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Date : 20070219

Dossier : T-768-06

Référence : 2007 CF 187

Toronto (Ontario), le 19 février 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGHES

 

ENTRE :

PFIZER CANADA INC. et PFIZER INC.

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

COBALT PHARMACEUTICALS INC.

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une requête, présentée en vertu des dispositions de l’alinéa 6(5)a) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, et ses modifications, DORS/2006-242 (le Règlement), demandant à la Cour de radier, en tout ou en partie, la présente procédure intéressant le brevet canadien 2,355,493 (le brevet 493). Pour les motifs exposés ci‑dessous, je statue que la requête est accueillie avec dépens.

 

[2]               La requête est présentée en vertu de l’alinéa 6(5)a) du Règlement tel qu’il a été modifié le 5 octobre 2006. Cette disposition est rédigée comme suit :

6(5) Lors de l’instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal peut, sur requête de la seconde personne, rejeter tout ou partie de la demande si, selon le cas :

 

a) les brevets en cause ne sont pas admissibles à l’inscription au registre;

 

[3]               Ces dispositions diffèrent de celles de l’alinéa 6(5)a) tel qu’il était rédigé avant novembre 2006 parce qu’il est maintenant prévu que la demande peut être rejetée en « tout ou partie ». L’ancien alinéa était rédigé comme suit :

a) il estime que les brevets en cause ne sont pas admissibles à l’inscription au registre […]

 

 

[4]               L’avocate des demanderesses Pfizer et al. a informé la Cour que, dans le cadre de la présente procédure (et non dans celui de la présente requête seulement) engagée contre Cobalt et Pharmascience, seule la revendication 22 du brevet 493 était visée. Par conséquent, les questions à examiner dans la présente requête sont les suivantes :

1.                  Quelle est la norme que doit appliquer la Cour lors de l’examen des questions dont elle est saisie dans une requête présentée en vertu de l’alinéa 6(5)a) du Règlement?

 

2.                  L’objet de la revendication 22 du brevet 493 est‑il admissible à l’inscription au registre?

 

1.  Norme de contrôle

[5]               La question de la norme de contrôle applicable à une requête présentée en vertu de l’alinéa 6(5)a) du Règlement n’a fait l’objet d’aucun examen judiciaire depuis que celui‑ci a été modifié le 5 octobre 2006. L’ancien alinéa a déjà été examiné à quelques reprises par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale.

 

[6]               Dans Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé et du Bien‑être social) (2000), 3 C.P.R (4th) 1, le juge Rothstein, alors juge à la Cour d’appel fédérale, a donné des indications sur l’objet général de l’alinéa 6(5)a). Cette disposition vise à offrir, à l’égard des produits génériques, la possibilité de rejeter la demande parce qu’elle est fondée sur un brevet non admissible inscrit au registre. À ce moment‑là, la Cour d’appel a souligné que cette solution n’était pas parfaite parce que la demande était rejetée seulement si tous les brevets étaient non admissibles. Les modifications apportées le 5 octobre 2006 qui prévoient le rejet de la demande en tout ou en partie ont permis de résoudre le problème. Le juge Rothstein a dit ce qui suit aux paragraphes 22 à 24 :

22     En second lieu, nous refusons en l’espèce d’intervenir dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre à cause du texte du Règlement lui‑même. En effet, le Règlement prévoit expressément une procédure permettant aux fabricants de médicaments génériques d’obtenir une réparation si l’inscription au registre de brevets non admissibles leur cause un préjudice. Le paragraphe 6(1) et l’alinéa 6(5)a) sont en partie ainsi libellés :

 

[…]

 

23     De toute évidence, en édictant l’alinéa 6(5)a) du Règlement, le gouverneur en conseil savait qu’il était possible que des brevets non admissibles soient inscrits au registre et ne puissent pas facilement en être supprimés en vertu du paragraphe 3(1) et qu’il a tenu compte de cette possibilité. L’alinéa 6(5)a) permet aux fabricants de médicaments génériques, dans le cas où une demande est présentée par le propriétaire d’un brevet à l’égard d’un avis d’allégation qui lui est signifié par un fabricant de médicaments génériques, de demander à la Cour de rejeter la demande parce qu’elle est fondée sur un brevet non admissible à l’inscription au registre.

 

24     Cette forme de réparation n’est peut‑être pas une solution parfaite pour les fabricants de médicaments génériques parce que, comme l’avocat des appelantes l’a signalé, la demande sera uniquement rejetée si tous les brevets en cause ne sont pas admissibles à l’inscription au registre, et parce que la procédure ne prévoit pas la délivrance d’une ordonnance judiciaire enjoignant au ministre de radier du registre les brevets non admissibles. Toutefois, le recours prévu à l’alinéa 6(5)a) vise directement le problème auquel fait face le fabricant de médicaments génériques, qui doit comparer son produit au médicament du propriétaire du brevet dont le brevet n’est pas admissible. Un tribunal peut statuer sur l’admissibilité du brevet ou des brevets en cause après avoir entendu le propriétaire du brevet ou des brevets et le fabricant de médicaments génériques qui fait concurrence à celui‑ci.

 

[7]               La Cour d’appel fédérale n’a pas abordé la question de la norme de contrôle applicable à une requête présentée en vertu de l’alinéa 6(5)a).

 

[8]               La juge Gauthier de la Cour fédérale a examiné l’alinéa 6(5)a) dans Compagnie pharmaceutique Procter & Gamble Canada, Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2003), 20 C.P.R. (4th) 180. Elle s’est exprimée en ces termes aux paragraphes 9 à 15 de ses motifs :

9     Avant de me pencher sur les principaux arguments soulevés par Genpharm dans sa requête, il est également important de mentionner qu’aucune décision n’a été rendue en vertu de l’alinéa 6(5)a) du Règlement depuis que cette disposition a été ajoutée en 1998 [DORS/98‑166, art. 5]; en outre, les parties ne s’entendent pas sur la norme ou les critères applicables pour évaluer le bien‑fondé de la présente requête.

 

10     Le paragraphe 6(5) du Règlement se lit comme suit :

 

[…]

 

11    Dans Bayer Inc. c. Apotex Inc. (1998), 85 C.P.R. (3d) 334, (C.F. 1re inst.), le juge Joyal, qui devait se prononcer sur une requête en rejet présentée en vertu de l’alinéa 6(5)a) du Règlement, affirme que cette requête doit être accueillie seulement si l’avis de demande est manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli. Il souscrit aux arguments selon lesquels l’alinéa 6(5)b) confère simplement à la Cour la compétence pour examiner une requête en radiation alors qu’auparavant, la Cour devait se fonder sur ses propres règles pour rendre une telle décision. Par conséquent, on doit appliquer les critères restrictifs énoncés dans Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, à la page 980.

 

12     Procter soutient que le raisonnement adopté dans Bayer s’applique aux requêtes déposées en vertu de l’alinéa 6(5)a) tandis que Genpharm prétend que cette disposition vise à éliminer les requêtes frivoles et que par conséquent, rien ne justifie d’adopter une approche aussi restrictive.

