’on la découvre et qu’on la confisque.

 

19. [] Lorsque l’agente des douanes lui a demandé d’expliquer la provenance des espèces, le demandeur a d’abord indiqué qu’il n’était pas certain de l’identité des personnes qui les lui avaient remises. Plus tard, il a déclaré qu’un certain « Kanthy Wilkerg » et un certain « George Mulhambery », tous deux de Montréal, lui avaient remis 47 000 $ (CAN) et 45 000 $(CAN) respectivement pour acheter des bijoux. Lorsqu’il a fourni ces explications vagues et contradictoires, le demandeur était visiblement nerveux, son visage était couvert de sueur. À mon avis, un tel comportement permet de soupçonner que les espèces en question sont illégales.

 

20. Plus particulièrement, les espèces peuvent provenir soit d’une source légale, soit de produits de la criminalité. Pour les motifs exposés aux paragraphes 16 à 18 ci‑dessus, plus le montant de devises canadiennes transportées internationalement sans être déclarées est élevé, moins il est probable qu’elles proviennent d’une source légale. Dans le cas rare où une personne transporte de larges sommes obtenues légitimement, à des fins légales, on peut s’attendre à ce qu’elle soit en mesure d’expliquer clairement tant la provenance que l’usage prévu des espèces. Par ailleurs, l’incapacité d’un voyageur de fournir clairement de telles explications indique qu’il sait que les devises n’ont pas été obtenues par des moyens légitimes ou qu’elles sont destinées à un usage illicite.

 

21. Quant au troisième motif, les documents dont je dispose indiquent qu’en mars 2004, soit approximativement quatre mois après avoir informé l’agente des douanes qu’un certain « Kanthy Wilkerg » et un certain « George Mulhambery », tous deux de Montréal, lui avaient remis 47 000 $ (CAN) et 45 000 $ (CAN) respectivement pour qu’il puisse acheter des bijoux, le demandeur a fourni une explication différente sur l’origine des fonds. Il a déclaré que Shudhir Chawla, de Markham (Ontario), lui avait remis 47 000 $ (CAN), tandis que George Montgomery Pathinather, de Montréal, lui avait remis 45 000 $ (CAN) pour qu’il puisse acheter des bijoux. En outre, pour la première fois, le demandeur a expliqué que le reste des espèces qu’il avait en sa possession (31 000 $CAN et 435 $US) avaient été retirées du compte d’affaires de Jayasaji Jewellery Ltd., une entreprise de vente de bijoux en gros dont le demandeur est propriétaire avec son épouse, Palaran Gowrikumaran. À mon avis, le fait que le demandeur a fourni, sur l’origine des fonds, cette nouvelle explication qui diffère de celle qu’il avait fournie au moment de la saisie, permet de soupçonner que les espèces en question ont été obtenues par des moyens illégitimes pour les motifs énoncés au paragraphe 20 qui précède.

 

22. En ce qui concerne le quatrième motif, les documents dont je dispose indiquent que, si Shudhir Chawla et George Montgomery Pathinather ont déclaré avoir remis au demandeur une somme de 92 000 $ (CAN) au total pour qu’il puisse acheter pour leur compte, aux Émirats arabes unis, des bijoux décrits en des termes vagues, ni l’un ni l’autre n’a fourni de contrat ni de reçu, ni quelque autre document que ce soit pour étayer l’existence d’une obligation financière aussi importante. De plus, si des copies de chèques et des relevés bancaires ont été fournis pour montrer que six chèques payables à l’ordre de l’épouse du demandeur ont été tirés en septembre et au début de novembre 2003 sur le compte bancaire de Jayasaji Jewellery Ltd., rien n’indique que le reste des espèces saisies le 10 novembre 2003 provenaient effectivement de ces comptes. À mon avis, le fait que le demandeur a été incapable de fournir des documents convaincants pour établir l’origine légitime des fonds donne des motifs de soupçonner que les espèces en question ont été obtenues par des moyens illégitimes.

 

23. Plus particulièrement, il est peu plausible que des entreprises légitimes qui cherchent à acheter des bijoux pour un montant de 92 000 $ dans un pays étranger confient cette somme à une autre personne et lui donnent des consignes vagues sur le type et la quantité de bijoux à acheter, sans accompagner cette entente de quelque document que ce soit. Le fait que le demandeur a choisi de fournir une explication aussi peu plausible et aussi dénuée de fondement sur la provenance des espèces permet raisonnablement de soupçonner que les espèces sont en fait des produits de la criminalité.