 

13     Les parties n’ont pas dit grand‑chose de plus pour faire valoir leur point de vue respectif.

 

14     Le régime administratif instauré par les articles  5 [mod. par DORS/98‑166, art. 4; 99‑379, art. 2] et 6 du Règlement s’applique seulement lorsqu’un avis de conformité est déposé concernant un médicament pouvant être comparé à un autre médicament dont le brevet a été dûment inclus au registre. Par conséquent, une requête visant à rejeter un avis de demande déposé en vertu du paragraphe 6(1) [mod. par DORS/98‑166, art. 5] au motif que le seul brevet actuellement inscrit au registre est invalide correspond ou s’apparente à une requête en radiation de procédure au motif qu’il n’existe aucune cause d’action raisonnable.

 

15             Il est bien établi en droit que si cette interprétation est correcte la norme restrictive énoncée dans Hunt, précité, doit s’appliquer. Il appartient donc à Genpharm de prouver que clairement et manifestement, le brevet ’376 ne pouvait être valablement inscrit au registre.

 

 

[9]               Le juge Russell de la Cour fédérale a analysé dans Glaxo Smith Kline Inc. c. Apotex Inc. (2003), 29 C.P.R. (4th) 350, les décisions des juges Rothstein et Gauthier dont il vient d’être question. Il a conclu que la juge Gauthier n’avait pas été saisie d’arguments complets sur la question et, en particulier, des motifs de la décision du juge Rothstein. Le juge Russell a conclu qu’il restait à déterminer la question de la norme de contrôle applicable en vertu de l’alinéa 6(5)a). Il a dit ce qui suit aux paragraphes 18 à 21 des ses motifs :

18     Il appert clairement de ces extraits que la juge Gauthier n’a pas été saisie d’arguments complets sur cette question et ne s’est pas fait demander d’examiner l’explication générale qu’a donnée le juge Rothstein dans l’arrêt Apotex au sujet de l’alinéa 6(5)a). Tel étant le cas, la décision de la juge Gauthier ne peut être considérée comme une décision ayant beaucoup de poids à cet égard et, en tout état de cause, la juge Gauthier a statué que la norme applicable en vertu de l’alinéa 6(5)a) n’était pas déterminante dans Procter, parce que la Cour « serait parvenue à la même conclusion si elle avait décidé de ne pas appliquer [la norme restrictive] ».

 

19     Dans l’arrêt Apotex, le juge Rothstein ne précise pas la norme à appliquer à la demande fondée sur l’alinéa 6(5)a); cependant, plutôt que de dire que cette demande repose sur un fondement analogue à celui de la requête portant radiation, soit l’absence de cause d’action raisonnable, il conclut comme suit : « un tribunal peut statuer sur l’admissibilité du brevet ou des brevets en cause après avoir entendu le propriétaire du brevet ou des brevets et le fabricant de médicaments génériques qui fait concurrence à celui‑ci ».

 

20     Si le tribunal n’est pas appelé à conclure à l’absence de motifs raisonnables au soutien de la demande de GSK fondée sur le paragraphe 6(1), mais simplement à statuer sur l’admissibilité du brevet après avoir entendu les parties, il n’y a aucune raison, de l’avis d’Apotex, d’appliquer le critère restrictif « évident et manifeste » de l’arrêt Hunt en vertu de l’alinéa 6(5)a).

 

21     À mon avis, il demeure nécessaire de déterminer la norme à appliquer en vertu de l’alinéa  6(5)a). Dans la présente affaire, cette question n’est pas déterminante parce que, même lorsque j’applique la norme moins restrictive qu’Apotex me demande de retenir, je ne puis faire droit à la présente demande, pour les motifs exposés ci‑après.

[10]           Dans une décision qu’il a rendue très peu de temps après celle du juge Russell et, apparemment, sans avoir eu à sa disposition cette décision ou les décisions antérieures des juges Gauthier et Rothstein, le protonotaire Morneau a déclaré ce qui suit aux paragraphes 12 et 13 de H. Lundbeck A/S c. Canada (Ministre de la Santé), 2003 CF 1333 :

12            La requête en rejet de Pharmascience demande à la Cour de considérer le rejet sous les deux alinéas du paragraphe 6(5) du Règlement.

 

13            Quant au fardeau de preuve que doit rencontrer Pharmascience dans le cadre de la présente requête, il est essentiellement similaire à celui qu’une défenderesse doit rencontrer lorsqu’elle recherche la radiation d’une déclaration d’action en vertu de la règle 221 des Règles de la Cour fédérale (1998).

 

 

[11]           Dans Sanofi-Aventis Inc. c. Novopharm Ltd., 2006 CF 1547, j’ai statué relativement à l’alinéa 6(5)b), et non relativement à l’alinéa 6(5)a), que les normes observées par la Cour dans l’examen des requêtes en radiation présentées en vertu de l’article 221 des Règles devraient être appliquées et qu’une demande ne devrait être radiée que s’il était « évident et manifeste » qu’elle n’avait aucune chance de succès. M’appuyant sur Hunt c. Carey Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, j’ai dit au paragraphe 11 :

11     En mettant l’alinéa 6(5)b) sur un pied d’égalité avec l’ancien article 419 ou avec l’article 221 actuel des Règles, nous devons commencer par la proposition reconnue que la Cour suprême du Canada a énoncée dans l’arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.S.C. 959, à savoir qu’une partie ne devrait pas être privée d’un jugement à un stade antérieur au procès, à moins qu’il ne soit « évident et manifeste » que l’affaire n’a aucune chance de succès. En examinant une demande, plutôt qu’une action, la Cour d’appel fédérale a dit, dans l’arrêt Norton c. Via Rail Canada (2005), 255 D.L.R. (4th) 311, paragraphe 15, que la radiation d’une demande avant l’audience est un recours extraordinaire, qui n’est accordé que dans des circonstances bien définies. Enfin, il convient de citer une autre décision classique de la Cour, Succession Creaghan c. La Reine, [1972] C.F. 732, page 736 :

 

(3) Enfin, une déclaration ne doit pas, à mon avis, être radiée pour le motif qu’elle est vexatoire ou futile, ou qu’elle constitue un emploi abusif des procédures de la Cour, pour la seule raison que, de l’avis du juge qui préside l’audience, l’action du demandeur devrait être rejetée. Je suis d’avis que le juge qui préside ne doit pas rendre une pareille ordonnance à moins qu’il ne soit évident que l’action du demandeur est tellement futile qu’elle n’a pas la moindre chance de réussir, quel que soit le juge devant lequel l’affaire sera plaidée au fond. C’est uniquement dans ce cas qu’il y a lieu d’enlever au demandeur l’occasion de plaider.

 

 

Et j’ai ajouté au paragraphe 22 :

22                  Une requête visant le rejet ne doit pas être utilisée pour régler des points de droit importants controversables, et ce, particulièrement dans un domaine du droit qui est pleine évolution (Daniels c. Canada, [2002] 4 C.F. 550). C’est pourquoi je ne rejetterai pas l’instance à l’égard du brevet 089 et du brevet 948 en me fondant sur ce motif.

 

 

[12]           Le critère du caractère « évident et manifeste » a été longuement examiné par la Cour suprême du Canada dans Hunt c. Carey Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, dans lequel il était question de l’alinéa 19(24)a) des Rules of Court de la Colombie‑Britannique. Cette disposition prévoyait ce qui suit :

                        [traduction]

19(24)  À toute étape d’une procédure, la cour peut ordonner que soient radiés ou modifiés en totalité ou en partie une inscription, un acte de procédure, une requête ou autre document pour le motif

 

a) qu’ils ne révèlent aucune demande ou défense raisonnable, selon le cas,

 

 

[13]           La juge Wilson de la Cour suprême a conclu à la page 980 de ses motifs :

Ainsi, au Canada, le critère régissant l’application de dispositions comme la règle 19(24)a) des Rules of Court de la Colombie‑Britannique est le même que celui régissant une requête présentée en vertu de la règle 19 de l’ordonnance 18 des R.S.C. : dans l’hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, est‑il « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause raisonnable? Comme en Angleterre, s’il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être « privé d’un jugement ». La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d’action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d’intenter son action. Ce n’est que si l’action est vouée à l’échec parce qu’elle contient un vice fondamental qui se range parmi les autres énumérés à la règle 19(24) des Rules of Court de la Colombie‑Britannique que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées en application de la règle 19(24)a).

 

 

[14]           L’application du critère du caractère « évident et manifeste » par la Cour suprême dans Hunt c. Carey Inc., précité, révèle que les nouveaux points de droit qui ne constituent pas un abus de procédure ne devraient pas être radiés. Une partie devrait pouvoir présenter des observations complètes relativement à ce que la preuve au procès établit. À la page 988, la juge Wilson dit ceci :

La difficulté que j’éprouve cependant, c’est qu’on nous demande en l’espèce d’examiner si les allégations de complot devraient être radiées de la déclaration du demandeur et non pas si le demandeur réussira à convaincre un tribunal que l’application du délit civil de complot devrait être étendue aux faits de l’espèce. En d’autres mots, la question qu’on nous pose est simplement de savoir s’il est « évident et manifeste » que la déclaration contient un vice fondamental.

 

Est‑il évident et manifeste qu’en permettant à cette action de suivre son cours, il y a recours abusif au tribunal? Je ne le pense pas. Bien que les tribunaux aient clairement hésité à étendre la portée du délit au‑delà du contexte commercial, je ne crois pas que notre Cour ait jamais laissé entendre que le délit ne pouvait pas s’appliquer dans d’autres contextes.

 

 

Puis aux pages 989 et 990, elle ajoute :

Il est certain que les questions qui seront soulevées à l’audition de l’action du demandeur en matière de complot seront difficiles. Le demandeur devra peut‑être présenter des arguments complexes pour établir que la preuve démontre que les défenderesses ont conspiré en vue de lui causer un préjudice ou dans des circonstances où elles auraient dû savoir que leurs actions lui causeraient un préjudice. Il se peut fort bien qu’il ait à présenter des arguments inédits pour déterminer s’il est suffisant que les défenderesses aient su ou eussent dû savoir que le groupe dont faisait partie l’appelant subirait un préjudice. Comme certaines des défenderesses l’ont prétendu, le juge de première instance pourrait peut‑être conclure que le demandeur aurait dû poursuivre les défenderesses comme coauteurs des délits plutôt que d’alléguer le délit civil de complot. Mais les affirmations de notre Cour dans les arrêts Inuit Tapirisat of Canada et Operation Dismantle Inc., ainsi que des arrêts comme Dyson et Drummond‑Jackson, établissent clairement qu’aucun de ces facteurs ne peut être pris en considération dans une demande présentée en vertu de la règle 19(24) des Rules of Court de la Colombie‑Britannique.

[15]           La Cour doit mettre en balance dans la présente affaire concernant l’alinéa 6(5)a) du Règlement, d’une part, la question de savoir si une demande devrait continuer lorsqu’au moins un des brevets n’aurait pas dû être inscrit au registre au départ, compte du fait qu’il pourrait en résulter un gaspillage des ressources du tribunal et des parties et, d’autre part, le fait qu’une partie ne devrait pas être privée de la possibilité de présenter des arguments complets fondés sur toute la preuve dont la Cour serait en définitive saisie. Ce dernier point est tempéré toutefois dans les situations comme en l’espèce où la demande doit être examinée dans le cadre d’une procédure sommaire à partir de la preuve par affidavit et des transcriptions de contre‑interrogatoires seulement et, au bout du compte, la décision n’a aucune force obligatoire si les parties s’engagent dans une action ordinaire en contrefaçon et en invalidation de brevet.

 

[16]           Compte tenu de ces considérations, je conclus qu’une requête fondée sur l’alinéa 6(5)a) devrait être examinée en partant du principe que, si une décision peut être rendue sur le fondement du droit et de l’application d’une preuve pertinente non contestée ou d’admissions ou encore de conclusions évidentes et manifestes tirées de la preuve, la Cour devrait alors rendre une décision. La requête fondée sur l’alinéa 6(5)a) doit avoir un objet qui n’est pas frivole. Par ailleurs, si la Cour doit trancher la question à partir d’une preuve pertinente contestée ou soupeser le bien‑fondé d’une opinion d’expert contradictoire, la question devrait être examinée au procès. Il est difficile de résumer le contexte comme étant simplement « évident et manifeste », il faut aller plus loin. Mais, lorsque la règle de droit peut être appliquée aux admissions et à la preuve pertinente qui s’est révélée plutôt incontestée ou « évidente et manifeste », la Cour a alors l’obligation de rendre une décision.

2.  La revendication 22 du brevet 493 devrait‑elle être inscrite au registre?

a)  La question en litige

[17]           La question est celle de savoir si le brevet 493, et en particulier la revendication 22, a été inscrit à bon droit compte tenu de l’avis de conformité accordé à la demanderesse Pfizer Canada Inc. pour NORVASC.

 

[18]           En raison de la composition chimique en cause, Pfizer affirme que la question en litige est la suivante : un brevet revendiquant un seul médicament (un énantiomère d’un racémate) est‑il admissible à l’inscription au registre des brevets à l’égard d’une drogue contenant ce médicament et un autre médicament (le racémate, autrement dit, deux énantiomères)?

 

[19]           La Cour doit examiner en premier lieu ce qu’est le « médicament », compte tenu du Règlement tel qu’il existait à l’époque de l’inscription, c’est‑à‑dire avant le 5 octobre 2006. Dans l’avis de conformité de Pfizer, le médicament est décrit comme du « bésylate d’amlodipine ».

 

[20]           Le paragraphe 4(1) du Règlement prévoit ce qui suit :

4(1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d’avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l’égard de la drogue, accompagnée de l’attestation visée au paragraphe (7).

 

Le terme « médicament » est défini comme suit à l’article 2 du Règlement :

Substance destinée à servir ou pouvant servir au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal, ou de leurs symptômes.

 

[21]           Le terme « drogue » n’est pas défini dans le Règlement. Toutefois, dans Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 3 CF 140, au paragraphe 18, la Cour d’appel fédérale a affirmé que ce terme avait le même sens que dans le Règlement sur les aliments et drogues, à savoir que sont compris parmi les drogues les substances ou mélanges de substances fabriqués, vendus ou présentés comme pouvant servir au diagnostic, au traitement, à l’atténuation ou à la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l’être humain ou les animaux.