 

24. Bref, compte tenu de tous les documents qui m’ont été fournis, surtout des motifs qui ont été exposés plus haut et considérés dans leur ensemble, j’en suis arrivée à la conclusion qu’il était raisonnable de soupçonner que les espèces non déclarées de 119 000 $ (CAN) et de 35 $ (US) étaient des produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel.

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[46]           L’analyse pragmatique et fonctionnelle qui suit a été faite à la lumière des arrêts de la Cour suprême du Canada dans les affaires Pushpanathan c. Canada (Ministre la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, et Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226.

 

 

(i)        Clause privative/Dispositions relatives à un appel

 

[47]           La Loi comporte une clause privative stricte. L’article 24 prévoit :

 

La confiscation d’espèces ou d’effets saisis en vertu de la présente partie est définitive et n’est susceptible de révision, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 25 à 30.

The forfeiture of currency or monetary instruments seized under this Part is final and is not subject to review or to be set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by sections 25 to 30.

 

En outre, les articles 25 à 30 de la Loi ne prescrivent aucun droit d’appel d’une décision confirmant une confiscation en vertu de l’article 29 de la Loi. Il ne peut y avoir d’examen que dans le cadre d’un contrôle judiciaire. À cet égard, voir Tourki c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), [2006] A.C.F. no 52, aux paragraphes 30 à 36, et Ha c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), [2006] A.C.F. no 1123, au paragraphe 7.

 

[48]           À mon avis, ces faits indiquent un degré élevé de retenue.

 

            (ii)       Expertise relative

 

[49]           Les décisions visées à l’article 29 sur la pénalité qu’il convient d’infliger dans les cas où des espèces ne sont pas déclarées sont prises par les représentants du ministre. Il s’agit de « gestionnaires » de la Section de l’arbitrage de la Direction des recours de l’ASFC. Il ressort du contre‑interrogatoire du représentant du ministre sur son affidavit que les gestionnaires et les arbitres reçoivent une formation par des spécialistes de la GRC et du ministère de la Justice et qu’ils sont guidés dans leur travail par un document de la GRC intitulé Liste d’indicateurs à l’intention des enquêteurs pour le contrôle des produits de la criminalité.

 

[50]           Depuis que l’article 29 est entré en vigueur le 6 janvier 2003, 307 décisions ont été rendues en vertu de cette disposition et, dans 216 de ces cas, la confiscation des espèces saisies a été confirmée. Pour ces motifs, j’ai reconnu que les gestionnaires possèdent une expertise considérable par rapport à celle de la Cour.

 

[51]           Je dois souligner qu’après l’audience dans la présente affaire, l’avocat du défendeur a écrit à la Cour le 7 février 2007. La lettre renvoyait à la décision de mon collègue le juge Beaudry dans l’affaire Marc Elie Thérancé c. Canada (Ministre de la Sécurité publique), 2007 CF 136. Cette affaire portait également sur une demande de contrôle judiciaire d’une décision prise par un représentant du ministre en vertu de l’article 29 de la Loi. Après une analyse pragmatique et fonctionnelle, le juge Beaudry a conclu, avec le consentement des avocats des deux parties, que la norme de contrôle était celle de la décision manifestement déraisonnable.

 

[52]           Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Sketchley, 2005 CAF 404, au paragraphe 50, la Cour d’appel fédérale a souligné combien il est important d’effectuer une analyse fonctionnelle et pragmatique chaque fois que la Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision, même si les jugements antérieurs ont traité de la norme de contrôle à appliquer aux décisions prises en vertu de la même disposition législative.

 

[53]           Par conséquent, je dois effectuer une nouvelle analyse de la norme de contrôle en fonction des faits de la présente affaire et, à mon avis, il est possible d’établir une distinction avec la décision du juge Beaudry puisque, en l’espèce, le représentant du ministre n’était pas d’avoir recours à une expertise particulière pour en arriver à sa décision. Le fait que le demandeur s’est contredit et a omis de fournir une documentation appropriée sont des questions que la Cour est également en mesure de trancher. En conséquence, dans la présente affaire, ce facteur n’indique pas un degré élevé de retenue.