 

[22]           Dans Eli Lilly, précité, la Cour d’appel fédérale a statué que, dès qu’une drogue contenant le médicament en question avait fait l’objet d’un avis de conformité, tout brevet qui revendiquait ce médicament, même si le médicament visé par l’avis de conformité devait être combiné à un autre produit chimique pour le rendre utile et tel qu’il était revendiqué dans le brevet n’avait pas été combiné de cette façon, pouvait être inscrit sur la liste de brevets dont il est question au paragraphe 4(1) du Règlement. La juge Sharlow a dit au nom de la Cour aux paragraphes 20 à 29 :

20     L’examen du ministre est facilité par le formulaire de la liste de brevets. Une liste de brevets distincte est soumise pour chaque produit pharmaceutique. Le formulaire exige les renseignements suivants au sujet de la drogue : le nom du médicament contenu dans la drogue, la marque, le numéro d’identification de drogue indiqué dans l’avis de conformité, l’usage prévu (humain ou vétérinaire), la voie d’administration, la forme posologique et la concentration. Vient ensuite une section dans laquelle sont énumérés les brevets dont l’inscription au registre des brevets est demandée, avec indication pour chacun du numéro de brevet, de la date de délivrance et de la date d’expiration. Pour chaque brevet, un code indique la situation du demandeur à son égard : propriétaire, titulaire de licence exclusive ou personne ayant obtenu le consentement du propriétaire du brevet. Le reste du formulaire indique le nom de la personne soumettant la liste de brevets et fournit une adresse aux fins de signification. Le formulaire comprend également l’attestation exigée.

 

21     Le paragraphe 3(3) vise à éviter que le ministre ne donne suite à une liste de brevets soumise à l’égard d’un produit pharmaceutique particulier avant qu’un avis de conformité n’ait été délivré à l’égard du produit. En l’espèce, les parties conviennent qu’il est satisfait aux exigences du paragraphe 3(3).

22    Le paragraphe 4(1) indique au ministre qui a le droit de déposer une liste de brevets. Ce droit est accordé à la personne qui dépose ou a déposé une présentation de drogue nouvelle en vue d’obtenir un avis de conformité à l’égard d’une « drogue contenant un médicament » ou à la personne qui a obtenu un tel avis.

 

23     Dans le contexte de l’espèce, les parties conviennent que Tazidime est une drogue contenant de la ceftazidime, et que Tazidime est une drogue à l’égard de laquelle Eli Lilly a obtenu un avis de conformité. On a débattu en première instance le point de savoir si la ceftazidime est un médicament.

 

24     Selon la preuve, la ceftazidime est un antibiotique. Le lactose amorphe ne possède pas de propriétés médicinales, mais empêche la ceftazidime de devenir toxique en se dégradant. Une formulation de ceftazidime et de lactose amorphe qui fait l’objet de l’une des revendications du brevet 969 serait considérée comme un « médicament » au sens où ce terme est défini à l’article 2 du Règlement sur les MB(ADC) : Hoffmann‑La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social) (1995), 62 C.P.R. (3d) 58 (C.F. 1re inst.); confirmée par (1996), 67 C.P.R. (3d) 25 (C.A.F.). Toutefois, il me semble que la ceftazidime seule correspond également à la définition du « médicament ».

 

25    Le juge a fait le raisonnement que la ceftazidime, puisqu’elle est toxique en soi, n’est pas destinée à servir et ne peut servir au traitement d’une maladie ou d’un désordre. Je ne puis souscrire à cette conclusion. Un antibiotique ne cesse pas d’être un antibiotique simplement parce qu’il ne peut être utilisé dans l’organisme sans effet nuisible tant qu’il n’est pas combiné avec une substance qui l’empêche de devenir toxique en se dégradant. Il s’ensuivrait que, pour l’application du Règlement sur les MB(ADC), la ceftazidime est un médicament, qu’elle soit formulée ou non avec le lactose amorphe.

 

26     Il s’ensuivrait également que, pour paraphraser le paragraphe 4(1), Eli Lilly qui a obtenu un avis de conformité pour une drogue, Tazidime, qui contient un médicament, la ceftazidime, peut soumettre une liste de brevets à l’égard de la drogue Tazidime. Toutefois, le paragraphe 4(1) n’indique pas quels brevets Eli Lilly a le droit d’inclure dans la liste de brevets. Cette question se décide sur le fondement des alinéas 4(2)b) et 4(7)b).

 

27     Selon l’alinéa 4(2)b), la liste de brevets soumise à l’égard de Tazidime peut comprendre tout brevet qui comporte « une revendication pour le médicament en soi ». Le terme « médicament » à l’alinéa 4(2)b) doit avoir la même signification qu’au paragraphe 4(1). S’il en est ainsi, dans le cas d’une liste de brevets soumise à l’égard de Tazidime, tout brevet qui comporte une revendication pour la ceftazidime en soi, ou une revendication pour une formulation dans laquelle la cerftazidime est l’ingrédient médicinal actif, correspond aux paramètres définis à l’alinéa 4(2)b).

 

28     Je n’ai pas besoin d’analyser les exigences de l’alinéa 4(7)b) de façon détaillée. Je crois comprendre que l’avocat du ministre n’a pas pris la position que le brevet 969 n’est pas « pertinent quant à la forme posologique, la concentration et la voie d’administration » de Tazidime.

 

29            Sur le fondement de l’interprétation qui précède selon le sens ordinaire et grammatical du Règlement sur les MB(ADC), le brevet 969 devrait pouvoir être inclus dans les listes de brevets pour Tazidime. C’est l’interprétation qu’il y a lieu d’adopter à moins qu’on puisse raisonnablement prêter au texte du Règlement sur les MB(ADC) une signification différente qui s’accorderait mieux avec l’objet du Règlement.

 

 

[23]           Ce raisonnement peut être tempéré par celui de la Cour suprême du Canada dans un arrêt récent, à savoir AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CSC  49. Toutefois, compte tenu de mes conclusions en l’espèce, il n’est pas nécessaire d’examiner cette question.

 

b)  L’avis de conformité

[24]           L’avis de conformité a été accordé à Pfizer Canada Inc. le 1er août 1997. Il s’agit d’un avis complémentaire à un avis antérieur concernant un produit pharmaceutique d’ordonnance de marque NORVASC offert sous forme de comprimés de 5, 10 et 25 mg pour administration par voie orale. La classe thérapeutique est celle des antihypertenseurs et des antiangineux. Le seul ingrédient médicinal mentionné est le « bésylate d’amlodipine ».

 

[25]           Pfizer Canada Inc. offre une monographie pour NORVASC, laquelle a été rédigée le 23 juin 1992 et révisée le 8 juin 2005. Cette monographie comporte les renseignements pharmaceutiques présentés ci‑dessous.

 


 

RENSEIGNEMENTS PHARMACEUTIQUES

CHIMIE

Marque déposée :                                                NORVASC

Dénomination commune :                                   bésylate d’amlodipine

Dénomination chimique :                                    benzosulfonate de 3-éthyl-5-méthyl-2(2-aminoéthoxyméthyl)

                                                                                -4-(2-chlorophényl)-1,4-dihydro-6-méthyl-3,5-pyridinedicarboxylate

 

Formule développée :

 

Formule moléculaire :                                           C20H25CIN2O5C6H6O3S

Poids moléculaire :                                               567,1

Description :

Le bésylate d’amlodipine est une poudre cristalline blanche, légèrement soluble dans l’eau et peu soluble dans l’éthanol.