 

(iii)      L’objet de la Loi et de l’article 29

 

[54]           La Loi a reçu la sanction royale le 29 juin 2000. Ses objectifs sont notamment de détecter et décourager le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Ils sont énoncés à l’article 3, libellé en partie de la manière suivante :

 

a) de mettre en œuvre des mesures visant à détecter et décourager le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions de recyclage des produits de la criminalité et aux infractions de financement des activités terroristes, notamment :

(a) to implement specific measures to detect and deter money laundering and the financing of terrorist activities and to facilitate the investigation and prosecution of money laundering offences and terrorist activity financing offences, including

[…]

(ii) établir un régime de déclaration obligatoire des opérations financières douteuses et des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets,

ii) requiring the reporting of suspicious financial transactions and of cross-border movements of currency and monetary instruments,

[…]

b) de combattre le crime organisé en fournissant aux responsables de l’application de la loi les renseignements leur permettant de priver les criminels du produit de leurs activités illicites, tout en assurant la mise en place des garanties nécessaires à la protection de la vie privée des personnes à l’égard des renseignements personnels les concernant;

(b) to respond to the threat posed by organized crime by providing law enforcement officials with the information they need to deprive criminals of the proceeds of their criminal activities, while ensuring that appropriate safeguards are put in place to protect the privacy of persons with respect to personal information about themselves; and

c) d’aider le Canada à remplir ses engagements internationaux dans la lutte contre le crime transnational, particulièrement le recyclage des produits de la criminalité, et la lutte contre les activités terroristes.

(c) to assist in fulfilling Canada’s international commitments to participate in the fight against transnational crime, particularly money laundering, and the fight against terrorist activity.

 

[55]           Pour que l’objectif énoncé au sous‑alinéa 3a)(ii) puisse être atteint, la Partie 2 de la Loi prescrit un régime de déclaration des espèces en vertu duquel les importateurs et les exportateurs d’espèces doivent faire un rapport à un représentant des douanes lorsqu’ils importent ou exportent des espèces ou des effets d’une valeur supérieure à 10 000 $CAN.

 

[56]           La Partie 2 de la Loi s’applique depuis l’entrée en vigueur du Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets, DORS/2002-412, le 6 janvier 2003.

 

[57]           En cas d’omission de faire une déclaration, le législateur a prescrit de graves sanctions, dont la confiscation s’il y a des motifs raisonnables de soupçonner que les espèces non déclarées sont des produits de la criminalité ou sont destinées au financement de terroristes. En plus d’encourager le respect des exigences en matière de déclaration, cette sanction permet également que les produits de la criminalité ou les fonds destinés aux terroristes dont on soupçonne l’existence ne soient pas restitués à des personnes qui ont contrevenu à la Loi en omettant de faire une déclaration.

 

[58]           Le défendeur affirme que, dans son application de la Partie 2 de la Loi, le représentant du ministre est appelé à soupeser les intérêts du demandeur et ceux du public canadien. Toutefois, je ne partage pas cette opinion. À mon avis, l’équilibre entre les intérêts privés et les intérêts publics a été établi par le législateur lorsqu’il a mis en place le régime législatif. Le représentant du ministre a un rôle beaucoup plus limité en vertu de l’article 29. Il détermine simplement si, compte tenu des faits d’une affaire donnée, il y a lieu de confirmer une confiscation. En conséquence, puisque, à mon avis, ce facteur n’est pas polycentrique, il n’indique pas que la retenue s’impose.

 

(iv)       La nature de la question – question de droit ou de fait

 

[59]           Après que le représentant du ministre a correctement appliqué la charge de preuve qui convient à la preuve d’un demandeur, le reste de la décision repose sur les faits, ce qui indique qu’une grande retenue s’impose à l’égard des questions factuelles, mais aucune à l’égard de la charge de preuve.

 

Conclusion

 

[60]           J’ai conclu que, dans la présente affaire, principalement parce que l’expertise relative ne joue aucun rôle majeur, j’examinerai la décision en fonction de la norme de la décision raisonnable, sauf en ce qui concerne la charge de preuve à laquelle doit faire face un demandeur qui souhaite dissiper des « motifs raisonnables de soupçonner ». Sur cette question, la norme de contrôle sera celle de la décision correcte.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[61]           Le demandeur a soulevé les questions suivantes. Les titres sont les miens.

Aucun motif raisonnable?

 

I.          Le ministre a conclu à tort que les fonds en question doivent être confisqués dans la mesure où il n’existe aucun motif raisonnable de soupçonner que ces fonds sont des produits de la criminalité.

 

Critère erroné?

 

II.                 Le ministre a commis une erreur dans sa décision dans la mesure où il a renversé à tort la charge de la preuve, concluant en effet que le demandeur n’a pas prouvé que les fonds en question n’étaient pas des produits de la criminalité.

 

Décision contradictoire?