 

Point de fusion (et de décomposition) : 203 oC

pKa = 9,02 à 23,5 oC

 

 

[26]           Selon la preuve non contestée, le bésylate d’amlodipine est connu comme un racémate ou une composition racémique. Autrement dit, il peut être décrit en deux dimensions par une illustration moléculaire telle que celle présentée dans la monographie du produit mais, en trois dimensions, il se compose de quantités égales des deux structures moléculaires. En trois dimensions, ces deux structures sont enroulées d’une manière ou d’une autre. Elles sont des images inverses l’une de l’autre. Parfois, les descriptions indiquent que l’une est la branche droite et l’autre la branche gauche. Les chimistes les appellent des énantiomères et décrivent leur orientation à l’aide de symboles tels que (+) ou (-) et R ou S, ou d’une combinaison de ces symboles. En l’espèce, il n’est pas contesté que le bésylate d’amlodipine est un racémate comportant des énantiomères R(+) et S(-) en quantités égales et qu’il en était ainsi à toutes les époques pertinentes.

 

[27]           L’activité des énantiomères, en règle générale, d’un point de vue pharmacologique, n’est pas contestée. À cet égard, je cite un extrait de l’affidavit de l’un des témoins de Pfizer, dénommé Wasley, soit les paragraphes 42 à 44 :

                        [traduction]

42.         Tel qu’il a été mentionné plus haut, il y a énantiomères lorsqu’une molécule contient un ou plusieurs atomes de carbone asymétriques. Les propriétés physique et chimiques des énantiomères sont identiques sauf qu’ils font tourner le plan de la lumière polarisée en sens contraire (autrement connu sous l’appellation de « rotation optique »). Leurs propriétés pharmacologiques sont souvent différentes. Par « propriétés pharmacologiques », j’entends l’activité d’un composé dans un système biologique, que ce soit in vitro ou in vivo.

 

43.         Les énantiomères peuvent souvent, quoique non invariablement, présenter des effets biochimiques et pharmacologiques très différents. Par exemple, on a constaté que l’administration des énantiomères d’un agoniste puissant des récepteurs D-2 de la dopamine provoquait un antagonisme mutuel où les deux énantiomères inhibaient chacun partiellement ou entièrement les effets de l’autre. Cette application soutenait l’utilisation d’énantiomères séparés à la place du racémate.

 

44.         Dans de rares cas, les différences pharmacologiques entre les énantiomères ne sont pas des cas qui opposent un énantiomère actif à un énantiomère inactif ou un énantiomère actif à un énantiomère actif indésirable, mais plutôt des cas où un énantiomère présente une activité désirable et l’autre une activité désirable différente. C’est le cas du bésylate d’amlodipine.

 

 

[28]           Dans l’avis de conformité de NORVASC, le « bésylate d’amlopidine » est inscrit comme un seul ingrédient médicinal. Il n’y est pas précisé qu’il s’agit d’un racémate ou qu’il existe des énantiomères R(+) ou S(-) de ce composé. Rien au dossier ne montre qu’un médicament a été décrit en fonction de ses énantiomères dans un avis de conformité existant. Le dossier révèle cependant que des avis de conformité ont été accordés lorsque des médicaments contenaient deux compositions différentes. En pareil cas, chaque composition est déclarée séparément. Par exemple, une drogue appelée ADVAIR contient deux ingrédients médicinaux : le xinafoate de salmétérol et le propionate de fluticasone.

 

c)  Le brevet 493

[29]           À cette étape‑ci, il faut examiner le brevet 493 et sa revendication 22. Il n’est pas contesté que, à la première date inscrite au brevet, à savoir la date de priorité du brevet soit le 23 août 2000, NORVASC était une drogue connue, contenant du bésylate d’amlodipine, un racémate connu.

 

[30]           Dans Whirlpool Corp c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, la Cour suprême du Canada a énoncé d’importants principes directeurs quant à la façon d’analyser un brevet dans une situation comme l’espèce. L’interprétation d’un brevet, notamment de ses revendications, est une tâche que la Cour doit accomplir avant d’examiner les questions de contrefaçon et de validité (Whirlpool, aux paragraphes 42 et 43). Les revendications doivent recevoir une interprétation téléologique donnant effet à leur signification telle qu’elle ressort de l’ensemble de la divulgation et des revendications (Whirlpool, paragraphe 49g)).

 

[31]           Il faut éviter de s’en remettre aux définitions des dictionnaires car une revendication ne doit pas être interprétée du point de vue du grammairien ou de l’étymologiste (Whirlpool, paragraphes 51 et 53).

 

[32]           La Cour suprême a clairement fait ressortir qu’il appartient au tribunal, et non aux experts des parties d’interpréter les revendications. Elle a dit, au paragraphe 57, de Whirlpool que le rôle de l’expert ne consistait pas à interpréter les revendications du brevet, mais à faire en sorte que le juge de première instance soit en mesure de le faire de façon éclairée.

 

[33]           Il est évident que, dans toute affaire de brevet chaudement débattue, les parties feront appel d’un côté et de l’autre à des experts dont l’opinion quant à l’interprétation des revendications différera, favorisant la thèse d’une partie ou de l’autre. La Cour demandera au besoin l’aide des experts pour qu’ils lui expliquent les termes dont le sens n’est pas déjà évident et qu’ils la renseignent, le cas échéant, sur les notions à considérer dans le brevet. En dernière analyse, toutefois, l’interprétation relève exclusivement du tribunal qui prend en considération l’ensemble de la description et des revendications et évite de s’en remettre strictement aux définitions des dictionnaires à l’égard d’une revendication.

 

[34]           C’est sur ce fondement que le brevet 493, et plus particulièrement la revendication 22, est interprété.

[35]           Le titre du brevet est éloquent : « Compositions thérapeutiques comprenant des énantiomères excédentaires ». Par conséquent, le lecteur est informé qu’il s’agit d’une composition qui est thérapeutique et contient un énantiomère en excédent.

 

[36]           La page 1 commence avec une description générale de l’invention indiquant que l’invention vise des compositions pharmaceutiques comprenant un [traduction] « mélange d’énantiomères d’amlodipine ».

[traduction] La présente invention vise des compositions pharmaceutiques comportant un mélange d’énantiomères d’amlodipine et possédant des propriétés antihypertensives et d’autres propriétés cardiovasculaires dérivées respectivement de l’activité de blocage des canaux calciques et de la capacité à libérer du monoxyde d’azote (NO) des énantiomères.

 

 

[37]           Le paragraphe suivant énonce ce qui n’est pas contesté par les parties : l’amlodipine est un médicament connu, un racémate, plus particulièrement un sel de bésylate.

[traduction] L’amlodipine est un agent de blocage des canaux calciques bien connu qui est utilisé dans le traitement de l’hypertension et de l’angine. L’amlodipine est une dihydropyridine présentant un centre asymétrique en position 4; elle est actuellement approuvée seulement pour administration sous la forme du racémate, plus particulièrement du sel de bésylate.

 

 

[38]           Les deux paragraphes suivants de la page 1 précisent que les énantiomères du racémate ont été isolés et identifiés comme des configurations R(+) et S(-) et que des propriétés médicinales particulières résident dans chacun. L’énantiomère S(-) présente l’activité de blocage des canaux calciques bien connue du racémate, tandis que l’énantiomère R(+) inhibe une certaine migration des cellules musculaires lisses vasculaires.

[traduction] Les énantiomères d’amlodipine ont été isolés (J Med Chem 29 1696 (1986), Arrowsmith et al.) et identifiés R(+) et S(-) (J Med Chem 35 3341-3344 (1992), Goldmann et al.). Il a été démontré que l’activité de blocage des canaux calciques du racémate réside largement, mais non exclusivement, dans l’énantiomère S(-) (J Cardiovasc Pharmacol 12 (Supp 6) S144, J W Rigby et al.).

 

Le brevet européen no 0754043 décrit la capacité étonnante de l’énantiomère R(+) de l’amlodipine à inhiber la migration des cellules musculaires lisses vasculaires, induite par le PDGF dans un système in vitro, dont l’effet peut se révéler utile dans le traitement des affections, telles que l’athérosclérose, la resténose après l’angioplastie et l’endométriose.

 

 

[39]           Finalement, au dernier paragraphe de la page 1, l’invention est divulguée. L’énantiomère R(+) possède une autre propriété, c’est‑à‑dire qu’il libère du NO (monoxyde d’azote), lequel a des effets thérapeutiques :

[traduction] Il est maintenant établi que l’énantiomère R(+) de l’amlodipine possède une autre propriété imprévue, plus particulièrement la capacité de libérer du monoxyde d’azote (NO), un vasodilatateur puissant et un inhibiteur de l’agrégation plaquettaire et des espèces actives de la nitroglycérine (Kidney International 49 S2-S5 (1996), Ignarro), des cellules musculaires lisses vasculaires et endothéliales (ci‑après appelé « NO vasculaire »).

 

 

[40]           Le paragraphe suivant, au début de la page 2, est extrêmement important. Il indique que le racémate ne devrait pas être utilisé parce qu’il impose une [traduction] « limite artificielle » à la quantité d’énantiomère R(+) pouvant être utilisée pour obtenir un effet thérapeutique :

[traduction] Lorsque l’amlodipine est administrée sous forme de racémate, les effets cardiovasculaires de l’énantiomère R(+) qui sont induits par le NO sont largement masqués par les puissants effets antihypertenseurs de l’énantiomère S(-). De plus, la quantité de racémate pouvant être administrée sans danger est limitée par l’activité hypotensive de l’énantiomère S(-) qui, lorsqu’en excès d’environ 0,5 mg/kg, peut donner lieu à des effets nuisibles tels qu’une baisse marquée et soutenue de la pression sanguine et une diminution du débit sanguin coronarien. L’énantiomère R(+), par ailleurs, devrait normalement procurer des effets cardiovasculaires bénéfiques à des concentrations excédant grandement celles auxquelles l’énantiomère S(-) commence à produire des effets indésirables. Ainsi, le racémate d’amlodipine impose une limite artificielle à la quantité d’énantiomère R(+) pouvant être administrée et prive le patient des effets cardiovasculaires bénéfiques complets de cet énantiomère.

 

[41]            Le paragraphe suivant de la page 2 énonce avec clarté le problème que le brevet vise à résoudre, à savoir obtenir le bon équilibre entre la quantité d’énantiomères S(-) et la quantité d’énantiomères R(+) afin de procurer les effets thérapeutiques appropriés attribuables à chacun :

[traduction] La présente invention vise à fournir des compositions d’amlodipine comprenant suffisamment d’énantiomères S(-) pour obtenir les effets antihypertenseurs et antiangineux désirés et suffisamment d’énantiomères R(+) pour maximiser les effets cardiovasulaires bénéfiques induits par le NO, en vue d’améliorer la circulation sanguine aux organes vitaux, tels que le cœur, les reins et le cerveau, par la vasodilatation et l’inhibition de l’agrégation plaquettaire sans perturber l’hémodynamique normale.

 

 

[42]           D’autres avantages sont ensuite détaillés avant une brève discussion concernant certaines études révélant les propriétés des énantiomères S(-) et R(+). Les résultats de ces études en ce qui a trait au NO libéré par l’énantiomère R(+) sont discutés dans les deux derniers paragraphes de la page 3. Il y est conclu que, si le racémate est administré en vue d’obtenir l’effet thérapeutique optimal du S(-), l’énantiomère R(+) fourni n’est pas suffisant pour permettre une libération optimale de NO.

[traduction] Tel qu’il a été précisé, la quantité maximale de NO libéré, mesurée par la production de nitrite, a été observée à une concentration libre de l’énantiomère R(+) de 109M ou 0,4 ng/ml; ce chiffre correspond à une concentration de protéines plasmatiques liées d’environ 30 ng/ml, soit environ cinq fois la concentration plasmatique optimale d’énantiomère S(-) (Amer J Cardiol 73 A10-A17 (1994), D N Abernethy et al.).

 

Il s’ensuit que le racémate d’amlodipine administré pour obtenir l’effet antihypertenseur optimal de l’énantiomère S(-) ne réussit pas à fournir suffisamment d’énantiomères R(+) pour une libération optimale de NO.

 

 

[43]           L’avocate des demanderesses insiste sur le mot [traduction] « optimale » (en anglais « optimum ») pour faire valoir que, implicitement, une libération sous‑optimale avec le racémate est quand même envisagée. Ce ne peut être le cas compte tenu de ce qui a été énoncé clairement au premier paragraphe de la page 2 dont il a été question plus haut, à savoir que les effets bénéfiques de l’énantiomère R(+) sont [traduction] « largement masqués » dans le racémate, que la quantité de racémate qu’il faudrait administrer entraînerait des effets nuisibles et que, par conséquent, une limite artificielle est imposée à la quantité devant être administrée, ce qui priverait le patient des effets bénéfiques complets. En d’autres termes, le racémate ne doit pas être utilisé seul si les effets recherchés sont ceux du NO libéré par l’énantiomère R(+).

 

[44]           Cette position est davantage renforcée aux pages 4 et 5 du brevet, où on y apprend, après divulgation des résultats de certains essais, que le rapport de S(-) sur R(+) est important puisque la présence de S(-) inhibe R(+); le R(+) doit toujours excéder S(-).

[traduction] Il s’ensuit que la dose de racémate d’amlodipine administrée en vue d’obtenir l’effet antihypertenseur optimal de l’énantiomère S(-) limite la quantité d’énantiomères R(+) disponibles pour offrir une protection additionnelle contre les dommages hypoxiques au cœur.

 

La présente invention permet donc d’avoir des compositions d’amlodipine où la quantité d’énantiomère S(-) présente varie de 1,25 mg à 5 mg et le ratio énantiomère R(+) versus énantiomère S(-) dépasse le ratio de 1:1 observé dans le racémate. Pour obtenir la combinaison désirée d’effets antihypertenseurs et d’effets cardiovasculaires induits par le NO, le ratio énantiomère R(+) versus énantiomère S(-) dans les compositions de l’invention varie généralement de 2:1 à 8:1, se situant idéalement aux environs de 5:1.

 

 

[45]           Ensuite, le premier paragraphe complet de la page 5 comporte un énoncé essentiel pour comprendre la revendication 22. Il y est indiqué que l’invention vise aussi les compositions comprenant l’énantiomère R(+) seul :

[traduction] La présente invention porte également que lesdites compositions peuvent contenir exclusivement l’énantiomère R(+) lorsque seuls les effets cardiovasculaires associés à des concentrations élevées de NO vasculaire sont requis, par exemple, dans le traitement de la dysfonction endothéliale résultant de l’ischémie et de la reperfusion du cœur.