 

III.               Le ministre a commis une erreur dans sa décision dans la mesure où, à sa lecture, cette décision est contradictoire et est par conséquent déraisonnable.

 

I.          Aucun motif raisonnable

 

[62]           Le demandeur affirme que le seul motif de la décision est qu’il n’a pas fait la déclaration. Or, les faits ne viennent pas appuyer cette affirmation. Il est clair que les mensonges du demandeur et son omission de produire des documents ont joué un rôle important dans la décision.


 

II.        Critère erroné

 

[63]           L’article 29 de la Loi n’énonce pas les principes sur lesquels le représentant du ministre doit se fonder pour décider s’il y a lieu de confirmer la confiscation d’espèces. Toutefois, il ressort clairement de la décision que, dans la présente affaire, le représentant du ministre a déterminé s’il existait encore des soupçons raisonnables. En d’autres termes, il a adopté, pour prendre une décision, le critère que l’agente des douanes à l’aéroport était tenue d’appliquer lorsqu’elle a refusé de restituer les espèces confisquées, conformément au paragraphe 18(2) de la Loi. En vertu de ce paragraphe, l’agente des douanes doit « soupçonner, pour des motifs raisonnables, qu’il s’agit de produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel ou de fonds destinés au financement des activités terroristes ». À mon avis, le représentant du ministre a énoncé le bon critère lorsqu’il a indiqué qu’il devait déterminer si ces motifs raisonnables existaient encore.

 

[64]           Le demandeur soutient toutefois que le représentant du ministre n’a pas appliqué correctement le critère parce qu’il s’est fondé sur le synopsis et les motifs, qui indiquent :

[traduction] …M. Sellathurai a enfreint la loi en ne déclarant pas la somme de 123 574,20 $ en devises canadiennes. La personne qui enfreint la loi et omet de déclarer une somme ne peut pas, en racontant simplement une histoire qui pourrait être véridique, obtenir la restitution des espèces saisies et confisquées sur le fondement de soupçons raisonnables en vertu de la Loi. Une explication sur la provenance des fonds tendant à innocenter la personne doit être prouvée à l’aide de précisions et d’une preuve suffisamment digne de foi, fiable et indépendante pour établir qu’aucune autre explication raisonnable n’est possible. Autrement, les doutes raisonnables subsistent et la confiscation est confirmée.

                                                                                            [non souligné sur l’original]

 

[65]           Je suis convaincue, après avoir lu la transcription du contre‑interrogatoire du représentant du ministre sur son affidavit, que ce dernier s’est fondé considérablement sur le synopsis et les motifs. Je ne peux donc pas écarter la possibilité qu’il puisse avoir été influencé par les opinions de l’arbitre sur la charge de preuve à laquelle le demandeur devait satisfaire. L’arbitre paraît avoir cru que, pour dissiper les motifs raisonnables de soupçonner, un demandeur doit prouver hors de tout doute une explication tendant à l’innocenter.

 

[66]           Avant d’examiner le droit, il est utile de rappeler le contexte. Le demandeur n’est pas partie à une instance criminelle ni, en fait, à une action in personam. Il s’agit d’une instance administrative in rem, qui vise uniquement les espèces non déclarées et pose la question de savoir s’il y a des motifs raisonnables de soupçonner que ces espèces sont des produits de la criminalité. Dans l’arrêt Martineau c. Canada (M.R.N.), [2004] 3 R.C.S. 737, au paragraphe 56, le juge Fish, s’exprimant pour la Cour à l’unanimité, a statué que les saisies et les confiscations effectuées sous le régime de la Loi sur les douanes ne sont pas un mécanisme de nature pénale, mais plutôt des mesures administratives visant à assurer le respect de la Loi sur les douanes de façon rapide et efficace.

 

[67]           Bien que la présente affaire concerne les « motifs raisonnables de soupçonner », l’interprétation de l’expression « motifs raisonnables de penser » par la Cour suprême du Canada constitue un bon point de départ. Dans l’arrêt Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100, au paragraphe 114, la Cour a dit :

La première question que soulève l’al. 19(1)j) de la Loi sur l’immigration est celle de la norme de preuve correspondant à l’existence de « motifs raisonnables [de penser] » qu’une personne a commis un crime contre l’humanité. La CAF a déjà statué, à juste titre selon nous, que cette norme exigeait davantage qu’un simple soupçon, mais restait moins stricte que la prépondérance des probabilités applicable en matière civile : Sivakumar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 433 (C.A.), p. 445; Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.), par. 60. La croyance doit essentiellement posséder un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi : Sabour c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1615 (1re inst.).

                                                                                [non souligné dans l’original]

 

[68]           Dans l’arrêt antérieur R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652, la Cour avait examiné l’article 98 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), en vertu duquel l’agent des douanes doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner qu’une personne a dissimulé des stupéfiants sur elle ou près d’elle avant d’effectuer une fouille à nu.

 

[69]           Dans ce contexte, la Cour a dit au paragraphe 49 :

[] Toutefois, comme j’ai statué que la fouille effectuée par les agents des douanes était constitutionnellement valide et autorisée par l’art. 98 de la Loi sur les douanes en raison de l’existence de motifs raisonnables de soupçonner, norme qui peut être considérée comme une norme moins exigeante que celle fondée sur l’existence de motifs raisonnables et probables de croire mais incluse dans celle‑ci, je ne vois aucune raison de modifier la conclusion de fait tirée implicitement au procès, puis confirmée en appel, que l’inspecteur Roberts avait à tout le moins des motifs raisonnables de soupçonner que l’intimé avait ingéré des stupéfiants.

                                                                                [non souligné dans l’original]

 

[70]           Il s’agit donc de savoir comment décrire la norme moins exigeante mais incluse. À mon avis, même des motifs raisonnables de soupçonner exigent davantage qu’un « simple » soupçon ou un soupçon subjectif ou encore une intuition. Le soupçon doit reposer sur une preuve objective et digne de foi. À cet égard, voir R c. Calderon, [2004] O.J. no 3474. Dans cet arrêt, la Cour d’appel de l’Ontario a examiné si des policiers avaient des motifs raisonnables de soupçonner que les appelants avaient pris part au transport de stupéfiants. À cet égard, la Cour a indiqué qu’il était essentiel d’effectuer une évaluation objective. Elle a dit au paragraphe 69 que [traduction] « […] même une impression née d’une intuition qui repose sur l’expérience […] » ne permettrait pas de conclure qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner.

 

[71]           S’il faut une preuve objective et digne de foi pour appuyer un soupçon, la question devient celle de savoir à quel moment la norme moins exigeante s’applique. À ce jour, les motifs raisonnables de penser et les motifs raisonnables de soupçonner ont tous deux été traités de manière identique. À mon avis, la différence doit tenir dans la qualification de la preuve. Dans l’arrêt Mugesera, précité, la Cour a déclaré que les motifs de penser devaient reposer sur une preuve « concluante ». À mon avis, c’est là que la distinction repose. La preuve qui appuie un soupçon ne doit pas nécessairement être concluante, elle doit simplement être objective et digne de foi.

 

[72]           En ce qui concerne la charge de preuve qui incombe à un demandeur qui souhaite dissiper un soupçon fondé sur l’existence de motifs raisonnables, je suis d’avis que ce demandeur doit produire une preuve qui établit hors de tout doute raisonnable qu’il n’existe aucun motif raisonnable de soupçonner. Ce n’est que dans de telles circonstances que la preuve pourra faire disparaître un soupçon raisonnable.

 

[73]           Je suis arrivée à cette conclusion parce que, si un représentant du ministre était convaincu selon la prépondérance des probabilités seulement qu’il n’y a aucun motif raisonnable de soupçonner, il pourrait quand même soupçonner que les espèces confisquées sont des produits de la criminalité. La norme de preuve civile n’efface pas tout doute raisonnable de l’esprit et, si un doute raisonnable existe, le soupçon subsiste.

 

[74]           En l’espèce, l’arbitre a exigé une preuve hors de tout doute et je suis convaincue qu’elle a ainsi commis une erreur de droit, car la preuve hors de tout doute raisonnable est suffisante pour dissiper les motifs raisonnables de soupçonner.

 

[75]           Il faut donc maintenant déterminer si cette erreur était déterminante. J’ai conclu qu’elle ne l’était pas. Compte tenu des faits de la présente affaire, rien ne permet d’affirmer que le demandeur a satisfait à la norme applicable. La preuve qu’il a produite n’a pas permis de dissiper, hors de tout doute raisonnable, la preuve objective et digne de foi qui a amené le représentant du ministre à soupçonner que les espèces non déclarées étaient des produits de la criminalité.

 

[76]           Dans l’affaire Assoc. canadienne de télévision par câble c. American College Sports Collective of Canada, Inc. (C.A.), [1991] 3 C.F. 626, au paragraphe 41, la Cour a dit :

41. Une dernière précision mérite peut-être d’être donnée : l’existence d’une ou même de plusieurs erreurs de droit sans conséquence, qui pourraient ne rien changer au résultat, n’oblige pas la Cour à annuler une décision […] Dans toutes les causes citées, il fallait qu’il y ait une réelle possibilité que le résultat soit modifié.