 

[46]           Il est ensuite question dans le brevet de la combinaison de l’énantiomère R(+) à d’autres éléments, excluant l’énantiomère S(-) et le racémate, à savoir d’autres drogues tels qu’un inhibiteur de l’ECA ou un inhibiteur de la PDE5.

[traduction] Il peut également être utile de combiner l’énantiomère R(+) à une drogue cardiovasculaire offrant un autre mécanisme, par exemple, un inhibiteur de l’ECA, tel que ramaprilat ou quinapril, pour obtenir un effet additif ou synergique.

 

[…]

 

Une synergie similaire dans l’effet du NO pourrait être prévue pour l’énantiomère R(+) d’amlodipine combiné à un inhibiteur de la PDE5, laquelle combinaison est susceptible de potentialiser les réponses au NO libéré. L’inhibiteur de la PDE5 particulièrement préféré dans pareille combinaison pourrait être le sildénatil.

 

 

[47]           Le brevet expose ensuite la méthode de préparation des énantiomères R(+) et S(-) et décrit à la page 6 trois méthodes de préparation des mélanges enrichis, à savoir (1) en combinant des quantités appropriées de R(+) et de S(-); (2) en ajoutant du R(+) au racémate; (3) en préparant des cristaux mixtes contenant chacun le ratio requis de R(+) et de S(-). 

[traduction] Les mélanges d’énantiomères enrichis de la présente invention peuvent être préparés : (i) en combinant les quantités appropriées des deux énantiomères, (ii) en ajoutant une quantité appropriée d’énantiomère R(+) excédentaire au racémate d’amlodipine ou (iii) en préparant des cristaux mixtes contenant chacun le ratio requis d’énantiomères R(+) et S(-). Pour la préparation des mélanges enrichis suivant ces méthodes, l’invention vise la combinaison de deux bases libres, d’une base libre et d’un sel ou de deux sels. En outre, dans une combinaison de deux sels, le sel d’un énantiomère peut être combiné avec l’énantiomère ou le racémate de celui‑ci ou un sel différent.

 

 

[48]           Nulle part dans le brevet n’est‑il déclaré ou proposé que le racémate seul fournira des quantités thérapeutiques de NO. En fait, ainsi qu’il a déjà été mentionné, le premier paragraphe de la page 2 met en garde contre cette utilisation.

 

[49]           Pour comprendre la question en litige en l’espèce, il importe de savoir comment les énantiomères sont dérivés des racémates. Le brevet décrit ce processus aux pages 5 et 6. Le racémate est, de fait, chimiquement décomposé en diastéréoisomères. Ces diastéréoisomères sont séparés et puis régénérés pour créer les énantiomères.

[traduction] Les énantiomères R(+) et S(-) utilisés dans la préparation des compositions visées par l’invention peuvent être préparés par synthèse chirale à partir d’un précuseur pur optiquement convenable ou obtenus à partir d’un racémate d’amlodipine en utilisant une technique classique, par exemple, par résolution chromatographique à l’aide d’une colonne « chirale » ou par la préparation de diastéréoisomères, leur séparation et la régénération de l’énantiomère désiré.

 

Plus particulièrement, les diastéréoisomères peuvent être obtenus par réaction du racémate avec un acide ou une base active optiquement convenable. Les diastéréoisomères sont alors séparés, par exemple, par chromatographie ou cristallisation fractionnelle et l’énantiomère désiré est régénéré par traitement avec un acide ou une base approprié. L’autre énantiomère peut être obtenu à partir du racémate avec une méthode similaire ou préparé à partir des liqueurs de la première séparation.

 

 

[50]           Une description détaillée du processus est donnée dans les exemples 1 et 2, aux pages 10 à 12.

 

[51]           Le reste du brevet décrit d’autres questions telles que celles de savoir comment les énantiomères peuvent prendre la forme de comprimés ou d’autres voies d’administration et comment ils peuvent être administrés.

 

[52]           Le brevet contient 32 revendications dont aucune ne vise le racémate seul. Les revendications 1 à 21 et 24 à 28 visent directement ou indirectement une composition d’énantiomères R(+) et S(-) dans laquelle R(+) est excédentaire suivant des ratios allant de 1:1 jusqu’à 10:1. La revendication 5 et les revendications qui en dépendent visent à l’atteinte du ratio en mélangeant des cristaux R(+) et S(-). La revendication 8 et, en particulier, la revendication 9 visent à l’atteinte du ratio en mélangeant des cristaux R(+) avec un mélange de cristaux R(+) et S(-), y compris en mélangeant R(+) avec le racémate. La revendication 9 est la seule revendication qui fait mention du racémate ou de la composition racémique, et ce, dans un contexte où des R(+) excédentaires sont ajoutés. Les revendications 29 et 31 et les revendications qui en dépendent concernent un mélange d’énantiomères R(+) et d’un autre médicament tel qu’un inhibiteur de l’ECA ou de la PDE5. Par conséquent, il est reconnu dans les revendications que, dans la préparation d’un mélange, le R(+) peut être mélangé avec un racémate ou un élément tel qu’un inhibiteur de l’ECA ou de la PDE5.

 

[53]           Aucune revendication ne mentionne que le R(+) composant un racémate est en soi suffisant. Même la revendication la plus générale, soit la première revendication, exige un ratio R(+) sur S(-) supérieur à 1:1 (en n’oubliant pas que le ratio dans un racémate est 1:1).

 

[54]           Revenons maintenant à l’interprétation de la revendication 22, qui précise ce qui suit :

[traduction] L’énantiomère R(+) d’amlodipine, ou un de ses sels pharmaceutiquement acceptables, destiné à être utilisé dans le traitement d’une affection pour laquelle un agent de libération du NO vasculaire est indiqué.

 

 

Compte tenu de cette revendication et des principes énoncés par la Cour suprême dans Whirlpool, précité, il est évident et manifeste que la revendication 22 ne fait pas état du racémate. Lorsque l’on examine cette revendication à la lumière de la description et des autres revendications, comme le prescrit Whirlpool, il devient évident et manifeste que la revendication 22 vise une composition qui ne renferme essentiellement que l’énantiomère R(+) et qui est thérapeutiquement efficace dans le traitement d’une affection pour laquelle la libération de NO est indiquée. Le brevet écarte expressément l’utilisation du racémate pour le traitement de pareille affection.

 

d)  Le brevet 493 revendique‑t‑il le « médicament » de l’avis de conformité?

[55]           Il ressort de l’analyse qui précède que, même si la preuve non contredite démontre que l’avis de conformité du NORVASC vise le racémate, la revendication 22 vise l’un des énantiomères du racémate, soit R(+).

 

[56]           Pfizer décrit le racémate comme une composition de deux médicaments, les énantiomères R(+) et l’énantiomère S(-). Elle dit que, suivant le droit, lorsqu’un avis de conformité se rapporte à deux médicaments, un brevet portant sur l’un de ces médicaments peut être inscrit sur la liste en vertu du paragraphe 4(1) du Règlement.

 

[57]           À l’appui de cette proposition, Pfizer invoque l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Eli Lilly, précité, plus particulièrement les paragraphes 23 à 27 que je reproduis de nouveau ci‑dessous.

23     Dans le contexte de l’espèce, les parties conviennent que Tazidime est une drogue contenant de la ceftazidime, et que Tazidime est une drogue à l’égard de laquelle Eli Lilly a obtenu un avis de conformité. On a débattu en première instance le point de savoir si la ceftazidime est un médicament.

 

24     Selon la preuve, la ceftazidime est un antibiotique. Le lactose amorphe ne possède pas de propriétés médicinales, mais empêche la ceftazidime de devenir toxique en se dégradant. Une formulation de ceftazidime et de lactose amorphe qui fait l’objet de l’une des revendications du brevet 969 serait considérée comme un « médicament » au sens où ce terme est défini à l’article 2 du Règlement sur les MB(ADC) : Hoffmann‑La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social) (1995), 62 C.P.R. (3d) 58 (C.F. 1re inst.); confirmée par (1996), 67 C.P.R. (3d) 25 (C.A.F.). Toutefois, il me semble que la ceftazidime seule correspond également à la définition du « médicament ».

 

25    Le juge a fait le raisonnement que la ceftazidime, puisqu’elle est toxique en soi, n’est pas destinée à servir et ne peut servir au traitement d’une maladie ou d’un désordre. Je ne puis souscrire à cette conclusion. Un antibiotique ne cesse pas d’être un antibiotique simplement parce qu’il ne peut être utilisé dans l’organisme sans effet nuisible tant qu’il n’est pas combiné avec une substance qui l’empêche de devenir toxique en se dégradant. Il s’ensuivrait que, pour l’application du Règlement sur les MB(ADC), la ceftazidime est un médicament, qu’elle soit formulée ou non avec le lactose amorphe.

 

26     Il s’ensuivrait également que, pour paraphraser le paragraphe 4(1), Eli Lilly qui a obtenu un avis de conformité pour une drogue, Tazidime, qui contient un médicament, la ceftazidime, peut soumettre une liste de brevets à l’égard de la drogue Tazidime. Toutefois, le paragraphe 4(1) n’indique pas quels brevets Eli Lilly a le droit d’inclure dans la liste de brevets. Cette question se décide sur le fondement des alinéas 4(2)b) et 4(7)b).

 

27     Selon l’alinéa 4(2)b), la liste de brevets soumise à l’égard de Tazidime peut comprendre tout brevet qui comporte « une revendication pour le médicament en soi ». Le terme « médicament » à l’alinéa 4(2)b) doit avoir la même signification qu’au paragraphe 4(1). S’il en est ainsi, dans le cas d’une liste de brevets soumise à l’égard de Tazidime, tout brevet qui comporte une revendication pour la ceftazidime en soi, ou une revendication pour une formulation dans laquelle la cerftazidime est l’ingrédient médicinal actif, correspond aux paramètres définis à l’alinéa 4(2)b).

 

 

[58]           Dans cette affaire, la drogue pour laquelle l’avis de conformité avait été accordé s’appelait Tazidime. Cette drogue contenait un ingrédient actif, la ceftazidime, qui avait besoin d’une autre substance, le lactose amorphe, pour la rendre suffisamment moins toxique pour être administrée sans danger. La question à laquelle la Cour d’appel fédérale a donné une réponse affirmative était celle de savoir si un brevet visant l’ingrédient actif seul, la ceftazidime, pouvait être inscrit sur la liste. Comme l’a dit la juge Sharlow, s’exprimant au nom de la Cour, au paragraphe 25 :

Un antibiotique ne cesse pas d’être un antibiotique simplement parce qu’il ne peut être utilisé dans l’organisme sans effet nuisible tant qu’il n’est pas combiné avec une substance qui l’empêche de devenir toxique en se dégradant. Il s’ensuivrait que, pour l’application du Règlement sur les MB(ADC), la ceftazidime est un médicament, qu’elle soit formulée ou non avec le lactose amorphe.

 

 

[59]           Il est erroné de conclure que la Cour fédérale a affirmé que, lorsque l’avis de conformité porte sur une combinaison, un brevet visant l’un de ses composants peut être inscrit sur la liste. Dans Eli Lilly, précité, il y a toujours eu un seul médicament, la ceftazidime; l’autre composant n’était pas un médicament mais plutôt un ingrédient qui rendait le médicament moins toxique. Le seul médicament était la ceftazidime.

 

[60]           En l’espèce, l’avis de conformité porte sur le racémate, soit le bésylate d’amlodipine. Ce n’est pas simplement un mélange de deux énantiomères. Pour obtenir les énantiomères, le racémate doit être chimiquement décomposé, les éléments résultant sont isolés puis reconstitués en énantiomères. Il s’agit d’un remaniement chimique important des molécules.

 

[61]           L’avis de conformité ne fait mention que d’un seul ingrédient médicinal, le bésylate d’amlodipine. Il ne parle pas de quelque chose qui comprend deux composants. Il est tout simplement erroné de considérer que le bésylate d’amlodipine est un produit contenant deux médicaments.

 

[62]           Même s’il était considéré que le bésylate d’amlodipine contient deux médicaments, les conditions d’Eli Lilly ne seraient pas remplies puisque, dans cet arrêt, il n’y avait qu’un seul médicament dont, suivant le formulaire de l’avis de conformité, la toxicité avait été réduite non pas par un autre médicament mais par un composant n’ayant aucun effet médical en soi; il rendait tout simplement le médicament moins toxique.

 

[63]           Par conséquent, il est évident que le « médicament » inscrit dans l’avis de conformité, le racémate de bésylate d’amlodipine, n’est pas l’énantiomère R(+) de la revendication 22 du brevet 493.

 

Conclusion

[64]           L’analyse relative au « médicament » a été faite à partir du brevet lui‑même, de sa description et ses revendications et de la preuve non contredite. Il n’y a pas de différend important quant au droit. Même si, par souci de clarté, l’analyse faite a été longue, le résultat est évident et manifeste : le brevet 493 ne devrait pas être inscrit sur la liste de brevets en vertu des dispositions du paragraphe 4(1) du Règlement, compte tenu de l’avis de conformité en question.

 

[65]           Par conséquent, la requête sera accueillie et la présente procédure visant le brevet 493 sera radiée, les dépens étant adjugés à la partie qui a présenté la requête.


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS AUX PRÉSENTES :

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La requête est accueillie.

 

2.                  La présente procédure visant le brevet canadien 2,355,493 est radiée.

 

3.                  La partie qui a présenté la requête, Cobalt Pharmaceuticals Inc., a droit à ses dépens.

 

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                             T-768-06

 

INTITULÉ :                                                           PFIZER CANADA INC. et

                                                                                PFIZER INC.

                                                                                c.

                                                                                LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

                                                                                COBALT PHARMACEUTICALS INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                   LE 13 FÉVRIER 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                           LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                                          LE 19 FÉVRIER 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kamleh Nicola

Jana Stettner

        POUR LES DEMANDERESSES

 

 

Heather Watts

        POUR LA DÉFENDERESSE

        COBALT

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

TORYS, LLP

Toronto (Ontario)

        POUR LES DEMANDERESSES

 

 

DEETH WILLIAMS WALL, LLP

Toronto (Ontario)

       POUR LA DÉFENDERESSE

        COBALT

 

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