 

[77]           Puisque je ne vois aucune possibilité que l’erreur ait eu une incidence sur la décision, la demande de contrôle judiciaire ne sera pas accueillie sur cette question.

 

III.       Décision contradictoire

 

[78]           Le demandeur affirme que la décision doit être annulée parce qu’elle est « contradictoire » étant donné que les espèces déclarées ont été restituées même si la preuve relative à leur provenance ne différait pas de celle se rapportant à la provenance des espèces non déclarées. En d’autres termes, le demandeur conteste le fait que la décision diffère relativement aux espèces déclarées et relativement aux espèces non déclarées sans que ne soit fournie d’explication logique à cet égard.

 

[79]           Le défendeur souligne toutefois qu’en vertu de l’article 28 de la Loi, le représentant du ministre était tenu de restituer les espèces déclarées après avoir conclu qu’elles avaient été déclarées, qu’il ait encore ou non des motifs raisonnables de soupçonner qu’il s’agissait de produits de la criminalité. À la lumière de cette observation, j’ai conclu que la restitution des espèces déclarées ne mine pas la décision.

 

QUESTIONS NON EN LITIGE

 

[80]           Avant l’ajournement de l’audience, l’avocat du demandeur a commencé ses observations en réponse et a demandé l’autorisation de soulever la question de la suffisance des motifs dans la décision du 6 octobre 2005. L’autorisation a été refusée, puisque la demande a été présentée beaucoup trop tard dans le déroulement de l’affaire.

 

[81]           Dans ses observations écrites présentées en réponse, l’avocat du demandeur a soulevé une deuxième question jamais invoquée auparavant, alléguant que l’arbitre n’a jamais dit au demandeur qu’elle avait des doutes sur la preuve exposée dans l’affidavit du commis comptable. Encore une fois, parce que cette observation a été soulevée pour la première fois en réponse, je ne m’y suis pas attardée.

 

 

JUGEMENT

 

            Pour tous ces motifs, la demande est rejetée avec dépens.

 

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-155-06

 

INTITULÉ :                                       GOWRIKUMARAN SELLATHURAI

                                                            c.

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE MERCREDI 15 NOVEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 23 FÉVRIER 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Louis P. Strezos                                   POUR LE DEMANDEUR

 

Jan Brongers                                        POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Louis P. Strezos & Associates

Toronto (Ontario)                                 POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada       POUR LE DÉFENDEUR

 

 


ANNEXE « A »

 

EXCLUSION

 

1. Les actes criminels prévus par les lois ci‑après sont exclus de la définition de « infraction désignée », au paragraphe 462.3(1) du Code criminel :

 

a) la Loi d’exécution du budget de 2000;

 

b) la Loi sur les produits agricoles au Canada;

 

c) la Loi sur le droit d’auteur;

 

d) la Loi sur l’accise, exception faite des actes criminels prévus aux paragraphes 233(1) et 240(1) de cette loi;

 

e) la Loi sur la taxe d’accise;

 

f) la Loi relative aux aliments du bétail;

 

g) la Loi sur les engrais;

 

h) la Loi sur les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers;

 

i) la Loi sur la santé des animaux;

 

j) la Loi de l’impôt sur le revenu;

 

k) la Loi sur l’inspection des viandes;

 

l) la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, exception faite de l’acte criminel prévu à l’article 50 de cette loi;

 

m) la Loi sur la protection des végétaux;

 

n) la Loi sur les semences.

 

1. The indictable offences under the following Acts are excluded from the definition "designated offence" in subsection 462.3(1) of the Criminal Code:

 

(a) Budget Implementation Act, 2000;

 

 

(b) Canada Agricultural Products Act;

 

 

(c) Copyright Act;

 

(d) Excise Act, except for the indictable offences under subsections 233(1) and 240(1);

 

 

(e) Excise Tax Act;

 

(f) Feeds Act;

 

(g) Fertilizers Act;

 

(h) Foreign Publishers Advertising Services Act;

 

(i) Health of Animals Act;

 

(j) Income Tax Act;

 

(k) Meat Inspection Act;

 

(l) Nuclear Safety and Control Act, except for the indictable offence under section 50;

 

 

(m) Plant Protection Act; and

 

 

(n) Seeds Act.

 

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